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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 201

  • L'ancien président de la République René Coty, en visite à Carcassonne

    Après avoir passé le pouvoir en janvier 1959 au général de Gaulle, l'ancien président René Coty entreprit un voyage incognito à travers les Pyrénées, en compagnie de son frère et de sa belle-sœur. Ce périple s'acheva à Vernet-les Bains où l'illustre pèlerin logea à l'hôtel Moderne. Après quoi, il reprit la route avec une escorte de deux motards en direction d'Amélie-les-bains par le col di Fourtou. C'est là qu'il devait rencontrer le docteur Noveau, chef du sanatorium "Al Sola". Une heure plus tard, la voiture redescendait et filait par la route de Perpignan. Après Thuir et Prades, sa DS relia la route de Mont-Louis, puis de Quillan pour rallier Carcassonne par la Haute-Vallée de l'Aude. Ce n'est que vers 18 heures ce mercredi 23 septembre 1959 que l'ancien président de la République descendit en toute discrétion au Grand Hôtel Terminus de Carcassonne. Il demanda à la réception des brochures touristiques de la Cité, car avait l'intention d'aller la visiter le lendemain matin. Averti de cette arrivée, M. Bonnafous, préfet de l'Aude, se rendit au Terminus et demanda audience auprès de M. Coty. L'entretien en tête à tête dura une heure environ, après quoi l'ancien de chef de l'état préféra dîner dans son appartement. On veilla à ne pas le déranger...

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    Le lendemain matin à 9h15, avant de faire un rapide tour en voiture dans les lices, le président, qui connaissait la Cité pour l'avoir déjà visitée, souhaita se recueillir dans la basilique Saint-Nazaire. Vers 10h15, il rejoignit son hôtel et repartit avec sa famille et son escorte en direction de Toulouse. Dans la ville rose, il se rendit durant trente minutes à la basilique Saint-Sernin avant de filer vers Paris. Le président René Coty mourra deux ans après d'une crise cardiaque.

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    Lien permanent Catégories : Politique
  • La cavale du tortionnaire de la Gestapo de Carcassonne, le 18 août 1944

    René Lucien Bach, né le 11 juillet 1921 à Voerderlingen de Guillaume et de Julie Fisher. Il est de nationalité française. A l’âge de trois, il déménage avec ses parents à Metz et habite à Montigny-les-Metz, 88 rue de Reims, jusqu’à l’âge de 18 ans. Après ses études primaires, il quitte à 17 ans l’école normale pour suivre des cours de comptabilité à l’école Pigier. 

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    René Bach à Carcassonne lors de son procès

    A la déclaration de guerre, Bach s’engage à Metz dans la Marine Nationale pour une durée de cinq ans. Il est ensuite dirigé vers Rochefort à l’école des Fourriers jusqu’en mars 1940. Est-ce à cet endroit qu’il rencontra sa future épouse, native de Saintes ? De Rochefort, il est affecté à Cherbourg où il est embarqué sur le contre-torpilleur Guépard. Débarqué le 1er décembre 1941 à Toulon, il restera jusqu’au 1er janvier 1942 au quartier général de la marine à Marseille. Muté à l’intendance maritime de Toulon avant le sabordage de la flotte en novembre 1942, Bach se replie sur Annecy avec le service de la solde où il restera jusqu’au 16 avril 1943, jour de sa mise en congé d’armistice.

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    C’est à l’occasion d’une annonce passée dans « Le lorrain » de Riom afin de trouver un emploi, que René Bach reçoit plusieurs propositions. Il opte pour la plus rémunératrice, à savoir celle émise par la Kommandantur de Carcassonne offrant 2400 francs mensuels à l’essai, puis de 3000 francs. Ce quotidien catholique lorrain paraît en zone libre sous le nom de « Trait d’union des réfugiés de l’Est » et sera interdit le 23 septembre 1943 par Vichy.

