Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Bâtiments privés - Page 2

  • Inédit ! Carcassonne en 1880, comme vous ne l'avez jamais vue !

    Lorsque Léopold Petit, tout fraîchement sorti de l’Ecole des Beaux-arts de Paris, arrive à Carcassonne en 1868, il nourrit l’ambition de redessiner cette ville à l’image de ce que Napoléon III a entrepris dans la capitale. Le nouvel architecte de la ville, à qui l’on reprochera - pour justifier son discrédit - de n’être pas né  ici, a la ferme intention de tout démolir pour reconstruire. Toutes ces maisons lui paraissent affreuses ;  ces rues étroites, étriquées et sans caractère enfermées  à l’intérieur des vestiges des remparts médiévaux, nuisent à l’embellissement et au développement économique. Tout au long de son exercice municipal, c’est-à-dire jusqu’en 1875 et même au-delà puisque l’architecte sera adjoint au maire, Léopold Petit se heurta aux conservatismes . En 1897, il déclara lors qu’il souhaite élargir la rue de la gare : « Si on y va timidement, que l’on se contente de dire nous sommes pauvres, la ville de Carcassonne sera toujours dans sa vieille routine, on y vivra comme des escargots. Notre chance est absolument nulle et rien ne se fera à Carcassonne étant donné l’état des esprits, ne se contentant qu’à des demies mesures et jamais à des travaux franchement élaborés. »

    Capture d’écran 2021-01-22 à 14.11.39.png

    La promenade Saint-Michel (Bd Barbès)

    Le plan d’alignement, ancêtre du Plan Local d’Urbanisme actuel, est dessiné en 1869 par le voyer-municipal Cayrol. Il définit pour la première fois et pour les décennies à venir, une vision urbanistique de la ville. Toutefois, Léopold Petit regrette qu’aucune disposition n’ait été prévue pour élargissement de la rue de la gare. Les alignements de 2 ou 4 mètres sont ridicules, quand il faudrait faire de cette artère une vaste avenue telle qu’on la voit à Toulouse, par exemple. Tout son projet urbain s’articule autour de cette rue, appelée de ses voeux à devenir les Champs-Elysées de Carcassonne. 

    Capture d’écran 2021-01-22 à 14.14.09.png

    Le Jardin des plantes (actuel square Chénier) fut d’abord un terrain vague n’appartenant à presque personne mis à part ceux qui y aillaient cueillir les fèves nécessaires à l’Artichaut. Ce dernier étant autrefois un quartier autour de l’église Saint-Vincent. Cette pratique disparut après l’édification de l’école laïque du Bastion ; elle était si enracinée qu’elle donna le nom à la porte qui fermait encore la rue Tomey en 1820, voisine du quartier de l’Artichaut. On l’appelait alors « lé pourtal dé pano fabos ». C’était un quartier infect, sordide, mal famé, dangereux même malgré le voisinage de la gendarmerie casernée dans l’immeuble de l’actuel ancien café continental de Pavanetto. Ce quartier n’était peuplé la nuit que de gens de mauvaise vie qui disparurent lorsqu’on installa le réverbère municipal en 1825. Les édiles d’alors acquirent le champ aux fèves, alignèrent les allées, érigèrent des vasques et portèrent en triomphe sur un piédestal de granit, la colonne de marbre incarnat oubliée chez un carrier de Caunes-Minervois, pour le Trianon du château de Versailles.

