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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 17

  • L'évêque de Carcassonne bénit l'Hypermarché Leclerc de ROCADEST

    Carcassonne n'en finit plus de faire parler sur la toile. Parfois, d'une manière cocasse, à l'image de l'article du journal Le Parisien - Aujourd'hui en France. Ce dernier relève dans ses colonnes un fait qui semble avoir ému jusqu'à la curie épiscopale. Dans un élan de charité chrétienne, Mgr Vincent, le nouvel évêque du diocèse de Carcassonne, a accepté la sollicitation toute particulière de M. Boissonade, directeur du nouvel hypermarché Leclerc situé à ROCADEST. À la nuit tombante, au moment où le rideau de cette cathédrale consumériste se baisse, Mgr Vincent a procédé à la bénédiction des lieux. Bien que ceci se soit fait en toute discrétion, l'évêché de Carcassonne n'a pas manqué de le faire savoir par les moyens de communication les plus modernes. Cette pratique n'a rien d'extraordinaire en elle. Monsieur Boissonnade a parfaitement le droit à titre privé en accord avec sa sensibilité spirituelle de faire bénir son entreprise. Faut-il encore qu'il soit très apprécié du diocèse pour obtenir la visite de l'évêque. N'importe quel curé aurait fait l'affaire. Depuis le Moyen-âge, les commerçants ont toujours cherché à protéger leurs échoppes. Dans la Bastide-Saint-Louis, il demeure des statues de la vierge dans les façades de vieux magasins. Citons, justement "A la vierge" tenu autrefois par la famille Gastilleur, dans la rue de Verdun. Ou bien encore, le Bazar Combéléran transformé en Monoprix, rue Clémenceau. En vérité, ce n'est pas la sollicitation de M. Boissonade qui interroge. Elle n'enfreint en rien la loi sur la laïcité. C'est plutôt que la bénédiction ait été faite dans le centre commercial le plus décrié de Carcassonne : ROCADEST. Celui qui est accusé de siphonner les commerces du centre-ville. Il n'est pas. certain que l'action de l'évêque soit de nature à ramener les brebis égarées vers la bergerie. On pourrait avec coquinerie réclamer que Mgr Valentin en fît de même pour la Bastide-Saint-Louis.

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    Le Christ chasse les marchands du Temple.

    « Jésus entra dans le temple de Dieu. Il chassa tous ceux qui vendaient et qui achetaient dans le temple ; il renversa les tables des changeurs, et les sièges des vendeurs de pigeons. Et il leur dit : Il est écrit : Ma maison sera appelée une maison de prière. Mais vous, vous en faites une caverne de voleurs. »

    (Matthieu, XXI, 12-13)

    Si dans l'article du Parisien, M. Boissonade se vante d'être le mécène des bâtiments religieux en restauration, nous rappelons que l'église des Carmes se trouve précisément dans la Bastide. Celle-ci bénéficie actuellement de fonds privés pour sa réhabilitation. Faute de clientèle pour les magasins désormais vidés de leur enseigne, il n'y aura bientôt plus grand monde pour acheter les cierges des Carmes. Pas plus d'ailleurs qu'à Saint-Michel ou à Saint-Vincent. A moins qu'il ne faille bientôt aller les acheter à l'hypermarché Leclerc dans lequel une chapelle sacralisée permettrait d'aller prier. Ah ! La concurrence déloyale n'a pas fini de hanter la Bastide-Saint-Louis...

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    Le Parisien / 23 mars 2023

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  • Angel Carruesco (1925-1944), héros du maquis de Trassanel.

    Il venait d'avoir dix-neuf ans depuis quelques jours à peine. Son anniversaire, il l'avait fêté avec ses camarades d'infortune au milieu des bois de la Montagne noire. Angel Eugène Carruesco était né à Sainte-Eulalie le 16 juillet 1925 de parents immigrés espagnols. Sa mère Joséphine née Lassierra (1902-1982), avait sollicité et obtenu la nationalité française en 1928. Trois ans exactement après le décès de son mari, Angel Carruesco Encuentra (1895-1925). Veuve, dans un pays étranger avec trois enfants en bas âge, elle devait affronter son destin avec courage. Angel, qui n'avait pas connu son père, pouvait-il compter sur ses soeurs Raymonde (1920-2010) et Joséphine Simone (1923-2000) ? On ne sait presque rien de cette famille. Toutefois, la naissance des enfants dans trois villages différents (Sainte-Eulalie, Villalier et Malviès) laisse supposer que les parents travaillaient à la tâche comme ouvriers agricoles. Qu'est ce qui poussa ce jeune garçon à prendre le maquis ? Nous l'ignorons, mais il se peut qu'appartenant au Corps Franc de la Montagne Noire il se soit trouvé à Trassanel suite à l'attaque Allemande sur la Galaube. La dispersion des maquisards après cet affrontement inégal, eut pour effet de faire grossir les rangs du maquis de Trassanel. Le 8 août 1944, Angel Carruesco se trouvait à l'intérieur de la grotte lorsqu'elle fut assaillie par les tirs ennemis. Il résista comme ses camarades avec bravoure et détermination. Le lendemain, il fut retrouvé en état de mort clinique près de la grotte. On le ramena à Cabrespine dans la maison d'Armand Chiffre, qui ravitaillait le maquis du Minervois en vivres.

