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  • A nos amis de Lorry-lès-Metz. Merci pour la "rue de Carcassonne" !

    Cette commune de Moselle a connu par trois fois les malheurs de la guerre à cause d’un territoire que se sont longtemps disputés la France et l’Allemagne. D’abord en 1870 où la victoire revint à la Prusse. Pendant 48 ans, le français fut banni des registres administratifs et l’école dispensée en langue germanique. Les Alsaciens-Lorrains ne l’entendirent pas ainsi, mais leur désespoir ne put se soulager que dans une chanson appelant à la revanche : « Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine ».

    France, à bientôt ! car la sainte espérance

    Emplit nos cœurs en te disant : Adieu !

    En attendant l'heure de délivrance.

    Pour l'avenir… nous allons prier Dieu.

    Nos monuments où flotte leur bannière

    Semblent porter le deuil de ton drapeau.

    France, entends-tu la dernière prière

    De tes enfants couchés dans leur tombeau ?

     

    Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine,

    Et malgré vous nous resterons Français ;

    Vous avez pu germaniser la plaine,

    Mais notre cœur, vous ne l'aurez jamais.

     

    Eh quoi ! nos fils quitteraient leur chaumière

    Et s'en iraient grossir vos régiments !

    Pour égorger la France, notre mère,

    Vous armeriez le bras de ses enfants !

    Ah ! vous pouvez leur confier des armes,

    C'est contre vous qu'elles leur serviront,

    Le jour où, las de voir couler nos larmes,

    Pour nous venger leurs bras se lèveront.

     

    Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine,

    Et malgré vous nous resterons Français ;

    Vous avez pu germaniser la plaine,

    Mais notre cœur, vous ne l'aurez jamais.

     

    Ah ! jusqu'au jour où, drapeau tricolore,

    Tu flotteras sur nos murs exilés,

    Frère, étouffons la haine qui dévore

    Et fait bondir nos cœurs inconsolés.

    Mais le grand jour où la France meurtrie

    Reformera ses nouveaux bataillons,

    Au cri sauveur jeté par la Patrie,

    Hommes, enfants, femmes nous répondrons :

     

    Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine,

    Et malgré vous nous resterons Français ;

    Vous avez pu germaniser la plaine,

    Mais notre cœur, vous ne l'aurez jamais.

     

    Tout ceci, jusqu’au moment où la revanche sanguinaire de 1914-1918 vint ramener l’Alsace-Lorraine dans le giron de la France. Chaque monument aux morts de nos villages rappelle le sacrifice de vaillants soldats poussés vers l’abîme, loin de chez eux. Ce conflit dont tout le monde disait qu’il serait court, dura quatre ans. Un traité de Versailles plus loin, la France récupère l’Alsace et la Lorraine et inflige au vaincu, une véritable humiliation. Au sortir du conflit, l’économie Allemande est exsangue. La crise s’abat sur ce pays, le chômage et la faim. Il faut des valises de billets pour payer son pain ; le peuple cherche les coupables.

    Hitler promet de relever le pays et de rendre sa gloire à l’Allemagne à condition de se débarrasser  de ceux qu’ils désigne comme indésirables. Les juifs sont les ennemis de l’Allemagne et même un danger pour sa sécurité. Les mêmes poncifs - très faciles à entendre pour des esprits désespérés - sont actuellement distillés du côté de l’Italie, au sujet de ceux qui traversent la méditerranée pour fuir la guerre.

    « Deutsche über alles » chantait-on sur l’hymne du pays. L’Allemagne au-dessus de tout, compte reprendre secrètement à la France, ce qu’elle a perdu dans le traité de Versailles en 1919. Rompant avec les traités et se dissimulant sous les mensonges de Ribbentrop, le ministre des affaires étrangères allemand, Hitler met en route une industrie de guerre. Au diable, la remise en cause des libertés publiques, des arrestations des tziganes, de juifs, des opposants politiques. Le peuple Aryen retrouve sa dignité en même temps que le plein emploi. C’est le National-Socialisme, c’est-à-dire la protection des « vrais patriotes » au détriment de ceux que le régime nomme les indésirables, ennemis de l’Allemagne. Cela aboutira à leur élimination par des moyens que nous connaissons tous. « L’Allemagne aux allemands » et « la préférence nationale », sont des thèmes qui ont traversé les frontières et même l’Atlantique, depuis 1933. On dit qu’ils ont à nouveau le vent en poupe…

