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Dénoncés et raflés, les juifs de Carcassonne sont morts à Auschwitz

Ils étaient tailleurs, bijoutiers, comptable, épiciers, propriétaires viticoles ; installés à Carcassonne depuis longtemps ou réfugiés. Ils avaient une vie de famille et des enfants ou célibataires ayant changé leurs noms à consonance étrangère, pour fuir l'implacable chasse au juif lancée par les nazis et l'État Français. Certains de nos parents les ont peut-être croisé dans la rue ou à la boulangerie car c'était des gens comme eux. Et pourtant... ils ont été dénoncés par des Carcassonnais, raflés par des allemands, envoyés à Drancy et déportés vers le camp d'extermination d'Auschwitz. Cette triste histoire commune à tous les juifs, nous la connaissons tous à travers les livres histoire, les documentaires télévisés, les films. Parfois même, elle nous paraît si lointaine et d'une telle ampleur que notre conscience ne voit plus que des chiffres et des statistiques. Il est difficile alors de se rendre compte de l'effroyable vérité lorsqu'elle ne touche pas de près. C'est bien pour cela qu'en épluchant les archives de l'Aude sur l'occupation, j'ai trouvé des noms dans des fiches d'arrestations. J'ai mené l'enquête afin de retracer leur terrible parcours et redonner un peu vie à leur existence réduite en cendres. Il y a tant de familles qui ont tout perdu de leurs oncles, tantes, cousins. Alors si par cet article et en exhumant les archives, je peux leur rendre ce service, ce sera ma petite contribution à ce qu'ils ne tombent pas dans l'oubli...

Opérations des arrestations

Les familles de confession juive l'ont toute été grâce à la complicité de dénonciateurs, d'enquêteurs de la Gestapo et de Miliciens. Dans la hiérarchie des responsabilités, on peut nommer : Obertleutenant Dr Fritz Schmidt (chef de la Feldgendarmerie), Oskar Schiffner (Chef de la Gestapo), René Bach (Interprète du SD), SS Franz Schienberk (chauffeur de la Gestapo), SS Karl Wenzel, SS A. Hoffmann. La rafle la plus importante dans Carcassonne et son agglomération, a été opérée le 18 mai 1944. Internement à Drancy puis transport 75 en direction d'Auschwitz. Dans ce dernier, il y avait plus de 1000 adultes et 112 enfants. Ils ont été gazés dès leur arrivée au camp, le 4 juin 1944.

Transport 62

Médioni Albert, Léonce né à Constantine (Algérie) le 1er juillet 1899 de David et Anna Bensimon. Marié, une fille. Résidait comme propriétaire viticole à Leuc (Domaine Saint-Charles) et 4 rue des Calquières à Carcassonne. Les allemands sont venus l'arrêter chez lui, le 30 août 1943. Interné à Drancy puis déporté à Auschwitz où il a été assassiné le 20 novembre 1943.

Lévy Charles né à Ain Temouchkent (Algérie) le 14 février 1907. Marié, un enfant. Comptable à Saint-Denis (Aude). Arrêté le 3 septembre 1943 vers Drancy. Assassiné à Auschwitz le 20 novembre 1943.

Cahen-Salvador Jean, Georges.Né à Paris le 25 décembre 1908. Conseiller à la Cour des comptes. Ex-candidat au Conseil d'état révoqué par Vichy en raison de sa religion juive. Arrêté à Carcassonne le 2 septembre 1943, où il résidait 13 rue de la Préfecture. S'échappe du convoi 62 en direction d'Auschwitz et se réfugie en Suisse. Conseillé d'état en 1956 puis Chef de cabinet de Michel Debré. Il est décédé le 25 avril 1995.

Transport 75

Bloch Louis, né le 2 juin 1893 à Paris (10e). Marié, résidait 31 rue du port à Carcassonne. Arrêté le 18 mai 1944. Déporté le 30 mai 1944 de Drancy à Auschwitz. Assassiné le 4 juin 1944.

Wolber Pauline, née le 12 juillet 1897 à Zürich (Suisse), mariée 3 enfants. Résidait 9 rue de la mairie à Carcassonne. Arrêtée le 18 mai 1944. Déportée le 30 ami 1944 vers Auschwitz. 

