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  • Le Midi-Libre créé à Limoux en août 1944 a 75 ans !

    Le débarquement en Normandie venait d'avoir lieu quelques jours auparavant. En ce début d'été 1944, cinq personnes entrent dans le café Négrail à Limoux et s'assoient autour d'une table dans l'arrière-salle pour consommer une limonade.   Ce café n'est pas choisi au hasard puisqu'il appartient à la famille d'Henri et Georgette Négrail, membres de la résistance. Ce sont des gens ordinaires en somme, cherchant à étancher leur soif en période estivale. C'est tout à fait ce qu'ils voudraient laisser paraître... Après un premier rendez-vous raté suite à l'arrivée intempestive de soldats Allemands dans le café, le groupe s'est reformé au même endroit quelques heures plus tard. Qui sont-ils ? Quels sont leurs desseins ?

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    L'ancien café Négrail : "Le Tivoli

    Il y a autour de cette table cinq résistants : Jean Graille (futur Sous-préfet), Madeleine Rochette et son frère Georges Morguleff (Chef départemental des F.F.I), Francis Vals (future président du Comité de Libération) et Jacques Bellon. On ne parle pas des opérations militaires, mais de la mise en place d'une nouvelle presse indépendante représentant le Mouvement de Libération Nationale.

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    Jean Graille en 1989

    Il sera par la suite préfet. Pendant le second mandat de Raymond Chésa à la mairie de Carcassonne, il deviendra son premier adjoint. "C'est ce jour-là que j'ai fait la connaissance de Jacques Bellon. Précédemment, j'avais étudié les divers problèmes de presse avec Lucien Roubaud mais c'est chez Négrail que les choses ont pris tournure. Nous avons, à cinq, décidé et mis au point de façon concrète l'avènement - que nous espérions évidemment proche - d'un quotidien émanant à Montpellier du Mouvement de Libération Nationale (...) Nous avons commencé à parler de la nécessité de faire un journal non communiste qui défende les idées propres au MLN. Jacques Bellon, le seul que je ne connaissais pas, animait le débat. Il parlait d'abondance, avec beaucoup d'assurance et un accent indéfinissable. Savision du futur journal était déjà très claire et ambitieuse. A limoux, nous avons mis au point pour la première fois de façon pratique la création d'un quotidien à Montpellier. "Au coeur de la clandestinité, les grandes lignes du journal, qui ne s'appelle pas encore Midi-Libre, son tracées."

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    Madeleine Rochette, sœur de G. Morguleff

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    G. Morguleff, chef départemental des F.F.I

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    Francis Vals qui sera député-maire de Narbonne

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    L'éclair, journal conservateur du midi fondé en 1881, avait son siège 12, rue d'Alger à Montpellier. Durant l'occupation, il s'était largement compromis par ses positions collaborationnistes favorables à l'Allemagne. Le 21 août 1944, l'éclair sort son dernier tirage mais malgré cela, Albert Marsal qui le tient, refuse toute prise en main du journal non mandatée par le Mouvement de Libération Nationale.

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    Locaux de l'Eclair à Montpellier

    Le 23 août 1944, Madeleine Rochette, Jacques Bellon et Lucien Roubaud au nom du MLN prennent possession des locaux. Le Midi-Libre est né ; Lucien Roubaud vient d'en trouver le nom. A Carcassonne, en demi-heure, Jean Graille réquisitionne l'agence locale du journal. Le Midi-Libre s'installe donc place de la poste (actuelle place du maréchal de Lettre de Tassigny). Guy Cando est nommé chef d'agence en replacement de Ferdinand Pic qui travaillait pour l'Eclair. Candau a d'autres résistants à ses côtés comme Charles Fourès :

    "A l'échelon régional, Midi-Libre se fait largement l'écho des arrestations, des procès, des exécutions légales ou illégales des collaborateurs locaux. En mars 1945, il dénombre 300 traîtres passé par les armes, dont trois préfets sur six, 5404 arrestations, 808 internements et 385 révocations prononcées dans l'administration. Midi Libre et le MLN adoptent une attitude ferme : "il faut frapper à la tête et ne pas ménager les vrais responsables". Parallèlement, le titre condamne toutes représailles et exécutions sommaires. Et constate douloureusement, l'incapacité de la Résistance à recomposer le champ politique du pays. Des conflits éclatent, les anciens clivages réapparaissent. Midi Libre va en souffrir."

