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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 171

  • Galy, chausseur haut de gamme à Carcassonne depuis 1929

    Chez les Galy on n'arrive plus à tenir le compte des générations de sabotiers, cordonniers et finalement chausseurs qui se sont succédé. C'est en 1929 qu'Octave Galy (1893-1960) ouvre sa première boutique avec son épouse Marguerite Audouy (1894-1967) au n°3 de la rue Voltaire. Précisément, en face de l'ancienne clinique du docteur Delteil ; aujourd'hui, Maison de retraite Montmorency. Bien avant lui, son beau père Auguste Audouy, cordonnier de son état, tenait un atelier dans la Grand rue (Actuelle, rue de Verdun) puis 75 rue Aimé Ramond. Et si l'on remonte encore plus loin dans le temps, on trouve des ascendants comme sabotiers à Quillan et à Puivert. 

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    Actuel magasin de chaussures Galy, rue Clémenceau

    Auguste Audouy fournissait les chaussures des deux lycées de la ville. Les brodequins noirs en cuir qui allaient avec la casquette à galon doré. Il possédait 14 employés qui étaient tous logés et blanchis, mais devaient fabriquer chacun une paire de chaussures par jour.

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    Cordonnerie Audouy, 75 rue A. Ramond

    C'est dans cet univers que son petit-fils Georges Galy est entré un 13 juillet 1935. Son BEPC en poche, mais ne voulant plus aller à l'école, il s'imaginait être vendeur. Or, dès le début des vacances d'été son père Octave le mit à fabriquer des chaussures : "Avant de vendre, il faut savoir comment elles sont fabriquées, lui dit-il". Alors avec le regret de ne pas avoir attendu la fin de l'été pour se signaler, Georges Galy commença à travailler. A 17 ans, il faisait croire aux filles qu'il exerçait le métier de comptable.

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    William Galy en 1979 dans la rue Courtejaire

    Neuf ans après la mort de son père en 1969, Georges quitta la rue Voltaire pour s'installer dans la rue Courtejaire, dans les locaux de l'ancienne bijouterie Galibert. Voilà donc le grand magasin que tous les Carcassonnais ont connu avec son millier de boites à chaussures bien en évidence : Paraboot, Méphisto, etc. Avec Willian, son fils, le patriarche veillait sur l'affaire avec son tempérament un tantinet bougon. Georges est aujourd'hui décédé, mais nous avons retrouvé quelques anecdotes savoureuses qu'il aimait à raconter :

    "La plus ancienne remonte à 1937, je crois. Cette année-là, la mode était aux chaussures vertes. Je me souviens qu'un jour, une cliente difficile cherchait un vert particulier. "Quel genre de vert, à la fin, voulez-vous ?", lui demanda mon père, plutôt exacerbé. "Je voulais un vert... huitre", lui répondit la dame. Et du tac au tac, mon père lui demanda : "D'accord, mais... des Marennes ou des Portugaises ?". Dans les expressions pittoresques, j'ai entendu des clients ou plutôt des clientes die que certaines chaussures leur faisait le "pied bête" ; d'autres, que les talons hauts leur faisait "les mollets comme un ventre de lapin". Un jour qu'une dame redoutait que les chaussures qu'elle essayait ne lui fassent des oignons, un vendeur lui rétorqua : "Ne craignez rien, madame, vos pieds n'ont rien d'un potager."

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    © Chroniques de Carcassonne

    Depuis quinzaine d'années, la boutique de la rue Clémenceau est fermée. Les chaussures Galy ont changé de lieu. D'abord, elle se sont installées dans le rue Victor Hugo. Willian Galy raconte à la presse en 2008 sa rue de la gare dans les années 60-70 :  

