Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Bâtiments privés - Page 6

  • Le lotissement du Moulin d'autan par l'architecte Henri Castella

    Le long de l’avenue du général Leclerc s’étend sur une centaine de mètres, le lotissement du Moulin d’Autan. Bien que sa dénomination ait quelque peu disparu du langage usuel, c’est ainsi que fut baptisé en 1953 cet immeuble de logements à loyers modérés. Le moulin d’autan, aujourd’hui cerné par les nombreuses maisons bâties sur la colline de la Gravette, surplombait l’ancienne R.N 113. En bordure de celle-ci, un terrain dépourvu de constructions allait, après la Seconde guerre mondiale, susciter l’intérêt des investisseurs à une époque où la France connaissait une grave crise du logement.

    Capture d’écran 2020-08-18 à 08.45.39.png

    Le lotissement du Moulin d'autan, avenue Leclerc

    Le 9 décembre 1953, MM. Romersa et Reynès, respectivement présidents du C.I.L.D.A (Comité Interprofessionnel du Logement de l’Aude) et de la Société Coopérative Départementale d’H.L.M, présentaient à la presse la maquette du lotissement du Moulin d’Autan. Dans les plans du bâtiment, dressés par l’architecte Henri Castella, dont la réalisation devait être confiée à l’entreprise Deville, figurait la construction de vingt-deux maisons mitoyennes de type F4 et F5 pour deux d’entre-elles. Ce qui pourrait paraître banal de nos jours en terme de confort, offrait à ces logements, au début des années 50, toutes les commodités indispensables à la vie d’aujourd’hui : douche, cabinet de toilette, penderies et placards, chauffage à air chaud, etc. A l’intérieur des vieilles masures du quartier populaire de la Trivalle, situé de l’autre côté de l’avenue, certaines familles vivaient encore comme à la fin du XIXe siècle. C’est peu dire de l’état du logement dans cet ancien faubourg de la Cité où désormais, s’achètent à prix d’or des maisons transformées en chambre d’hôtes.

    Capture d’écran 2020-08-18 à 08.47.42.png

    Financé par le Crédit Foncier de France, avec un prêt à la Caisse d’Allocations Familiales et grâce au 1000 francs par M2 subventionnés par l’état, ce projet voit le jour dès le mois de juillet 1953. Il sera renforcé par le décret du 9 août qui oblige les entreprises à participer à l’effort de construction par une contribution de 1 % de la masse salariale pour financer le logement social. La C.A.F se charge ensuite de trouver les heureux bénéficiaires parmi les familles dans le besoin rencontrant des difficultés pour se loger. Il s’agit pour elles d’accéder à la propriété en payant un loyer en fonction de leurs revenus en échelonnant l’emprunt sur cinq à dix ans. Pour exemple, un couple avec trois enfants dont le salaire n’excède pas 30 000 francs, paiera 10 000 francs de loyer, moins 7200 francs d’allocations logement, soit 2800 francs mensuels. Tout ceci exonéré d’impôts pendant vingt-cinq ans ! Le coût de chaque maison varie selon le type : 1 750 000 francs (F4) et 2 000 000 francs (F5).

    Les travaux préparatoire du terrain débutèrent le premier décembre 1953. Le terrassement s’acheva fin janvier 1954 et l’immeuble fut livré durant l’été de la même année. Henri Castella réalisa un ensemble harmonieux dans le style contemporain de l’après-guerre qui garde encore aujourd’hui toute sa valeur architecturale. Il s’entoura de l’artiste Carcassonnais Jean Camberoque qui exécuta des tuiles en céramique peinte pour la façade de chaque maison, financées par le 1% artistique. Cette obligation inscrite dans la loi du 18 mai 1951 et toujours en vigueur, est due à un Audois : le sculpteur René Iché (1897-1954) qui exécuta notamment le monument à la Résistance dans notre ville.

    Capture d’écran 2020-08-18 à 08.52.14.png

    Avenue Jules Guesde, quartier St-Jacques

    On doit également à Henri Castella et au C.I.L.D.A, la construction des maisons de l’avenue Jules Guesde dans le quartier Saint-Jacques et celles de la rue Joseph Bara, bâties avant 1953. Elles portent toutes le style du plus grand architecte contemporain de Carcassonne à qui il faudra bien jour rendre un hommage biographique. Là encore, sur chaque maison… une tuile de Camberoque.

