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Si tout revenait, rien ne changerait même le pire. La France d'aujourd'hui est bien mûre, le fruit ne demande qu'à tomber de l'arbre. Les cibles sont ressorties et même prêtes à être collées. Les responsables de la pseudo-décadence, désignés. Ce jour-là, le ball-trap des revanchards vichystes déchus depuis 80 ans, fera de nouvelles et nombreuses victimes.
N'oublions pas que tout commença par des listes de juifs, de franc-maçons, de communistes et autres indésirables affichées dans le Journal officiel par le régime de Vichy. L'Etat français accrochait autant de cibles dans le dos, reprises en coeur par les journaux de la collaboration sans aucune vergogne. Gringoire, fasciste et antisémite - pardon du pléonasme - donnait en pâture les noms à abattre. Dans le viseur du journal figurait Louis Blasi, commissaire des Renseignements généraux en poste à Carcassonne, pour son appartenance à la Franc-Maçonnerie.
Sur le mémorial des victimes du nazisme à l'intérieur du Grand Orient de France, 16 rue Cadet à Paris, figure le nom de Louis Blasi.
Né à Toreilles le 7 août 1891, Louis Blasi était entré dans la police le 8 mai 1922 comme inspecteur à Montpellier. Initié dans la loge Fidélité-Travail de cette ville, il s'affilia ensuite à "La libre pensée" de Carcassonne, ville dans laquelle il occupa les fonctions de commissaire spécial des renseignements généraux à partir du 15 août 1937. Louis Blasi eut pour mission la gestion du camp de réfugiés espagnols de Bram. Le 17 août 1941, M. Cabouat, Préfet de l'Aude, le révoque sur ordre de Vichy en raison de son appartenance à une société secrète. Cela ne l'empêche pas de se montrer lors du rassemblement républicain du 20 septembre 1942, commémorant la bataille de Valmy.
Le logement de Louis Blasi à Carcassonne, 50 rue d'Alsace.
Agent du réseau de renseignement Gallia de la Résistance, attaché au BCRA à Londres, la Gestapo de Carcassonne commence à le suspecter d'espionnage. Le 14 juin 1944, Louis Blasi est arrêté par les services de la police allemande dans un café de Rodez. Les informations permettant sa capture ont été livrées par Lamouret (fusillé à la Libération), secrétaire du PPF de Carcassonne, à la Gestapo via l'agent Joseph Robert. Le Parti Populaire Français, organe fasciste, fondé par Doriot et principal allié des nazis avec le Rassemblement National Populaire de Marcel Déat. Louis Blasi se retrouve à la prison de Rodez.
Les funérailles des trente martyrs de Sainte-Radegonde, le 20 août 1944
Le 17 août 1944, les Allemands font sortir trente prisonniers politiques. Ils seront exécutés à Sainte-Radegonde. Louis Blasi fut de ceux-là.
Tombe à Toreilles (Pyrénées-Orientales)
Cette plaque en hommage aux policiers de Carcassonne où figure le nom de Louis Blasi, n'a pas été emportée dans le nouveau commissariat. Elle se trouve dans l'ancien, à l'abandon et dans l'indifférence.
Sources
Procès de Joseph Robert devant le tribunal militaire
En farfouillant dans les archives d'une histoire qu'on a voulu dissimuler, à défaut d'avoir pu la faire disparaître, on se rend compte qu'à Carcassonne il n'y avait pas que des résistants. A l'invitation du président de la Fédération départementale de l'Action Française, le comte Christian de Lorgeril, une conférence fut donnée le 26 avril 1942 par Charles Maurras au Théâtre municipal. L'Action Française, fondée en pleine affaire Dreyfus afin de jeter au pilori l'innocence d'un capitaine injustement accusé de trahison en raison de son judaïsme, trouva en Maurras l'éloquence d'un porte-voix. Philosophant sur le nationalisme intégral en prônant l'exclusion des juifs, dont Léon Blum auquel il voue une haine féroce, l'académicien avait trouvé son public au sein de l'extrême droite française et de ses soutiens monarchistes.
