Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 5

  • Eugène Joseph Gordien (1866-1919), architecte municipal

    Eugène Joseph Gordien naît le 10 novembre 1866 à Nissan-lez-Ensérune (Hérault) et vit à Carcassonne avec ses parents au numéro 1 de la rue Courtejaire. Sa mère Marie Rebelle originaire de Limoux s’était mariée avec Joseph, un limonadier de l’Hérault. Ce dernier ouvre le 18 mai 1884 un Grand Café à l’île du Brel près de Montplésir, sur la rive droite de l’Aude au-dessus du Païchérou. Quatre ans plus tard, il périt noyé après que l’embarcation sur laquelle il était montée pour traverser la rive a chavirée, emportant son équipage.

    Des études suivies par Eugène, on ne sait rien. Quelqu’un rapporte qu’il aurait été l’élève de l’architecte Carcassonnais Esparseil, nous n’avons pas pu le vérifier. Ce qui est certain en revanche, c’est son emploi à la mairie en qualité de voyer-municipal qu’il partage avec son supérieur hiérarchique, Etienne Roques. Né en 1832 à Lagrasse, Roques occupe les fonctions d’architecte municipal depuis 1889 bien qu’il n’en ait pas les diplômes. A ce sujet, il nous semble important de mentionner qu’au moment de sa prise de fonction, un jeune diplômé de l’Ecole des Beaux-arts de Paris qui avait fait acte de candidature n’a pas eu le faveur du choix municipal. Elève de Train (promotion 1882), Célestin Rougé âgé de 27 ans avait pourtant bénéficié d’une bourse municipale pour effectuer ses études à Paris. Chacun scrutait avec engouement la progression de cet enfant de la ville, pensant qu’un jour il pourrait revenir exercer ses talents à Carcassonne. Hélas, c’était sans compter sur des choix qui, ici, dépassent encore les compétences requises. Le fils de l’imprimeur Rougé fit les beaux jours de la Compagnie de l’Est à Thorigny-sur-Marne près de Paris, comme dessinateur.

    Quand Roques partit à la retraite en mars 1909 avec le statut d’architecte municipal honoraire, ayant passé sa carrière à superviser les chantiers de la ville, Gordien espéra naturellement lui succéder. C’était dans l’ordre des choses, mais la municipalité Faucilhon allait lui jouer un tour. Déjà lorsque le successeur de Jules Sauzède s’installa dans le fauteuil de maire, il baissa la solde de certains employés communaux. Eugène Gordien perdit 600 francs mensuels, passant à 3000 francs de salaire. Le camouflet ne s’arrêta pas là, car le conseil municipal préféra attribuer le poste à un officier du génie de Bordeaux, le sieur Mondange. Ce dernier abandonna l’armée et vint s’installer allée de Bezons avant d’être adoubé par le Dr Sempé, adjoint au maire, en juillet 1909. Voyant cela, Eugène Gordien sollicita sa mise en retraite et quitta son emploi à la ville. Il décède le 25 décembre 1919 et est inhumé au cimetière Saint-Michel (Carré 7, emplacement 519)

    Projets à l’étude

    1892 : Concours d’architecte pour la réalisation d’un Hôtel de ville 

    1894 : Médaillé pour un projet fontinal en hommage au peintre Jacques Gamelin. Il s’agit d’un piédestal, d’une vasque et d’un buste. Cette oeuvre ne se fera pas.

    1895 : Il expose ses toiles : Bouquet de fleurs, le paysage ensoleillé, Un âne tournant une noria.

    1906 : Plans et dessins d’un groupe scolaire dans le quartier des Capucins.

    1908 :Plans et dessins d’un groupe scolaire et d’une salle des fêtes sur l’emplacement de l’ancienne prison et de la gendarmerie. Ce projet sera repris en 1913 par la municipalité qui abandonne les plans de Gordien malgré l’opposition socialiste. Léon Vassas devra dresser les plans. La guerre met fin à la réalisation qui ne sera menée à bien qu’en 1928. C’est l’actuel Groupe scolaire Jean Jaurès.