    Nous étions le 9 août 1944 en début d'après-midi lorsque le Dr Hippolyte Rouanet vint se porter au chevet du blessé. Le médecin vit que le jeune homme, étendu sur la table de la cuisine, n'allait certainement pas s'en tirer. Alerté par Louis Raynaud, le Dr René Varennes fit alors son apparition : "Deux blessures par balle à bout portant. L'une ayant pénétré par le sommet du crâne, l'autre en pleine nuque. Les orifices de sortie l'un à la base du cou, l'autre sur la partie gauche de la poitrine. Enorme oedeme de la région cervicale du à une hémorragie interne abondante. Le pouls est très rapide. Aucun réflexe sensitif ou moteur ne subsistant. Le pronostic était la mort à très brève chance."

    Que faire du maquisard ? La guerre n'étant pas terminée, prodiguer des soins ou héberger un terroriste, était passible de la peine de mort. Chose surprenante, Armand Chiffre, qui avait déjà pris de gros risques, aurait sollicité le Dr Varennes afin que celui-ci allât déclarer le blessé à la préfecture. C'est d'ailleurs ce que comptait faire le docteur. Tous les deux se retranchent derrière le fait qu'Angel Carruesco n'avait aucune chance de s'en sortir. Par conséquent, le dénoncer ne lui faisait pas courir de risques, contrairement à eux. "Vu que je sortais de la prison et en liberté provisoire, arrêté par la Milice le 14 juillet et remis en liberté le 29 juillet, j'ai jugé utile de déclarer ce blessé vu qu'il était mourant, comme le disaient les docteurs", déclara M. Chiffre. Louis Raynaud assura que le Dr Varennes avait été sollicité par lui pour soigner des maquisards, mais que le médecin ne voulait l'accepter qu'à condition de déclarer les blessés en préfecture. Le lendemain matin du 10 août 1944, Angel Carruesco cessa de vivre.

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    Monument aux victimes de la grotte de Trassanel. Sur une plaque figure l'inscription suivante :

    "Ici mortellement blessé le 9 août 1944 Angel Cuaresco  fut recueilli par Chiffre Armand de Cabrespine."

    Le Dr Joutau, confrère du Dr Varennes à Caunes-Minervois, fit ressortir cette affaire après la Libération. Médecin lieutenant du CFMN puis du 173e RIA, résistant convaincu, Jourtau avait soigné clandestinement les maquisards. C'est lui qui vint en aide, dans une cabane isolée, à Rodriguez, Tahon et au tunisien Amor ben Amar. Jourtau qui avait reproché à Varennes son attitude fut convaincu de le poursuivre. Celui-ci arguant qu'il avait voulu se protéger, Jourtau répondit : "Pourquoi ? Ta peau vaut bien celle d'un maquisard." Quelques jours avant les élections municipales du 29 avril 1945 à Caunes-Minervois, le Dr Varennes figurait sur la liste d'opposition à celle de la Résistance. Le sang de Jourtau ne fit qu'un tour. Il se mit dans l'idée de faire payer à Varennes sa supposée lâcheté. Varennes finit par retirer sa candidature. Le 31 mai 1945, la plainte de Jourtau fut classée sans suite par le parquet de la Cour de justice.

    L'affaire n'en resta pas là. A son tour, le Dr Varennes attaqua le 27 juillet 1945 le Dr Jourtau pour dénonciation calomnieuse. Elle sera retirée le 4 septembre 1945. 