    Capture d’écran 2020-08-18 à 08.54.34.png

    Constructions d'Henri Castella, rue Bara

    _______________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2020

  • Aux origines de l'Hôtel de police de Carcassonne, boulevard Barbès

    Dans quelques mois, un nouveau Hôtel de police entrera en service au lieu-dit « Prat Mary » situé près de la route de Limoux. Ainsi en ont décidé nos responsables politiques ! Il faudra alors que nos policiers déménagent et laissent un bâtiment jugé comme insalubre, dans lequel ils ont officié depuis les années 1950. Grâce à nos recherches, nous sommes désormais en mesure de retracer les origines de cet immeuble bourgeois, au cœur du boulevard Barbès.

    Capture d’écran 2020-02-02 à 15.11.58.png

    © La dépêche

    C’est en 1887 que débutent les travaux de construction de ce bel hôtel particulier érigé pour le compte de Charles Salaman (1830-1916), sur l’emplacement des anciens remparts de la Ville basse. Administrateur de la Caisse d’Epargne et président du Comité des courses de l’Aude, M. Salaman avait d’abord fait carrière dans l’armée comme officier de cavalerie. Il démissionna en 1860 afin de s’occuper de son domaine de Moussoulens et s’installa à Carcassonne dans la rue de la gare avec son épouse Louise Lamarque et ses trois enfants. Son seul fils, Henri, mourra en opération en 1910 avec le grade de capitaine d’artillerie coloniale. Ses filles, Claire et Marie-Claire épouseront respectivement Edmond Alègre de la Soujeole et Gaston de Rolland. Charles Salaman était également apparenté aux Laperrine d’Hautpoul par sa mère Jeanne Laperrine (1802-1879). Cette famille bourgeoise très aisée qui s’était alliée par filiation avec l’aristocratie audoise, fréquentait les partisans de l’Action française et prenait ses vacances d’été à l’hôtel Victoria de Biarritz. L’entrée de l’hôtel Salaman - c’est ainsi qu’on l’appelait - se faisait par le n°31 de la rue Voltaire et s’ouvrait par un grand porche par lequel entraient les voitures. Un cocher et deux domestiques constituaient le personnel de la maison.

    Capture d’écran 2020-02-02 à 18.30.04.png

    Entrée de l'ancien commissariat

    Jusqu’après la Seconde guerre mondiale, l’hôtel de police se trouvait rue Aimé Ramond dans ce que l’on nomme de nos jours, l’ancienne mairie. Très bientôt donc, le nouveau commissariat va ouvrir une nouvelle page de l’histoire de Carcassonne. Que va devenir l’hôtel Salaman ? Espérons qu’il ne restera pas trop longtemps fermé et qu’un acquéreur lancera les travaux nécessaires. Il le mérite !

    image.jpg

    © La dépêche 

    Maquette du futur Hôtel de police

    Sources

    Le courrier de l'Aude, L'Action française

    Etat-civil / ADA 11

    __________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2020

  • L'immeuble Fabre, une ténébreuse affaire de favoritisme municipal

    Voilà une affaire communale qui défraya la chronique locale pendant quatre années et qui finalement, aboutit à la condamnation de la ville à verser 10 000 francs de dommages et intérêts aux plaignants. Elle alimenta également les débats municipaux de vifs échanges par communiqués de presse entre les socialistes, aux affaires de la mairie, et leurs opposants radicaux. La droite, pendant ce temps, se contenta de compter les points en misant sur le désordre républicain pour tenter d’en tirer un bénéfice électoral. L’affaire de la Maison Fabre ainsi dénommée, mit en accusation le conseil municipal d’avoir fait bénéficier l’un de ses anciens adjoints, de quelques mètres carrés de terrain communal à un prix attractif. Ses voisins immédiats se sentant lésés finirent par revendiquer le même traitement, mais la contrainte fut telle qu’ils demandèrent réparation du préjudice auprès des tribunaux.

