Durant l’occupation, la ville de Carcassonne n’échappa pas à l’installation en ses murs d’un Commissariat Général aux Questions Juives. Véritable « Ministère de l’antisémitisme » fondé au mois de mars 1941 par le gouvernement de Vichy, ses pouvoirs permirent à ses dirigeants de s’en prendre aux biens des israélites. Les candidats à la présidence de cette organisation répressive se bousculèrent aux portillon : Jacques Doriot, Louis-Ferdinand Céline, etc. C’est finalement l’ardéchois Xavier Vallat, plusieurs fois ministre de la IIIe République, qui emporta l’adhésion. La principale des missions du CGQJ fut d’aryaniser les biens juifs. En quoi cela consistait-il ? Dans l’esprit des ultras de ce ministère très particulier, les propriétés mobilières et immobilières devaient être débarrassées de la souillure juive. On organisa donc par la loi, les moyens permettant de déposséder les juifs de leurs possessions. Une première mesure entreprise afin d’arriver à ce résultat, fut en juin 1940 de recenser les israélites vivant en France. Il était dès lors plus aisé de les spolier lorsqu’on les avait déjà domicilié.
Afin d’accomplir cette tâche, le CGQJ nomma des administrateurs provisoires. Volontaires et choisis parmi des fervents admirateurs du maréchal Pétain, ces personnes occupaient des professions diverses : notaires, huissiers de justice, avocats, militaires, etc. Parfois, ils avaient été recommandés au sein de la Légion française des combattants. En vérité, l’appât du gain devait être la principale motivation de ces vautours planant au-dessus de leurs proies.
Le CGQJ se trouvait 16, rue Pierre Germain à Carcassonne
Nous l’avons dit, les CGQJ étaient dirigés par des antisémites notoires. Parfois, ils s’illustreront tristement au sein de la Milice, avec laquelle des liens étroits seront entretenus. A Carcassonne, le Commissariat aux Questions Juives s’installe 16, rue Pierre Germain. C’est là que se trouvent les bureaux du « Ministère de l’antisémitisme ». On y vient travailler, comme dans n’importe quel bureau de la préfecture. Tout ceci est finalement fort banal dans le contexte de l’époque.
Le CGQJ Carcassonnais s’illustre lors de la rafle des juifs étrangers de Rennes-les-bains. Après que la police, sous la direction de Valentin Durot, a livré ces gens aux nazis, on spolia leurs biens. L’administrateur provisoire Jules B, agent d’assurance à Carcassonne, natif d’Espéraza, fut chargé d’organiser la vente des biens : argenterie, fourrures, vaisselles, cuisinière, habits, etc. Aidé dans sa tâche par un huissier limouxin, les enchères publiques se tinrent dans la cité blanquetière. Il est donc encore aujourd’hui des familles du coin possédant, sans doute, des objets ayant appartenu aux juifs de Rennes-les-bains, envoyés à Auschwitz.
Plusieurs Carcassonnais d’origine juive se retrouvèrent dans le viseur. Par exemple, Paul Haguenaeur, ingénieur et patron d’une société de machines agricoles. Ses biens furent confiés à Jules B, nommé le 26 mars 1942 comme administrateur. Maître T, huissier de justice à Carcassonne se chargea de l’inventaire. Le CGQJ ne s’arrêta pas là. L’antenne régionale, située 2 rue des Etuves à Montpellier, écrivit le 30 septembre 1942 à Freund-Valade, préfet de l’Aude :
« J’ai l’honneur de vous demander l’internement administratif du juif Haguenaeur Paul, dont les agissements et l’activité croissante en qualité d’ingénieur conseil portent un grave préjudice aux vrais français. »
Haguenaeur fut mit en résidence surveillée au centre de séjour de Fort-Barraux (Isère). Il échappa à la déportation et rejoignit le Corps franc de la Montagne-noire. À la Libération, Haguenaeur alla demander réparation afin qu’un libraire Carcassonnais lui restituât sa bibliothèque et que la Belle Jardinière, lui rendît ses costumes. Ces biens avaient été acquis par ces deux commerçants lors des enchères publiques.
Autre cas sensible, celui de Raphael Romi. Commerçant en textiles, l’ensemble de ses biens tombèrent sous le coup du CGDJ. L’avoué Carcassonnais, Jacques P, accepta la charge d’administrateur provisoire. Le fonds de commerce fut vendu aux enchères par-devant Maître A, notaire, le 8 avril 1943. Le tout, acquis par Charles C, ingénieur agronome à Alet-les-bains. Arrêté par la Milice, M. Romi ne dut son salut qu’à la fuite de celle-ci vers Montpellier le 15 août 1944.
Comme nous l’avons évoqué précédemment, la Milice entretenait des liens étroits avec le CGQJ. Elle pouvait renseigner et exiger de lui d’entreprendre des actions contre des juifs dénoncés. La plupart des miliciens de Carcassonne avaient adhéré à l’Action Française. L’inspecteur départemental du CGQJ, Louis Quitté, appartenait au parti de Maurras. Originaire de Nantes, il occupait cet emploi dans la capitale audoise pour 5300 francs mensuels. Sans compter quelques arrangements… Certains israélites, pourtant connus du CGQJ, s’en sortiront. La liberté pour le seul radiologue d’une clinique, contre quelques dessous de table de son patron vers le CGQJ. A la libération, ceux qui avaient mis le doigt dans le pot de confiture s’évertuèrent à atténuer la responsabilité de l’inspecteur départemental. Le silence, en échange d’un témoignage favorable.
Sources
Vichy dans la solution finale / Laurent Joly
128j79/ADA 11
Dossiers de policiers épurés
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