    Nos dirigeants radicaux-socialistes au pouvoir, à force d’attentisme et surtout, faute de résolutions fermes au niveau européen contre le IIIe Reich, vont intervenir trop tard. Le traité de Versailles interdisait à l’Allemagne de se réarmer, mais ils ont laissé faire… Pire ! Ils fermeront les yeux sur l’annexion des territoires. L’Autriche, la Tchécoslovaquie ? Aucun problème, si cela peut préserver la paix. Dantzig ? On commence à secouer la tête. La Pologne ? On déclare la guerre à l’Allemagne alors que parait-il on avait tout fait pour l’éviter et surtout, que l’on ne s’est pas préparé à affronter les Panzer de l’oncle Adolf. « Si vis pacem, para bellum »

    Alors, me direz-vous : Et l’Alsace-Lorraine dans tout cela ? Après l’armistice de juin 1940, car on oublie que nous avons perdu misérablement la guerre que nous avions déclarée. L’Allemagne fit payer à prix d’or à la France, l’humiliation du traité de Versailles. L’Alsace et la Lorraine furent à nouveau annexées au Reich. Dans les premiers mois qui suivirent, les germains se livrèrent à ce qu’on nomme aujourd’hui : l’épuration ethnique.

    « C’était au matin du 11 novembre. L’abbé Huguet, le curé de Lorry-les-Metz, avait dit une messe clandestine à la mémoire des Français tombés pendant la guerre 14-18. En sortant de l’église, vers 9h, on a constaté que les camions de la Wehrmacht avaient pris position le long de la Grand-rue. On aussitôt compris. » (Témoignage de Louis Poincignon)

    Les jeunes alsaciens, reconnus de race aryenne, eurent l’obligation de s’engager dans l’armée allemande, sans quoi des représailles frappèrent leurs familles. Pour tous les autres, du balai… Vous n’avez que quelques jours pour débarrasser le territoire en prenant vos biens par la route. Nos Lorrains de Lorry-les Metz prirent la direction de la zone libre où s’était établi le département de la Moselle en exil à Montauban. Ils arrivèrent à Carcassonne, furent rassemblés à l’école Jean Jaurès. Après quoi, on les répartit dans des villages du département avec leurs familles : Carcassonne, Montréal d’Aude, Conques-sur-Orbiel, Bram, etc. Fort bien intégrés et accueillis par les villageois, ils y restèrent jusqu’à la Libération.

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    Construction de la rue Carcassonne à Lorry-Les-Metz

    En souvenir, nos compatriotes de l’Est nommèrent une des rues de Lorry-les-Metz du nom de Carcassonne. Les travaux débutèrent en 1979 après que M. Linden a fait cette proposition en Conseil municipal le 12 mai 1978. La rue Carcassonne sera inaugurée le jeudi 28 mai 1981 en présence des maires de Carcassonne et de Montréal d’Aude.

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    La rue de Carcassonne en 2019

     

    Il y a trente-huit ans, derrière les collines, 

    le clocher de Lorry lentement se noyait.

    La gorge serrée, nous partions.

    Lorriots expulsés, nous laissions

    derrière nous nos plaines, nous laissons

    nos maisons, nos récoltes, nos brumes de novembre,

    sans savoir si un jour nous les retrouverions.

     

    Dans nos maigres bagages, nous emportions ficelé

    un peu de la Lorraine.

    Dans le train de migrance, notre dernier regard

    fut pour le Saint-Quentin, qui mourut à son tour,

    en laissant en nos cœurs l’angoisse s’installer.

    Nous, Lorrains patriotes, il nous fallait connaître

    le sort des émigrés.

     

    Où allions-nous ? Là était la question :

    L'Allemagne ou la France ?

