C’est en 1832 que Jean-Pierre Comeléran (1807-1872), fils d’un cultivateur de Montlegun, se lança dans le commerce en créant un premier magasin dans une ancienne maison de gravures, au numéro 28 de la rue de la Gare. Transféré ensuite sur une partie de l’emplacement de l’actuel Monoprix, il ouvrit une annexe un peu plus loin. En 1865, cette annexe fut jointe à la maison principale et dès lors, débuta une série d’agrandissements et d’inaugurations de nouveaux rayons qui aboutirent à la démolition de trois immeubles sur lequel il fut bâti le nouveau « Bazar Combéléran ». Cette transformation est l’œuvre de son fils Zephyrin (1842-1919) - Président du Tribunal de commerce de Carcassonne - qui obtint, par jugement du tribunal civil en date du 28 août 1976, que son nom de famille passât de Comeléran à Combéléran. Nous allons voir comment cet entrepreneur zélé réussit à développer l’affaire familiale en modifiant l’aspect de la principale artère commerçante de la ville.
© Martial Andrieu
Comme nous pouvons le remarquer sur cette unique photographie ci-dessus, le bazar Combéléran était réparti avant sa transformation sur plusieurs immeubles mitoyens. acquis au fil des années. A l’angle, la chapellerie Léon Arnal se trouve occupée de nos jours par la boutique Kindiliz, anciennement Chipie. En 1898, Zéphyrin Combéléran obtient l’autorisation de détruire ses immeubles afin de construire le nouveau bazar auquel il donnera plus le nom de « Nouvelles galeries ». Au printemps, les travaux de démolition débutent et M. Combéléran demande l’alignement pour son futur grand magasin. Fruit d’un long et douloureux débat, la municipalité Sauzède avait voté le 21 octobre 1897 pour l’élargissement de la rue de la gare de quatre mètres, ceci malgré l’alignement de 1869 qui ne le permettait que sur deux mètres. Le projet Combéléran relança une polémique qui s’était un peu apaisée, car l’élargissement de quatre mètres n’était pas sans conséquences pour les finances de la ville. Si toute la rue devait désormais se plier au nouvel alignement, ceci ne se ferait qu’au prix fort des expropriations et des procédures judiciaires. L’express du midi, informe ses lecteurs qu’étant « donné les frais considérables qu’entraîneraient les façades et les superficies à acquérir pour opérer l’alignement, les loyers, qui sont déjà fort élevés dans cette rue, attendraient des prix fantastiques que les commerce se refuserait à payer. Il est incontestable que, pour la plupart des immeubles, il faudrait recourir aux procès et aux jurys d’expropriation et la ville sait ce qu’il en coûte, soit par le différent Patry, soit par le différent Roumens, place aux herbes. »
Après avoir été déboutée par la préfecture suite aux préconisations du Conseil des bâtiments civils, la mairie va s’adresser au gouvernement afin d’obtenir gain de cause. Renvoyée vers le préfet de l’Aude Rouzier-Joly, la décision fut la même et la ville dut se contenter d’un recul de deux mètres. C’est la raison pour laquelle l’actuel Monoprix se trouve en retrait de la rue. Il l’est effectivement de deux mètres sur l’alignement, mais de quatre au niveau de l’entrée sur le côté saillant donnant rue de la République. Une entorse à la règlementation…
Le 15 mai 1899, les « Nouvelles galeries » sont inaugurées. Trois jours avant, le curé de Saint-Vincent était venu bénir le nouvel établissement à la demande des époux Combéléran, en réunissant l’ensemble du personnel. Dix ans plus tard, le patron fêtera en grande pompes l’anniversaire du magasin et mettra en avant les 77 ans de la création de l’enseigne. Zéphyrin Combéléran mourra le 4 juin 1919 à Carcassonne.
Jusqu’au début des années 1920, le nom gardera celui des « Nouvelles galeries » en restant dans le giron de la famille. La création de la Société des Galeries de Paris (Bazar, nouveautés, alimentation) dont le siège s’établit à Carcassonne, aura pour effet de prendre possession de l’ancien Bazar Combéléran. A cette époque, le bâtiment avait gardé sa structure d'origine : sous-sol, rez-de-chaussée et étage. On accédait à celui-ci par un escalier situé au fond et en face de l'entrée qui desservait l'étage d'où, en s'appuyant au balcon, on pouvait regarder le rez-de-chaussée. Quant au sous-sol, il fut inondé par un violent orage le 5 juin 1963.
La famille Coquille devant les Galeries de Paris
Dans les années 1970, le directeur est M. Georges Gros et son responsable national, Bruno d’Aboville. On parle alors de Galeries de Paris, Monoprix. Les vieux Carcassonnais disent encore qu'il vont faire leurs courses aux Galeries. Malgré la disparition de l'enseigne, le nom est resté dans le langage courant.
© Claude Marquié
Monoprix en 1978 lors de la piétonnisation de la rue Clémenceau
Monoprix, enseigne fondée en 1932 et désormais propriété du groupe Casino, rythme la vie commerciale du centre-ville de Carcassonne depuis plus de quarante ans. Si jamais Monoprix venait à fermer, ce serait la fin de l’ensemble des boutiques de la Bastide dans un secteur hautement sinistré par l’exode vers les zones à la périphérie. Aussi, chacun y va de sa prière et de ses incantations afin que ce bâtiment reste ouvert. Cette année il a fêté ses 120 ans ; une belle occasion pour lui souhaiter un bon anniversaire et un prochain ravalement de sa façade.
Sources
Recherches, synthèse et rédaction / Martial Andrieu
Courrier de l'Aude, Express du midi, Etat-Civil...
Photo en-tête : Midi-Libre
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