    Capture d’écran 2019-10-25 à 18.28.25.png

    © Google maps

    L'immeuble Fabre, Square Gambetta

    Le 29 octobre 1875, le sieur Guillaume Fabre, maréchal-ferrant de son état, envoya un courrier à la mairie afin de solliciter l’autorisation de démolir et de rebâtir une vieille masure à l’entrée de la rue du Pont-vieux. A l’endroit même où se tenait le café Sainte-Cécile, faisant face au square du même nom, le propriétaire demandait l’alignement à la ville pour refaire la façade et agrandir. La délibération du Conseil municipal en date du 3 février 1876 l’y autorisa suivant le prescription de la commission chargée de l’étude se conformant au plan d’alignement de 1869. La ville soucieuse d’embellir les pourtours du nouveau square Sainte-Cécile consenti 3,35 m2 de terrain dont 2,25 m2 gratuitement et le reste au prix de 15 francs le m2. Tout ceci, à la condition qu’il cède à la ville dans le futur, une partie de l’alignement contigüe à l’ancien café Delpech lui appartenant de l’autre côté de la rue. L’histoire devait en rester là, mais Guillaume Fabre cassa sa pipe et ne réalisa pas les travaux.

    Le fils Fabre Jean né en 1850, surnommé Casimir, après ses études de vétérinaire à Toulouse entra au Conseil municipal comme adjoint de son oncle François Teisseire, disciple de Marcou. Deux ans après la démission de Teisseire suite à l’affaire du Congrès des instituteurs dont nous avons parlé dans une chronique précédente, Casimir Fabre quitte la mairie. L’Inspecteur des viandes à l’abattoir déjà fragilisé par une fonction jugée arbitraire par l’opposition car octroyée par son oncle Teisseire, va se retrouver au centre d’une nouvelle tourmente.

    Le vétérinaire entendit poursuivre l’œuvre de démolition et de reconstruction que feu son père n’avait pas pu entreprendre. Le 6 avril 1886, le Conseil municipal autorise Casimir Fabre à reconstruite suivant le plan de façade conçu par l’architecte Bertrand et à se conformer à l’alignement moyennant l’acquisition d’une partie de terrain appartenant à la commune. Là où le bât blesse, c’est sur le prix de vente consenti que certains jugeront comme du favoritisme. La façade du nouvel immeuble devra être parallèle au boulevard du musée (Camille Pelletan) et les extrémités dans l’alignement du square et de la rue du Pont vieux.

    Capture d’écran 2019-10-25 à 18.28.45.png

    Défaut d'alignement, rue du Pont vieux

    Les sieurs Tardieu et Roger, respectivement taillandier et Cordier, voisins de Fabre aux numéros 50 et 52 montèrent aux créneaux. La construction de l’immeuble les positionnait désormais en recul de la rue, dans un angle où ils estimaient ne pouvoir jouir convenablement de leurs biens. A leur tour, ils saisirent la ville souhaitant reconstruire leurs maisons et obtenir l’alignement au prix du terrain consenti à Fabre. La réponse de la mairie fut celle-ci : « La commission invite Tardieu et Roger à refaire leur façade en élevant leurs maisons à la hauteur de l’immeuble Fabre. » C’est à cette condition qu’ils bénéficieraient du tarif qu’ils espèrent. Les deux hommes déclinèrent la proposition et se sentant lésés portèrent l’affaire en justice, aidés dans leur tâche par l’opportunisme politique de Sarraut. Au bout du compte, la mairie qui avait changé de maire en 1889 fut condamné par la Cour d’appel de Montpellier.

    Emile Bertrand. Académie d'architecture.png

    © Académie d'architecture

    Emile Gustave Bertrand

    L’immeuble Fabre parmi les plus beaux du quartier fut édifié selon les plans d’Emile Gustave Bertrand (1856-1913) en 1886. Cet architecte né à La Redorte dans l’Aude auquel nous consacrerons une chronique conçut les plans de la salle des fêtes du Jardin d’acclimatation à Paris où s’était établi avec sa famille. A Carcassonne, il réalisa le Groupe scolaire Jean Jaurès qui fut achevé par Paul Enderlin et son fils, Jean Bertrand (1887-1941). Emile Bertrand fut élément le beau-père d’Henri de Monfreid. Quant à l’immeuble Fabre dont nous ne savions rien de son architecte jusqu’à cet article, il fut occupé par le grand magasin de vêtements « Universel Magasin » jusqu’en 1893. La pharmacie actuelle n’en possédait qu’une moitié au début du XXI siècle, l’autre partie étant prise par la station service Choy. 

    Sources

    Le courrier de l'Aude, Le Rappel, La Fraternité

    Délibérations du Conseil municipal 

    Archives de l'Etat-civil

    Photo en Une / Nathalie Amen-Vals

    ____________________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2019