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    © David Mallen

    Soldat allemand devant l'Hôtel Terminus en 1943

    A son arrivée à Carcassonne, Bach se présente à la Kommandantur (Grand hôtel Terminus), puis est détaché en qualité d’interprète à la Feld-gendarmerie jusqu’au 1er novembre 1943. Approché par la police allemande (Sicherheitsdienst) communément appelée Gestapo, il entrera à ce service le 7 ou 8 novembre 1943, comme interprète et chauffeur avec des appointements nettement supérieurs de 4000 francs mensuels. Il y restera jusqu’à son départ précipité de Carcassonne le 18 août 1944, soit deux jours avant la libération de la ville.

    Marié le 7 juin 1944 à Saintes avec Jeannine Marcelle Dabin, née le 26 septembre 1926 à Saintes, sans profession. Elle demeurait 31 rue de l’arc de triomphe à Saintes.

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    L'appartement de Bach au premier étage

    René Bach occupa un logement réquisitionné par la mairie au N° 1 rue Barbès (1er étage) du mois de juin 1943 à la mi-juin 1944, chez Mme Maris Berthe, veuve Griffe âgée de 44 ans. Cette dame signale un homme discret qui n’était pas loquace et avec lequel elle n’a jamais entretenu de relations, en dehors de celles entre un locataire et son propriétaire. Bach rentrait la nuit et se levait le matin à 7 heures pour se rendre à son travail. Il ne venait dans la journée que pour relever son courrier qu’il recevait régulièrement. Ce n’est qu’au cours des quinze premiers jours de juin 1944 que sa femme est venue le rejoindre ; le couple s’est ensuite installé dans une maison de la rue Pierre Curie, à deux pas de la villa de la Gestapo située route de Toulouse.

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    © automobileancienne.com

    Le 18 août 1944, le couple Bach s’enfuit de Carcassonne pour Metz (lieu de résidence de ses parents) au volant d’une licorne réquisitionnée par la police allemande, appartenant à M. Baret, contrôleur des contributions indirectes. Il prend la direction de Narbonne où il déjeune et couche ensuite à Nîmes. Le lendemain, destination Rocquemaure, ville dans laquelle les fugitifs séjourneront pendant cinq jours. En reprenant la route, toujours en voiture, après avoir passé à Orange, ils prennent la direction de Piolenc.
    Ils seront arrêtés dans cette commune le 1er septembre 1944 chez M. Franchi par le gendarme Ulysse Péchoux, âgé de 24 ans. Les activités de Bach dans le département de l’Aude sont inconnues de la gendarmerie d’Avignon, qui dans un premier temps procède à un simple contrôle d’identité. Le couple Bach voyage avec plusieurs malles contenant, outre des effets personnels du quotidien, 32 cartes d’alimentation provenant de personnes déportées en Allemagne, un carnet avec les noms et adresses de juifs, un insigne de la Milice, un brassard FFI et 27 000 francs en billets neufs. Le suspect portait sur lui trois pistolets de calibre 7/65 et 6/35, des chargeurs, des munitions et cinq grenades. Au cours de son interrogatoire à Orange, afin de ne pas être reconnu, il prétexta que ces armes provenaient d’un maquis auquel il appartenait du côté de Chalabre. Bien entendu, lors de son audition à Carcassonne, il s’avéra qu’il les avait prises dans le stock de la police allemande.

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    Piolenc (Vaucluse)

    L’interprète de la Gestapo de Carcassonne, contrairement à ce qu’il affirma plus tard, n’a jamais eu sur lui la carte vert anis délivrée par la police allemande de Montpellier. Dans son porte-carte, les gendarmes trouvent un ausweiss à son nom délivré le 26 août 1943 par l’Etat-Major allemand et une fausse carte avec sa photographie établie au nom d’Alain Séverac, inspecteur de police. Ce faux document avait été fabriqué par lui-même. Le lieutenant Gilbert Burlin de la brigade d’Avignon qui interrogea Bach en septembre 1944, déclara le 16 juin 1945 : "Je considère Bach comme un homme intelligent, toujours maître de lui. J’ai la conviction profonde que cet individu s’est livré, en collaboration avec les services allemands, à une action anti-française."

