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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 9

  • À la recherche de la ferme disparue de RANCOULET.

    On avait entendu parler vaguement de l’existence de Rancoulet, une espèce de ferme disparue, disait-on, dans le faubourg de l’allée d’Iéna. Une impasse en portait le nom sur l’actuelle rue Émile Zola. D’où venait le nom de Rancoulet ? Là encore, personne n’a semblé s’attarder sur la question. Aidé d’un plan, ramené des Archives du canal du midi à Toulouse par Francis Teisseire, nous avons entrepris de remonter le temps. Remercions Jacques Blanco de m’en avoir confié la lecture. À partir de ce document, nous avons pu situer avec précision l’emplacement de Rancoulet, puis entreprendre une recherche généalogique.

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    Rancoulet, à gauche, face à l'actuelle passerelle du canal sur l'avenue Pierre Sémard.

    À l’instar de très nombreux marchands drapiers de la Ville basse, Joseph Rancoulet (1744-1810) possédait une maison à la campagne, entourée de champs. Ce négociant, propriétaire d’une demeure à l’intérieur du Carré de Mansenqual, devait sans doute goûter en fin de semaine aux béatitudes de dame nature. L’ensemble des riches bourgeois de la ville en faisait de même au XVIIIe siècle ; ils confiaient la gestion de leurs domaines à des métayers. 

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    Sur un plan parcellaire de 1780, le sieur Rancoulet possède une maison et un champ entre l’actuelle allée d’Iéna et le ravelin des murs de la ville. La photographie ci-jointe nous permet de situer l’immeuble dans la rue Zola, à l’arrière de la maison Lamourelle. Serions-nous assez perspicaces, si nous nous obligions à reconnaître qu’il existe encore de nos jours ? Nous vous en laissons juges. Toutefois, son entrée paraît typique des constructions du XVIIIe siècle. L’impasse Rancoulet a donc bien été dénommé à l’endroit de l’ancienne propriété de Joseph Rancoulet.

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    Jean-Jacques Rancoulet, son fils, fut tour à tour employé chez le payeur du département puis commis négociant à Perpignan. Il eut trois garçons qu’il tint dans une éducation stricte et disciplinée. Élèves de l’ancienne école royale de Sorèze, Édouin Frédéric Hippolyte (1807), Émile (1808) et Amans Victor (1812-1879) goutèrent à la rudesse de l’enseignement du Père Lacordaire. Nous supposons que les affaires de l’industrie drapière périclitant après la Révolution française, la famille dut trouver d’autres moyens de subsistance. Elle aurait même, disons-le, perdu son statut social avec ses richesses. C’est très certainement durant la première moitié du XIXe siècle que Rancoulet changea de propriétaire. Sur le plan cadastral de 1849, les terres appartiennent à M. Rech. Et pour cause…

    Édouin se fixa à Sorèze où il rencontra Philippine Dupont. Elle y donna naissance à Ernest Rancoulet (1842-1918), avant de partir pour Bordeaux. Dans la capitale girondine, le jeune homme fut marin avant de suivre les cours de l’École municipale de sculpture, puis ceux de l’École des Beaux-arts en 1868. Statuaire de grand talent, il exposa aux salons de Bordeaux et de Paris, ville dans laquelle il fonda son atelier. Officier d’Académie le 11 août 1908, il mourut dix ans plus tard dans la capitale. Ses oeuvres cotées ont fait l’objet de ventes chez Drouot.

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    © Drouot

    Hercule et Cerbère

    A Bordeaux, Ernest Rancoulet put s’entourer de son oncle Amans Victor. Il étudia la médecine à Montpellier et, s’il ne conquit pas pour lui-même le titre de docteur, par suite d’obstacles pécuniaires, il écrivit pour d’autres bien des thèses. Entré à la bibliothèque de Bordeaux vers 1859, il en devint le chef dix ans plus tard.

    Ce modeste apport à l’histoire de la ferme de Rancoulet, nous éclaire sur son emplacement. Il permet de retracer la trajectoire de ces riches familles carcassonnaises du XVIIIe siècle. Le déclin d’une industrie, autrefois florissante, fit oublier le nom de Rancoulet. Attaché au vague souvenir d’une ferme, d’une maison de campagne, il se ranime à la lecture de ce travail. Il appartiendra désormais à plus érudit que nous d’y ajouter de nouvelles informations. Que reste t-il de Rancoulet sur le terrain ? Nous y croyons, à preuve du contraire. C’est cette maison adossée à la Villa Lamourelle, rue Emile Zola. C’était le seule à cet endroit au début du XIXe siècle. Elle portait le nom de Rancoulet.

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  • Témoignage : Le retour des déportés des camps de la mort nazis à Carcassonne

    Dans un dossier oublié, conservé aux Archives départementales, j'ai trouvé un mémoire dactylographié rédigé par Henriette Patau-Bousquet. La soeur du poète Joë Bousquet qui oeuvrait à la délégation départementale de la Croix-rouge pendant l'Occupation, y raconte ses souvenirs. J'ai choisi de retranscrire ce qu'elle a vu et vécu au moment du retour des déportés à Carcassonne. Ce texte poignant devrait être lu dans chaque classe d'histoire au collège, lorsqu'on enseigne cette triste période.