    "Toute la jeunesse se retrouvait rue de la Gare. On s'y promenait, on faisait connaissance. Quand on organisait des surboums et qu'il manquait du monde, on y descendait : on était toujours sûr de rencontrer des copains pour les inviter. Le dimanche, la rue était noire de monde », témoigne M. Galy. C'était un temps rythmé par des bals de quartier. Les contours de la ville finissaient dans les champs, là où le Viguier a poussé, depuis, comme un champignon. "Une autre époque". De fait, on comptait au maximum une voiture par famille, et encore... « Alors que maintenant c'est une voiture par membre de la famille ! ». Et du coup, le problème du stationnement et de l'engorgement asphyxiant de la cité par les chars à quatre roues ne se posait pas, comme aujourd'hui. Mais comme le dit William Galy : "La mentalité, ici, c'est de râler. A Carcassonne, les gens veulent se garer dans le centre et quand ils vont faire leurs courses à Toulouse, ils ferment leur gueule et se garent à la périphérie et marchent !".

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    Georges Galy

    Enfin, depuis peu, la rue piétonne s'est ouverte à ce commerce parmi désormais l'un des plus anciens de la ville. Dans le domaine de la chaussures, c'est certain et même le dernier du genre à n'être pas franchisé.

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  • Qui était Paul Didier (1889-1961) dont une rue porte le nom à Carcassonne ?

    La famille Didier avait quitté sa Lorraine natale en 1871 refusant l'annexion de celle-ci à l'Empire Allemand, après la défaite de Napoléon III. Elle émigrait alors dans l'Aude où l'un de ses fils, se mariait à Moux avec la fille de Ferdinand Théron (1834-1911), député de la 2e circonscription du département. Elu Radical-Socialiste de 1871 à 1905, le beau-père s'était distingué par son opposition au Second Empire. Son gendre, élève à l'Ecole Normale Supérieure - docteur en science et agrégé de chimie - n'en fut pas moins contestataire, à tel point qu'on lui refusera l'accès à Saint-Cyr pour motif politique.

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    Paul Didier en 1911

    C'est dans ce creuset très républicain que naît Paul Didier, le 15 novembre 1889 à Carcassonne. Après de brillantes études secondaires au lycée de la ville, le jeune Didier fait ses études de droit et devient Rédacteur principal au Ministère de la Justice. En 1911, il s'inscrit au barreau de Paris puis est mobilisé en 1914 eu sein du 112e régiment d'infanterie. Un an après l'armistice de 1918, le concours de la magistrature en poche, Paul Didier est affecté au tribunal de Béziers. Il n'y restera que deux ans avant d'entrer à la Chancellerie en 1922 ; il réside à Paris au n°5 rue de la santé.

    Le cycliste

    Ce que l'on sait moins et que nous avons pour ainsi dire découvert, c'est que Paul Didier fut un champion du cyclisme sur piste. L'Agence de photographies Rol publia ses exploits que la Bibliothèque Nationale de France conserve précieusement dans ses tiroirs. 

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    Paul Didier vainqueur du Prix Fournier le 13 février 1910

    Le magistrat possédait en dehors des prétoires une activité sportive, parmi les plus en vue de l'époque. Un véritable pistard, champion des vélodromes parisiens. 

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    Au départ (à gauche) sur le vélodrome du Parc des Princes, le 27 mai 1912

    La carrière sportive de Paul Didier s'achèvera vers 1926. En 1921, il participait encore au Championnat de vitesse sur piste en finissant 1er de la 4e série. Cet homme constitué d'un esprit sain dans un corps sain possédait toutes les qualités de la sagesse au service des valeurs pour lesquelles il ne transigea jamais. Nous le verrons par la suite...

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    Paul Didier à la fin de sa carrière sportive 

    Le magistrat

    Quelques semaines seulement après l'entrée en fonction du gouvernement de Vichy, le magistrat - passé sous-directeur du sceau chargé des naturalisations -s'oppose aux mesures xénophobes de l'Etat Français.  Il est écarté le 22 septembre 1940 et mis dans un placard. L'acte constitutionnel du 14 août 1941 obligeant tout magistrat à prêter serment de fidélité à Pétain, Paul Didier s'y refusera en raison de ses convictions républicaines. Il est seul frondeur parmi l'ensemble des magistrats. D'abord suspendu en guise de sanction, il est ensuite arrêté sur ordre du ministre de l'intérieur et enfermé au camp d'internement de Châteaubriant (Loire-Atlantique). Libéré en 1942, il est assigné à résidence à Moux (Aude) puis mis à la retraite d'office le 11 août 1942.