    Interrogé à deux reprises par M. Million, président du Comité de Libération et d’Epuration d’Orange, son attitude soulève de sérieux doutes. Le premier interrogatoire considéré comme "sévère", ne donne pas de résultats positifs. C’est alors que l’on prend la décision d’envoyer deux gendarmes à Carcassonne, MM. Roussel et Péchoux. A leur retour, ils annoncent "que la prise était la bonne, Bach, faisant partie de la Milice et de la Gestapo." Les rapports envoyés par le 2e bureau des FFI de Carcassonne d’une part, et par la Police politique sont sur point très éloquents : "Bach, René Lucien, né le 11 juillet 1921, interprète et agent de la Gestapo, est un individu très dangereux à l’origine de la plupart des arrestations de patriotes et sympathisants patriotes du département de l’Aude…" Il est même recommandé de prendre des dispositions afin que Bach ne tente pas de se suicider ou de s’échapper…

    Fort de ces renseignements, un nouvel interrogatoire est mené ; ne cherchant pas cette fois à nier l’évidence, Bach indique qu’il ne s’expliquera qu’à Carcassonne. Le 23 septembre 1944, sur ordre du chef départemental FFI de l’Aude, le capitaine Raynaud et le lieutenant Chaumont viennent à Orange chercher le suspect qui leur est remis avec ses effets personnels. Madame Jeannine Bach resta détenue à la prison d’Orange avant que l’on ne décide de la relâcher quelques semaines plus tard. En effet, la lettre du 5 octobre 1944 envoyée à Carcassonne afin de savoir ce qu’il convenait de faire de l’épouse du suspect, n’a jamais obtenue de réponse. Voyant qu’elle se trouvait enceinte, il fut décidé de la relâcher. René Bach lors de son jugement en juillet 1945, déclara ne pas avoir d’enfant de cette union.
    Madame Bach a toujours avoué qu’elle ne savait rien des activités de son mari. On lui remit ses deux valises qui lui appartenaient et la somme de 27 000 francs qu’elle possédait. Nous ne savons pas ce qu’il est advenu de Madame Bach par la suite.

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    A son retour dans l’Aude, Bach est d’abord interrogé par plusieurs résistants dans la mairie de Villeneuve-Minervois, dont le capitaine Raynaud et Paul Barrière. Depuis le 17 août 1944, le maquis Armagnac sous le commandement du capitaine Raynaud avait fusionné avec le maquis de Citou sous la bannière du Corps Franc Minervois.


    Pourquoi Bach n’a t-il pas été directement transporté à Carcassonne ? Au cours de cet entretien, dont il n’existe aucun Pv, qu’a t-on voulu tirer de lui ? Le capitaine Raynaud rapporte que Bach a reconnu avoir reçu la somme de 50 000 francs de Paul Barrière, qu’il ne s’agissait pas d’une escroquerie et qu’il comptait les rendre. Pourquoi la Résistance a t-elle versée cet argent à ce criminel de la Gestapo Carcassonnaise avec pour seul prétexte qu’il avait besoin d’argent en raison de son futur mariage ? Cette déposition de Paul Barrière au procès Bach est assez surprenante, d’autant plus qu’elle ne suscita pas de questionnement de la part du magistrat. La divulgation de cette affaire n’avait-elle pas pour but de faire passer l’accusé pour un traitre, prêt à se vendre au plus offrant ?
    Lors du procés, Bach niera avoir demandé de l’argent à Barrière et d’en avoir reçu en retour : "Ces déclarations sont suspectes car il nie même que je sois intervenu pour le faire libérer, alors qu’il l’a reconnu jusqu’à présent, et que Boyer Louis a indiqué que j’étais intervenu en faveur de Barrière et que j’avais obtenu sa libération."

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    © Pablo Iglesias 

    Bach devant les juges


    Dans le cahier manuscrit que Bach écrivit en prison pour sa défense, indiquant les personnes à faire citer, il dit avoir été surpris de voir Paul Barrière en juin 1944 en état d’arrestation car il le connaissait très bien. Il se portait garant de lui. Barrière lui aurait alors dit que la dénonciation venait de Pierrot G d’Espéraza. Grâce à son intervention, Barrière aurait été remis en liberté. De son côté, Paul Barrière qui occupait la fonction d’agent de renseignement au sein de la Résistance (espionnage), affirma que sa libération était due à la manière avec laquelle il trompa les Allemands et à Louis Boyer, le secrétaire de la L.V.F. René Bach n’intervint, selon lui, en sa faveur que parce qu’il pensait être en présence d’un collaborateur victime d’une dénonciation.

