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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 26

  • Angel Carruesco (1925-1944), héros du maquis de Trassanel.

    Il venait d'avoir dix-neuf ans depuis quelques jours à peine. Son anniversaire, il l'avait fêté avec ses camarades d'infortune au milieu des bois de la Montagne noire. Angel Eugène Carruesco était né à Sainte-Eulalie le 16 juillet 1925 de parents immigrés espagnols. Sa mère Joséphine née Lassierra (1902-1982), avait sollicité et obtenu la nationalité française en 1928. Trois ans exactement après le décès de son mari, Angel Carruesco Encuentra (1895-1925). Veuve, dans un pays étranger avec trois enfants en bas âge, elle devait affronter son destin avec courage. Angel, qui n'avait pas connu son père, pouvait-il compter sur ses soeurs Raymonde (1920-2010) et Joséphine Simone (1923-2000) ? On ne sait presque rien de cette famille. Toutefois, la naissance des enfants dans trois villages différents (Sainte-Eulalie, Villalier et Malviès) laisse supposer que les parents travaillaient à la tâche comme ouvriers agricoles. Qu'est ce qui poussa ce jeune garçon à prendre le maquis ? Nous l'ignorons, mais il se peut qu'appartenant au Corps Franc de la Montagne Noire il se soit trouvé à Trassanel suite à l'attaque Allemande sur la Galaube. La dispersion des maquisards après cet affrontement inégal, eut pour effet de faire grossir les rangs du maquis de Trassanel. Le 8 août 1944, Angel Carruesco se trouvait à l'intérieur de la grotte lorsqu'elle fut assaillie par les tirs ennemis. Il résista comme ses camarades avec bravoure et détermination. Le lendemain, il fut retrouvé en état de mort clinique près de la grotte. On le ramena à Cabrespine dans la maison d'Armand Chiffre, qui ravitaillait le maquis du Minervois en vivres.

    Nous étions le 9 août 1944 en début d'après-midi lorsque le Dr Hippolyte Rouanet vint se porter au chevet du blessé. Le médecin vit que le jeune homme, étendu sur la table de la cuisine, n'allait certainement pas s'en tirer. Alerté par Louis Raynaud, le Dr René Varennes fit alors son apparition : "Deux blessures par balle à bout portant. L'une ayant pénétré par le sommet du crâne, l'autre en pleine nuque. Les orifices de sortie l'un à la base du cou, l'autre sur la partie gauche de la poitrine. Enorme oedeme de la région cervicale du à une hémorragie interne abondante. Le pouls est très rapide. Aucun réflexe sensitif ou moteur ne subsistant. Le pronostic était la mort à très brève chance."

    Que faire du maquisard ? La guerre n'étant pas terminée, prodiguer des soins ou héberger un terroriste, était passible de la peine de mort. Chose surprenante, Armand Chiffre, qui avait déjà pris de gros risques, aurait sollicité le Dr Varennes afin que celui-ci allât déclarer le blessé à la préfecture. C'est d'ailleurs ce que comptait faire le docteur. Tous les deux se retranchent derrière le fait qu'Angel Carruesco n'avait aucune chance de s'en sortir. Par conséquent, le dénoncer ne lui faisait pas courir de risques, contrairement à eux. "Vu que je sortais de la prison et en liberté provisoire, arrêté par la Milice le 14 juillet et remis en liberté le 29 juillet, j'ai jugé utile de déclarer ce blessé vu qu'il était mourant, comme le disaient les docteurs", déclara M. Chiffre. Louis Raynaud assura que le Dr Varennes avait été sollicité par lui pour soigner des maquisards, mais que le médecin ne voulait l'accepter qu'à condition de déclarer les blessés en préfecture. Le lendemain matin du 10 août 1944, Angel Carruesco cessa de vivre.

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    Monument aux victimes de la grotte de Trassanel. Sur une plaque figure l'inscription suivante :

    "Ici mortellement blessé le 9 août 1944 Angel Cuaresco  fut recueilli par Chiffre Armand de Cabrespine."