    Réalisations

    Capture d’écran 2019-09-03 à 17.20.53.png

    1902 : Ecole-mairie de Pennautier

    Capture d’écran 2019-09-03 à 19.21.19.png

    1907 : Hôtel des postes de Carcassonne

    Capture d’écran 2019-09-03 à 19.21.58.png

    1908 : Monument à Achille Mir au square Gambetta. Statuaire Paul Ducuing.

    20160927_060408.jpg

    © Art.nouveau.world

    1906-1910 : Maison Ourmet, 50 rue Aimé Ramond. La façade de cette demeure Art nouveau édifiée sur l’emplacement de la maison Bezombes, fut décorée par le sculpteur Jean Guilhem. Certainement pas Joseph, comme nous l’avons lu chez plusieurs historiens locaux. Jean Guilhem était né à Carcassonne le 14 février 1845. Plusieurs de ses superbes sculptures ornent les caveaux du cimetière Saint-Michel. 

    Honneurs

    1905 :Officier de l’instruction publique après avoir été Chevalier de l’ordre du mérite agricole.

    Eugène Gordien, là encore qui ne s’appelait pas Etienne. On peut lire cette erreur sur plusieurs brochures officielles de la D.R.A.C émanant du C.A.U.E. (Art Nouveau / 9 juin 2016) et les écrits d’historiens locaux.

    Sources

    Cet article est le fruit d'une journée de recherches, de synthèse et de rédaction sur un architecte méconnu. Les sources proviennent de journaux anciens, d'acte d'Etat-civil, recensement de la population, recensement militaire, etc. La photo à la une a été empruntée au site art.nouveau.world. Elle est signée "isartnouveau". Si vous vous servez de cet article, nous vous remercions de bien vouloir citer le blog.

    _______________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2019

  • Ludwig Dischler, le criminel de Baudrigues à la bibliothèque de la C.E.E

    Ludwig Karl Joseph Paul Dischler naît à Bruxelles le 1er août 1895 d’une mère Wallonne et d’un père Allemand. Après avoir obtenu son baccalauréat, le jeune germano-belge poursuit ses études  à la Ludwig-Maximilian’s Universität de Munich et habite 9, Nymphenburgstraße. De cette école cossue dans laquelle on rencontre les enfants des bonnes familles de la société munichoise, Ludwig Dischler sortira diplômé en « Egalité des droits ». Le Dr.Dischler, ainsi qu’il se fait appeler, mène une vie ordinaire qui n’éveille pas le soupçons de son voisinage. En réalité, c’est un espion du contre-espionnage allemand, chef de l’AST Munster chargé de récolter des renseignements en Angleterre et en France. Pisté par le MI5 dès son arrivée sur le sol britannique en 1926, les renseignements « Au service de sa Majesté » conservent les documents mentionnant son activité réelle. L’espion tente d’obtenir des informations sur la Royal Navy et recrute des agents. Il se compromet en essayant de cambrioler le service de sureté français installé à Bonn ; ville occupée par la France suite au traité de Versailles. Le capitaine Dischler, ancien vétéran de 14-18 réformé à cause de invalidité, ne se déplace qu’avec sa jambe artificielle en bois. A la suite de l’affaire de Bonn, il se met au vert à Königsburg puis est repris en main par le renseignement naval avant de s’installer à Hambourg vers 1930. Au numéro 9 de Rehagen à Hambourg, dans l’appartement B situé au rez-de-chaussée, vit le Dr.Dischler avec son épouse. Le couple dépourvu d’enfants se montre très discret et n’invite personne chez lui, malgré l’excellente réputation de juriste dont bénéficie le mari. Il part de chez lui quotidiennement et s’absente régulièrement deux ou trois jours. Sa martingale, c’est son activité de juriste dans une unité de recherche pour le droit public et le droit international. Le thème de son travail étonne : « La différence de conception de l’Etat entre Allemands et Français sur la base de la loi sur l’école primaire en Alsace-Lorraine après 1918 » (Publié à Hambourg en 1931).