    Capture d’écran 2021-01-22 à 14.04.14.png

    La villa du Tivoli, bd Omer Sarraut

    Entraînée par l’essor de la viticulture audoise, la ville de Carcassonne entreprend sa mue architecturale à partir de la fin des années 1870. Une grande compagnie financière attirée par sa prospérité se propose d’étudier les projets de réfection de la rue des Carmes (actuelle piétonne). Elle a semble t-il compris, dit-on, que cette rue avait plus d’avenir encore que la rue Alsace-Lorraine à Toulouse. Pour se faire, la compagnie en visite à Carcassonne a posé les premiers jalons d’une voie large et grandiose, commençant à la gare et finissant au Portail des Jacobins. Au Jardin des plantes (square Chénier), elle souhaite acquérir les deux premières allées pour y construire un magnifique boulevard en vis-à-vis de la nouvelle école du Bastion. Imaginez donc, une espèce de boulevard de Rivoli sur l’actuel Tivoli (Bd Omer Sarraut) s’étendant jusqu’à la rue Antoine Marty avec à son extrémité un quai d’embarquement sur l’Aude, à l’endroit de l’actuel Pont de l’Avenir. Tout ceci décoré de beaux et riches immeubles de style hausmannien.

    La rue de la gare élargie autant qu'une avenue, aurait en perspective d’un bout à l’autre, la gare et les Jacobins. Léopold Petit souhaite que la statue de Barbès qui est en cours de réalisation avec son piédestal de granit, soit posée face au Portal des Jacobins ; là, où se trouve actuellement la fontaine. Sur la manutention militaire où l’on érigera l’Hôtel des Postes en 1906, l’architecte municipal a dessiné le projet d’une place de la Bourse avec une galerie s’étendant depuis la place Carnot jusqu’à boulevard Jean Jaurès. Sur l’actuelle école J. Jaurès, un nouveau théâtre municipal. Ainsi, en sortant du spectacle on aurait en perspective la fontaine de Neptune, place Carnot. Hélas ou tant mieux, selon que vous en jugerez, il n’y eut point d’élargissement de la rue des Carmes. La compagnie financière se désintéressa de Carcassonne, échaudée par le manque de volonté à voir ses projets aboutir et l’état d’esprit général.

    Malgré tout, l’initiative privée viendra au secours d’une ville exsangue, mal gérée par des conseils municipaux passant leur temps à se déchirer plutôt qu’à œuvrer. Cet article de 1881 paru dans un journal local et que nous retranscrivons, met en avant les transformations de Carcassonne obtenues grâce l’eldorado viticole. 

    Capture d’écran 2021-01-22 à 14.09.15.png

    Immeuble Fabre, réalisé par l'architecte Bertrand

    "Je vois partout des magasins somptueux, d’élégantes vitrines, des trottoirs commodes, l’architecture court les rues. Les masures deviennent des maisons, les maisons des palais et les anciennes demeures aristocratiques, la propriété cardinalesque des tailleurs et des marchands de grains. Les habitants eux-mêmes ont fait peau neuve et ne jouissent plus de cet air piteux et pauvre qui donnait froid dans le dos ; les hommes sont très bien et les femmes encore mieux ; on va se faire coiffer chez Mignot et tailler des vestes par Belloc.

    Capture d’écran 2021-01-22 à 13.49.50.png

    Immeuble Bastide, conçu en 1877 par Marius Esparseil

    Sur les boulevards quantité de millionnaires ou à peu près ; autant de promeneuses cherchant à le devenir ; on compte cinquante cafés, un Alhambra, deux casernes, l’Alcazar et Sainte-Cécile, les Folies-Carcassonnaises, un casino et water-closets.

    Capture d’écran 2021-01-22 à 12.07.58.png

    Façade avec ses cariatides réalisée par L. Petit, Bd Jean Jaurès

    Dans l’intérieur de la ville, l’affreuse boutique a disparu, vous rencontrez des jalousies, des balcons, des rotondes, des voltes et des archivoltes, le chapiteau grec et la colonne corinthienne ; puis des objets d’art et de consommation inconnus jusqu’alors, des vases, des statues, des tableaux, des lithographies, des médailles et monnaies antiques, la porcelaine de Chine, le santal du Japon, du pain d’épice et des huitres.

