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  • 23 août 1944 : "Ils ont tué papa !"

    Mon père, Henri Pau, était né à Cherchell dans le département d’Algérie, le 24 octobre 1900. Pourquoi en Afrique-du-Nord ? Mon grand-père, qui était pharmacien militaire, est revenu poursuivre sa carrière en France à Toulouse et à Montpellier. Mes grand-parents étaient  originaires de La Redorte dans l’Aude.

    Mon père, lycéen à Carcassonne, poursuivit ses études universitaires à Montpellier dans une école d’ingénieur. Ainsi, lorsqu’un poste d’enseignant se libéra à l’école d’agriculteur de Charlemagne, le Ministère de l’agriculture le nomma dans cet établissement. Il en fut même le directeur après le départ de M. Kirchbaum. Au moment où le gouvernement de Vichy prit les rênes du pouvoir, celui-ci commença à exercer une chasse aux fonctionnaires républicains. Tous ceux qui détenaient des postes importants dans l’administration furent mis la retraite d’office. Mon père, qui n’avait jamais caché ses opinions politiques radical-socialiste, dut abonner la direction de l’école. On lui accorda tout de même le droit de redevenir enseignant. Monsieur Caillon prit sa place.

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    Bien décidé à ne pas laisser les Allemands se rendre totalement maîtres du pays, grâce à la politique de collaboration de Pétain avec les nazis, mon père entra en résistance. Dans l’anonymat, au péril de sa vie, il fit transiter vers le maquis de Citou les réfractaires au Service du Travail Obligatoire. Un de ses amis, qui fabriquait du charbon de bois, avait enrôlé les jeunes réfractaires. A partir de 1943, tout français ayant l’âge requis, devait partir en Allemagne pour travailler pour l’industrie de guerre nazie. Vichy appelait cela « La relève ». Un grand nombre d’hommes envoyés, contre le retour de quelques prisonniers de guerre.

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    À la Libération, le capitaine FFI Guy David confia à mon père une mission. Aller prévenir le maquis de Citou de ne pas descendre à Carcassonne, à cause des colonnes allemandes transitant en direction de Montpellier. Ce 23 août 1944, alors qu’il se trouvait à La Redorte, il retourna chez lui  à bord d’un side-car avec son ami Jean Séguier - surnommé « De la copé ». Peu avant le domaine de Millegrand, en direction de Trèbes, leur moto tomba malheureusement sur un régiment allemand. Celui-là même composé de troupes caucasiennes, appelées Mongols. Ils furent pris à partie. Si Jean Séguier parvint à s’enfuir, mon père qui était handicapé par l’amputation d’une jambe, ne put s’échapper. Son corps fut retrouvé portant des impacts de balles à l’abdomen, les membres supérieurs fracturés et une balle dans le front. J’avais treize ans. Je revois encore le corps de mon père étendu dans le couloir de notre maison. Ma mère, totalement effondrée, en larmes. Nous habitions sur l’allée d’Iéna, à l’angle de l’actuelle avenue Lespinasse.

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    La route vers Trèbes près de Millegrand. C'est là qu'en Henri Pau a été tué. A l'époque, la vigne était plantée en espalier. Cela ne lui a pas permis d'apercevoir de loin la colonne allemande.

    Une chapelle ardente fut dressée sur la place Carnot. Il y avait une dizaine de cercueils dont celui de Jean Bringer, le chef FFI assassiné à Baudrigue. En ce 31 août 1944, le long cortège funèbre accompagna ces pauvres malheureux jusqu’à la cathédrale Saint-Michel.

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    La Chapelle ardente, place Carnot

    A défaut de caveau, le corps de mon père fut inhumé dans celui de la famille Héran, au cimetière Saint-Michel. Ce n’est qu’après la guerre qu’on le fit mettre à La Redorte où il repose aujourd’hui. Le stade municipal de cette ville porte le nom d’Henri Pau.

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    Le stade Henri Pau à La Redorte

    J’ai longtemps gardé une haine envers les Allemands. Ils avaient tué mon père. Ils nous avaient rendus orphelin avec ma sœur Maryse. Mon père fut homologué comme Lieutenant FFI. Ma mère toucha la retraite du Ministère de l’agriculture. Le temps passa… J’ai compris que le seul moyen pour que de tels drames ne se reproduisent pas, c’était de construire l’amitié avec l’Allemagne au sein de l’Europe. Il n’y a jamais eu de plaque commémorative à l’endroit où mon père a été tué. Ma mère ne le souhaitait pas. D’ailleurs, c’est très difficile encore à mon âge (91 ans) d’évoquer cette histoire. 

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    Henri Pau

    (1900-1944)

    Propos recueillis auprès de M. Henri Pau fils que je remercie

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  • Bernard Ischer, un chanteur Carcassonnais oublié

    « Éphéméride » : Lundi un couplet en prose. Mardi le refrain en vers. Mercredi juste une pause. Et jeudi à bras ouverts. Vendredi à pluie battante. Samedi à cœur battant. Samedi longue est l’attente. Dimanche on a tout le temps… Composé sur un texte de Gaston Bonheur, cette chanson aurait dû propulser son auteur en haut du Hit parade. Le destin ne l’a pas voulu ainsi. La nouvelle mode a peut-être balayé un arrangement musical pas assez tourné vers le Disco. A l’évidence, Éphéméride mérite un autre sort que d’avoir désormais une place de choix dans le site « Bide et musique ». Bernard Ischer s’était pourtant entouré de l’un des meilleurs paroliers. Gaston Bonheur avait fait le succès de Mireille Mathieu avec « L’accent », que l’on attrape en naissant du côté de Marseille. Il disposait également de l’un des plus grands manager du moment. Roger Choukroun, le mari de Régine, n’avait d’égal que les frères Marouani pour disputer la première place de la compétition. Si le nom de Bernard Ischer n’est pas passé à la postérité, ce serait plutôt la faute à Claude François, Johnny Hallyday, Joe Dassin et Michel Sardou. Tout avait pourtant bien commencé pour Bernard Ischer.