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    Nous reçûmes des instructions pour accueillir les rescapés des camps de représailles. Nous devions nous trouver à la gare à partir de 8 heures du soir : deux infirmières et quatre secouristes. Nous attendions le train dans une grande salle, meublée d’un fauteuil et de quelques chaises autour d’une grande table. Le premier train était signalé à neuf heures dans la nuit tombante. Les secouristes passaient sur le quai ; pour descendre, presque porter les hommes qu’on nous renvoyait vêtus d’un pyjama rayé, squelettiques, les yeux effrayés, ils regardaient tous ceux qui venaient à leur rencontre ; et après avoir reconnu leur tenue, ils se laissaient approcher. Doucement, lentement, on les conduisaient vers la pièce où nous les attendions.

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    Nous avions appris que nos gestes d’accueil devaient être lents, calmes, notre voix sans éclats et qu’il fallait en s’occupant d’eux ne pas leur donner l’impression de les contraindre, mais de les aider. Nous remplacions les secouristes et nous les amenions, à leurs pas, vers les sièges ; ils hésitaient, regardaient autour d’eux, qui s’avançaient, finissaient par s’assoir. Devant eux, à portée de leur main, on plaçait un bol de bouillon ou de café : on leur disait de boire. Les uns repoussaient les bols, d’autres s’accoudaient à la table, le visage dans les mains. Au bout d’un moment, on leur offrait des biscuits, des fruits. Quelques-uns commençaient à nous regarder de ce même regard fixe, puis ils s’adaptaient, avançaient parfois vers nous une main glacée que nous gardions dans la nôtre comme celle d’un enfant. Une heure passait ainsi ; des gestes s’esquissaient, les uns se restauraient, d’autres pleuraient convulsivement. 

    Bientôt, leurs papiers arrivés, nous pouvions leur expliquer qu’ils seraient bientôt rendus à leur famille. Ils commençaient alors à réagir. Dans toutes les communes de France, les receveurs des postes avaient l’ordre de rester au poste de téléphone, toute la nuit. Aucun n’y a jamais manqué.

    Un de nous, muni de la fiche d’un arrivant, appelait à quelqu’heure que ce fut le receveur à prévenir et lui confiait la mission de prévenir la famille et de l’envoyer à notre poste pour prendre l’arrivant. Avec précaution, nous prévenions celui qui était désigné et nous cherchions dans le vestiaire un pardessus ou une grande couverture pour recevoir le pyjama rayé. Alors, peu à peu, une lueur plus humaine venait éclairer les yeux de ces hommes jeunes qui ressemblaient à des vieillards abimés par la vie. Bientôt, une voiture se faisait entendre. Un de nous allait chercher la famille, l’autre préparait le prisonnier et nous ne partions qu’après les avoir vus, ensemble, en sécurité. 

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    Le retour fut long, et certains prisonniers durent subir des traitements avant de pouvoir reprendre un métier et une vie normale. On créa une Association des prisonniers de guerre qui aida beaucoup de rentrants. On s’occupa d’eux et des familles les plus touchées et, peu à peu, tous se reprirent à vivre.

    Joë en recevait beaucoup. Tout le temps que dura cette guerre, il n’a jamais cessé d’aider les gens traqués. Il n’a jamais pensé à leur nationalité, leur religion, leur valeur. Ils étaient malheureux et cela, à ses yeux, était la seule chose qui doive compter. Ils avaient besoin d’être aidés. Il fit avec clairvoyance pour les gens malheureux tout ce qu’il put pour les secourir. 

    Qui reste encore ici-bas pour témoigner de ce qu'il a vécu dans ces camps nazis ? Ce ne sont pas, hélas, ces témoignages écrits qui empêcheront l'horreur de se reproduire. Hier c'était les juifs, demain...? Toutefois, notre devoir moral est de la diffuser afin de contrarier les funestes projets des négationnistes d'extreme droite. Avant son décès, le résistant André Saura qui fut de ceux qui revinrent de l'enfer, me raconta la chose suivante. Il ne pesait plus que quelques kilos à son arrivée à Carcassonne. Ce qui lui sauva la vie, c'est d'avoir peu mangé dans les jours qui suivirent. Juste du bouillon. Tous ceux qui se sont jetés sur la nourriture sont morts, tellement l'appareil digestif avait été détruit par les mauvais traitements. Quant l'accueil de la population... Des pestiférés, venus d'on ne sait où, au milieu de gens bien portants. Le reste se passe de commentaires.

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    © Tous droits réservés / Musique te patrimoine / 2024

  • Conférence

    Demain, vendredi 4 octobre à 18h, je donnerai une conférence sur les événements du 19 août 1944 à Baudrigue. Foyer communal de Couffoulens. A l'issue, séance de dédicaces de mes livres sur Baudrigue et sur Jean Bringer.