Dans l'article d'hier, nous avons vu quelle fut la vie et l'oeuvre du peintre Carcassonnais Jacques Gamelin, Grand prix de Rome en 1763. Aujourd'hui, nous vous proposons de pénétrer à l'intérieur de l'Ecole centrale de l'Aude et plus particulièrement dans sa classe de dessin. Il n'en reste hélas plus rien de nos jours... Quand le lycée de garçons succéda à l'Ecole centrale en 1864, plusieurs aménagements transformèrent l'ancienne classe de dessin. Après que ce lycée déménage en 1962 à Paul Sabatier, la municipalité rasera tous les bâtiments compris entre la rue Littré et la rue Aimé Ramond, laissant à la place un parking. La classe de dessin de Gamelin se trouvait exactement en face de l'actuelle MJC.
L'emplacement de la classe de dessin de J. Gamelin.
A la fin du XIXe siècle, le professeur de dessin du lycée Impérial - M. Pringuet - trace un plan du bâtiment et indique par des lettres les transformations réalisées depuis l'époque de Gamelin. Nous avons par souci de clarté indiqué en rouge l'emplacement de la classe de dessin de l'illustre peintre. La rue de la Pélisserie est l'actuelle rue A. Ramond.
Plan d'Henri Pringuet
Dans ce qui reste aujourd'hui de la façade du XVIIIe siècle, contiguë à la partie rasée de l'édifice, on peut se faire une idée de l'aspect extérieur de la classe de Gamelin.
1er Brumaire An V
(22 octobre 1796)
Ce jour est la date officielle de l'ouverture de l'Ecole centrale de Carcassonne, mais Jacques Gamelin avait été déjà investi de sa nouvelle fonction quatre mois auparavant, soit le 7 juin 1796. Il faisait partie des neuf professeurs : Alary (Histoire naturelle), Marcou (Langues anciennes), Birot (mathématiques), Sicaire (Physique et chimie), Coumes (Grammaire), Sériès (Belles-lettres), Gary (Histoire), Trey (Législation) et Lasalle (Bibliothécaire). L'apprentissage du dessin était ainsi défini :
"L'enfant qui cesse de bégayer s'instruit, en jouant encore, à discerner, à réunir, à prononcer, à tracer des caractères qui peignent la parole et sont les signes de ces sensations... Son attention ne peut d'abord être fixée que par l'attrait du plaisir. Le dessin est pour lui un amusement dont le prestige, adoucissant à ses yeux le rude aspect du travail, le familiarise avec l'application : aussi est-il l'objet de sa première étude et comme une sorte d'initiation aux connaissances humaine."
L'article 6 du règlement intérieur des écoles centrales fixait à deux heures l'après-midi, le temps consacré au dessin. Faisant fi des instructions officielles, le jury d'instruction publique de l'Aude proposa à l'administration d'ouvrir tous les jours la classe de Gamelin. Cette disposition fut abrogée l'année suivante ; les cours de deux heures furent inaugurés.
La méthode Gamelin
Le plan d'études comporte un enseignement à trois degrés, tous consacrés à l'étude du corps humain, au triple point de vue de la constitution, de l'expression et de la plastique. Dans la première classe dite des Principes, l'élève se familiarise avec les éléments du visage, en distinguant les rapports que ces éléments présentent entre eux. La seconde, fournit l'occasion de réaliser la synthèse des notions de détail. Le travail s'opère en présence des chefs-d'oeuvre de la statuaire classique ; c'est le plus sûr moyen de façonner son esprit au sentiment des formes harmonieuses. Selon ses dispositions, il lui faudra un an ou deux avant de passer dans la classe du modèle vivant.
"C'est là, que ceux qui voudront atteindre à la perfection ou soigner précieusement leur goût naturel pour la peinture, apprendront à connaître les formes, l'élégance, le genre nerveux et qu'ils sauront justement apprécier les richesses que les Grecs et les Romains nous ont transmises à cet égard." (Jacques Gamelin)
Description de l'école de dessin
©Musée de l'Evêché / Limoges
On imagine quel était l'aspect de cette haute et grande salle, médiocrement éclairée par sa fenêtre hors d'appui. De l'étroit cadre vitré tendu sur la rue d'un treillis de fer protecteur, la lumière descendait, rare et comme tamisée, sur les modèles qui s'alignaient le long du mur, non loin de la fenêtre. La salle avec sa cheminée en bois avait un faux air d'appartement. Le logis était si froid et si humide que le 19 juillet 1799, l'architecte Champagne dut proposer d'assainir les salles en bordure du jardin botanique, en pratiquant sur la longueur du bâtiment une rigole en cailloux de rivière. Les séances de dessin en fin d'après-midi imposaient d'éclairer les salles à la chandelle. Au terme du devis dressé le 19 juillet 1799, chacune des classes furent munies de lampes à huile.
