Issu d'une famille dont le père était né à Trèves en Rhénanie et d'une mère épicière dans la rue Marceau Perrutel, Maurice Boyé ouvrit un magasin dans la rue Courtejaire en 1947. A cette époque, tout le monde appelait cette artère non encore piétonne, la rue de la Gare. C'était le rendez-vous des promeneurs du dimanche, passé es-maître dans l'art du lèche-vitrine. L'anglicisme "shopping" n'avait pas pollué les neurones de notre cerveau, désormais conditionné au réflexe pavlovien du consumérisme. Comme dirait ma mère en patois : "Y a bos pas tan d'argen". Vous pouvez prononcer toutes les lettres, c'est plus authentique ! Oui, il n'y avait pas tant d'argent. On prenait grand soin des appareils car on avait mis longtemps à économiser pour se les payer. Facile, car ils duraient aussi presque éternellement. Autre monde, sans doute. Chez Boyé, installé à l'angle des rues Denisse et Courtejaire, le chaland admirait le matériel radio Haute-Fidélité, les appareils photographiques. Au fil du temps, la technologie fit des pas de géants : les premiers caméscopes, les magnétoscopes V.H.S. Pouvait-on imaginer qu'un jour il serait donné à tout le monde de réaliser des films de la famille ? Pouvait-on imaginer que l'on enregistrerait les émissions de télévision sur une bande pour les revoir ? Aujourd'hui, à l'ère du numérique cela paraît simple.
Eddy Aguilar
Le père Maurice Boyé possédait dans sa boutique un jeune et beau employé, spécialisé dans la photographie. Eddy réalisait les développements photographiques dans le laboratoire du magasin. Après des stages à Anvers pour apprendre le développement de la couleur, notre apprenti se familiarisa rapidement avec la technique. Quand on lui apportait des pellicules, il attendait la fermeture du commerce et se mettait à passer le film dans le bain puis à le rincer. Comme le séchage prenait du temps, Eddy allait s'enfermer au cinéma le temps qu'il fallait. A son retour, il accrochait les pellicules et le lendemain tirait les photos dès 6 heures du matin. Le client n'avait plus qu'à venir chercher ses photos.
Maurice Boyé était également l'un des plus gros disquaire de France. Une profession qui n'existe presque plus à cause du téléchargement sur internet. Chaque année, il était invité en octobre chez Eddy Barclay ou Philipps pour connaître les nouveaux titres des vedettes de la chanson française. Ainsi Eddy Aguilar est-il devenu au fil du temps, l'ami d'Alain Barrière, de Nicoletta, de Gilbert Becaud, d'Annie Cordy, etc. Tout ceci favorisé également par Annie Pavernès, chez qui ces vedettes venaient dormir lors de leur passage à la Croque sel, route de Trèbes.
La Casa
Maurice Boyé a mis fin à son commerce en 1984, mais il nous reste quelques souvenirs. Nous souhaitions vous les faire partager et vous remémorer cette période de la vie Carcassonnaise. Aujourd'hui, l'emplacement est occupé par un bistrot. Un terme désuet qui fait, paraît-il, vieux jeu.
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