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  • Entretien avec Jacqueline Bez, artiste internationale, née à Carcassonne

    Jacqueline Bez voit le jour à Carcassonne le 13 mars 1927 dans une très vaste maison, au bout de l’avenue Antoine Marty. En bordure de l’Aude, le pont reliant les deux berges n’existe pas encore. Son grand-père maternel M. Rumeau, marchand de bestiaux venu de l’Ariège, disposait à cet endroit de grands bâtiments. Jean Fernand Maurice Bez, le père de Jacqueline, en tire quelques subsides en les louant avec son épouse Jeanne Rumeau (1900-1985). Très tôt, Jacqueline a des dispositions pour le dessin. Elle ne quitte, pour ainsi dire, jamais son crayon à papier. Ses aptitudes sont mêmes remarquées à l’intérieur du Pensionnat Jeanne d’Arc où elle suit sa scolarité. De sa jeunesse à Carcassonne, elle se souvient fort bien du visage livide du grand infirme de la rue de Verdun. Le poète Joë Bousquet, que l’on promène à Villalier dans un fauteuil roulant. C’est d’ailleurs un ami de son père, comme lui, revenu gravement blessé de la Grande guerre. Près de vingt années plus tard, il faut y retourner. La débâche, la défaite, l’armistice et la honte de juin 1940. La famille décide de fuir à Toulouse, le frère y fait ses études de médecine. Instants terribles de privations. On crève la faim. Tout est rationné, pillé au profit de l’armée d’occupation. Heureusement, les locataires à Carcassonne sont encore une source de revenus. 

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    Académie de la Grande chaumière

    Au milieu de la noirceur d’une période à l’horizon obscur, une lumière s’éclaire dans le cœur d’un homme. C’est le directeur de l’Ecole des Beaux-arts de Toulouse. Ami d’un ami de la famille, il prend Jacqueline en protection et en estime. A titre gratuit, il lui enseigne l’art du dessin. La jeune femme s’émancipe. Elle part à Paris ; elle a la ferme intention de réussir. Sans la capitale, point de salut. À l’Académie de la Grand Chaumière, elle œuvre dans l’atelier du statuaire Léopold Kretz (1907-1990). Vous êtes sculptrice. Elle me coupe : « Sculpteur, monsieur ». Très peu de femmes, dans une discipline uniquement masculine. Jacqueline y tient, elle est donc sculpteur. « J’ai eu la chance de faire un métier d’art par goût et par passion ». Son mariage a compliqué son travail, mais l’artiste s’enferme dans son atelier de la rue Georges Pitard dans le XVe arrondissement. Certes, elle travaille à partir de modèles. Peu se déshabillent complètement. La nudité la gêne. Elle considère son œuvre comme étant libre et figurative, loin du réel. Son travail est tantôt maître de sa pensée lorsqu’elle taille sa pierre. Tantôt, il lui échappe quand la glaise file entre ses doigts et que de la matière, s’impose une autre idée. « Je n’ai jamais exposé que ce qui était montrable, ajoute t-elle ».

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    Médaillon représentant Gaston Bonheur. Cet audois, journaliste et patron de Paris-Match, fut l'un de ses amis.

    Petit à petit les galeries s’intéressent à ces œuvres. Avec un amusement teinté de malice, Jacqueline m’interpelle : « Les galeries m’ont toujours sollicité. Jamais je n’ai eu à les démarcher. Elles ont estimé qu’elles pourraient faire de l’argent avec mes œuvres. Je suis réaliste ». Sa première exposition se déroule à la Galerie Urban, 18 rue du Faubourg Saint-Honoré. Face au Palais de l’Elysée, tout simplement. Depuis trente ans, la galerie possède un correspondant à Los Angeles. A son insu, la Galerie Urban lui fera obtenir en 1967 le Prix de la Critique. L’année suivante, le Grand prix des Beaux-arts de la ville de Paris lui est décerné le 21 juin pour sa sculpture en ciment intitulée « Femme liane ». 

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    © Musée d'art moderne de la ville de Paris

    Femme liane

    Il y a une période en France où l’art a beaucoup travaillé. Aujourd’hui, les galeries ont presque disparu. Les ventes sont font par internet, c’est un changement majeur dans le marché de l’art. « J’ai très bien vendu et vécu de mon travail. Beaucoup d’autres sculpteurs talentueux n’ont pas réussi à percer. J’ai eu de la chance. » Sa toute première exposition a eu lieu en 1956 au Salon de la jeune sculpture du Musée Rodin.

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    © Drouot

    Buste de Jean Cocteau

    Se sont enchaîné ensuite plusieurs lieux prestigieux comme La biennale internationale au Musée Rodin, la Nationale des Beaux-arts, l’Orangerie du château de Versailles ou encore le Palais de la Méditerranée à Nice. La collection des œuvres de Jacqueline Be  se partage actuellement entre les différentes collections publiques et privées. On les retrouve aux enchères chez Drouot. D’autres, sont conservée au Musée d’art moderne de Paris.

