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Patrimoine disparu - Page 32

  • Sur les traces de l'ancien domaine de Saint-Jean de Brucafel

    Il suffit parfois d'une mauvaise retranscription de l'administration, pour qu'une seule lettre change l'identité d'un lieu vieux de plusieurs siècles. À Carcassonne, on est sur ce point assez coutumier du fait. Citons pour exemple la Ferrandière qui devient la Ferraudière, le chemin de Malelait à Villalbe qui devient Matelait, le domaine de Moureau qui devient Moreau...etc. Nous allons aujourd'hui nous intéresser au domaine de Saint-Jean de Brucafel - aujourd'hui disparu - sur lequel s'est construit le quartier Saint-Jean de Brucatel par le miracle d'un fonctionnaire atteint de myopie.

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    Situation

    La commanderie de St-Jean - possession de l'Ordre de Malte jusqu'à la Révolution - se trouvait au nord-est de Carcassonne. En 1810, le passage du Canal du midi dans la ville partagea les terres du domaine en deux. Sur le plateau de Grazailles en direction de l'actuelle zone du Pont-rouge, on distinguait à droite les bâtiments de la ferme. Les terres se prolongeait en contre-bas jusqu'à la route minervoise, la SOMECA et l'usine de St-Jean, qui bien entendu tire son nom de l'ancienne commanderie.

    Généalogie

    Propriété de la famille de Murat jusqu'à la Révolution, ce domaine leur est ensuite confisqué. Il est acquis en 1797 par Pierre Paul Bilhard (1752-1807), futur beau-père de Casimir Dupré (1781-1863) qui en héritera ensuite par le biais d'un mariage consenti avec Marguerite Bilhard (1788-1865). Leur fils, Joseph Léo Dupré (1808-1882), avocat général à Bordeaux puis Procureur général à Toulouse sera Député de l'Aude de 1849 à 1851. Il s'installera en 1870 à St-Jean afin d'entretenir le domaine agricole jusqu'à sa mort le 16 juillet 1882. De son mariage avec Marie Miquel, il aura cinq enfants.

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    © Chroniques de Carcassonne

    Casimir Dupré est le fils de Joseph Dupré (1742-1823), fabriquant en draps. Ce dernier est élu à l'Assemblée Nationale entre 1789 et 1791, puis maire de Carcassonne de 1791 à 1792. C'est un partisan très modéré de la Révolution. Considéré comme suspect pendant la terreur, il doit se cacher et devient le 9 thermidor 1793, membre du Conseil supérieur du commerce. Il vit dans un hôtel particulier de la rue de Verdun ; exactement, dans l'actuel Centre Joë Bousquet.

    Les transformations du domaine

    En 1810, les 120 hectares des terres du domaine de St-Jean de Brucafel sont donc coupées en deux parties, pour laisser passer le Canal du midi dans Carcassonne. Si les 50 hectares situés au nord avec les bâtiments sont constitués de terres fertiles, il n'en est pas de même des 75 ha au sud. Ceux-ci représentent un désert stérile, improductif et abandonné aux crues de l'Aude qui ravagent 15, 20 et parfois 30 ha.

    Casimir Dupré obtient en 1836 la concession d'un barrage de 0,85 mètres de longueur sur l'Aude avec deux vannes d'un mètre 33 de largeur chacune. Dupré ouvrit un canal d'un kilomètre 600 dont les eaux après avoir arrosé 50 ha, se jetèrent à 2600 mètres du barrage. Les 20 ha restant ne pouvant être arrosé par ce moyen en raison de l'élévation du terrain, ils le furent grâce à une roue hydraulique à double auget et une noria à manège de deux chevaux, donnant ensemble 2 m3 d'eau par minute. 5 ha sont arrosés grâce àune concession avec le Canal du midi.

