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Patrimoine disparu - Page 31

  • À la découverte du barrage oublié et des usines de Saint-Jean

    Il suffit parfois de peu d'éléments pour tirer le fil de l'histoire... Dans ce cas précis, il s'agit d'une vieille photographie jaunie par le temps qui ne comportait que l'inscription manuscrite suivante : Prise de Saint-Jean, 28 mai 1900. N'étant pas sur place, j'ai aussitôt mis sur les rangs Jacques Blanco, l'ancien secrétaire des Amis de la Ville et de la Cité. Il s'est tout naturellement dirigé vers les anciennes usines de Saint-Jean en contrebas de la route minervoise, près de l'ancienne SOMECA. La photographie en poche, il n'a pas eu de mal à retrouver ce lieu, resté par chance quasi intact depuis plus d'un siècle. Il recueille les premières informations du terrain grâce au locataire de la maison appartenant à un propriétaire ariégeois ; il prend également des photographies. De mon côté, je tente de rechercher sur l'annuaire le numéro de téléphone de ce monsieur, dans l'espoir qu'il puisse nous apporter des informations sur l'histoire de ce barrage. Les personnes ne souhaitent pas toujours collaborer, mais là, je suis tombé par chance sur un amoureux des vieilles pierres. Lorsqu'il acheta ce site, la maison attenante était en mauvais état. À grands frais il la remonta, sans toucher à son aspect d'autrefois. Il m'expliqua alors ce qu'il savait sur l'origine de cette prise d'eau et me promit de m'envoyer de vieux documents. Ce qu'il fit un mois plus tard. Nous voilà donc aujourd'hui en mesure de vous présenter le fruit d'un travail inédit, réalisé de concert avec un homme de terrain qui a vu couler beaucoup d'eau et, un homme de grimoires qui a vu couler beaucoup d'encres...

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    Le 28 mai 1900, les descendants de la famille Dupré se font photographier sur le petit pont surplombant le béal de la prise d'eau de Saint-Jean. Si vous avez suivi l'article que j'avais rédigé sur la métairie de Saint-Jean de Brucafel, vous savez que l'ensemble des terres du domaine ont été partagées en deux, au moment du passage du Canal du midi dans Carcassonne en 1810.

    La prise d'eau

     Pierre Paul Bilhard demanda l'autorisation de faire construire un canal de prise d'eau à la rive gauche de l'Aude et d'établir une machine hydraulique, destinée à élever les eaux nécessaires à l'irrigation de son domaine. Cette fonction servira également à faire tourner la minoterie de St-Jean. Une ordonnance en date du 26 janvier 1820 signée de Louis XVIII, Roi de France et de Navarre, lui en donne l'autorisation. Il s'agit de construire une prise d'eau destinée au mouvement de deux roues fixées par un même arbre, dont une à aubes et l'autres à augettes.

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    Sur la gauche, nous apercevons la partie exposée sur la photo de 1900

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    Cette prise d'eau sera composée de deux ouvertures formées par un portique voûté en plein cintre d'une largeur de 1 mètre, fermé par une vanne à vis ou à crochets. La crue de l'Aude le 25 octobre 1891 fit monter l'eau jusqu'au dessous de la voûte ; un niveau des crues le signale.

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    Vannes de la prise d'eau

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    Vue de la prise d'eau depuis la rive droite

    Ces ouvertures seront soudées sur un radier en pierre de taille établi à un mètre en contrebas du niveau des eaux basses de l'Aude, et défendues à l'amont par deux murs de même maçonnerie, ayant chacun dix mètres de longueur et élevés sous 1/10 de fruit jusqu'au niveau des berges.

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    Le canal de dérivation aura deux mètres de largeur au plafond, avec un talus d'une inclinaison de 45° établi au niveau du radier de prise d'eau, avec une pente de 0,5 millimètres par mètre jusqu'à celui du seuil des roues motrices. Il amènera l'eau à un moulin farinier, construit en 1823 par Paul Bilhard sur le nouveau cours du Fresquel. Cette rivière a été détournée lors de la construction du nouveau tracé du Canal du midi en 1810. Le moulin prenait l'eau au canal de dérivation venant de la prise de St-Jean pour faire trouver les meules, puis le rejetait via des coursiers de fuite dans le nouveau Fresquel.

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    L'ancienne minoterie de St-Jean

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    Les vestiges d'une meule

    En 1836, Casimir Dupré succèdera à son beau-père et installera une scierie dans l'ancienne minoterie. Le sapin descendra par flottage par l'Aude. Le canal de dérivation sera alors agrandi afin de donner plus de puissance à la force hydraulique indispensable à la scierie. En 1936, la construction de l'usine de caoutchouc SOMECA se servira de l'ancien canal de dérivation de la prise d'eau de St-Jean pour faire tourner une petite centrale électrique. L'eau fera tourner les turbines ; elle sera rejetée via un coursier de fuite dans l'Aude, avec pour conséquences l'arrêt de l'alimentation en eau vers l'usine de Javel et l'ancienne minoterie en friche.