    Sources

    ADA / 123J110

    Journal Officiel / 8 avril 1928

    Etat-Civil

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  • La teinturerie Sicre, 34 rue de Verdun

    Dans l’une de ses chroniques, publiées dans La dépêche, Claude Marquié a évoqué en 1999 l’histoire de la teinturerie Sicre. Tout en reprenant ses informations, nous avons procédé à de nouvelles recherches documentaires et généalogiques. Elles ont abouti à enrichir d’une manière significative l’article rédigé par l’historien Carcassonnais.

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    Le magasin de la teinturerie Sicre en 2023

    Louis Antoine Sicre (1901-1977), fils d’un homme de peine du quartier des Capucins, entra au service de la teinturerie Patau à l’âge de treize ans. François Lucien Antoine Patau, né à Limoux le 2 septembre 1861, avait fondé en 1830 une teinturerie au fond de la rue d’Alsace. Il possédait une succursale à Limoux, 43 rue de la Trinité. Son père (1814-1893), lui-même teinturier, était originaire de Villagilhenc. La famille vivait 32 rue de la gare à Carcassonne.

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    © C. Marquié

    Usine de la teinturerie Sicre, rue de la Tour d'Auvergne

    Louis Sicre reprit le terrain et les bâtiments de la Blanchisserie moderne située 28 rue Pasteur, appartenant à Justin Gaubert Raynis. En garnison dans plusieurs ville de France, ce militaire était venu s’installer à Carcassonne au début de la Grande guerre. Au numéro 13 rue Chartrand, il réalisait comme tailleur d’habit des effets militaires. On suppose qu’il monta sa blanchisserie après l’armistice de 1918. Louis Sicre épousa sa fille Suzanne (1897-1964) le 12 février 1926 et installa sa teinturerie dans les locaux du 28 rue Pasteur, communiquant avec la rue de la Tour d’Auvergne.

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    Le magasin (34 rue de Verdun) avant son agrandissement

    La teinturerie installa son dépôt au numéro 34 de la rue de Verdun (actuel n°32), dans l’ancien atelier du relieur Jules Bertrand (1851-1918). Sa veuve, Philomène Malet, en conserva une partie pour son logement après la mort de son mari. Lorsqu’à son tour elle décéda, Louis Sicre fit l’acquisition du logement pour agrandir son magasin au début des années 1930. Ceci explique le caractère Art-Déco de la façade actuelle. L’usine de la rue Pasteur employait quatorze ouvriers avant la Seconde guerre mondiale. Elle doubla ses effectifs après la fermeture de la teinturerie Patau dont elle récupéra le local, 34 rue Clémenceau. 

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    © JP Serres

    Une ancienne ouvrière, Madame Paule Salangueda, se souvient : « Ce fut très dur. Les fers à repasser pesaient plus de deux kilos. Ils chauffaient autour du poêle à charbon. Il y en avait huit. On les tenait avec d’épaisses poignées, car le dessus était en fer. Pour mes petites mains, c’était très dur. Je serrais les dents… Le soir, je rentrais fatiguée car chez Lamourelle je travaillais assise. A la teinturerie j’étais debout et ce diable de fer qui était si lourd… Louis Sicre sortit une enveloppe de sa poche, qu'il me tendit. Je ne l'ouvris pas car elle devait être donnée intacte aux parents». Quand sa mère l'ouvre enfin : «J'en eus le souffle coupé, je ne m'attendais pas à plus que chez Lamourelle, des 40 francs qu'il me donnait, Louis m'en donnait 56, j'étais un peu fière, à 17-ans et demi, je gagnais plus que les femmes qui travaillaient aux chiffons depuis plus de vingt ans. Au bout d'un an, je gagnais 11 francs par jour, je faisais autant de travail que je pouvais, je fus proclamée ouvrière. »

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    © JP Serres

    La société Sicre et fils dut changer ses statuts au moment de la mort de son fondateur. Le 30 mai 1977, Albert Henri Lucien Sicre (1931-2005) poursuivit seul l’exploitation qu’il détenait en association avec son père. La teinturerie seule n’étant plus rentable, le travail s’étendit au nettoyage et à la blanchisserie. Comme le souligne Claude Marquié, « cette évolution signa la mort de l’usine, détruite en 1981, puis remplacée par un building. Quant aux magasins, ils disparurent quelques années plus tard, à l’exception de la celui de la rue Aimé Ramond.

    teinturerie sicre

    Sources

    C. Marquié / La dépêche / 1999

    A. Raucoules / La rue de Verdun

    Archives de l'Aude, Tarn, Hautes-Pyrénées

    Annuaires de l'Aude (1911, 1921, 1939)

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