    Né en 1945 en Afrique-du-Nord, le jeune homme débarque à Carcassonne avec ses parents. Après son baccalauréat, il travaille au Ministère des finances à Paris tout en cultivant son violon d’Ingres. Sa passion, c’est écrire des chansons. À la fin des années 1960, Bernard Ischer s’inscrit au « Jeu de la chance » présenté par Roger Lanzac. Il s’agit d’une espèce de télé-crochet à l’intérieur de l’émission « Télé dimanche ». Thierry le Luron y fera ses débuts le 4 janvier 1970. Poussé par les votes des Carcassonnais, Bernard Ischer y passe à trois reprises. Sa chanson « Quatre murs » assure son succès télévisuel. Les journalistes du Languedoc commencent à s’intéresser à lui. A Montpellier, on fait la promotion de ses bandes et finalement, son premier 45 tours sort en 1968. « Une terre », c’est son titre, est produit par le label « Festival », 3 rue Gramont à Paris. Lors de l’émission « Magnétophone », enregistrée le 16 mars 1970 pour Radio Midi-Pyrénées, il répond aux questions de Guy Serin. Un autre Carcassonnais. Bernard Ischer avoue préférer l’écriture à l’interprétation. Il travaille actuellement avec Gaston Bonheur, le patron de Paris-Match, originaire de Belviane dans l’Aude.

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    Bernard Ischer et Jacques Olive à Radio Andorre

    L’année 1969 constitue le point de départ de sa carrière avec « Le soleil et la lune ». Cette chanson, présentée au MIDEM (Marché International du Disque et de l’Edition Musicale), lui fait espérer une reprise internationale de ce titre. En 1970, son troisième 45 tours s’appelle « L’arc-en-ciel ». La maquette a même été enregistrée à Carcassonne dans le studio de son ami Georges Savi. Sur l’autre face, « Que tu m’aimes un peu » a été composé dans la capitale audoise pendant les vacances. Pour l’anecdote, une version a été jouée à l’orgue par l’abbé Monet dans l’église de Palaja.


    Le soldat de bois, texte de Gaston Bonheur

    Bernard Ischer arrête sa carrière de chanteur en 1976. Parmi ses autres chansons, citons « Le soldat de bois », « Pèlerinage pour un amour », « Suis-là, elle te fuit ». Nous ne savons pas hélas ce qu’est devenu l’artiste. Peut-être quelqu’un lira cet article et nous donnera des informations à ce sujet. 

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  • La plaque en hommage à Prosper Montagné n'est pas au bon endroit

    Depuis plus d’une trentaine d’années, une plaque a été apposée sur la façade du n°33 de la rue de Verdun avec cette inscription : « Dans cette maison naquit le 14 novembre 1865, Prosper Montagné, Grand maître de la cuisine française ». Nous allons démontrer que le véritable lieu de naissance du cuisinier, ne se trouve pas à cet endroit mais plus haut dans la rue.

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    Selon l’acte d’état civil produit par la mairie de Carcassonne le 15 novembre 1865, Prosper Montagné  est né la veille, au n°33 de Victor Montagné et de Jeanne Clary Roumens. Son père, originaire de Dourgne (Tarn) et négociant de son état, a déménagé à Carcassonne. Au n°33, il vend des drapeaux tricolores et des articles pour les réceptions officielles.

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    Au début du XXe siècle, son activité cesse. A cette époque, son fils Prosper a déjà quitté Carcassonne. Toujours au n°33, le local est alors acquis par la famille Cotte dont le chef de famille exerce le métier de bandagiste. De très nombreux Carcassonnais ont connu à cet endroit, le magasin d’optique repris par le fils, Georges Cotte. Il s’associera avec Brunon et l’affaire demeurera Brunon-Cotte pendant très longtemps au n°45 de la rue de Verdun.

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    Alors, me direz-vous, où voulez-vous en venir ? S’il se trouve que l’emplacement des magasins n’a pas changé, la numérotation en revanche a été entièrement modifiée en 1938. Nous pouvons à cet effet produire la délibération municipale du 8 avril 1938 qui l’atteste. Il ne fait aucun doute que Prosper Montagné soit né au n°33, mais en 1865 et jusqu’en 1938. Après cette date, la maison prendra le numéro 45, suite à la décision de la mairie de revoir le plan parcellaire des rues. D’ailleurs, selon l’annuaire des postes de 1950, l’opticien Cotte se trouve bien au numéro 45 de la rue de Verdun.

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    Annuaire de 1950. L'opticien Cotte est au numéro 45

    La plaque en hommage au Maître de la gastronomie a été posée par erreur au n°33 d’après 1938. A l’époque de la naissance de Prosper Montagné c’était le n° 27, la quincaillerie Etienne Depaule.

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    Ce changement de numérotation est également attesté dans l'ouvrage d'Alfred Raucoules sur la rue de Verdun

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    Voici donc le véritable lieu de la naissance de Prosper Montagné le 14 novembre 1865. Désormais, le Club Prosper Montagné dispose des preuves lui permettant de faire changer l'emplacement de cette plaque.

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