    Capture d’écran 2021-01-22 à 13.28.14.png

    Immeuble Combéléran (1885) par l'architecte Marius Esparseil

    Les hôtels regorgent, la monnaie ruisselle, les primeurs s’enlèvent, les pâtissiers ne dorment plus et les bouchers sont sur les dents. Ah ! Bourgeois de 1830, toi qui n’avait que le couvert pour tout potage et le gloria chez Polycarpe pour distraction, que dis-tu des bazars, des caravansérails, des maisons éventrées, des remparts démolis, des rues ouvertes, des halles construites, des journaux, des kiosques et de la portion en plein vent ? L’âge d’or n’est plus un mythe, tu l’as, il a pris naissance sous une feuille de vigne et domicile au Comptoir d’Escompte. 

    Les cafés pouvaient -ils rester en arrière du progrès ? Les cafés qui sont aujourd’hui, la Maison, l’Eglise et la Bourse ont dû faire du luxe par raison. Depuis Marsal qui commença la danse et que suivirent avec entrain Delpon et Bec, cinquante café se sont mis à la queue-leu-leu rivalisant de fioritures et d’ornementations. Mais pour construire convenablement ces cafés et créer des espaces, il a fallu souvent faire des tours de forces d’architecture dont seuls étaient capables l’argent et la science.

    Capture d’écran 2021-01-22 à 13.32.16.png

    Le Café Rieux, actuellement La brasserie 4 temps (Portail des Jacobins)

    Le plus fort des tours est celui que vient d’exécuter à la force du poignet, Rieux successeur de Bec. Ce café, primitivement, possédait deux salles, plus un restaurant séparés par des escaliers immondes et une cour infecte. Aujourd’hui, ces trois salles sont réunies en quelque sorte, réunies par un escalier très élégant et un hardi percement du mur qui fait le plus bonheur à l’ouvrier qui l’a entrepris. C’est admirable comme perspective et comme goût ; aussi les consommateurs abondent-ils chez Rieux, et y trouvent ce qui peut plaire à une clientèle oisive, une terrasse ombragée, des glaces à se sucer les doigts et un billard dirigé par Vignaux n°2. Le restaurant, lui, n’a pas besoin d’éloges, car il a fait ses preuves depuis longtemps.

    Faire un pareil déjeuner à Carcassonne, lire quatre journaux du crû, boire de l’eau à la Cité, compter les maisons et les fortunes nouvelles, rencontrer des gens qui changent la fuchsine en vin de Bordeaux, la vieille bourre en drap de Sedan, l’amidon en lait de vache et les canards en nouvelles ; voir ma ville fringante et animée, assister à la résurrection de mon pauvre Lazare, qui fait la belle jambe, joue au bésigue, reste fidèle à son député, crée des écoles, fonde des hospices, construit des hôpitaux, et enfin s’enrichit avec l’impôt sur les alouettes, me donne le droit de restait stupéfait et de dire que Carcassonne est une ville remplie de miracles."

    Capture d’écran 2021-01-22 à 13.42.13.png

    Immeuble Fafeur, square Gambetta

    Durant cette grande période de progrès technique, de prospérité économique à Carcassonne, la ville pouvait envisager de grandes transformations urbaines. Elle ne le fit qu’à la marge grâce essentiellement à l’initiative privée de quelques propriétaires fortunés, disposés à faire bâtir de beaux immeubles. On considéra avec peu de sérieux les projets, jugés grandiloquents, de l’architecte Petit taxé de parisianisme. Les municipalités républicaines qu’il ne faut pas blâmer, préférèrent dépenser l’argent communal à des œuvres sociales jugées comme plus utiles. La sauvegarde du patrimoine et l’urbanisme ne les ont pas beaucoup concernés. Ceci malgré des caisses municipales toujours en déficit, où la politique idéologique prima sur le développement économique. Comme nous l’avons indiqué plus haut, les constructions nouvelles se firent à la marge sans réelle harmonisation urbaine. A la tête du client, la ville permit à l’un ce quelle défendit à l’autre…