Les élèves travaillent assis sur les bancs ou sur leurs rustiques tabourets de paille, leur planchette posée sur les genoux. L'estampe qui sert de modèle est collée sur un mince carton et pend des lignes de fils de fer tendus le long des murs ou à la traverse des seize chevalets volants. Avant l'installation des lampes, chaque écolier ou chaque groupe d'écoliers avait sa chandelle fixée près de lui dans une bobèche de fer blanc. Jusqu'aux derniers jours de l'école, le mobilier du cours de dessin se maintint dans cet état rudimentaire.
© Archives de l'Aude
La salle de dessin avant 1914
Gamelin touchait annuellement 2000 francs pour dispenser ses cours. Il était également logé dans l'enceinte de l'établissement au premier étage, dans un modeste appartement de cinq pièces. Chacune d'entre elles prenait la lumière sur la cour par une fenêtre unique. Le peintre avait tant bien que mal aménagé dans son salon un atelier de peinture, mais l'ébranlement provoqué par le va-et-vient des voisins du dessus suffisait pour répandre un nuage de poussière. Le cadre exigu de la pièce ne se prêtait aux exigences de certains travaux.
Il fut contraint de monter ses grandes toiles dans la nef de la chapelle transformée en musée. C'est également dans le sanctuaire que s'assemblaient sous l'oeil du maître, les cours annexes de peinture. Aujourd'hui, cette chapelle a été transformée en auditorium, rue des Etudes. On peut toujours y voir le sanctuaire dont il est question.
La distribution des prix
Aidé parfois de son fils aîné, Gamelin dessinait la plupart des estampes données en récompense aux lauréats. En 1911, Alma Cardes habitant à Carcassonne en possédait deux attribuées à Clément Bonnet, lauréat du concours de dessin en 1798 et 1799. Ce sont des croquis inspirés par les souvenirs personnels de la campagne des Pyrénées-Orientales de 1793 à 1794.
Choc de cavalerie près du Mas d'Eu. An II
Déroute des Espagnols sur les murs de Perpignan. An II
Liste des lauréats de 1799
Bernard Vergnes (Carcassonne) : Prix des Principes
Moulines (Limoux) : Couronne
Jacques Bastoul (Carcassonne) : Droit d'exposition
Reçus un cahier de gravures de 24 planches de Gamelin
Xavier Bonnafous (Montréal) : 1er prix des petites têtes
Reçu "La vue de Milan" de Gamelin fils
Etienne Denisse (Carcassonne) : Second prix
Alexandre dans la ville des Axydraques de Gamelin
Jean-Baptiste Echernier (Carcassonne) : Accessit
© Musée Paul-Dupuy / Toulouse
La mort de Socrate de Gamelin
Ce lavis a été acquis en 2001 chez un marchand d'art et provenait sans doute de la famille de Jean-Baptiste Echernier, lauréat du concours. Nous l'avons retrouvé au musée Paul-Dupuy de Toulouse.
Joseph Guiraud (Carcassonne) : Couronne
Galinier (Caunes-Minervois) : Droit d'exposition
Jean-Baptiste Viviès (Ste-Colombe-sur l'Hers) : 1er prix
Une bataille des P-O, sur papier bleu lavé à l'encre de Chine
François Hortet (Prades) : Second prix
Un paysage de Jean Pillement
Jean-Baptiste Germain (Carcassonne) : Couronne
Raynaud (Carcassonne) : Droit d'exposition
Idem
Armand d'hautpoul : 1er Prix des académies
Louis Alboize : 1er Prix des académies
Deux Bacchanales de Gamelin
L'une des deux Bacchanales acquise par le musée Paul-Dupuy de Toulouse en 1998.
Toussaint Cros (Lagrasse) : Second prix
Taichère (Trèbes) : Honneurs de l'exposition
Rainier (Bram) : Honneurs de l'exposition
Un paysage de Pillement
Clément Denisse (Carcassonne) : 1er prix de ronde-bosse
Le poème de Watelet sur la peinture
Clément Bonnet (Carcassonne) : Second prix
Baudouy (Carcassonne) : Second prix
Une bataille des P-O de Gamelin
Source
Réunion des Sociétés des Beaux-arts des départements
Joseph Poux / 1911
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