Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Bâtiments privés - Page 5

  • Les secrets révélés d'un bel immeuble, 44 rue de la République

    La Bastide Saint-Louis recèle de véritables trésors architecturaux du XVIIIe siècle. Nous le savons, ils sont le fruit de l’opulente réussite des marchands drapiers. Ce qui demeure encore méconnu et non étudié, ce sont les immeubles Art-nouveau non encore inventoriés. Au détour d’une rue, le touriste curieux ou l’autochtone errant peut être arrêté par la beauté de l’une de ces façades richement ornementées. Qui pour le renseigner sur leur histoire ? Si aucun érudit n’a entrepris de recherche, les professionnels du tourisme sont incapables de relayer une seule documentation sur le sujet. C’est bien regrettable… Dans notre quête permanente de ce Carcassonne oublié, nous nous mettons régulièrement dans la peau de ce touriste curieux, frustré par tant de silence.

    En arpentant le haut de la rue de la République, une maison attire notre regard. Le numéro 42, buriné sur la façade comme gravé pour l’histoire, rappelle le souvenir jadis florissant de cet immeuble. En 1729, le marchand drapier Jean Faucher possédait là une parcelle sur le Carron de Montlaur ; bien avant que Anne Laforgue (1774-1861), veuve du bourrelier Vincent Isaac Rech (1763-1831), ne vienne habiter à cet endroit. Au n°8 de la rue du marché, leur fils Antoine Vincent (1808-1876) exerçait la profession de vitrier avec son épouse Pauline Bosviel, la fille d’un fabricant de la manufacture de Montolieu. C’est ici que naquirent Marie Pauline en 1836 et Marc Antoine Justin en 1842. Le couple déménagea après le décès d’Anne Laforgue dans la maison qu’elle occupait 42, rue Sainte-Lucie ; cette rue qui porte depuis 1883 le nom de la République.

    Capture d’écran 2020-09-23 à 16.01.18.jpg

    Antoine Rech y installa son atelier de miroiterie. Aidé dans sa tâche par son fils Justin, il effectuait des travaux d’encadrement, de dorure et de peinture. La Maison Rech, ainsi dénommée, avait construit sa réputation sur le sérieux et la qualité de ses produits. Artisan reconnu, Antoine Rech n’en était pas moins un fervent républicain qui n’hésita pas à louer une partie de ses locaux à la franc-maçonnerie. Lui ou son fils en étaient-ils membres ? Nous le soupçonnons sans toutefois en avoir la certitude. Le 26 octobre 1862, la loge « Les vrais amis réunis » du Grand Orient de France est inaugurée à l’intérieur de la Maison Rech. Quatre ans plus tard, elle sera priée de trouver un autre local avant une mise en sommeil de plusieurs années ; Antoine Rech souhaite passer la main à son fils avec lequel il va v aller vivre, rue Sainte-Lucie. Il commence à liquider son stock puis à vendre le n°8 de la rue du marché à M. Camboulive en 1873.

    Capture d’écran 2020-09-23 à 15.56.52.png

    Dès lors, le 42 devient un lieu de réunions politiques. A la mort de son père, le fils Rech qui occupe les fonctions d’administrateur délégué de la Société démocratique puis de trésorier du Cercle républicain, accentue son œuvre en faveur de la République. Trouve t-on extraordinaire que Théophile Marcou installe les bureaux de son journal La fraternité chez Justin Rech, le 9 mars 1877 ? L’ami d’enfance de Barbès dresse ici des temples à la vertu et des cachots aux vices, il vilipende les lois du gouvernement de l’Ordre moral de Broglie et ses mesures liberticides. Ses papiers sont imprimés chez Pierre Polère, l’imprimeur 33, rue Saint-Vincent (4 septembre), malgré les menaces de censure et les amendes au-dessus de sa tête. 