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    © Carlos Recio

    L'agence Midi-Libre de Carcassonne, place de Lattre de Tassigny

    Fini la censure de Vichy, le 26 août 1944 une ordonnance rend à la presse sa liberté. Le lendemain paraît le premier numéro du Midi-Libre. Il tient seulement en une page recto-verso à cause de la pénurie de papier et d'encre. Qu'importe ! Cinq crieurs de journaux vendent l'organe de la libération du Languedoc dans les rues de Carcassonne. Jean Labazuy se lève à trois heures du matin pour porter le journal au domicile des Carcassonnais avec sa bicyclette. Les plus vaillants le trouvent dans les kiosques du centre-ville. A cette époque, le journal se résume à une chronique nationale et sportive. Jusqu'en 1947-1948, une large partie est consacrée au ravitaillement car la France libérée crève encore de faim.

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    L'ancienne agence Midi-Libre à Carcassonne

    Pendant longtemps on a affiché dans la vitrine, les scores des matchs de rugby du dimanche et des photographies de l'actualité internationale. Midi-Libre était également le correspondant local de France-Soir et possédait ses propres diffuseurs dans tous les villages de l'Aude.

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    Le 25 juin 2015, le groupe "La dépêche" prend le contrôle de ce journal de la Résistance. Pour ne froisser les consciences de personne, nous n'évoquerons pas le passé de "La dépêche du midi" sous le gouvernement de Vichy. Disons que René Bousquet siégea au conseil d'administration en 1959, anima la présidence de celui-ci et finança la campagne présidentielle de François Mitterrand en 1965 contre le général de Gaulle. Il n'avait été ni plus ni moins que le chef de la police de Vichy ; nous connaissons sa responsabilité dans une certaine rafle en 1942 à Paris qui déporta des centaines de familles vers les camps de la mort.

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  • La romancière Colette et ses séjours à Carcassonne

    Sidonie Gabrielle Colette (1873-1954) plus connue sous le pseudonyme de Colette a effectué deux séjours à Carcassonne entre les deux guerres. Au cours d'une tournée de conférences s'intitulant "Deux côtés de la rampe, souvenirs de Music-hall" elle s'arrêta dans notre ville après Montpellier, Béziers et Narbonne. Ce fut le jeudi 13 novembre 1924 qu'elle fit le récit, devant une assistance nourrie, de ces mémoires d'artiste de cabaret à Paris. Tout le monde connaît la romancière, mais ignore souvent qu'elle fut danseuse de revue, mime et actrice de film muet. Féministe convaincue et bisexuelle, elle défraya la chronique de l'époque à cause de tenues trop déshabillées.

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    Colette caricaturée pendant sa conférence

    Après sa conférence, elle se rendit au chevet du poète Joë Bousquet dans la rue de Verdun, alité depuis sa grave blessure à la guerre de 14. Celui-ci relate cette entrevue dans les "lettres à Ginette" : "Elle est venue me voir à Carcassonne, il y a quelques années profitant d'une conférence qu'elle avait prononcée devant tous les ballots de Carcassonne. Je me demande ce qu'elle a pu leur raconter."

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    © amisdecolette.fr

    Après avoir divorcé de son mari M. Jouvenel, la femme de lettres s'enticha d'un homme d'affaire. Maurice Goudeket avec lequel elle ouvrit le 1er juin 1932, un salon de institut de beauté rue de Miromesnil à Paris. Profiant d'un retour estival de Saint-Tropez où elle avait passé les vacances d'été, les deux amants devenus époux remontèrent sur Paris. Oubliant la Nationale 7, ils décidèrent entre le 9 et le 18 août 1932 de passer Béziers, Carcassonne, Toulouse, Saint-Gaudens, Tarbes, Pau... Le but de ce périple consistait à visiter les magasins qui avaient pris en dépôt, les produits de beauté que Colette commercialisait. Dans la capitale audoise, elle séjourna à l'Hôtel de la Cité qui conserve encore sur son livre d'or, la dédicace que lui fit Colette.

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    Après tant d'hôtel, enfin un chez moi !

    La romancière qui logeait à l'hôtel Claridge, 74 avenue des Champs-Elysées à Paris avait dû apprécier le service du prestigieux établissement Carcassonnais. Peut-être y a-t-elle écrit des passages de son roman 'La chatte" paru en 1933.

