Né à Oppenheim dans l’actuelle Allemagne le 24 mai 1802, autrefois Grand duché de Hessen, Fritz Lauer vient s’installer à Carcassonne à l’âge de vingt ans. Peut-être avait-il des liens familiaux avec d’autres Lauer que l’on rencontre au XVIIIe siècle à Carcassonne et à Bram.
Le fils du médecin Michel Lauer et de Marguerite Schmitz décide de reprendre les affaires de la brasserie Verguet à la Trivalle et de produire de la bière avec les techniques éprouvées de l’autre côté du Rhin. C’est ainsi que naît en 1824, la brasserie Fritz Lauer ; elle conserve le prénom germanique du patron qui, après francisation devient Jean Frédéric Lauer. Veuf de Pétronille Orliac le 18 novembre 1837, Jean Frédéric se remarie l’année suivante avec Marie Orliac à Montolieu. De ses unions, nous avons compté pas moins de neuf enfants (Antoinette, Charles André, Marguerite, Jean, François, Rosine, Françoise Jean Frédéric, Charles Léopold, Frédéric).
En 1878, la brasserie Fritz Lauer passera entre les mains de deux de ses fils sous la raison sociale de Lauer frères. Ils en feront l’une des plus importantes du midi. Grâce à l’expérience et au savoir-faire du fondateur, l’entreprise ne cessa pas de s’agrandir et de prospérer selon deux méthodes de fermentation, haute et basse. L’acquisition d’une machine Pictet en 1887 dans l’usine permettra de produire de la bière bock (fermentation basse) et de la bière ordinaire (fermentation haute), pour un procédé qui amène le liquide dans des tuyaux fixés le long des voûtes des immenses cuves. Cette même machine servira à faire la glace destinée à maintenir la température dans les cuves de fermentation.
Les machines à vapeur de 25 chevaux mettent en mouvement concasseurs de grains, agitateurs dans les cuves, cribleurs des orges. On compte également quatre chaudières de cent hectolitres, deux cuves, deux cheminées et des pompes. L’eau nécessaire à la fabrication se trouve captée par des sources dont le débit permet de tirer 500 hectolitres à l’heure. La brasserie est en mesure de produire 40 000 hectolitres par an.
Le 11 février 1914, la brasserie devient une Société anonyme sous l’impulsion de François Ernst - fils du fondateur - et de son épouse Zélie Borie, mariés à Tulle le 16 septembre 1867. Lauer frères devient « Brasserie Fritz Lauer » pour la fabrication et commerce et vente de la bière en gros ou en détail, soit directement soit par entrepositaires, soit par des établissements de détail. »
Son siège étant route de Narbonne à Carcassonne, elle possède logement des domestiques, hangars, écuries avec grains à foin, remise de voitures, salles des machines, salle de brassage, germoirs en sous-sol, caves de fermentation, cave de garde, 119 foudres à bière et 40 cuves à fermentation. L’entreprise est gérée par un conseil d’administration dont les membres sont tous de la famille : Magdeleine Lauer, Prosper Gary, Marie Lauer, Léon Eugène Lauer, Marie Rose Doumerg, Paul Louis Fourès-Carles, Geneviève Louise Lauer, Jean Jeanjean.
« La journée commençait à six heures, à la pendule ; le portail était fermé à ce moment-là, et le travail durait jusqu’à midi et de 14h à 18h, pour lesquelles je touchais 7 francs et mon père 8. A cette époque, le demi-litre de bière valait 16 sous, le litre de lait 6 et le kilo de pain, 13… Le travail était pénible car il n’y avait pas de machines, tout se faisait à la force du poignet, par exemple la manipulation du charbon ou de l’orge ; la livraison de la bière était pénible en ville, car il fallait monter les fûts sur le camion, puis les descendre dans les caves des cafés. Certains postes présentaient d’autres inconvénients : les nuages de poussière quand on remuait le grain, la chaleur quand on était près de la chaudière, le froid dans la cave, ce qui fait que ceux qui y travaillent étaient toujours enroués ; quant à ceux qui étaient au germoir, ils étaient tous voûtés à force de remuer le grain avec leur pelle. » (Quelques industries carcassonnaises à la fin du XIXe siècle / Bull. Ses 1984 / Claude Marquié)
Malgré les difficultés d’un travail pénible, le paternalisme dans la gestion de l’entreprise offrait quelques avantages aux ouvriers, associés à la vie de la famille. Le 30 août 1943, l’Association des jardins ouvriers de la brasserie Fritz Lauer est créée. Elle organise des jardins ouvriers en faveur de ses membres adhérents.