    Au moment du partage de la succession d’Antoine Rech en février 1877, son fils qui a pris sa suite, garde les immeubles du 42, rue Sainte-Lucie. Pour cela, il paie une soulte de 14 000 francs à sa soeur Marie Pauline, mariée avec Jean Armand Teisseire. Délaissant petit à petit l’artisanat de son père, Justin réoriente l’affaire familiale vers le commerce des articles de fêtes. Drapeaux tricolores, feux d’artifice, ballons, etc… Ses clients sont désormais les maires républicains des communes auxquels il fait appel pour l’achat de ses produits. Le fils du vitrier ne manque d’ambition politique. Aux élections municipales du mois de mai 1888, il figure sur la liste socialiste de Jourdanne et obtient sur son nom un très bon score au premier tour. Malgré cela, il va faire les frais de circonstances électorales inédites. Les républicains partis divisés en trois listes doivent fusionner pour ne pas laisser la ville aux réactionnaires de droite, arrivés en tête au premier tour.

    Capture d’écran 2020-09-23 à 16.05.09.png

    Façade de l'actuel 44, rue de la République

    C’est à cette époque que Justin Rech fait appel à l’architecte Léopold Petit, premier adjoint au maire de Jourdanne. La vieille maison du 42, rue de la République se transforme alors sous les traits du génie de Petit, en une demeure dont la façade n’a pas d’égal dans le quartier. Richement sculptée par Jean Guilhem (1822-1905), cet immeuble sur trois étages et terrasse présente toutes les caractéristiques du style Art-nouveau. Hélas bientôt, le carrosse se métamorphose en citrouille et les laqués en souris. Adieu, veaux, vaches, cochons, couvée… la faillite qui guète Justin Rech finit par le rattraper. Pris à la gorge par les traites, le 5 juin 1894 tous ses biens font l’objet d’une mesure d’expropriation à la demande de Jean Baptiste Marie Armand Larrousse, directeur de la succursale du Crédit Foncier de France. La maison avec sa cour et jardin renfermant trois corps d’habitation est vendue aux enchères publiques le 13 septembre de la même année.

    20200728_110223.jpg

    Caveau du sculpteur et tailleur de pierre, Jean Guilhem. Cimetière Saint-Michel 

    Malgré sa ruine, Justin Rech n’a à pas attendre longtemps avant de trouver un emploi. Le 10 juin, soit cinq jours après sa saisie, la mairie de Carcassonne créé un poste spécialement pour lui. Le voilà Inspecteur de la salubrité publique. Le scandale éclate par la voix de M. Cros, pourtant élu de la majorité municipale. Comment le parent de Léopold Rousset, membre du conseil municipal, peut-il être employé à la ville ? L’affrontement entre Cros et Rech à la terrasse d’un café appelle réparation ; les hommes vont donc se battre en duel. A la chaussée de Maquens, le duel tourne à la mascarade et ne fait pas de vainqueur. 

    Justin Rech qui entre temps divorcera d’avec son épouse Rose Anne Horéty le 30 décembre 1894, sera promu Receveur principal des receveurs de place. Nous ne savons pas ce qu’il advint de lui jusqu’à sa mort le 20 novembre 1913 à l’hôpital Saint-André de Bordeaux. Il avait une fille , Baptistine Pauline Augusta, mariée en 1898 avec Joseph Mas, originaire de Quillan. En 1906, le couple vivait à Tours avec leur fils Marcel, né en 1900.

    Ce n’est certainement pas un hasard si l’ancienne rue Sainte-Lucie prit en 1883 le nom de la République. Il fallait bien que ce choix fût dicté par l’histoire d’un lieu symbolique, celui de la Maison Rech.

    Sources

    Cet article ayant demandé plusieurs heures de recherches et afin de ne pas alimenter les pilleurs qui ne citent jamais ce blog, il n'est pas fait mention des sources.

    __________________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2020

  • L'histoire d'un immeuble oublié, 52 rue de la République

    Située au cœur du Carron de Montlaur dessiné sur le plan de Bonnelevay en 1729, se trouvait dans la rue Sainte-Eulalie la maison du Sieur Raymond Montlaur, marchand fabricant. A cette époque, point de rue de la République bien évidemment, mais une artère qui changera d’appellation en fonction des régimes politiques : Lafayette, Sainte-Lucie puis République à paris de 1870. Intéressons-nous au n°52 (autrefois, n°50) dans lequel depuis la première moitié du XIXe siècle, un établissement de bains d’abord dénommé « Bains Montlaur » offrait toutes les commodités modernes. Sur le recensement de 1851, un certain Jacques Dardé (1791-1862), baigneur de son état, gérait à cet endroit les Bains Sainte-Lucie. On y prend des douches en lance, en pluie ou en lames, des fumigations, des bains vapeurs et des bains russes.