"Le 8 mai 1944, Oscar fut libéré et revint chez ses parents, où il n'eut pas la joie d'être longtemps près d'eux. Dix jours après, ceux-ci étaient pris par la Gestapo. Oscar eut la chance de ne pas être présent à ce moment-là. il partit pour Toulouse où il réussit à se cacher en travaillant dans une usine de métaux qu'il quittait le 19 août pour prendre les armes et participer à la libération de Toulouse. Il resta dans la résistance jusqu'à début novembre, où une maison de gros le demanda pour l'employer dans des conditions excellentes. Il fit de nouveau une demande de carte professionnelle qui lui fut encore refusée."

(Oskar Wolber - Musique et patrimoine)

Wolber Sigismond, né 14 novembre 1885. Tailleur. Résidait avec son épouse et ses 3 enfants, 9 rue de la mairie à Carcassonne. Arrêté le 18 mai 1944. Déporté le 30 mai 1944.

Dreyfus Suzanne, née le 17 mai 1892 à Colmar (Bas-Rhin) d'Abraham et de Marie Lévy. Résidait 65 route de Montréal à Carcassonne. Arrêtée le 18 mai 1944. Déportée et assassinée à Auschwitz.

Dreyfus Sylvain, né le 5 janvier 1886 à Colmar (Bas-Rhin). Résidait avec sa soeur 65 route de Montréal à Carcassonne. Déporté le 30 mai 1944 à Auschwitz et assassiné.

Opazinski Hélène, née le 7 Septembre 1885 à Paris (4e). célibataire. Résidait 36 rue de la République à Carcassonne. Arrêtée le 18 mai 1944 et déportée à Ausxhwitz le 30 mai 1944. Assassinée le 4 juin 1944.

Opazinski Fanny née Turkeltaub, née le 26 juillet 1902 à Vlotzlavek (Russie). Résidait 36 rue de la République à Carcassonne. Arrêtée le 18 mai 1944 et déportée le 30 mai 1944 à Auschwitz. Assassinée le 4 juin 1944.

Schneyder Henri, né le 30 décembre 1884 à Paris. Célibataire. Résidait 6 rue Chartran à Carcassonne. Arrêté le 18 mai 1944 et déporté le 30 mai vers Auschwitz. 

Marcovici Manus, né le 23 mai 1886 à Buzan (Roumanie). Bijoutier. Réfugié de Nice, il résidait à Capendu (château des lierres) avec sa femme et ses quatre enfants. Ils ont été arrêtés le 18 mai 1944. Déportés à Auschwitz.

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© Robert Marcault

Selon le site ajpn.org, Manus Marcovici avait été naturalisé français il y a vingt ans. Il vivait avant la guerre, 25 rue d'Angleterre à Nice. Réfugié à Capendu (Aude) au château des lierres avec son épouse Paule, née Gommes-Casseres et ses quatre enfants : Edgar (18 ans), Robert (15 ans), Mireille (13 ans) et Claude (6 ans).

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Mireille Marcovici

© Robert Marcault

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Claude Marcovici

© Robert Marcault

 Dénoncés parce que juifs, ils sont arrêtés le jour de l'ascension avant le repas de midi, resté sur la table. Son épouse et ses filles sont emmenées sans ménagement dans un berline encadrées de SS. Manus et ses fils, menottes au poignet, seront conduit à travers le village jusqu'à la gare de Capendu. Ils se verront pour la dernière fois sur la rampe de sélection de Birkenau. Seul Edgar et Robert reviendront ; ce dernier ne pèse que 35 kg. Il sera recueilli par le maire de Capendu, le Dr Laffont, qui lui réapprendra à vivre...

Note du blog

Selon des statistiques publiées dans le livre de Julien Allaux "La seconde guerre mondiale dans l'Aude" se seraient 38 personnes de confession juive qui auraient été arrêtées dans le département et déportées. On indique que certaines ont été comptabilisées plusieurs fois en raison de leur changement de camp. Selon, une liste que j'ai découverte aux archives il est indiqué que 21 juifs étrangers ont été arrêtés. Voyez la difficulté d'établir un recensement précis, c'est pour cela que j'ai décidé de diffuser ce que j'avais découvert. Retenons que dans notre ville et nos villages et à la vue de tous, des familles entières ont été décimées à cause de leur religion ou parce qu'elle n'étaient pas françaises. 

