Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Carton rouge - Page 7

  • L'œuvre de Paul Lacombe à la guitare : un sale signe ?

    En parcourant internet, j'ai découvert qu'un concert en hommage à Paul Lacombe avait été donné sur la place du village de Salsigne dans l'Aude, le 7 août dernier. Jusque-là, on ne peut que s'en réjouir, d'autant plus que ce sont des élèves de la classe de chant de Perpignan qui étaient à l'ouvrage. Cette aubade estivale placée sous l'égide d'un festival associatif avait sans doute pour but de faire connaître le compositeur. Une initiative à saluer ! J'ai longtemps moi-même arpenté les méandres des décideurs culturels du département pour faire interpréter sa musique, sans succès. Je n'avais pas compris à l'époque que la programmation de Paul Lacombe dépendait trop de Martial Andrieu, qu'on ne voulait pas entendre. Toutefois, il fallait bien qu'au début quelqu'un se dévoue. N'ayant pas trouvé de subventions départementales pour faire venir le Trio Wanderer, ni Felicity Lott pour interpréter sa musique de chambre et ses mélodies dans les différents festivals qui jalonnent l'Aude. Of course ! On a quand même avec deux amis de l'Opéra de Limoges, joué sa sonate pour violoncelle et piano au festival de Carcassonne. Une première depuis près de cent ans.

    image.jpg

    © l'Indépendant

    Donc, les prodiges élèves de Perpignan chantèrent les mélodies de Paul Lacombe. Là, où le bât blesse c'est qu'ils furent accompagnés à la guitare, un instrument certes magnifique mais pour lequel Lacombe a écrit aucune note. Vous me direz, où se trouve le problème ? Entendrait-on les lieders de Schumann, de Schubert ou les mélodies de Duparc on se privant du piano pour lesquelles elle furent composées ? Eh ! bien, non. Tout simplement parce que l'accompagnement révèle toutes les qualités d'orchestration du compositeur. Que des élèves soient soutenus à la guitare n'est pas gênant en soi dans leurs salles du conservatoire. Mais, lors d'un concert... Si le compositeur est connu, le public se réfère à l'original et se fait une raison. On a déjà entendu des revisites, comme en pâtisserie, des airs de Carmen. Si le compositeur est à connaître, le public dira : C'est cela la musique de Lacombe ? 

    Cette réflexion primesautière sera sans doute confirmée par l'article du correspondant local de l'Indépendant qui dit ceci pour annoncer l'évènement : "Paul Lacombe (1837-1927) s'est consacré aux musiques de salons et airs d'opéra." S'il est bien malheureusement une chose que Lacombe n'a pas faite, c'est de composer une œuvre lyrique. Point d'airs d'opéra dans son catalogue ! Quant à sa musique de salon, c'est tout à fait réducteur. Certes, je ne dis pas que quelques bluettes sont venues égailler les soirées mondaines, mais tout de même... Il a composé trois symphonies, trois sonates pour violon, une sonate pour violoncelle, un quatuor, trois trios et des œuvres orchestrales. A chaque fois, elle eurent les honneurs de la salle Pleyel, concerts Colonne et Lamoureux, etc. 

    Le correspondant poursuit sa litanie ainsi en annonçant qu'un "travail est en cours pour adapter ses œuvres avec de jeunes instrumentistes du conservatoire de Perpignan : piano, violon, violoncelle, guitare..." La musique de Lacombe n'a pas besoin d'être adaptée par de pseudos arrangeurs ; elle a besoin qu'on lui donne les moyens d'être jouée. Bien entendu par des élèves, mais surtout par des Renaud Capuçon, des Véronique Gens, des trios Wanderer... Qui va déposer ensuite les droits d'auteurs sur ces arrangements à la SACEM, puisque les œuvres de Lacombe sont dans le domaine public ?

    Le bouquet final tient dans une phrase. Lors de ce concert : "On pourra suivre chronologiquement la vie de l'artiste à travers ses compositions et les influences des compositeurs qui l'on marqué : Rossini, Bizet, Berlioz..." Paul Lacombe n'a jamais été inspiré par Rossini. Il n'en parle jamais ! Si ces gens avaient pris le temps de lire ma biographie, ils auraient su que ses influences sont Schumann, Debussy, Saint-Saëns... 

    Si vous ne pouvez pas faire du bien à Lacombe, ne lui faites pas du mal !