Juste avant la guerre, l'Action Française se porte bien dans l'Aude. Elle compte des correspondant à : Carcassonne, Aigres-vives, Azille, Barbaira, Boutenac, Bram, Canet d'Aude, Castelnaudary, Castelnau d'Aude, Coursan, Conques-sur-Orbiel, Cuxac d'Aude, Espéraza, Ferrals-des-Corbières, Ginestas, Lacassaigne, Laurabuc, Laure, Lézignan, Limoux, Saint-Hilaire, Montréal d'Aude, Narbonne, Névian, Pennautier, Pexiora, Rieux-Minervois, Saint-André-de-Roquelongue, Saint-Nazaire, Saint-Papoul, Sallèles d'Aude, Tourouzelle, Trèbes et Villedaigne.
La très grande partie de ces responsables locaux sont de grands propriétaires viticoles. Nous retrouverons leurs noms associés au Service d'Ordre Légionnaire, puis à la Milice de l'Aude à partir de février 1943. Ils soutiennent le régime de Vichy et la collaboration avec le Reich, vers lequel ils exportent le vin. Autant dire que si la réunion du 26 avril porte essentiellement sur le Félibrige - Maurras admire Frédéric Mistral - elle ne peut-être que politique. A ce sujet, laissons la parole au chroniqueur de l'Action Française qui en donne un compte rendu.
"Poursuivant sa tournée de conférences, Charles Maurras parlait mercredi soir au Théâtre municipal de Carcassonne. Présenté en langue d'Oc par l'abbé Salvat, félibre majoral, qui lui dit toute l'émotion qu'il ressentait à l'accueillir dans la ville où lui même avait fait ses études secondaires, notre directeur exposa longuement, devant un auditoire nombreux et attentif, l'oeuvre de Mistral, sous les trois aspects du nouvel Etat français : Travail, Famille, Patrie.
De longs et vigoureux applaudissements saluèrent le conférencier et, avant de se séparer, l'assistance écouta debout "La Marseillaise". M. Cabouat, préfet de l'Aude, qui n'avait pu assister à cette manifestation d'une haute tenue littéraire, s'était fait représenter par M. Rousseau, chef de cabinet.
Nous avions également remarqué parmi les personnalités présentes MM. Jourdanne, maire de Carcassonne ; Clément, Inspecteur d'Académie ; le colonel Imbart, représentant le général Guizard, président du Secours National ; Gélis, président de la Légion française des combattants, et le chanoine Sabarthe, vice-président ; le commandant Mercury, retenu par son service, s'était fait représenter ; le chanoine Cannac, supérieur du Petit Séminaire ; le pasteur Sellier ; Pierre Embry, bibliothécaire de la ville ; le vice-président de la Chambre de commerce, etc.
Notons enfin la présence du comte Christian de Lorgeril, président des Amis de l'Action Française, qui avaient organisé cette manifestation au profit de la Légion Française des Combattants et du Colis du Prisonnier, ainsi que celle de M. Level, représentant de Monseigneur le Comte de Paris.
A la sortie de la conférence, les Amis de la l'Action Française se réunirent dans une salle de l'hôtel Terminus et le comte de Lorgeril présenta à Maurras les nombreux groupements venus à bicyclette des communes avoisinantes, notamment le vaillant groupe de Laure-Minervois."
Charles Maurras est condamné le 27 janvier 1945 par la cour de justice de Lyon pour Haute trahison et intelligence avec l'ennemi. Il est déchu de son siège à l'Académie française.
Le 15 septembre dernier, Suzanne Sarraoca nous quittait. Discrètement, cette immense artiste Carcassonnaise qui avait connu les plus grandes et belles scènes lyriques du monde se retirait après un dernier salut. Il n'y eut cette fois pas de rappel du public. C'est chez elle à Carcassonne qu'elle choisit de vivre les derniers instants de sa vie, au milieu des pensionnaires de la maison de retraite des Berges du Canal. Là-bas, elle se plaisait à conter ses souvenirs du temps où elle était Floria Tosca, Carmen, Octavian, Aida... Seulement à qui la sollicitait pour cela, car Suzanne n'exposait jamais sa vie professionnelle. Elle voulait demeurer simple, abordable et finalement une vieille dame comme les autres. C'est d'ailleurs ce qui fut sa ligne de conduite durant toute sa vie. Elle, la fille de l'épicière de la Trivalle, partie de rien et propulsée si haut par l'enchantement d'une voix stellaire.