Sources

Archives de l'Aude

db.yadvashem.org

apjn.org

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© Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2015

Commentaires

  • c'est très triste il ne faisait pas bon être juif, les juifs étaient riches et on leur a tout pris même la vie c'était un génocide et combien sont encore perpétrés dans le monde !!!!!

  • dire que les juifs étaient riches est une contre vérité : certains l 'étaient, d'autres non.

  • je profite de cet article pour saluer l'excellence de votre travail en général sur l'histoire de cette ville....que j'ai plaisir à (re)découvrir à travers vos articles...

  • Merci pour vos recherches et la vie a Carcassonne qui étaient très difficiles à cette période. Malheureusement dans le monde des histoires aussi tristes se perpétuent encore.

  • C est encore une histoire vivante, dont on peine à tirer les leçons.
    Ces articles me rappellent cette Inquisition qui avait érigé la délation en système. La foule docile, bien pensante, anonyme, semble toujours prête à designer exclus, ddéviants, juifs, musulmans et autres hérétiques à tous les bras séculiers.
    Le pire c est ce que la philosophe Simone Weil evoquait, en disant qu'en niant les crimes de l histoire on tuait une seconde fois les victimes en laissant entendre qu elles seraient responsables de leur propre disparition...

  • Ces sourires d'enfants innocents sont vraiment très émouvants. Merci pour votre travail de mémoire, contre l'oubli, contre la barbarie.

  • article très intéressant,

    il me semble qu'il existait à Rennes les Bains une résidence surveillée ?

  • Merci pour vos articles. Mon père Pierre Vignal, a travaillé quelques mois de sept 43 à juin 44 à la préfecture et en particulier à l'identité française. Je m'interroge.
    Avez vous des informations sur le rôle de ce bureau dans la déportation des juifs de Carcassonne.
    Bien à vous

  • Oui, le service des étrangers de la préfecture de l'Aude a remis une liste des juifs du département à l'Occupant. Les chefs de service de l'époque en sont les responsables, mais vous comprendrez que je ne peux pas donner ici les noms.
    Le nom de votre père n'est pas cité.
    Cordialement.

  • Merci, quel soulagement !
    Que savez vous sur les activités de mon père ? A t il été inquiété à la libération
    Bien à vous

  • Il n'y a pas ce nom dans les listes conservées aux archives de l'Aude, concernant les personnels administratifs épurés.
    S'il avait fallu inquiéter après la Libération, tous ceux qui avaient été employés sous le régime de Vichy, il ne serait pas resté grand monde pour faire tourner l'état.

  • Bonjour
    je suis à la recherche d'informations sur la communauté juive de Narbonne entre septembre 1939 et aout 1944.
    combien de juifs de Narbonne (français et étrangers) ont-ils été arrêtés?
    je vous remercie d'avance .

  • Bonjour
    je suis à la recherche d'informations sur la communauté juive de Narbonne entre septembre 1939 et aout 1944.
    combien de juifs de Narbonne (français et étrangers) ont-ils été arrêtés?
    je vous remercie d'avance .

  • Merci pour cette réalité, et d' avoir eu le courage la dignité de faire revivre ces Hommes, ces Femmes, ces Enfants, emportés par la barbarie humaine, et la médiocrité la cruauté de certains.

  • Bonjour, je fais partie de l'association Convoi 77. Un jeune homme, Gérard Brandt (né le 21 février 1921), parisien mais chez sa mère à Narbonne 17 bd du Collège, a été arrêté le 26 mai 1944. Il a été interné à Carcassonne (quand?) avant d'être expédié à Drancy le 7 juin, d'où il a été déporté sas retour par le convoi 77, du 31 juillet 1944.
    Sa mère, Gilberte Vve Brandt, semble avoir été absente à ce moment-là.
    Pouvez-vous m'indiquer si d'autres arrestations "ciblées" ont eu lieu ce jour-là?

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