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    Paul Didier avec sa robe d'hermine

    Le Résistant

    A Moux, le magistrat ne reste pas inactif et participe aux actions des réseaux de Résistance de Lézignan. A la Libération, le Comité départemental de Libération le nommé Vice-président du Conseil municipal de Moux. Un honneur pour ce village qui ferait bien de s'en souvenir... 

    "Telle une ombre légère, furtive, le Président Didier passe. Long, mince, pâle jusqu'à la quasi transparence... Pour le définir, on en appelle au doux Pascal : "L'homme n'est qu'un roseau..." Le Président est courageux comme un autre est turbulent ou vulgaire. C'est une question  de tempérament. Son courage, toujours présent, fait partie de sa structure. Il est cela, indispensablement, comme est indispensable la respiration à l'être vivant. Indépendant par respect de soi-même. Par dignité aussi. Qu'une pointe d'orgueil se mêle à cette disposition d'esprit, c'est vraisemblable. Mais c'est de l'orgueil de qualité.

    Il eut à subir, voici quelques mois, la conséquence de son indépendance : une bombe fut déposée devant son logis et éclata. Le miracle est que, si l'appartement fut détruit, sa famille sortit indemne de l'attentat. Il présidait une audience quand on vint l'informer de l'évènement. Il suspendit les débats et revint quelques minutes plus tard : "Messieurs, une bombe vient d'éclater à mon domicile. Excusez-moi de vous avoir interrompus. L'audience est reprise."

    (Madeleine Jacob / Libération / 20 octobre 1952)

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    Paul Didier meurt à Paris le 22 mai 1961. Voici ci-dessous un extrait de l'hommage funèbre de l'Avocat général Lambert à l'audience solennelle de la Cour d'appel de Paris le 16 septembre 1961.

    "Et maintenant, messieurs, nous devons nous recueillir avec une ferveur particulière, car nous allons évoquer la mémoire d'un magistrat qui fut, comme naguère un écrivain célèbre, "un monument de la conscience humaine".

    Septembre 1941 ! Il y a vingt ans ! Notre pays était au fond de l'abîme. La presse de Paris, contrôlée par l'ennemi, annonçait ce jour-là que, sur une place de notre capitale, une musique militaire (dont point n'est besoin de préciser la nationalité) jouerait un hymne à la gloire de la Germanie victorieuse. Mais dans cette atmosphère, dans ce climat, ces mêmes feuilles ne pouvaient cependant pas dissimuler que, la veille, venait de s'accomplir un des hauts faits de l'histoire de la magistrature française : le Président Paul Didier, à cette juge au Tribunal de la Seine, avait refusé le serment imposé par "L'Ordre nouveau". Le lendemain, il était arrêté et devait être bientôt dirigé sur ce camp d'internement de Châteaubriant qui a laissé de si dramatiques souvenirs.

    Peu de temps avant la rentrée judiciaire de 1941, les juristes de la Résistance, avertis de la prochaine obligation du serment, avaient sollicité les instructions de ceux qui dirigeaient la lutte clandestine. Devait-on répondre par des démissions massives ? Laisser se démasquer ceux qui étaient déjà engagés dans l'action secrète contre l'occupant ? "Gardez-vous en bien, fut-il répondu, mais il serait bon, néanmoins, que l'un de vous assumât cette forme de résistance ouverte." C'est alors que Paul Didier décida que, s'il devait n'y en avoir qu'un, "il serait celui-là".

    Messieurs, le souvenir du Président Didier nous a conduit à rappeler une des périodes les plus sombres de notre histoire, mais qui fut fertile en actes de courage et d'abnégation. Le geste de Paul Didier fut l'un d'eux."

    La promotion 1987 de l'Ecole de la magistrature porte le nom de Paul Didier. Il repose au cimetière de Moux dans l'Aude depuis 1961.