    En franchissant la ligne à Mâcon,

    l’espoir put renaître, c’était encore en France

    que nous allions rester.

    Quelques-uns à Marseille, à Privas dans l’Ardèche

    et d’autres à Carcassonne… C’est là où je suis né !

     

    Et voilà qu’aujourd’hui il m’incombe une tâche :

    c’est de vous dire pour tous : Merci, Carcassonnais

    qui, en ces temps meilleurs, venez nous visiter.

    Merci pour votre accueil.

    Merci pour le soleil et pour votre amitié que nous avons gardée.

    Merci pour les souvenirs qui, encore aujourd’hui

    sont « Souvenir Français ».

    (Jean-Pierre Buzy, 30 avril 1978)

     

    Aujourd’hui, souvenons-nous que nous vivons dans une Europe en paix grâce à l’amitié que nous avons tissée avec nos voisins allemands. Il n’y a pour ainsi dire plus de frontières entre eux et nous. Si l’Alsace-Lorraine est française, ils y sont chez nous comme l’on est chez eux.

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  • Chez le disquaire Boyé dans la rue de gare

    Issu d'une famille dont le père était né à Trèves en Rhénanie et d'une mère épicière dans la rue Marceau Perrutel, Maurice Boyé ouvrit un magasin dans la rue Courtejaire en 1947. A cette époque, tout le monde appelait cette artère non encore piétonne, la rue de la Gare. C'était le rendez-vous des promeneurs du dimanche, passé es-maître dans l'art du lèche-vitrine. L'anglicisme "shopping" n'avait pas pollué les neurones de notre cerveau, désormais conditionné au réflexe pavlovien du consumérisme. Comme dirait ma mère en patois : "Y a bos pas tan d'argen". Vous pouvez prononcer toutes les lettres, c'est plus authentique ! Oui, il n'y avait pas tant d'argent. On prenait grand soin des appareils car on avait mis longtemps à économiser pour se les payer. Facile, car ils duraient aussi presque éternellement. Autre monde, sans doute. Chez Boyé, installé à l'angle des rues Denisse et Courtejaire, le chaland admirait le matériel radio Haute-Fidélité, les appareils photographiques. Au fil du temps, la technologie fit des pas de géants : les premiers caméscopes, les magnétoscopes V.H.S. Pouvait-on imaginer qu'un jour il serait donné à tout le monde de réaliser des films de la famille ? Pouvait-on imaginer que l'on enregistrerait les émissions de télévision sur une bande pour les revoir ? Aujourd'hui, à l'ère du numérique cela paraît simple.

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    Eddy Aguilar

    Le père Maurice Boyé possédait dans sa boutique un jeune et beau employé, spécialisé dans la photographie. Eddy réalisait les développements photographiques dans le laboratoire du magasin. Après des stages à Anvers pour apprendre le développement de la couleur, notre apprenti se familiarisa rapidement avec la technique. Quand on lui apportait des pellicules, il attendait la fermeture du commerce et se mettait à passer le film dans le bain puis à le rincer. Comme le séchage prenait du temps, Eddy allait s'enfermer au cinéma le temps qu'il fallait. A son retour, il accrochait les pellicules et le lendemain tirait les photos dès 6 heures du matin. Le client n'avait plus qu'à venir chercher ses photos.

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    Maurice Boyé était également l'un des plus gros disquaire de France. Une profession qui n'existe presque plus à cause du téléchargement sur internet. Chaque année, il était invité en octobre chez Eddy Barclay ou Philipps pour connaître les nouveaux titres des vedettes de la chanson française. Ainsi Eddy Aguilar est-il devenu au fil du temps, l'ami d'Alain Barrière, de Nicoletta, de Gilbert Becaud, d'Annie Cordy, etc. Tout ceci favorisé également par Annie Pavernès, chez qui ces vedettes venaient dormir lors de leur passage à la Croque sel, route de Trèbes.

