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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 223

  • La romancière Alix André vivait à Carcassonne

    Au milieu du siècle dernier la collection Harlequin n'existait pas encore, quand Alix André écrivait déjà des romans d'amour pour les éditions Tallandier. Un véritable succès ! Dès 1942, son premier ouvrage "Notre-Dame des neiges" remportait le Prix de l'Académie des Jeux Floraux. Alix née en 1909 à Lavelanet dans l'Ariège s'était mariée à Antoine André, un riche industriel propriétaire du château de Pech-Latt près de Lagrasse (Aude). Comme beaucoup de femmes issue de la bourgeoisie, l'ennui succéda à l'éducation de ses trois enfants : Philippe, Serge et Jacques.

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    "Quand mes enfants furent élevés, je n'avais plus grand chose à faire."

    Elle prit alors la plume, comme d'autres s'adonnent au jardinage ou la couture. Tous les matins à partir de 6h30, elle réveillait la maison puis se recouchait avec une tasse de café. Là, sur une tablette ingénieusement confectionnée, elle faisait vivre les futurs héros de ses romans. Entre 1942 et 1980, ce sont une cinquantaine de livres qui sortirent de son esprit rêveur ; ils furent traduits en plusieurs langues et les magazines féminins les découpèrent en épisodes pour leurs lectrices. Edité en 1946, Le prince blanc faillit être adapté pour le cinéma. 

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    Le lac aux ours (1951). Prix de l'Académie française.

    Alix André partageait son temps et ses séances d'écriture entre sa maison de Carcassonne et le château de Pech-Latt. Là-bas, le domaine produisait un fameux vin blanc avec la typique des Corbières. Il appartient aujourd'hui à une société de vins de Bourgogne.

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    La maison d'Alix André, route de Limoux à Carcassonne

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  • Le buste de Jöe Bousquet raconté par la sculptrice Salomé Vénard (1904-1987)

    Dans les réserves du Musée des Beaux-arts de Carcassonne se trouve un buste de Jöe Bousquet réalisé par Salomé Vénard en 1951. Il fut acquis par l'état pour le compte de la ville de Carcassonne. Ceci nous a été confirmé par la conservatrice, Madame Marie-Noëlle Maynard. Selon l'ouvrage "Joe Bousquet. Sa vie, son œuvre" de René Nelli, la sculptrice avait exécuté un premier buste pour le poète. Ce dernier l'avait ensuite offert à l'une de ses amies, mais celle-ci trouvant qu'il portait malheur le rendit à sa créatrice. 

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    Le buste de J. Bousquet dans les réserves du musée

    C'est un document sonore exceptionnel que nous venons de retrouver, dans lequel Salomé Vénard explique les circonstances de sa rencontre avec Bousquet. Comment elle fit ce buste à sa demande... Il s'agit d'une émission radiophonique enregistrée dans l'amphithéâtre de la Sorbonne à Paris, le 28 septembre 1955. N'étant pas en mesure de pouvoir la faire entendre ici, nous avons retranscrit les paroles de Salomé Vénard ci-dessous. Le poète Carcassonnais n'était mort que depuis cinq ans.

    "Je suis arrivé chez lui sans l’avoir prévenu. Je devais arriver la nuit, je suis arrivé le jour car je pensais qu’il ne pouvait pas me recevoir ce moment-là. Je me suis trouvé en face de lui après avoir passé derrière cette fameuse portière que tous ces amis ont évoquée. Cet homme m’a aussitôt accueilli comme s’il m’attendait et d’autre part, il a toute de suite avec moi fait des projets. Il a tellement fait de projets qu’il est allé jusqu’au point de me demander, car je lui ai confié immédiatement des carnets où j’avais pris des notes sur mon travail. Il m’a demandé après en avoir vu quelques-uns, de faire un choix ; de ceux qui lui convenaient tellement, qu’il me demandait de se les approprier pour écrire sur la page que j’avais écrite, des choses qui lui convenaient à dire. Comment pouvais-je supposer que cet homme savait que j’allais être tellement malade, que je crois qu’il était impossible d’y voir une menace plus grande chez lui. Il me l’a entièrement caché. Nous avons décidé tout de suite que je ferai son buste. Parce que je ne me doutais de rien. Non, je ne vais pas faire votre buste maintenant ; je n’en aurai pas le temps. Je n’ai qu’un mois. Je vais tailler pour vous une sculpture, pour vous tenir compagnie. Je vais tailler une tête de femme mais à votre image avec vos traits.

    Alors il a été extrêmement saisi. Vu l’homme qu’il était, vous comprenez pourquoi il a été ému. Il m’a dit : Voilà, je viens de faire partir une lettre à Paulhan dans laquelle, je lui ai fait le récit d’un rêve que j’ai fait ces jours derniers. Dans ce rêve et à la fin de ce rêve, je me regardais dans un miroir. Je me voyais sous les traits d’une femme. Vous venez, alors c’est tout naturel, vous allez tailler cela.

    Et sur un mois, dans un mauvais cailloux du cimetière j’ai taillé une tête que je lui fis porter de sa ressemblance. Et par une providence extraordinaire c’est grâce à cela que j’ai pu me fixer dans la mémoire ce qui était son extraordinaire visage, et pas seulement le message de l’amitié que j’ai reçue pendant six mois où nous nous sommes vus tous les jours, mais en même temps des détails indispensables grâce auxquels j’ai pu tout de même rejoindre tout à fait sa ressemblance ; l’essentiel de cette ressemblance, puisque ce buste j’ai le très grand bonheur qu’il soit maintenant au musée de Carcassonne et j’ai eu le très grand bonheur qu’il soit une dernière joie pour les siens."