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    © Jacques Blanco

    Une rue qui finit en impasse porte le nom de ce magistrat dans le quartier du Méridien. Tout un symbole chez nous... Nous remercions Jacques Blanco de nous avoir signalé cette rue, ce qui a permis d'établir une relation avec la photographie d'un cycliste que nous possédions.

    Sources

    Recherches et Synthèse / Martial Andrieu

    Bibliothèque Nationale de France

    La Résistance audoise / Lucien Maury

    Recensement militaire / ADA 11

    Le blog de P. Poisson

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  • Carcassonne c'est plein Sud, et pas dans le Sud-Ouest ! La preuve...

    Dans l'article précédent, nous avons évoqué l'abandon du pilier de Gougens qui servit en 1864 de point d'appui à Villarceau pour effectuer ses mesures depuis la tour de l'église Saint-Vincent. Bien avant lui, Jean-Dominique Cassini (1625-1712) avait en 1701 fait des observations à Carcassonne afin d'établir le passage du méridien. Peu de temps après, on fit ériger une croix dite de Cassini à l'angle Ouest de la place Davilla sensée symboliser la passage du méridien à cet endroit. Cette croix était située au niveau de l'horloge de l'actuelle place. Au début du XXe siècle, à la suite de querelles sur la laïcité, elle fut placée dans l'ancien couvent des sœurs Marie Auxillaitrice. Quand le bâtiment fut vendu puis rasé en 1971, la croix fut accueillie derrière le chevet de la cathédrale Saint-Michel où elle se trouve toujours. Le passage du Méridien  sur la place Davilla se révéla être une erreur, corrigée par Jacques Cassini fils. Il le mit à sa bonne place, à 1111 mètres de la tour Saint-Vincent. En 1806, le préfet Trouvé fit ériger à cet endroit une espèce de pyramide en pierre matérialisant cette ligne imaginaire ; c'est très exactement dans le jardin du n°55 de la rue Rodin. La pierre disparut vers 1975 avec de nouveaux aménagements. Un peu plus tard, deux bornes du Méridien de Paris firent leur apparition sur la route de Toulouse (avenue Roosevelt) et la route de Montréal (Avenue Henri Gout).

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    © Villemur.fr

    Lors du passage à l'an 2000, le Minitère de la culture fut chargé des festivités. Pour le bicentenaire du mètre et en référence aux travaux de Méchain sur le Méridien de Paris, la Méridienne verte sorti de l'esprit de l'architecte Paul Chemenov. On décida de planter 10 000 arbres le long de cette ligne imaginaire allant de Dunkerque à Prats-de-Mollo en Catalogne française. Le 25 novembre 1998, neuf premiers arbres furent plantés à Saint-Martin du Tertre. Les festivités du 14 juillet 2000 célébrèrent l'avènement de la Méridienne verte, traversant 337 communes, 20 départements et 8 régions, soit 1200 km.

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    © Martial Andrieu

    Passage de la Méridienne verte à Carcassonne sur le tracé du Méridien de Paris

    Panneau de la Méridienne verte sur la rocade Ouest

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    A hauteur du domaine de Cucurnis

    Borne du Méridien de Paris (Rte de Toulouse)

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    Devant l'ancienne station service, elle a été déplacée de 20 mètres

    Borne de la Méridienne verte

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    Avenue Charles Lespinasse vers le bois de Serres, en bordure du Canal du midi. 

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    Cette plaque est identique dans toute la France, à toutes les villes traversées par la Méridienne verte de l'an 2000.

    Borne du Méridien de Paris (Rte de Montréal)

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    Devant l'ancienne caserne de la Justice, actuellement parc au matériel municipal. Plus au sud, sur l'autoroute A61, un panneau identique à celui de rocade marque le passage de la Méridienne verte.

    Voilà qui devrait, nous l'espérons, clouer le bec à tous ceux que l'on entend situer Carcassonne dans le Sud-Ouest. En entendant, vous qui passez sur blog, laissez-y de temps en temps un petit mot. Cela encourage celui qui prend du temps pour rédiger ces articles. Merci

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