    Bains.jpg

    Cet immeuble accueille à ce moment-là le premier musée des Beaux-arts de la ville, initié par la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne qui, bien qu’organisée en 1836, venait tout juste d’être officialisée. Ouvert au public tous les dimanches et jours de fête, visible tous les jours pour les étrangers, il expose tableaux, dessins, aquarelles, gravures, bas-reliefs, plâtres, mosaïques, statues, bustes, chapiteaux, tombeaux, urnes, vases, armures, monnaies, etc. Au total, pas de moins de 181 tableaux ou dessins y sont conservés.

    Capture d’écran 2020-09-19 à 09.39.17.png

    © Famille Bru-Millet / Généanet

    Le docteur Jacques Jean Baptiste Carbou, Chevalier de la Légion d'honneur en 1928

    En 1874, l’immeuble est reconstruit à neuf et mis en vente avec ses magasins, remises, écuries, son grand jardin et son établissement de bains. Il revient dans les giron de la famille Salières. Paul Narcisse (1818-1908), artiste peintre, y réside ; il y réalisera le portrait de la famille Carbou dont le père Jacques Jean Baptiste (1857-1939), médecin chef des hôpitaux de Carcassonne, a repris l’établissement des bains. Narcisse Salières n’est autre que son oncle ; Antoinette (1822-1886), la mère de Jacques Jean Baptiste Carbou, est la sœur du peintre. L’immeuble des Carbou abrite également un autre artiste de grand talent en la personne de Jean Jalabert (1815-1900), conservateur du Musée des Beaux-arts.

    Carbou.png

    © Musée des Beaux-arts

    Paul Carbou à l'âge de 5 ans par Salières

    Capture d’écran 2020-09-19 à 15.54.28.png

    © Famille Bru-Millet / Généanet

    Paul Carbou à l'âge de 5 ans en photographie

    Le docteur Carbou fait procéder en 1903 à de nouveaux aménagements dans le but de moderniser l’établissement.

    « Nous savons en effet, que les Bains Sainte-Lucie possèdent un jardin ombragé et charmant, sur lequel donnent toutes les cabines et un appareil hydrothérapique des plus complets. Une partie des loges, dont l’intérieur est entièrement refait de frais, sont meublées d’une jolie baignoire émaillée, toute neuve, d’une glace superbe, avec étagère en marbre blanc et de deux chaises coquettes. Le vieux système de cloche d’appel est remplacé par une sonnerie électrique ; il suffit d’appuyer sur le bouton posé près de la baignoire, pour que le baigneur, M. Nouvel apparaisse pour répondre. Les anciennes baignoires en cuivre étamé, offraient un aspect peu engageant, tandis qu’aujourd’hui, ces baignoires émaillées et toutes neuves, dans leurs cabines toutes pimpantes de frais, vous invitent aux ablutions. »

    Le Bains Sainte-Lucie fermèrent leurs portes au début des années 1930. Jacques Jean Baptiste Carbou mourra neuf ans plus tard. Il est inhumé dans le caveau familial Carbou-Martrou au cimetière Saint-Vincent. Il nous semblait important en ces Journées européennes du patrimoine de signaler la présence de cet établissement oublié et de toute son histoire. On regrettera que ce blog, malgré son millier d’article rédigé depuis 2010, constituant la plus grande médiathèque numérique privée à vocation historique, n’ait bénéficié d’aucune publicité dans la presse, ni dans les annonces officielles du programme de ce week-end. Vous qui nous lisez, vous le savez.

    Sources

    Etat-civil et recensement  / ADA 11

    De Bordeaux à Toulouse... / Adolphe Laurent Joane / 1858

    Presse locale ancienne

    Cartulaire / Mahul

    _________________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2020

  • Le lotissement du Moulin d'autan par l'architecte Henri Castella

    Le long de l’avenue du général Leclerc s’étend sur une centaine de mètres, le lotissement du Moulin d’Autan. Bien que sa dénomination ait quelque peu disparu du langage usuel, c’est ainsi que fut baptisé en 1953 cet immeuble de logements à loyers modérés. Le moulin d’autan, aujourd’hui cerné par les nombreuses maisons bâties sur la colline de la Gravette, surplombait l’ancienne R.N 113. En bordure de celle-ci, un terrain dépourvu de constructions allait, après la Seconde guerre mondiale, susciter l’intérêt des investisseurs à une époque où la France connaissait une grave crise du logement.