    Capture d’écran 2021-01-22 à 14.26.51.png

    Maison Olivet, place Carnot (1886)

    Afin d’élargir, il fallait forcer le propriétaire à se mettre à l’alignement et donc céder une partie du terrain à la commune. Les accords sur le prix accordé au m2 se disputèrent devant les tribunaux avec des procédures à long terme. A titre d’exemple, l’obligation de recul et l’alignement des nouvelles constructions sur le côté Est de la place Carnot mettront trente ans. Tracez donc une ligne droite depuis le bord de la Société générale jusqu’à la Rotonde et voyez tout ce qu’il fallait faire reculer pour obtenir l’élargissement de la rue. Faites la même chose à partir de la base de Monoprix.

    Capture d’écran 2021-01-22 à 12.05.57.png

    Exemple inharmonieux d'alignement dans la rue Clémenceau

    Entre 1919 et 1939, la municipalité Tomey souhaita faire appliquer cet élargissement dans le cadre de son plan d’embellissement ; elle dut se résoudre à l’abandonner malgré quelques résultats. Ce qui fait qu’aujourd’hui, nous nous trouvons dans cette rue avec des immeubles alignés et d’autres reculés. Qui sait ce que serait aujourd’hui notre ville si l’on avait écouté un certain Léopold Petit…

    Sources

    Le bon sens, Le courrier de l'Aude, la Fraternité, Le rappel de l'Aude

    Délibérations du conseil municipal

    Photos et collection

    Martial Andrieu

    _____________________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2021

  • Inédit ! L'ancienne Banque Commerciale de l'Aude, 31 rue Victor Hugo

    Lorsque l’on se promène à l’intérieur de la Bastide Saint-Louis, on peut être saisi par le nombre de très beaux immeubles aux volets clos. Nous avons souhaité nous intéresser au n°31 de la rue Victor Hugo faisant angle avec la rue Jules Sauzède. Au-dessus de l’imposte de la porte d’entrée figurent encore en lettres gravées : Banque Commerciale de l’Aude. À partir de cet indice, nous avons tenté de redonner vie à cet lieu, aujourd’hui à l’abandon. 

    Capture d’écran 2021-01-18 à 16.22.06.png

    Né à Perpignan en 1810, Prosper Montès vient enseigner au Collège de Carcassonne les mathématiques spéciales. En 1838, il se marie avec Marie Loubet qui donnera naissance trois ans plus tard à un fils ; celui-ci deviendra juge au tribunal de Céret. Prosper Montès quitte ensuite le collège et crée une Institution d’enseignement privé au 31, rue du Grand Séminaire. Il s’illustre également comme l’un des fondateurs de la Société des Arts des Sciences de Carcassonne. Cet homme, éprouvé par la perte prématurée de son fils unique, va dès lors laisser l’enseignement et se lancer dans une carrière de banquier. L’Institution Montès est cédée à M. Chosset et l’ancien professeur s’associe avec MM. Raymond Sarraute (négociant) et Charles Louche (banquier) pour former une société d’Escompte et de recouvrement des effets de commerce. Une partie des locaux du numéro 31 est partagée entre l’Institution Chosset et la nouvelle banque. Le 15 novembre 1883, les trois associés se déplacent au 77, Grand rue (rue de Verdun).

    Capture d’écran 2021-01-17 à 10.04.14.png

    Le décès le 2 janvier 1890 de Raymond Sarraute oblige les Prosper Montès et Charles Louche à réorganiser la direction de la banque. Désormais la Société Montès et Charles Louche et Cie au capital d’un million 200 000 francs prend le nom de Banque Commerciale de l’Aude pour une durée de dix ans, du 1er juillet 1890 au 31 décembre 1900. Parmi les membres du conseil de surveillance on retrouve de grands négociants et hommes d’affaires Carcassonnais : MM. Louis Bertrand, Pierre Castel, Armand Cavaillès, Edouard Cuin, Léon Delpon, Philippe Magné, Henri Pullès, Charles Ramel et Emile Roumens. Les bureaux reviennent au 31, rue Victor Hugo.