    Casimir Dupré, afin de préserver ses nouvelles prairies des caprices du fleuve, a fait ériger 2000 mètres de digues et planter en rivière de nombreux arbres et taillis. Après avoir défoncé et nivelé ces terres, il a remplacé les graviers par des limons et de la vase issues des eaux bourbeuses de l'Aude. Tant et si bien que la partie au sud a supplanté en intérêt agricole celle du nord, devenue accessoire. Casimir Dupré devint ainsi le premier qui à grand échelle, transforma dans l'Aude des terres de sable et de gravier en prairies cultivables. Son investissement financier fut considérable, tout comme les milliers d'arbres qu'il a planté pour lutter pendant quinze ans contre les inondations.

    Que reste t-il de St-Jean de Brucafel ?

    Sur les terres situées au sud, on a construit une minoterie dont l'activité perdura jusqu'en 1925; l'usine de javel de St-Jean jusqu'en 1987 et la SOMECA, construite en 1936. Au nord, les bâtiments du domaine de St-Jean de Brucafel ont été rasés dans les années 2000. Un lotissement donnant naissance à un nouveau quartier de la ville a été construit tout autour. Il ne reste que peu de vestiges et un jardin d'enfants.

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    © IGN

    Le domaine de St-Jean en 1986

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    © IGN

    La même prise de vue en 2015 

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    © Jacques Blanco

    Ce qu'il reste de la Commanderie templière de St-jean de Brucafel

    Sources

    Généanet

    Mémoire de la Société Royale et centrale d'agriculture (1841)

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    © Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2015

  • Sur les traces de l'ancienne métairie de la Reille...

    La métairie de la Reille - dont la plus ancienne mention dans un compoix remonte à 1660 - n'a pas échappé à la destruction comme le domaine de Salvaza, la commanderie templière de Saint-Jean de Brucafel et bientôt le domaine de Moureau... L'ensemble de ce patrimoine agricole et viticole a été progressivement abandonné dans la seconde moitié du XXe siècle, squatté, saccagé, incendié et acheté à l'état de ruine par des promoteurs immobiliers. C'est  à chaque fois le même processus qui débouche en lieu et place, sur la construction de logements résidentiels ou sociaux. Il est bien dommage que notre région, si fière de son passé viticole, laisse massacrer tout ce qui a fait sa richesse. Il semblerait qu'aucune personne ait levé le petit doigt pour tenter de défendre ou du moins, faire connaître ces endroits, avant qu'ils ne disparaissent du paysage. 

    Un peu d'histoire

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    Carte de Cassini

    (Milieu XVIIIe siècle)

     Situé au sud-ouest de la paroisse de Gougens à Carcassonne, cette métairie porte le nom d'un soc triangulaire servant au labour appelé reille. La famille Combettes qui en est propriétaire au XVIIIe siècle la cède ensuite à M. Teisseire, avant qu'elle ne soit vendue aux frères Castel en 1820. (L'ancienne paroisse de Gouges / Abbé Sabarthès)

    Jean-Pierre et Antoine Castel sont propriétaires du domaine de Paret-Longue et d'un hôtel particulier, 71 rue de Verdun. Eugène en hérite pour moitié et Théodore reçoit la métairie de la Reille, à la mort de leurs oncles. En 1903, c'est à Louis Castel que Théodore lègue le domaine ; il se fait désormais appeler Castel de la Reille. Ceci afin de se distinguer, dit-il, des nombreux homonymes sur Carcassonne. (Michel Cau / Bull SESA / 2014)

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    © Lestrade

    Le domaine de la Reille en 1908

     Les terrains du domaine seront vendues petit à petit par la famille Castel après la seconde guerre mondiale. Dans les années 50, la coopérative "Les castors" fait l'acquisition d'une partie des terres afin de construire des pavillons. Le quartier gardera ce nom.

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    © IGN

    En 2003, le domaine de la Reille est toujours debout malgré son état de déshérence. Il sera bientôt livré à la pioche des engins de chantier. En 2007, une résidence sécurisée sortira de terre et accueillera les premiers locataires, mettant ainsi fin à plusieurs siècles d'histoire. Il est peu probable que les nouveaux résidents soient renseignés sur l'existence de ce domaine.