    Dischler Ludwig

    Quand Wilhelm Canaris fonde en 1935 l’Abwehrstelle, le Reich a étendu son service de contre-espionnage à toute l’Europe grâce des antennes installées dans ses principales villes. A cette époque, Dischler se voit confier le contre-espionnage interne à Berlin. Après l’armistice de juin 1940, le capitaine Dischler fait partie de l’Abwher I (Marine) à Brest avant d’être envoyé comme chef de l’AST d’Athènes, d’où il collecte les rapports sur la Palestine, Chypre et l’Egypte grâce à ses agents. Au mois de juin 1942, il devient Leiter de l’AST à Salonique jusqu’en avril 1943 et son retour à Hambourg. Le dictateur Franco qui avait été soutenu par l’Abwehr pendant la guerre civile espagnole contre les Républicains, décide de récompenser ses fidèles serviteurs. Ainsi, Ludwig Dischler est-il décoré le 30 septembre 1941 de la médaille de l’Ordre Impérial du Joug et des Flèches.

    Dischler.jpg

    © Eugène Marié

    Le Feldkommandant Dischler dans son bureau à Carcassonne

    En février 1944, au moment où Canaris tombe en disgrâce, Dischler est nommé depuis Hambourg à une Oberfeldkommandantur en France. A Carcassonne, il prend alors la direction de la Feldkommandantur 734 et devient Commandant de la place. Usant de ses multiples expériences en matière de renseignement, il recrute des agents locaux et retourne un certain nombre de résistants tombés dans ses griffes. Dischler va se montrer extrêmement répressif contre la Résistance locale. Grâce à des agents français travaillant pour le compte de l’Abwehr et du S.D, des actions militaires sont menées contre les maquis : Corps Franc de la Montagne Noire (20 juillet), Trassanel (8 août), Villebazy (17 août), Picaussel, etc. Ceci bien entendu avec le concours zélé de la Milice française et des indicateurs du Parti Populaire Français, du Groupe collaboration et tout ce que compte le département comme vichystes. A ce propos, le maire de Villebazy (M. Désarnaud) rapporte dans une déclaration en gendarmerie avoir été convoqué par le préfet Marchais après l’épisode du 17 juillet 1944 : « Vous avez eu de la chance de tomber sur un commandant de la place très chic, avec qui ont peu discuter. » C’était à propos du village que le capitaine Henn voulait incendier ce jour-là. Discuter de quoi, Monsieur le préfet ? Qu’à obtenu Dischler en échange de ses bonnes grâces ?…

    Capture d’écran 2019-09-02 à 14.32.39.png

    © Eugène Marié

    La Feldkommandantur, boulevard Jean Jaurès

    Quand Hitler ordonne à ses troupes de se replier vers l’Est, c’est Dischler qui signe l’ordre d’exécution des malheureuses victimes de Baudrigues. Après avoir été fusillées, elle sauteront sur les dépôts de munitions installés dans ce domaine à Roullens à 12h45 le 19 août 1944. A midi, Dischler était déjà parti avec l’ensemble de la Kommandantur vers la vallée du Rhône pour rejoindre l’Allemagne. Il ne sera arrêté par les alliés qu’à l’été 1945, puis interrogé par celles-ci. Aucun compte ne lui sera demandé sur son passé à Carcassonne, dont le renseignement britannique et américain ignore tout. A-t-il été recherché comme criminel de guerre ? Durant son bref internement - il sortira en décembre 1946 - Dischler a pu monnayer des informations secrètes avec les britanniques. Revenu à la vie civile, l’ancien Feldkommandant de Carcassonne reprend des activités de recherche dans son secteur professionnel.