Née le 21 avril 1927 à Carcassonne, 32 rue de la Gaffe, Suzanne passe sa jeunesse dans le quartier populaire de la Trivalle, au pied de la Cité médiévale. Elle est la fille de Paul (1901-1977) cheminot de son état, et de Françoise (Paquita) Turet (1905-1995), épicière et couturière. Ses grands-parents, originaire d'Espagne, ont émigré à Carcassonne à la fin du XIXe siècle. Le caractère de Suzanne s'affirme par le mélange du sang Aragonais de son père et Catalan de sa mère.
La petite Suzanne fréquente l'École communale de la Cité, puis le lycée des jeunes filles. En 1942, elle décroche dans l'établissement avec quelques camarades, le portrait du maréchal Pétain. Ceci lui vaut d'être blâmée par la directrice qui convoque ses parents. A la Libération, on retrouve Suzanne juchée sur une table du café "Chez Félix", place Carnot, entrain de chanter la Marseillaise. Le film "La Malibran" de Sacha Guitry lui donne envie de chanter. Sa voix est remarquée par l'un de ses professeurs qui lui conseille de s'inscrire au conservatoire de musique de Toulouse. En 1946, c'est chose faite. Encouragée par sa mère, elle entre dans la classe de chant de Claude Jean et de solfège de Guy Lhomme, à Toulouse.
Suzanne Sarroca dans Carmen, photographiée par Paul Laprune à Carcassonne
Dans la ville rose, la jeune Carcassonnaise fait ses gammes et rencontre son futur époux : Louis Nègre. Fils de mineur, ce coiffeur remarqué pour sa voix entre au conservatoire de Toulouse en 1920, puis à celui de Paris en 1926. Un premier prix lui ouvre les portes du Palais Garnier et de l'Opéra Comique. Il y joue les grands rôles du répertoire avant que la maladie ne le fixe en tant que professeur au conservatoire de Toulouse de 1937 à 1953.
Premier rôle d'importance : Charlotte dans Werther de Jules Massenet. A Carcassonne, puis au Théâtre du Capitole de Toulouse en 1949. Suzanne n'a alors que 22 ans. Son ascension comme mezzo-soprano est fulgurante ; les engagements s'enchaînent. Mademoiselle Sarroca du Capitole de Toulouse, comme on disait à l'époque, fait merveille dans Carmen à Avignon, Bruxelles.
Les lauriers de la critique
Hérodiade de Massenet, au Théatre du Capitole
"Nous croyons qu'il faut particulièrement insister sur les très belle interprétation de Madame Suzanne Sarroca. Cette artiste a heureusement le physique du rôle et présente son personnage avec beaucoup de vérité, unissant justement cette sensualité à ce mysticisme que Massenet a remarquablement exaltés. Elle chante surtout magnifiquement. La voix est pleine, large, rigoureuse et riche de timbre et de couleur. Elle s'épanouit admirablement dans l'aigu. La diction est toujours impeccable et le style musical épique nous a paru parfaitement au point. C'est une grande artiste."
La damnation de Faust, 19 décembre 1957
"Madame Sarroca dont la grâce et le charme ne cèdent en rien à une voix magnifique fut une sculpturale Marguerite. Elle détaille avec un art infini sa chanson gothique et sa romance d'amour "L'ardente flamme" fut une merveille de sonorité."
Le chevalier à la rose de R. Strauss. Paris, 1957
"Sarroca est dans le rôle d'Octavian d'une élégance surprenante. Sa féminité voilée dans les rôles de grand éclat, a pu dans cette comédie musicale transparaître et s'affirmer par un charme qui a ravi même la créatrice. En plus d'une belle cantatrice, c'est une jolie femme aux traits purs, comme un antique avec un corps de Diane qui semble dans Le chevalier s'évader de l'embarquement pour Cythère. Elle a conquis un Paris difficile et l'éloge unanime de la critique est le plus bel hommage qu'une artiste peut recevoir."