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    La Casa

    Maurice Boyé a mis fin à son commerce en 1984, mais il nous reste quelques souvenirs. Nous souhaitions vous les faire partager et vous remémorer cette période de la vie Carcassonnaise. Aujourd'hui, l'emplacement est occupé par un bistrot. Un terme désuet qui fait, paraît-il, vieux jeu.

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  • L'immeuble de la Société Générale, place Carnot

    La Société Générale nouvellement créée un niveau national en 1864 décide rapidement d’ouvrir des agences dans les villes industrielles, principalement tournées vers le textile. Carcassonne figure sur la liste des villes dans lesquelles la banque juge qu’il est urgent de s’implanter.

    Pour favoriser le développement du commerce et de l'industrie en France.

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    Première agence en 1874 à Carcassonne

    Le 24 avril 1874, la première agence Société Générale de Carcassonne ouvre ses portes dans la Grand rue (rue de Verdun), au numéro 71 (actuel 81). Le directeur H. Bugat nommé à Béziers en 1881, sera remplacé par M. Cuenne. On retrouve l’agence bancaire en 1912, à l’angle des rues de Verdun et Pinel au numéro 36, dans l’immeuble Perxachs. Au même moment, la société venait d’ériger un bel immeuble pour son siège à Paris, boulevard Hausmann. L’architecte Jacques Hermant, professeur à l’Ecole des Beaux-arts, réalisait un petit bijou de l’Art nouveau qui n’avait rien à envier à son concurrent le Crédit Lyonnais. A Carcassonne, on décida d’en faire de même…

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    © Martial Andrieu

    La société obtint la vente de l’immeuble de la chapellerie Patry fondée en 1830, dont les masures chancelantes inquiétaient depuis longtemps les municipalités. Plus que cela, c’est surtout son avancée de deux mètres par rapport à l’alignement, que la mairie voulait voir disparaître. Depuis les années 1880, la polémique n’avait cessé d’enfler sur le cas de la maison Patry. Le courrier de l’Aude y était allé de son attaque contre le propriétaire : « Allez-vous en », osait-il même titrer. Le cas revenait à chaque fois sur le tapis au moment des campagnes électorales, sur fond de gaspillage des deniers publics.

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    La maison Patry avec son avancée de deux mètres

    Si tout le monde s’accordait à vouloir voir disparaître la vieille demeure, aucun politique ne voulait prendre le risque d’une expropriation. Elle aurait coûté une somme astronomique à la commune, contrainte de dédommager le propriétaire au centime près en le forçant à s’aligner sur les autres immeubles. Rien n’y fit, pas même l’incendie qui obligea son locataire, la librairie Sales, à déménager plus loin. Jusqu’au jour béni où la Société Générale acquit la maison et la détruisit pour bâtir sa nouvelle agence bancaire. Elle réussit quand même à se faire dédommager de 35 000 francs en s’alignant sur la place Carnot. Patry repris par Blain, ira s’installer quelques mètres plus loin.

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    L'agence en février 1913, place Carnot

    Le travaux commencé en 1912 durèrent à peine une année, pendant laquelle les ouvriers mirent la main sur une pierre sculptée d’un blason. Il fut étudié par M. Sivade pour la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne. Le bâtiment dont on ignore le nom de l’architecte sera livré à la fin février 1913. A notre avis, celui qui a dessiné les plans n’était pas de Carcassonne mais sans doute mandaté par la Société Générale. Il se pourrait même que ce fut Jacques Hermant, car ce bâtiment ressemble étrangement à celui qu’il avait conçu à Paris un an plus tôt. Notons qu'en deux ans Carcassonne verra sortir de terre l'agence Société Générale et le Grand Hôtel Terminus.

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    Après plus d’un siècle de présence dans ses locaux, la Société Générale décida, il y a peu de temps, de fermer son agence de la place Carnot. Aujourd’hui, le bâtiment qui n’est pas classé est mis en vente. Nous savons que de grosses enseignes se battent pour l’acquérir mais nous n’en dirons pas davantage…

    Sources

    Histoire de la Société Générale Vol.1 / Bonin / 2018

    Courrier de l'Aude, La fraternité

    Annuaires

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