    Capture d’écran 2019-09-02 à 14.36.15.png

    La République fédérale d’Allemagne est créée le 23 mai 1949 avec pour capitale Bonn et va profiter économiquement du plan Marshall. Maurice Schumann et Jean Monnet vont poursuivre et approfondir les textes fondateurs de l’Europe qui seront scellés par de Gaulle et Adenauer. Dischler s’intéresse à l’indépendance de la Rhénanie et s’interroge sur l’Europe et sur le sentiment patriotique. Il écrit un certain nombre d’ouvrage qui font référence en matière de droit international comme : Das Saarland 1945-1956 ; une histoire d’histoire ancienne (Hambourg 1956) la question sarroise ; Das staatsangehörigkeitsrecht von Belgien und Luxemburg (« La citoyenneté belge et luxembourgeoise ») Francfort 1950 ;Abkommen über die Internationale Organisation zivilluftfahrt (OACI : « convention sur l’Organisation de l’aviation civile internationale ») Nations Unies 1951 ; Der auswärtige Dienst Frankreichs (« Le Service diplomatique de la France »). Hambourg 1952 (2 volumes 170 et185 pages) ; Die Zypernfrage « La question Chypriote » (Francfort 1960).

    Nous avons pu établir que l’ensemble de ces ouvrages ont été acquis en 1964 par le Communauté européenne et figurent à l’intérieur de sa bibliothèque. Die Zypernfrage (La question de Chypre) qu’il connaît bien pour avoir été chef de l’Abwehr à Athènes en 1941, se trouve désormais dans la bibliothèque de « European Centre for Minority Issues ». Certains historiens citent Dischler sans connaître sans doute son passé, comme J-B Duroselle dans « La France et la menace nazie : l’effondrement de la diplomatie française. » Nous vous conseillons de prendre connaissance à la page 204 du document en lien ci-dessous, de la source bibliographique citée par cette brochure éditée par le Parlement européen intitulée : De la déclaration Schuman à la naissance de la CECA, le rôle de Jean Monnet". Il s'agit de Ludwig Dischler, le criminel de guerre de Baudrigues et de Trassanel.

    http://www.europarl.europa.eu/pdf/cardoc/24663-5531_FR-CARDOC_JOURNALS_No6-complet_low_res.pdf

    Ludwig Dischler est coupable de crimes de guerre dans l’Aude parce qu’il était le Feldkommandant et que les opérations contre la Résistance ont été menées par la Gestapo sur ses ordres. Une note secrète du 8 mai 1944 envoyée de Lyon émanant du Commandant de la zone d’Armée France Sud N°1.694/44 informe que « Les entreprises de la police de sureté et du S.D et de la troupe, le commandant de la troupe, nommé par le commandant du District, respectivement par le Feldkommandant, assume la responsabilité de toutes les mesures à prendre pendant l’entreprise, mesures pour lesquelles il a recours, dans les questions de police, aux conseils du « Commandeur » de la Police de sûreté et du S.D, respectivement de son délégué participant à l’entreprise. Il lui incombe aussi la décision sur l’éventuelle exécution immédiate des terroristes capturés l’arme à la main, et sur la destruction de l’incendie de maisons isolées. Il ne peut être procédé à l’incendie de localités entières qu’avec l’autorisation du Commandant militaire en France. Le commandant de la troupe doit décider, sous sa propre responsabilité également des mesures non purement militaires qui doivent être prises immédiatement, tells que l’exécution immédiate des terroristes capturés et la destruction des maisons isolées. Ce faisant il doit avoir recours aux conseils du chef de la police de sûreté et du S.D qui y participe. »

    Capture d’écran 2019-09-01 à 16.20.14.png

    Signature de Dischler en 1926 (Document National Archives)

    Capture d’écran 2019-09-01 à 15.56.02.png

    Signature de Dischler sur le registre de condoléances de Philippe Henriot à Carcassonne en juillet 1944 (Document Archives de l'Aude). C'est bien le même homme que plusieurs témoins décrivent avec une jambe en bois.

    Sources

    The National Archives / KV2/391

    Archives de l'Aude

    Service des archives de justice militaire

    Recherches, synthèse et rédaction / Martial Andrieu

    _____________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2019