    Le Dr Joutau, confrère du Dr Varennes à Caunes-Minervois, fit ressortir cette affaire après la Libération. Médecin lieutenant du CFMN puis du 173e RIA, résistant convaincu, Jourtau avait soigné clandestinement les maquisards. C'est lui qui vint en aide, dans une cabane isolée, à Rodriguez, Tahon et au tunisien Amor ben Amar. Jourtau qui avait reproché à Varennes son attitude fut convaincu de le poursuivre. Celui-ci arguant qu'il avait voulu se protéger, Jourtau répondit : "Pourquoi ? Ta peau vaut bien celle d'un maquisard." Quelques jours avant les élections municipales du 29 avril 1945 à Caunes-Minervois, le Dr Varennes figurait sur la liste d'opposition à celle de la Résistance. Le sang de Jourtau ne fit qu'un tour. Il se mit dans l'idée de faire payer à Varennes sa supposée lâcheté. Varennes finit par retirer sa candidature. Le 31 mai 1945, la plainte de Jourtau fut classée sans suite par le parquet de la Cour de justice.

    L'affaire n'en resta pas là. A son tour, le Dr Varennes attaqua le 27 juillet 1945 le Dr Jourtau pour dénonciation calomnieuse. Elle sera retirée le 4 septembre 1945. 

    Sources

    ADA / 123J110

    Journal Officiel / 8 avril 1928

    Etat-Civil

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  • La teinturerie Sicre, 34 rue de Verdun

    Dans l’une de ses chroniques, publiées dans La dépêche, Claude Marquié a évoqué en 1999 l’histoire de la teinturerie Sicre. Tout en reprenant ses informations, nous avons procédé à de nouvelles recherches documentaires et généalogiques. Elles ont abouti à enrichir d’une manière significative l’article rédigé par l’historien Carcassonnais.

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    Le magasin de la teinturerie Sicre en 2023

    Louis Antoine Sicre (1901-1977), fils d’un homme de peine du quartier des Capucins, entra au service de la teinturerie Patau à l’âge de treize ans. François Lucien Antoine Patau, né à Limoux le 2 septembre 1861, avait fondé en 1830 une teinturerie au fond de la rue d’Alsace. Il possédait une succursale à Limoux, 43 rue de la Trinité. Son père (1814-1893), lui-même teinturier, était originaire de Villagilhenc. La famille vivait 32 rue de la gare à Carcassonne.

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    © C. Marquié

    Usine de la teinturerie Sicre, rue de la Tour d'Auvergne

    Louis Sicre reprit le terrain et les bâtiments de la Blanchisserie moderne située 28 rue Pasteur, appartenant à Justin Gaubert Raynis. En garnison dans plusieurs ville de France, ce militaire était venu s’installer à Carcassonne au début de la Grande guerre. Au numéro 13 rue Chartrand, il réalisait comme tailleur d’habit des effets militaires. On suppose qu’il monta sa blanchisserie après l’armistice de 1918. Louis Sicre épousa sa fille Suzanne (1897-1964) le 12 février 1926 et installa sa teinturerie dans les locaux du 28 rue Pasteur, communiquant avec la rue de la Tour d’Auvergne.

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    Le magasin (34 rue de Verdun) avant son agrandissement

    La teinturerie installa son dépôt au numéro 34 de la rue de Verdun (actuel n°32), dans l’ancien atelier du relieur Jules Bertrand (1851-1918). Sa veuve, Philomène Malet, en conserva une partie pour son logement après la mort de son mari. Lorsqu’à son tour elle décéda, Louis Sicre fit l’acquisition du logement pour agrandir son magasin au début des années 1930. Ceci explique le caractère Art-Déco de la façade actuelle. L’usine de la rue Pasteur employait quatorze ouvriers avant la Seconde guerre mondiale. Elle doubla ses effectifs après la fermeture de la teinturerie Patau dont elle récupéra le local, 34 rue Clémenceau. 