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    Perdu dans la végétation, l'ancien canal de dérivation entre la centrale électrique de la SOMECA et la minoterie de St-Jean.

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    La centrale électrique de la SOMECA construite par M. Talmier

    Les obligations de l'ordonnance royale

    Le concessionnaire devra faire fermer la vanne de prise d'eau toutes les fois que le service du flottage l'exigera, à peine de tous dommages et intérêts ; construire un aqueduc pour donner passage aux eaux de la rigole de sortie du pont aqueduc dit de Saint-Jean, dépendant du Canal du midi ; d'établir à ses frais une poutre sur tous les passages publics que le canal serait dans le cas de traverser et d'entretenir ces poutres en bon état.

    Le barrage sur l'Aude

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    Casimir Dupré (beau-fils de Paul Bilhard) obtient en 1836 la concession d'un barrage de 85 mètres de longueur sur l'Aude avec deux vannes d'un mètre 33 de largeur chacune. Le 10 février 1869, un acte notarial enregistré chez Me Bausil fixe les termes d'un échange entre Léo Dupré (fils de Casimir) et les propriétaires des terres du domaine de Bourriac, situé sur la rive droite du fleuve. Il est constaté que le barrage n'étant pas terminé puisque ne touchant pas l'autre rive, il occasionne la perte d'une grande quantité d'eau responsable de la corrosion des berges des terres de Bourriac. En conséquence :

    "Mademoiselle Riscle et M. Prospère Cardes, au nom de son fils mineur, concèdent à M. Dupré le droit d'attacher son barrage à la propriété du domaine et la faculté de construire, en maçonnerie, sur la rive dépendant de cette propriété, une souche capable de retenir complètement les eaux de la rivière au niveau de son barrage."

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    Pour ne pas éroder davantage la berge, M. Dupré fera prolonger son barrage perpendiculairement au cours de la rivière. Les propriétaires de Bourriac autorisent également M. Dupré à aller se servir en matériaux dans la carrière de pierre ouverte dans le domaine.

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    En échange, il sera construit une échancrure ou prise d'eau rectangulaire de 70x40 cm et de 80 cm de hauteur, côté rive droite pour l'irrigation des terres de Bourriac.

    Cette prise d'eau sera la tête du canal d'amené à construire par les enfants Cardes, qui conduira les eaux à une turbine placée à peu près à moitié distance du barrage et du ruisseau de la porte de fer.

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    Maisonnette dans laquelle se trouvait la turbine

    La turbine permettra l'irrigation au niveau du chemin de Carcassonne à Montredon ; soit 6 litres par seconde.

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    Millésime de la construction

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    Vue aérienne du barrage de St-Jean en 1948

     

    Crédit photos

    Jacques Blanco

    avec l'aimable autorisation des propriétaires

    Sources

    Nous remercions vivement M. Strumia

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    © Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2015

  • Notre patrimoine disparu retrouvé aux États-Unis d'Amérique !

    Hier, nous vous présentions un article sur le Logis de l'Inquisition, dans lequel une série de cartes postales nous ont permis d'observer la valeur des objets et du mobilier contenus dans l'ancien musée d'Antoine Sarraute, antiquaire à Carcassonne en 1913. La question la plus communément posée était : Que sont devenus ces antiquités ? Cela fait maintenant plus d'un siècle ; il est donc très compliqué de répondre à cette énigme. D'autant plus qu'avec les héritages ainsi que les nombreuses ventes aux enchères, il est très improbable de retrouver l'ensemble de ces objets dans les collections privées. La seule lueur d'espoir c'est de les chercher dans des musées nationaux. Avec un peu de chance et beaucoup de perspicacité, l'aiguille apparaît en dehors de la botte de foin...

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    Prenons une de cartes postales de l'ancien musée de l'Inquisition. À gauche, dans le fond, vos yeux ne peuvent pas rater le blason sculpté dans la pierre. D'après la légende contenue dans la carte, il s'agit du blason d'Henri II de Montmorency provenant du château de Leucate.

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    Agrandissons-le et consultons les armoiries de la famille Montmorency

    "D'or à la croix de gueules cantonnée de seize alésions d'azur ordonnés deux à deux"

    Pas de doutes, il s'agit bien des armes de cette famille.

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    Maintenant regardez ceci... Ne trouvez-vous pas une très grande ressemblance avec le blason vu à Carcassonne en 1913 ? Il est actuellement au Philadelphia Muséum of Art en Pennsylvanie avec la mention suivante :

    "Armoiries du Connétable Anne de Montmorency"

    Ce relief a été acquis par le musée en 1945 et provient de la collection de George Grey Barnard. S'il n'est pas indiqué que cet objet d'art vient du château de Leucate et à fortiori du magasin d'antiquités d'Antoine Sarraute, la relation est pour le moins troublante. Essayons donc d'en savoir davantage sur George Grey Barnard.