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    "Deux côtés de la rampe" dans Conférencia

    Sources

    "La vie montpelliéraine" / 15 novembre 1924

    Lettres à Ginette / Joë Bousquet

    Colette / Claude Pichois et Alain Brunet / 1999

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  • L'œuvre de Paul Lacombe à la guitare : un sale signe ?

    En parcourant internet, j'ai découvert qu'un concert en hommage à Paul Lacombe avait été donné sur la place du village de Salsigne dans l'Aude, le 7 août dernier. Jusque-là, on ne peut que s'en réjouir, d'autant plus que ce sont des élèves de la classe de chant de Perpignan qui étaient à l'ouvrage. Cette aubade estivale placée sous l'égide d'un festival associatif avait sans doute pour but de faire connaître le compositeur. Une initiative à saluer ! J'ai longtemps moi-même arpenté les méandres des décideurs culturels du département pour faire interpréter sa musique, sans succès. Je n'avais pas compris à l'époque que la programmation de Paul Lacombe dépendait trop de Martial Andrieu, qu'on ne voulait pas entendre. Toutefois, il fallait bien qu'au début quelqu'un se dévoue. N'ayant pas trouvé de subventions départementales pour faire venir le Trio Wanderer, ni Felicity Lott pour interpréter sa musique de chambre et ses mélodies dans les différents festivals qui jalonnent l'Aude. Of course ! On a quand même avec deux amis de l'Opéra de Limoges, joué sa sonate pour violoncelle et piano au festival de Carcassonne. Une première depuis près de cent ans.

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    © l'Indépendant

    Donc, les prodiges élèves de Perpignan chantèrent les mélodies de Paul Lacombe. Là, où le bât blesse c'est qu'ils furent accompagnés à la guitare, un instrument certes magnifique mais pour lequel Lacombe a écrit aucune note. Vous me direz, où se trouve le problème ? Entendrait-on les lieders de Schumann, de Schubert ou les mélodies de Duparc on se privant du piano pour lesquelles elle furent composées ? Eh ! bien, non. Tout simplement parce que l'accompagnement révèle toutes les qualités d'orchestration du compositeur. Que des élèves soient soutenus à la guitare n'est pas gênant en soi dans leurs salles du conservatoire. Mais, lors d'un concert... Si le compositeur est connu, le public se réfère à l'original et se fait une raison. On a déjà entendu des revisites, comme en pâtisserie, des airs de Carmen. Si le compositeur est à connaître, le public dira : C'est cela la musique de Lacombe ? 

    Cette réflexion primesautière sera sans doute confirmée par l'article du correspondant local de l'Indépendant qui dit ceci pour annoncer l'évènement : "Paul Lacombe (1837-1927) s'est consacré aux musiques de salons et airs d'opéra." S'il est bien malheureusement une chose que Lacombe n'a pas faite, c'est de composer une œuvre lyrique. Point d'airs d'opéra dans son catalogue ! Quant à sa musique de salon, c'est tout à fait réducteur. Certes, je ne dis pas que quelques bluettes sont venues égailler les soirées mondaines, mais tout de même... Il a composé trois symphonies, trois sonates pour violon, une sonate pour violoncelle, un quatuor, trois trios et des œuvres orchestrales. A chaque fois, elle eurent les honneurs de la salle Pleyel, concerts Colonne et Lamoureux, etc. 

    Le correspondant poursuit sa litanie ainsi en annonçant qu'un "travail est en cours pour adapter ses œuvres avec de jeunes instrumentistes du conservatoire de Perpignan : piano, violon, violoncelle, guitare..." La musique de Lacombe n'a pas besoin d'être adaptée par de pseudos arrangeurs ; elle a besoin qu'on lui donne les moyens d'être jouée. Bien entendu par des élèves, mais surtout par des Renaud Capuçon, des Véronique Gens, des trios Wanderer... Qui va déposer ensuite les droits d'auteurs sur ces arrangements à la SACEM, puisque les œuvres de Lacombe sont dans le domaine public ?

    Le bouquet final tient dans une phrase. Lors de ce concert : "On pourra suivre chronologiquement la vie de l'artiste à travers ses compositions et les influences des compositeurs qui l'on marqué : Rossini, Bizet, Berlioz..." Paul Lacombe n'a jamais été inspiré par Rossini. Il n'en parle jamais ! Si ces gens avaient pris le temps de lire ma biographie, ils auraient su que ses influences sont Schumann, Debussy, Saint-Saëns... 

    Si vous ne pouvez pas faire du bien à Lacombe, ne lui faites pas du mal !

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