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    © Google maps

    De l'ancien domaine, il ne reste aujourd'hui que les sapins qui l'entouraient. La résidence se trouve chemin du vieux canal, car proche de l'ancien tracé du Canal du midi, à une époque où il ne passait pas dans Carcassonne.  Juste à côté du collège Charles Cros dans le quartier de la Reille... bien sûr.

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  • La Villa Roy : une source de fraîcheur oubliée des Carcassonnais

    A la belle époque, le quartier des Capucins possédait une espèce de guinguette avec une source d'eau fraîche très prisée des riverains. Ce lieu de détente, compris entre Patte d'oie et les terrains Delteil se nommait Villa Roy ; il était la propriété de François Cuxac.

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    Si l'activité commerciale a disparu depuis bien longtemps, les bâtiments ont été conservés et transformés en maison d'habitation.

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    Au pied de la grotte se trouvait une source d'eau fraîche qui faisait la réputation de ce lieu en période estivale, au moment où la chaleur devenait étouffante. Les témoignages contenus dans l'excellent travail de Madame Suzanne Bezombes révèlent l'importance de ce lieu même après la disparition de la guinguette.

    "Aux environs des années 1940, tout juste avant la deuxième guerre, tous les gens du quartier, et il y avait beaucoup de familles nombreuses, venaient prendre l'eau à la source de Villaroy qui coulait toujours, fraîche, limpide et bonne à boir. Munis de seaux, de brocs, de cruches, dès 11 heures du matin, la queue se formait et arrivait, vu le nombre de personnes, jusqu'au portail d'entrée. Nous entrions dans la propriété par l'allée centrale bordée de grands pins. Puis nous arrivions par un sentier étraoit et en pente dans une clairière où était là une statue représentant une jeune fille.

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    Ce lieu était très ombragé, frais et humide où il faisait bon se reposer un moment en écoutant le bruit léger de la source. Un petit chemin bordé de buis amenait à une terrasse avec une murette de pierre où trônait la statue. En continuant quelques mètres nous descendions alors vers la source, un endroit très humide et ombragé. Elle coulait à gros débit et était parsemée de cresson. L'été, les habitants du quartier allaient chercher l'eau fraîche pour boire et aussi faire tremper la salade et mettre le beurre au frais."

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    © Marie-Elise Gardel

    On croyait cette source depuis bien longtemps tarie, car le domaine et la fontaine s'étaient enfoui dans la végétation. Il faudra toute la célérité et les recherches de plusieurs historiens pour révéler à nouveau la source et ses origines. Selon Henri Alaux, elle appartenait aux frères Jacobins et était amenée par une conduite en poterie enterrée sous les fossés de la bastide Saint-Louis jusqu'à leur jardin potager. Cette canalisation a été dérivée au moment de la construction de la porte des Jacobins en 1779, vers les deux fontaines qui se situaient de part et d'autres de l'entrée. Il n'en reste qu'une aujourd'hui qui coule avec l'eau de la Villa Roy.

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    La fontaine du portail des Jacobins

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    L'eau arrive par une canalisation en poterie provenant du talus situé sur un terrain communal, circule dans le jardin en terrasses et s'écoule en contrebas dans le terrain communal.

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    Le bassin à la Belle époque était alimenté par la source. Il n'existe plus et se trouvait sur le terrain Delteil que la commune a acquis en 2012 afin de contruire une maison de quartier et un gymnase.

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    Les terrains Delteil sur lesquels la maison de quartier est en cours d'édification. Dans la présentation de l'équipe municipale précédente, il était prévu un jardin avec une mise en valeur de la source de la Villa Roy. Il semble que ce projet ait été abandonné par l'actuelle municipalité.

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    Le chantier vu depuis Patte d'oie

    © Claude Boyer

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    Un visuel conçu par les architectes Crégut et Duport

    Source

    Suzanne Bezombes/ Contribution à l'histoire de Carcassonne : recherches récentes sur la fontaine de la villa Roy et lieu-dit La patte d'oie / Bull. Sesa. CVII. 2007

    Henri Alaux / Quartiers et faubourgs au fil du temps / 2002

    L'Indépendant

    Photos

    Collection Martial Andrieu

    M-E Gardel

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