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    George grey Barnard

    (1863-1938)

    Barnard est né à Bellefonte (Pennsylvanie)... Il a fait ses études de sculpture en France pendant douze ans et son oeuvre est très inspirée par Rodin. 

    Passionné par l'art médiéval, Barnard acheta en France, chez des antiquaires et des particuliers, des sculptures et fragments architecturaux provenant de quatre monastères – Saint-Michel de Cuxa, Saint-Guilhem le désert, Bonnement en Comminges, Trie-en-Bigorre – vendus comme biens nationaux à la Révolution et démantelés par leurs propriétaires. Le marchand d'art René Gimpel, dira de lui qu'il était absorbé par la fortune, tirée du commerce des oeuvres d'art. On apprend que Barnard avait acheté des reliques médiévales provenant de plusieurs villages français avant la Première guerre mondiale. Sa collection avait été entreposée dans un bâtiment en briques à côté de chez lui à Manhattan (N-Y City). Elle fut rachetée par Rockefeller en 1925 et se trouve en partie au Cloisters du Manhattan Museum of Art.

    Conclusion

    Nous nous autorisons à penser qu'à 99,9%, le blason du château de Leucate a été acquis par Georges Grey Barnard en 1913 à Antoine Sarraute. Il a dû être ensuite revendu au musée de Philadelphie et fait aujourd'hui partie de ses collections. Ceci doit nous interroger sur les pratiques et les pillages organisés d'oeuvres d'art sur le monuments historiques au XIXe siècle. N'oublions pas que le lien entre archéologue et marchand d'art est encore de nos jours très étroit, même si chaque objet est à priori maintenant référencé dans une base de données.

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  • Le monument aux morts du Couvent des Capucins retrouve la lumière !

    Le samedi 12 octobre 2002, le Couvent des Capucins dans la rue du 24 février était entièrement rasé et allait laisser place à une résidence immobilière. Vous pouvez à ce sujet consulter ci-dessous l'histoire de cet énorme gâchis.

    le-couvent-des-capucins-massacre-par-un-promoteur-immobilier.html

    Voici comment les peintures marouflées de Jacques Ourtal et le monument aux morts de la Grande guerre ont été sauvées in-extremis de la destruction.

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    Voilà où en était la destruction quand avec émoi, on entendit: 

    "Il faut tout arrêter, ils vont détruire les toiles de Jacques Ourtal".

    Ne pouvaient-ils pas s'en soucier plus tôt ? Il paraît qu'on avait oublié le grand peintre qu'était Ourtal. Heureusement, L'abbé Didier Escoupérié passait par là, car sans lui... Bon, on dépêcha sur place les services de la DRAC qui ordonnèrent la sécurisation des oeuvres du peintre, marouflées sur les murs que la chute des pierres avait rendus poussiéreuses. La mairie, grâce à Nicole Bertrou, imposa au promoteur qui n'avait cure de ces objets d'art et qui, sans elle, les aurait passé au pilon, de financer le sauvetage. C'est dans des conditions précaires et dangereuses que Andrezej Mielniczek (restaurateur agréé par les Monum), Corinne Calvet et M-C Ferriol ont sorti les toiles posées contre les murs des chapelles et du choeur. Ils ont travaillé sur un échafaudage municipal inadapté, en risquant de prendre des pierres sur la tête à tous moments. Là, où il leur aurait fallu 15 jours, on leur en donna seulement quatre. Malgré cela, les toiles furent mises en lieu sûr avec le concours de la camionnette du père de Corinne. L'essentiel était sauf...

    Que sont devenues les oeuvres d'Ourtal ? Le promoteur les a données (par la force des choses) à l'association diocésaine. La Sainte face a été vendue pour l'euro symbolique a la ville de Carcassonne, qui l'a déposée à l'église St-Vincent. La grande peinture représentant St-François d'Assise est enroulée dans un dépôt, en attendant de lui trouver un point de chute. Les anges et la grande fresque ont été protégés par la commission départementale des objets mobiliers, il y a environ deux ans. Il a été décidé que le monument aux morts serait déplacé dans la chapelle du cimetière St-Michel. Les tableaux sur toile sont à Notre-Dame de l'Abbaye. Quant aux statues, elles ont été données à d'autres congrégations religieuses. C'est selon Corinne Calvet, ce qui a permis de redécouvrir le talent Jacques Ourtal.

    Le Monument aux morts

    Après avoir été acquis pour l'euro symbolique par la municipalité de Jean-Claude Pérez - grâce à l'intervention des abbés Cazaux et Escoupérié - le monument aux morts a été installé dans la chapelle du cimetière Saint-Michel.

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    Il s'y trouve actuellement et nous avons le plaisir de vous le faire découvrir en exclusivité dans son nouvel emplacement. C'est un miraculé qui a échappé aux bombardements de l'abrutissement de quelques incultes.

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    © Jacques Blanco

    Les noms de tous les frères Capucins de France, morts lors de la Grande guerre, sont inscrits sur ce monument. Au-dessus, les toiles du peintre Carcassonnais Jacques Ourtal.

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    © Jacques Blanco

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