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    © Drouot

    Buste d'Albert Sarraut

    Jacqueline Bez à l’âge de 94 ans vit dans la banlieue toulousaine. J’ai eu beaucoup de plaisir à m’entretenir avec elle au téléphone pendant plus d’heure. Voilà une artiste, native de Carcassonne, qui méritait un article dans ce blog. Je la remercie pour sa disponibilité et son humilité.

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2021

  • La bibliothèque de Lagrasse serait partie en bois de chauffage

    J'ai le regret de vous faire connaître que la bibliothèque en bois qui ornait la salle de lecture de notre ancienne Bibliothèque municipale aurait disparu par crémation. Après avoir été "démontée" en 2010 par l'Agglo, elle avait été entreposée à la Roseraie dans des conditions de conservation plus que contestables. Ce bâtiment qui a servi de siège pour la Communauté d'Agglomération a été ensuite délaissé puis squatté. Les occupants ont, d'après une source fiable, fait du bois de chauffage avec la bibliothèque léguée à la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne par les moines de Lagrasse au XIXe siècle. La Roseraie est actuellement en cours de démolition afin de réaliser des logements pour séniors.

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    De profundis.
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  • Un tube de Johnny Hallyday a été composé dans un hôtel de Castelnaudary

    Johnny Hallyday aux Arènes de Beaucaire en 1961

    Le 24 juin 1961, Johnny Hallyday - alors âgé de 18 ans - fait la première partie du concert de Sacha Distel aux arènes de Beaucaire. Il a ensuite rendez-vous à Castelnaudary où il doit y rencontrer le compositeur et producteur Ray Ventura.  Il sollicite son ami Jean-Jacques Debout pour l’accompagner. Celui-ci raconte que le trajet vers la cité chaurienne se déroule dans un panier à salade, escorté par la police. Le succès de la jeune vedette est tel que chaque fan cherche à obtenir un morceau de ses vêtements.

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    Hôtel de France à Castelnaudary

    L’oncle de Sacha Distel et auteur de « Tout ira bien, madame la marquise » va produire prochainement le film « D’où viens-tu Johnny ? ». Il lui faut expliquer à Jean-Philippe Smet le scénario. L’histoire d’un garçon qui s’ennuie dans sa famille à Paris et qui décide partir en Camargue. Lorsque Jean-Jacques Debout et Johnny Hallyday arrivent dans l’Hôtel de France à Castelnaudary, Ray Ventura les attend en compagnie d’un grand monsieur avec des cheveux blancs. « On aurait dit un grand Léo Ferré, raconte J-J Debout. C’était Abel Gance, le mythique réalisateur de « Napoléon » et de « J’accuse ». À table, devant un cassoulet, Johnny me donne un coup de coude et me demande qui c’est ».

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    Le piano droit sur lequel la chanson a été composée. Il est toujours dans l'hôtel 

    La chanson « Pour moi la vie va commencer » va accoucher sur le piano de l’hôtel. Pris par le temps, Ventura doit absolument partir vers Toulouse le lendemain. Debout se propose d’écrire la musique grâce à l’insistance de Johnny. En une nuit, l’affaire est pliée. L’histoire racontée par le mari de Chantal Goya en est même assez rocambolesque : « Il y avait un piano dans le hall de l’hôtel. Il était une heure du matin et la patronne de l’hôtel ne voulait pas que je joue du piano, car, comme se tenait le salon du cuir de Castelnaudary, toutes les chambres étaient occupées par des représentants de commerce, et elle avait peur que le bruit fasse fuir ses clients.

    Johnny est alors monté dans nos chambres et est redescendu avec toutes les serviettes et descentes de bains. On les a mis dans le piano et cela a étouffé le son. Ensuite, on a pris le menu des cassoulets et on a écrit les paroles dessus. Il faut imaginer que j’avais Ray Ventura à ma droite et Abel Gance sur ma gauche. Je n’en menais pas large. 


    Et j’ai commencé à jouer et chanter « Pour moi la vie va commencer / En revenant de ce pays », pendant que Ray Ventura relevait les notes car, à l’époque, nous ne disposions pas de magnétophone.

    Abel Gance avait un regard très impressionnant. Avec Johnny, nous étions entre le désir de bien faire et abord du fou rire. J’ai imaginé une chevauchée avec des taureaux autour du cheval. C’est un peu comme une chanson de western. Johnny était très content : « Ça va être sympa ! ». Ventura aussi trouvait ça formidable. Une fois à Paris, on a fait enregistrer l’accompagnement par un orchestre. »

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    La chanson du film s’est vendue à plus de 6 millions de disques dans le monde entier. Comme quoi, un bon cassoulet servi à l’Hôtel de France peut inspirer la gloire. Les fans de Johnny Hallyday pourront toujours demander au patron de cet établissement où a dormi leur vedette préférée en juin 1961.

    Source

    Johnny Hallyday. L’idole éternelle / Alain Wodrascka / Editions Favre / 2017

    Merci à Rene Girma

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