Camion électrique devant le café des Négociants
Après la Seconde guerre mondiale, le transport des fûts s’améliora puis vint la concurrence à laquelle l’entreprise centenaire ne put répondre.
En 1951, les bières Ruoms absorbèrent Fritz Lauer avant de disparaître à leur tour. Il reste dans les mémoires et dans les vieilles publicités, le souvenir d’une entreprise Carcassonnaise autrefois florissante. Les bâtiments de l'usine ont été rasés avec la grande cheminée pour laisser place à l'actuelle Cité Léon Noubel.
Seul vestige de la brasserie Fritz Lauer, avenue du général Leclerc
Sources
Le panthéon de l'industrie / 6 février 1887
ADA 11 / Série U
Etat-civil
Journal Officiel / 1943
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Commentaires
Merci Martial pour cet interessant article.
Il nous est toujours agréable de vous lire, en ouvrant la boite de nos souvenirs
avec vos articles sur les anciens commerces Carcassonnais.
A bientôt et amicalement.
Pierre-Baptiste
bonjour, encore merci pour vos recherche, cordialement
Découverte totale !!! Merci Martial !!
Un grand merci pour ce récit toujours très intéressant, en plus c’est une grande découverte.
C’est toujours très agréable et passionnant de lire vos articles.
Encore merci pour ces souvenirs , vous faites vivre et revivre notre chère ville de Carcassonne
Quelle découverte !!!
Merci pour toutes ces recherches
Continuez !!
Merci pour tous ces détails de notre ville , toujours un plaisir de vous lire
Merci de nous retracer avec précisions les anciennes activités de notre ville.
Félicitations pour ce travail de recherche.
encore merci pour cette page de l'histoire commerciale de notre ville
article toujours bien documenté et passionnant
Assez bon résumé de l'historique de la Brasserie Fritz Lauer avec, cependant quelques imprécisions et lacunes.
Principale interrogation de ma part : la date de la fondation de la brasserie, que vous dites remonter à 1824.
Sur quels documents d'archives vous basez-vous pour étayer cette affirmation ?
Toute information à ce sujet sera appréciée.
Merci d'avance.
R. Elchinger
Carcassonne
Monsieur Elchinger,
S'il y a des imprécisions et des lacunes, j'attends que vous les combliez avec un "assez bon" complément afin d'en faire profiter l'ensemble des lecteurs. Concernant la date de la fondation de la brasserie, vous la trouverez dans les sources que je cite à la fin de mon article.
Serviteur,
Martial Andrieu
Sans doute un des meilleurs documentaires qui m'ait été donné de lire sur les origines de la Brasserie Fritz Lauer et que mon père ,descendant de cette lignée aurait eu beaucoup de plaisir à lire . Merci Martial Andrieux pour ce beau travail de recherche
Bonjour Benedicte,
Je suis moi-même de cette lignée de Fritz Lauer.
Avez vous des infos sur les enfants de Fritz ?
Merci
Je suis très contente d'avoir lu cet article et de découvrir l'histoire de la brasserie Fritz Lauer qui était mon Arrière grand père.
Bonjour, j’ai connu Bénédicte Lauer quand j’étais jeune. Elle habitait dans une maison proche du palais de justice. J’ai été invitée à jouer dans cette maison. J’étais en classe à Jeanne d’Arc et ensuite à Varsovie. Je suis née en 47, j’ai donc 74 ans. Vous souvenez-vous de moi? Nelly
Bonjour.
Dans ma collection, j’ai deux bouchons en porcelaine de la brasserie de Fritz Lauer. Je pourrais fournir des photos de ces bouchons pour les présenter ici sur cette page.
Cordialement,
Norbert
Paul Foures Carle,administrateur à la brasserie, époux d'une demoiselle Lauer, née à Tulle car de parents mariés en cette cité, était mon arrière grand père.Ils demeuraient bd Barbès en place de l'hôtel de police, face au 3erima.Leur fille ainée, Marguerite Foures Carle est décédée au Maroc d'un accident en auto en 1953, elle était séparée de André Cambournac, officier de marine.Une fille unique, née de leur union, Huguette Cambournac,ex Tregon,92 ans réside maintenant à Narbonne avec son fils ainé, Henri, votre serviteur.