Avec Régine Crespin, dans Le Chevalier à la rose.
En janvier 1958, la critique écrit : Maria Callas n'est plus seule. Alors que Suzanne Sarraoca assiste dans le public à une représentation d'Aïda de Guiseppe Verdi, la titulaire du rôle s'évanouit à la fin du 1er acte. Une danseuse remarque la présence de la cantatrice Carcassonnaise dans la salle. On l'habille, on la maquille en vitesse. Voilà notre artiste sur scène pour assurer la fin du spectacle. Plus tard, elle reprendra le rôle d'Aïda aux côtés de Jose Lucionni au Palais Garnier devant Soraya, l'Impératrice d'Iran. Elle remplacera même Renata Tébaldi dans ce rôle.
Suzanne Sarroca dans le rôle d'Aïda
Son interprétation emblématique reste celle de Floria Tosca dans l'opéra de Puccini. La première fois, ce fut à l'Opéra comique en octobre 1952 avec Libero de Luca dans le rôle de Cavadarossi, dirigé par Albert Wolff.
"Suzanne Sarroca a présenté une Floria Tosca réellement superbe. Sa voix étendue exceptionnelle et d'un mental solide est rare. Elle la conduit avec une science consommée, réalisant même au dernier acte des demi-teintes exquises. Le récit de la prière et le grand duo avec Scarpia furent des leçons d'art lyrique au sens le plus complet".
(Théâtre de la Monnaie de Bruxelles).
Tosca (Version française) avec Suzanne Sarroca et Guy Chauvet
Les amours de sa vie... Louis Négre et ses deux neveux, Jean et Paul Héritier. C'était pendant les représentations de Faust (Charles Gounod) au Théâtre municipal de Carcassonne le 1er mai 1962. Ce jour-là un grand malheur la frappa. Au cours du troisième acte, au moment où Suzanne Sarroca (Marguerite) chantait "Anges purs, anges radieux", son mari qui avait été pris d'un malaise dans la journée, succombait à une embolie pulmonaire. On la tint à l'écart de la nouvelle jusqu'au moment où dans la voiture, elle effectuait le trajet du retour vers sa maison natale, rue Camille Saint-Saëns. C'est là qu'elle apprit le décès brutal de Louis Nègre à l'âge de 59 ans. Ce grand chanteur et professeur de chant au conservatoire de Toulouse fut inhumé à Carmaux dans le Tarn.
En 1969, un autre amour entre dans sa vie. Il s'agit de Cécile, sa fille adoptive. Elle est aujourd'hui costumière à l'opéra de Genève en Suisse.
Valses de Vienne, Opéra de Marseille (1984)
Parmi ses collègues de travail : Luciano Pavarotti, Placido Domingo, Rita Gorr, Régine Crespin, Andréa Guiot, Paul Finel, Franco Corelli, Albert Lance, Alain Vanzo, René Bianco, Jose Luccioni, etc. A la Scala de Milan, Suzanne est dirigée par Visconti dans Don Carlos de Verdi. Sans compter, l'ensemble des lieux prestigieux qu'elle a fréquenté : Opéra de Paris, Royal Albert Hall, Opéra de Buenos Aires, Sacala de Milan, Théâtre royal de la Monnaie de Bruxelles, Opéra de Marseille, Théâtre du Capitole de Toulouse, etc
Comment pourrais-je oublier cette dame qui, alors que je n'étais qu'un débutant, accepta de venir chez moi me donner un cours de chant gratuitement. Suzanne Sarroca c'était cela, l'humilité et la simplicité d'une personne qui n'oubliait pas d'où elle venait. Une artiste issue d'une famille étrangère qui chanta la Marseillaise le jour de la libération de la France.
Selon ses dernières volontés, Suzanne Sarroca fut inhumée dans la terre dans la plus grande simplicité. Une cérémonie civile, quelques amis et membres de la famille, un texte émouvant lu par son neveu devant sa dépouille. Elle repose dans le cimetière La conte de Carcassonne.
Merci à son neveu, Jean Héritier, pour les photos d'archives.