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    © JP Serres

    Une ancienne ouvrière, Madame Paule Salangueda, se souvient : « Ce fut très dur. Les fers à repasser pesaient plus de deux kilos. Ils chauffaient autour du poêle à charbon. Il y en avait huit. On les tenait avec d’épaisses poignées, car le dessus était en fer. Pour mes petites mains, c’était très dur. Je serrais les dents… Le soir, je rentrais fatiguée car chez Lamourelle je travaillais assise. A la teinturerie j’étais debout et ce diable de fer qui était si lourd… Louis Sicre sortit une enveloppe de sa poche, qu'il me tendit. Je ne l'ouvris pas car elle devait être donnée intacte aux parents». Quand sa mère l'ouvre enfin : «J'en eus le souffle coupé, je ne m'attendais pas à plus que chez Lamourelle, des 40 francs qu'il me donnait, Louis m'en donnait 56, j'étais un peu fière, à 17-ans et demi, je gagnais plus que les femmes qui travaillaient aux chiffons depuis plus de vingt ans. Au bout d'un an, je gagnais 11 francs par jour, je faisais autant de travail que je pouvais, je fus proclamée ouvrière. »

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    © JP Serres

    La société Sicre et fils dut changer ses statuts au moment de la mort de son fondateur. Le 30 mai 1977, Albert Henri Lucien Sicre (1931-2005) poursuivit seul l’exploitation qu’il détenait en association avec son père. La teinturerie seule n’étant plus rentable, le travail s’étendit au nettoyage et à la blanchisserie. Comme le souligne Claude Marquié, « cette évolution signa la mort de l’usine, détruite en 1981, puis remplacée par un building. Quant aux magasins, ils disparurent quelques années plus tard, à l’exception de la celui de la rue Aimé Ramond.

    teinturerie sicre

    Sources

    C. Marquié / La dépêche / 1999

    A. Raucoules / La rue de Verdun

    Archives de l'Aude, Tarn, Hautes-Pyrénées

    Annuaires de l'Aude (1911, 1921, 1939)

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  • Commerces en Bastide St-Louis : La réalité dépasse l'affliction.

    Lors d’une interview accordée à une équipe de Tf1, Monsieur le maire de Carcassonne avait eu l’air embarrassé. C’était quelques jours avant les élections municipales 2020. Dans son bureau, il avait répondu au journaliste sur la question de savoir si l’ouverture de Rocadest n’allait pas mette à mal les commerces du centre-ville : « En contrepartie, le promoteur s’est engagé à implanter des enseignes en centre-ville. » Surenchérissant sur sa question, l’interviewer demanda s’il s’y était engagé par écrit. Monsieur le maire sembla acculé par cette riposte à laquelle il ne s’attendait visiblement pas : « Non, mais nous lui faisons confiance. » Qui pouvait raisonnablement croire à cela ? C’est bien connu ; les promoteurs commerciaux sont de grands philanthropes qui n’ont qu’une parole. 

    Il faut toutefois rendre grâce à M. Ferrandis, la situation de désertification commerciale de la Bastide Saint-Louis ne saurait lui être entièrement imputée. Le malade agonisait déjà avant que son projet de centre commercial ne sorte de terre. D’autres, comme le Carrefour de la zone du Pont Rouge et Géant Salvaza à la Ferraudière avaient déjà siphonné les enseignes du centre-ville. Citons pour l’exemple : Célio, Maison du monde, Jeff de Bruges, Blue Box, Jennyfer, Yves Rocher, Jules, Beauty Success. Les locaux des cinq premiers cités n’ont toujours pas été remplacés dans la rue Georges Clémenceau. Cela fait déjà quelques lunes que leur rideau ne s’est plus levé.

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    Nos chers disparus

    Là encore, le promoteur de la zone du Pont rouge s’était engagé oralement à envoyer des enseignes en centre-ville. Il a tenu en partie parole, mais d’une manière si minime que le bénéfice est impalpable. Après avoir acquis l’ancien hôtel particulier Rech de Pennautier aux enchères à bon marché, on dit dans la presse qu’il allait y faire de grands travaux. Dony a fermé. Un grand magasin de décoration l’a remplacé. Entre temps, le promoteur a rapidement et fort bien revendu, dit-on, son bien. Le nouveau propriétaire ne s’empresse guère de réaliser les travaux promis à la ville par son vendeur. La façade conserve encore visible sous la couche de peinture, comme un cache misère, le nom de Dony.