    Capture d’écran 2021-01-18 à 16.24.30.png

    Trois ans plus tard, c’est Charles Louche qui, le 13 mars 1893, est emporté par la maladie. Prosper Montès, l’unique fondateur, s’entoure alors de Robert Saurel et de Paul Coste, employés de banque. Un changement qui ne dure pas puisque Prosper Montès s’éteint le 4 juillet 1894 à l’âge de 84 ans. Le 17 juillet 1894, la Banque Commerciale de l’Aude devient Saurel, Coste et Cie suite à un acte de sous seing privé dressé par Maître Bausil, notaire à Carcassonne. L’immeuble de Prosper Montès affermé à la Banque Commerciale de l’Aude jusqu’en 1900 pour 4500 francs annuel est mis alors en vente par ses héritiers. Robert Saurel, son épouse Marie Salvaire et son fils Raymond s’y installent. C’est ce dernier qui reprend les affaires à la mort de son père avec un nouvel associé M. Labrousse puis avec M. Sibra. La Banque commerciale de l’Aude et Banque du Roussillon réunis possèdent des bureaux à Castelnaudary, Limoux et Sigean et deux succursales : la banque Cazaban et Cie à Carcassonne et la banque Joreau et Cie à Narbonne. Ses principes activités résident dans le prêt accordé aux viticulteurs.

    Capture d’écran 2021-01-18 à 16.25.56.png

    Agence de la CACB à Orleansville (Algérie)  en 1959

    En 1959, La Compagnie Algérienne de Crédit et de Banque (CACB), fondée en 1948, rachète plusieurs établissements dont la Banque Commerciale de l’Aude et Banque du Roussilon réunis. L’absorption de l’établissement Carcassonnais signe la fin de l’indépendance de la Banque Commerciale de l’Aude fondée en 1890. Il ne reste que plus que le titre sur l’immeuble du 31, rue Victor Hugo et certainement quelques souvenirs dans la mémoire de nos lecteurs.

    ______________________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2021

  • Aux origines de la construction du cinéma l'Odeum, rue Antoine Marty

    © A. Machelidon / La dépêche

    Au mois d’août 1926, l’architecte Paul Enderlin présente un projet de construction d’une salle de cinéma dans la rue Antoine Marty, à la demande de Gaston François Deumié. Né à Mazerolles-du-Razès dans l’Aude le 1er février 1893, cet entrepreneur de spectacle a déjà dirigé la saison théâtrale de Pâques à Carcassonne en 1922 et 1923. La municipalité Tomey l’autorise le 26 septembre 1926 a bâtir un immeuble à usage exclusif du cinématographe sur un terrain ayant appartenu à Louis Bertrand. 

    Odeum 2.jpg

    La façade dans les années 1930

    Le bâtiment, avec sa façade Art-Déco de 20 mètres, sera édifié entièrement en béton armé couvert partie en terrasse, partie avec charpente métallique recouverte de fibro-ciment ondulé. Cinq portes d’accès dont deux pour le bar et le vestiaire, formeront un front de dix mètres de largeur sur la rue.

    Odeum 2006 hall.jpg

    © Isabelle Debien

    Le hall d'entrée en 2006

    Dans le hall, la billetterie disposera de deux doubles guichets à proximité de la direction et de la surveillance. On accèdera à la salle par six portes à partir du hall et par à la galerie par deux escaliers de 26 marches. La salle au parterre comprendra 300 places  (3e catégorie) et 464 places (2e catégorie) ; la galerie, 309 places (1ère catégorie) et 51 places dans les loges. Soit au total avec les strapontins, 1124 places assises. Au-dessous de l’écran, la scène pour loger l’orchestre sera mobile. La cabine de projection construite en béton armé sera accessible par un escalier de service. De nombreuses issues de secours donneront sur la rue Antoine Marty et sur la cour de l’immeuble vers la rue Hugues Bernard. 