    __________________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2019

  • Jean Mistler contre Marguerite Yourcenar à l'Académie française

    Il est des phrases prononcées devant des journalistes qui ont tendance à passer par la trape de l'histoire. Aussi, lorsque la candidature de Marguerite Yourcenar fut avancée en 1980 afin de remplacer le siège laissé vacant par le décès de Roger Caillois, l'ancien député Radical-Socialiste de l'Aude ne fut pas tendre. Celui qui avait été membre du Conseil National sous Vichy, puis Président de la délégation spéciale chargée d'administrer Castelnaudary nommé par le maréchal Pétain, avait fini sa brillante carrière intellectuelle comme Secrétaire perpétuel de l'Académie française. Depuis 1966, Jean Mistler avait remplacé sous la coupole l'ancien résistant Robert d'Harcourt, catholique engagé contre le nazisme. Celui qui vota les pleins pouvoirs à Pétain, s'opposa semble t-il à l'entrée de la première femme à l'Académie française. A son corps défendant, il ne fut pas le seul, dans un cas comme dans l'autre d'ailleurs... Parmi les défenseurs de l'illustre écrivaine, il y eut bien sûr Jean d'Ormesson. Jean Guiton avoua avoir voté contre : " Je pensais que l'Académie avait vécu 300 ans sans femme et qu'elle pouvait encore vivre 300 ans sans". Aujourd'hui, trente-huit ans après il serait impensable de l'entendre, bien qu'en "off" la misogynie demeure dans bien des cénacles. Le 6 mars 1980, Madame Yourcenar est élue avec 20 voix contre 12 à M. D'Orves, 3 nuls et 1 blanc. Elle le doit uniquement à son talent, et à une opinion publique largement en faveur de son élection. 

    Yourcenar.jpg

    © AGIP/Bridgeman Images

    Le couturier Yves Saint-Laurent lui dessina un uniforme car il fut admis qu'elle ne pût endosser l'habit, ni porter l'épée de l'académicien. Toute cette subtilité bien masculine et quelque peu méprisante, se retrouve dans les paroles de Jean Mistler ci-dessous. Il les prononça le 6 mars 1980 au Soir 3 de FR3, comme on disait à l'époque.

    "Il n'y a pas de misogynie. Il n'y a jamais eu de misogynie. Alors maintenant que se passera-t-il ? Je n'en sais rien, mais si les femmes croient que désormais les portes seront largement ouvertes, que chaque fois des femmes pourront se présenter avec quelques chances d'être élues, je crois qu'elles se tromperont et elles comprendront assez rapidement car les femmes, ne sont pas plus bêtes que les hommes.

    Nous ne savons pas si elle assistera aux séances. Certains ont dit plaisamment : "On peut bien voter pour elle, elle habite à 4000 kilomètres !". C'est une plaisanterie, mais les plaisanteries contiennent quelque fois un sens aussi sérieux que les affirmations les plus sérieuses. Mais si Madame Yourcenar vient voter, on sera enchanté de l'accueillir. Mais les gens qui commencent à nous ennuyer en nous proposant des costumes de femmes, nous leur répondrons très poliment que les costumes ne nous intéressent pas, que cela intéresse les tailleurs ou les couturiers."

    Yourcenar 2.jpg

    © AGIP/Bridgeman Images

    L'ironie de l'histoire... Après le décès de Jean Mistler, c'est une femme qui le remplacera. Il s'agit de la très illustre Hélène Carrère d'Encausse, connue pour ses ouvrages sur la Russie. Elle porte l'habit d'Académicienne... Comme quoi, il est des batailles qui se gagnent sur la durée. Prenons-garde aux tentatives de retour en arrière !

    _______________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2018

  • Le retour de la taxe de 1893 sur les vélocipèdes c'est pour très bientôt !

    D'après la presse nationale qui s'en fait l'écho ce matin, le gouvernement prépare pour 2019 dans le cadre de la loi d'Orientation sur les Mobilités (LOM), de rendre obligatoire l'immatriculation des bicyclettes. Selon ce texte, les montures devront donc faire l'objet d'un marquage spécial gravé sur le cadre "sous une forme lisible, indélébile, inamovible et infalsifiable" permettant sa "lecture par capteur optique". Mais ce n'est pas tout. Une fois marqué, le vélo devra être enregistré au "fichier national des propriétaires de cycles", et le propriétaire obtiendra un "certificat de propriété", soit l'équivalent d'une carte grise pour un automobiliste. Le cycliste devra être capable de présenter ce certificat, dont l'authenticité sera vérifiée en ligne. On ne parle pas d'argent pour l'instant, mais il sera question de verbaliser toute bicyclette mal garée sur la voie publique. Autrement dit, fini les antivols accrochés aux réverbères. 

    44337378_10216483729993449_4970397233108221952_n.jpg

    Je me suis alors souvenu que je possédais dans mes archives familiales quelques documents à ce sujet... Mon vieil oncle Paul Andrieu né en 1900 possédait une bicyclette, à une époque où les voitures n'étaient accessibles qu'aux plus fortunés. C'était donc son unique moyen de locomotion. Sous la IIIe République, le gouvernement instaura en avril 1893, une taxe annuelle sur les vélocipèdes. Le 1er juin 1893, chaque usager devait s'acquitter d'une redevance de 10 francs. Les possesseurs de bicyclette devaient ainsi se faire enregistrer auprès de la mairie de leur commune. Une plaque métallique mentionnant l’année de perception de la taxe, indiquait que le propriétaire du vélo s’était bien acquitté de l’impôt. En 1943, les plaques furent remplacées par un timbre fiscal. Cet impôt sera supprimé définitivement en 1959.

    44356046_10216483729153428_4932276447713689600_n.jpg

    Le vélo était immatriculé

    Le Président de la République serait-il finalement un inconditionnel du XXe siècle ? Celui du retour de la lutte des classes, des taxes inutiles, du prolétariat, des gens précarisés travaillant à la tache, etc. On devait en finir avec l'ancien monde, c'est plutôt son retour dans tout ce qu'il avait de cruel et difficile pour les petites gens.

    _____________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2018