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    Nos chers disparus

    Si nous considérons la fermeture de ces commerces en Bastide, il faut aussi noter l’ouverture de nouvelles enseignes à la Ferraudière et au Pont rouge qui auraient pu s’y installer. Quarante-cinq exactement pour cette dernière zone : Colombus Café, Burger King, Action, etc. Sans compter que pour l’enseigne « H et M » qui attire une jeunesse conséquente vers ce magasin, on aurait pu vendre les halles à la volaille en Bastide. La ville a préféré la conserver dans son giron. C’est vrai qu’une fois l’année, il y a le salon du Playmobil, de Stars Wars, des animaux de compagnie. . Si l’on se tourne vers la Ferraudière, nous ferons parfaitement le même constat.

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    Nos chers disparus

    Fallait-il une autre grande surface à la sortie Est de Carcassonne, quand les précédentes avaient déjà bien ponctionné le centre-ville ? La réponse tombe sous le sens. Surtout, lorsque le promoteur dans son intérêt fait la tournée des commerçants pour les inciter à déménager chez lui. Adieu donc Mango, Orange, SFR et bien d’autres, s’il en reste, dans quelques temps. A force de se faire tondre, la Bastide n’aura même plus un seul coiffeur.

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    Nos chers disparus

    La ville riposte : Reconquête Bastide, cela s’appelle. Vous allez voir ce que vous allez voir… En 2014, il y a eu Madame Maurette, dont a oublié le passage au conseil municipal, tant son efficacité fut discrète. Elle nous avait promis la fin des grandes enseignes en ville, mais leur remplacement par de l’artisanat de qualité. La première prophétie, nous aurions pu l’imaginer. Quant à la seconde, elle ne fut qu’un feu de paille de communication. Quelques enseignes se sont tout de même installées : Comptoir de Mathilde, Courir, Jott. Trop peu. Le solde demeure négatif car d'autres ont fermé entre temps. Riche idée d'avoir laissé l'ancien café Continental à la Banque de France. Un emplacement de choix a une administration sans attrait commercial sur un axe de traffic touristique.

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    Isabelle Chésa a bien essayé d’égayer la Bastide avec l’opération des façades rénovées ; on lui concède le succès de son idée. Sauf dans la rue Clemenceau, la plus commerçante. Dommage ! Toutefois, force est de constater que cela n’a pas endigué les départs, ni favorisé les arrivées de nouvelles enseignes. On a mis du sparadrap sur la gangrène. La mairie finance l’installation d’indépendants qui ne tiennent que trois ans, au mieux, avant de fermer boutique. Et la taxe sur les locaux commerciaux vacants ? Le prestidigitateur fait illusion pendant un temps. Le temps d’une annonce ronflante émise par le service communication de la ville sur papier glacé. Qui trompe t-elle ? Certainement pas les Carcassonnais devant les sandwichs orientaux, les vapoteurs, les CBD, les jeux de hache. Tout un univers prompt à faire revenir le chaland en Bastide.

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    Fallait-il refaire la place Carnot en propriété en 2020 ?

    Question à un million d’euros. Depuis combien de temps, le pavage de la principale rue commerçante de la ville n’a t-elle pas été refait en totalité ? Nous allons vous le dire : 1992. Pour ce prix, on a refait la place Carnot qui pouvait attendre et déplacé son marché sur le boulevard Roumens. Encore une idée qui pousse le client à l’extérieur de la Bastide, le seul jour où elle l’attire loin des zones commerciales. Là-bas, on peut s’y garer gratuitement sans prendre le risque d’un papier vert sur le pare-brise pour dépassement d’horaire. Doit-on évoquer le sentiment d’insécurité en Bastide, récemment gangrené par les trafics de drogue dans les rues adjacentes ? Le commissariat vient d'être déplacé à trois kilomètres du centre-ville.

    Franchement, nous aimerions écrire autre chose. Que je l’aime cette ville pour détester ce qu’elle est devenue. Espérons une prise de conscience, mais n’est-il pas déjà trop trop tard ?

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