    Odeum 2006 salle 4.jpg

    © Isabelle Debien

    La salle en 2006

    Les conditions de sécurité exigent un poste d’eau muni de tuyaux et de lances au rez-de-chaussée et à l’étage, ainsi qu’un poste de pompier. Le piquet d’incendie ne devra jamais être inférieur à deux hommes pour les représentations. La cabine de projection devra contenir une cuve de minimum un demi-litre, interposée entre le condensateur de lumière et la pellicule.

    Il était en usage à l’époque de donner des noms antiques aux théâtres. À Carcassonne, la nouvelle salle s’appellera l’Odeum ; un lieu dans la vieille cité d’Athènes qui était destiné aux exercices de chant et de poésie. Divers théâtres se fondèrent sous ce nom dans plusieurs états grecs et même à Rome. 

    Fiche spectacle.jpg

    © Isabelle Debien

    Gaston Deumié n’entend pas seulement offrir au public des projections de cinéma. Dans un courrier adressé au maire, il sollicite le 9 juin 1927 le classement de l’Odeum en salle de spectacle : « Le but de la direction a été de créer à Carcassonne une salle de spectacle qui ne soit, ni exclusivement populaire, ni exclusivement sélect mais qui puisse réunir à la fois et sans gêne réciproque les places à bon marché, les places moyennes et les places de luxe. » L’inauguration a lieu le 8 octobre 1927 avec la projection du film  muet La châtelaine du Liban, réalisé par Marco de Gastyne. L’orchestre de six instrumentistes dirigé par M. Estève illustre en direct les mouvements et les sentiments des acteurs sur l’écran. L’école de musique de l’Odeum créé le 18 octobre 1928 se propose même de former de futurs musiciens sous la direction de Gabriel Dutrey, professeur de musique au Conservatoire de Toulouse et chef d’orchestre du cinéma. Le nouvel équipement de la salle en parlant avec des appareils Western Electric, viendra mettre fin aux indispensables orchestres du muet, à la fin de l’année 1930.

    Odeum 3.jpg

    © Martial Andrieu

    L’Odeum fait également la part belle à des pièces de théâtre de boulevard aux titres évocateurs comme Prête-moi ta sœur (1928) et Mon curé chez les riches (1929). Il accueille les conférences politiques comme celle de Philippe Henriot en novembre 1929 ou le Congrès des Jeunesses Radicales en avril 1937. Toutefois, la salle ne perd jamais sa  vocation artistique dont la plus notable est la venue de Joséphine Baker et de ses 19 boys, au mois d’avril 1934.

    Baker_Charleston.jpg

    La revue nègre de Joséphine Baker

    À cette époque, Deumié a laissé la direction à François Fargues avant de la reprendre deux ans plus tard. Il se retrouve à la tête de trois établissements culturels après la Libération : l’Odeum, le Grand Casino d’Alès et l’Élysée de Limoux. Ce dernier avait été également construit par Paul Enderlin.

    Capture d’écran 2020-12-07 à 14.18.55.png

    L'Élysée à Limoux, œuvre de Paul Enderlin

    Dans les années 1950, Gaston Deumié possède Le Vox, sur le boulevard Jean Jaurès à Carcassonne avant d’en changer l’enseigne le 29 septembre 1956 pour Le Boléro. Il meurt le 26 septembre 1977 à Carcassonne. Son héritier, M. Bonnafous, mettra en vente Le Boléro et l’Odeum en janvier 1979. Le premier sera transformé en garage automobile, le second continuera à être exploité en cinéma jusqu’en 2007. Acquis par la ville de Carcassonne à la société C.G.R, il fait actuellement l’objet de travaux afin d’être aménagé en Maison des associations.

    image.jpg

    © Claude Boyer / L'Indépendant

    Un grand merci à Isabelle Debien pour son aide

    __________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2020