    Capture d’écran 2020-08-18 à 08.45.39.png

    Le lotissement du Moulin d'autan, avenue Leclerc

    Le 9 décembre 1953, MM. Romersa et Reynès, respectivement présidents du C.I.L.D.A (Comité Interprofessionnel du Logement de l’Aude) et de la Société Coopérative Départementale d’H.L.M, présentaient à la presse la maquette du lotissement du Moulin d’Autan. Dans les plans du bâtiment, dressés par l’architecte Henri Castella, dont la réalisation devait être confiée à l’entreprise Deville, figurait la construction de vingt-deux maisons mitoyennes de type F4 et F5 pour deux d’entre-elles. Ce qui pourrait paraître banal de nos jours en terme de confort, offrait à ces logements, au début des années 50, toutes les commodités indispensables à la vie d’aujourd’hui : douche, cabinet de toilette, penderies et placards, chauffage à air chaud, etc. A l’intérieur des vieilles masures du quartier populaire de la Trivalle, situé de l’autre côté de l’avenue, certaines familles vivaient encore comme à la fin du XIXe siècle. C’est peu dire de l’état du logement dans cet ancien faubourg de la Cité où désormais, s’achètent à prix d’or des maisons transformées en chambre d’hôtes.

    Capture d’écran 2020-08-18 à 08.47.42.png

    Financé par le Crédit Foncier de France, avec un prêt à la Caisse d’Allocations Familiales et grâce au 1000 francs par M2 subventionnés par l’état, ce projet voit le jour dès le mois de juillet 1953. Il sera renforcé par le décret du 9 août qui oblige les entreprises à participer à l’effort de construction par une contribution de 1 % de la masse salariale pour financer le logement social. La C.A.F se charge ensuite de trouver les heureux bénéficiaires parmi les familles dans le besoin rencontrant des difficultés pour se loger. Il s’agit pour elles d’accéder à la propriété en payant un loyer en fonction de leurs revenus en échelonnant l’emprunt sur cinq à dix ans. Pour exemple, un couple avec trois enfants dont le salaire n’excède pas 30 000 francs, paiera 10 000 francs de loyer, moins 7200 francs d’allocations logement, soit 2800 francs mensuels. Tout ceci exonéré d’impôts pendant vingt-cinq ans ! Le coût de chaque maison varie selon le type : 1 750 000 francs (F4) et 2 000 000 francs (F5).

    Les travaux préparatoire du terrain débutèrent le premier décembre 1953. Le terrassement s’acheva fin janvier 1954 et l’immeuble fut livré durant l’été de la même année. Henri Castella réalisa un ensemble harmonieux dans le style contemporain de l’après-guerre qui garde encore aujourd’hui toute sa valeur architecturale. Il s’entoura de l’artiste Carcassonnais Jean Camberoque qui exécuta des tuiles en céramique peinte pour la façade de chaque maison, financées par le 1% artistique. Cette obligation inscrite dans la loi du 18 mai 1951 et toujours en vigueur, est due à un Audois : le sculpteur René Iché (1897-1954) qui exécuta notamment le monument à la Résistance dans notre ville.

    Capture d’écran 2020-08-18 à 08.52.14.png

    Avenue Jules Guesde, quartier St-Jacques

    On doit également à Henri Castella et au C.I.L.D.A, la construction des maisons de l’avenue Jules Guesde dans le quartier Saint-Jacques et celles de la rue Joseph Bara, bâties avant 1953. Elles portent toutes le style du plus grand architecte contemporain de Carcassonne à qui il faudra bien jour rendre un hommage biographique. Là encore, sur chaque maison… une tuile de Camberoque.

    Capture d’écran 2020-08-18 à 08.54.34.png

    Constructions d'Henri Castella, rue Bara

    _______________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2020