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    © DDM

    J. Bousquet dans son lit

    Nous ne pouvons que regretter que ce buste ne soit pas exposé au public. Pour quelles raisons le musée des Beaux-arts ne le prêterait-il à la Maison des mémoires (Centre Joe Bousquet) de Carcassonne ? ______________________________

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  • Jacques Brel fit ses débuts au Théâtre municipal de Carcassonne

    Quand le "Grand Jacques" vint à Carcassonne à plusieurs reprises, il le fit au moyen de son avion de tourisme ; un Quadriplace Garban Horizon de couleur crème immatriculé F-BLPG. Détenteur du brevet de pilote depuis le mois de décembre 1964, Jacques Brel se posa à aérodrome de Salvaza à chaque fois qu'une tournée l'emmena dans la capitale audoise. On dit qu'il le connaissait bien pour y avoir passé le dernier degré de certification. Pour l'heure, nous n'avons pas pu vérifier cette information. 

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    © Bobbejaan Schoepen Archive

    Jacques Brel en 1955

    Le Carcassonnais Henri Gougaud a rencontré Jacques Brel à ses débuts au Théâtre municipal en 1954, alors qu'il n'était connu de personne. Doit-on présenter H. Gougaud qui fut lui-même par la suite chanteur, parolier, écrivain et conteur ? On lui doit les paroles de nombreuses chansons pour Juliette Gréco, Serge Reggiani, Jean Ferrat, etc. Avant de se produire pour la première fois à Carcassonne avec la tournée de Sidney Bechet, Jacques Brel venait d'essuyer un gros revers lors du concours de chant de Knokke-le-Zoute (Belgique). Il finit avant-dernier...  Maurice Ciantar, journaliste à Combat, écrivit quelques temps après un passage dans l'ombre de Gréco à l'Olympia :

    "Il écrit de belles chansons, le regrettable est qu'il persiste à les chanter"

    C'est lors de la tournée d'été organisée par Jacques Canetti du 25 juillet au 31 août 1954, que Brel débarque à Carcassonne. Parmi les vedettes qui l'accompagnent, on citera Sydney Bechet, Philippe Clay, Dario Moreno et Catherine Sauvage. 

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    Henri Gougaud a tout juste 18 ans lorsqu'il rencontre pour la première fois le jeune chanteur Belge, alors inconnu du grand public. Nous avons retrouvé son souvenir dans une biographie consacrée à Jacques Brel : Grand Jacques. Le roman de Jacques Brel / Marc Robine / 2008.

    "J'ai vu Jacques Brel pour la première fois un soir des années cinquante au théâtre municipal de Carcassonne, où j'étais venu écouter Sidney Bechet. Brel chantait quatre chanson, en première partie : "Sur la place", "Ça va (le diable)", sous un projecteur rouge, et les deux autres dont je n'ai pas le souvenir. Ce soir-là, il n'eut guère de succès. Sans doute était-il trop timide, trop perdu et poétiquement maladroit pour inspirer autre chose qu'un sentiment d'étrangeté. Moi, je lui fis un triomphe intime. J'étais un lycéen très sensible et timide. Cet homme venait de me planter au cœur l'immense envie d'être ce qu'il était : un poète solitaire sur une scène trop grande, avec cette fierté, cette gloire d'insuccès qui me paraissait plus enviable, en ces temps adolescents, que l'adoration des foules.

    A la sortie du théâtre, j'allai boire un verre avec quelques copains au "Bar de l'entracte", rue de la gare. Il y avait des militaires qui chahutaient des filles. Brel était au fond du bistrot, assis devant un demi, seul. J'aurais voulu aller m'asseoir en face de lui, dans ce brouhaha de minuit, lui parler, mais que lui dire ? Je n'ai pas osé. Ah, ces retenues au bord de l'audace, le cœur battant à tout casser ! Je me suis contenté de le regarder à la dérobée, obstinément, indifférent aux gros rires, aux bousculades de paroles qui m'environnaient. Je remarquai que lui aussi était indifférent à tout cela. Il regardait la rue. Il avait l'air fatigué. 

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    C'est là, au café de la Comédie, que Brel se tenait au fond de la salle

    Beaucoup plus tard, un jour de rencontre chez François Rauber (L'arrangeur de Brel, NDLR), j'ai dit à Brel mes sentiments de ce soir-là. Il ne se souvenait pas précisément de Carcassonne mais n'avait pas oublié sa tournée - la première de sa vie - avec Sidney Bechet. "J'étais seul comme un chien", me dit-il en grimaçant des lèvres pour cacher le mot "chien" avec plus de force. "Nom de Dieu, tu m'aurais fait du bien si tu étais venu me parler." Et il partit d'un grand éclat de rire triste.

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    Jacques Brel et A-M Pavarnès à Carcassonne

    Anne-Marie Pavarnès, la patronne du motel "La Croque-sel" qui se trouvait en bordure de la route de Narbonne avant d'arriver à Trèbes, raconte dans une interview que Brel a logé plusieurs fois chez elle. Ce dont elle est sûre c'est qu'il y a écrit une chanson, mais qu'elle n'a jamais osé lui demander laquelle. Est-ce La chanson de Jacky, dans laquelle il est question d'un "argentin de Carcassonne". Le mystère reste entier...

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