    Au début du mois de juin 1944, la confiance dans l’issue de la guerre a changé de camp. Les Allemands sont de plus en plus harcelés par les attaques des maquis et s’attendent à un débarquement des forces alliées. D’après la déposition d’Antoinette Marty, sténo-dactylo à la L.V.F, René Bach se plaignait du traitement dont il était l’objet de la part de ses chefs : "J’ai fait venir ma femme. J’ai demandé à ce qu’on me réquisitionne un appartement. Il l’a été mais au bénéfice d’un officier Allemand. Je travaille jour et nuit. Je vais abandonner pour aller planter des choux." Antoinette Marty affirme que Bach fut menacé d’être tué par son chef. Voici qu’elle aurait été sa réponse : "Si vous les mettez à exécution (les menaces), ma femme possède des documents mentionnant des irrégularités commises dans les services de la Gestapo." 
     Bach n’a t-il pas cherché à prendre contact avec la Résistance pour lui offrir ses services  ? Ceci expliquerait qu’il ait touché ce prêt de 50 000 francs (9000 euros d’aujourd’hui) de Paul Barrière avec l'accord de ses chefs, que le couple semblait encore en partie détenir en billets neufs lors de son arrestation à Piolenc. Par ailleurs, les billets neufs provenaient-ils des parachutages alliés ? Il est prouvé que Bach n’a jamais disposé de compte en banque. La Résistance s’est-elle trompée en pensant pouvoir retourner Bach en sa faveur ? Les évènements tragiques de Trassanel début août 44, dans lesquels Bach s’illustrera de sinistre manière contre les maquisards, ne lui donnent pas raison.

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    Schiffner à son procés à Bordeaux en 1953

    Toutefois, à l’approche de la Libération de Carcassonne, des tentatives de communications s’opèrent entre les parties belligérantes. Arrêté en même temps que Jean Bringer (Myriel) et Aimé Ramond, le Dr Émile Delteil est accusé d’avoir donné des soins à des maquisards dans sa clinique. C’est là d’après les autorités allemandes, la moindre des accusations portées contre lui. La femme du docteur Delteil tente alors de faire libérer son mari par tous les moyens : la préfecture et le Dr Girou, alors président de l’ordre des médecins. Elle finira par obtenir sa libération par le biais d’un amie, proche du SS Scharfûhrer Oskar Schiffner, sous-chef de la Gestapo de Carcassonne. Nous apprenons alors les circonstances de cette opération, grâce au témoignage du Dr Delteil, venu plaider en faveur d’Oskar Schiffner lors de son procès à Bordeaux en 1953.

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    "Le président Guille lui pose la question : Quel rôle à joué Schiffner dans votre libération de la prison le 19 août ? Si vraiment j’étais condamné à mort, Schiffner a joué un rôle. Il avait été touché par une amie de ma femme. Le 19 août, vers une heure et demi, il est arrivé à la prison pour nous rendre nos papiers. Il nous a confirmé que nous allions être libérés. Je lui ai dit : « Où sont les autres ? (Sous-entendu, Bringer et Ramond, NDLR). « Ils sont partis ce matin ». Comme il avait été gentil avec ma femme et lui avait permis de venir me voir, je lui ai dit : « Où allez-vous ? » Il m’a répondu, je ne sais pas. Je lui ai demandé ma carte de visite et je lui ai dit, si vous ne pouvez pas passer, venez chez moi, je vous ferai remettre aux autorités militaires régulières." (Le Midi-Libre, 20 mars 1953)

    Le sous-chef de la Gestapo Schiffner, criminel de guerre responsable des exactions contre les maquis de l’Aude, fut arrêté. Son procès se tint à Bordeaux en mars 1953 au cours duquel, on le condamna à 20 ans de travaux forcés. Il bénéficia de la mansuétude liée aux relations Franco-Allemandes d’après-guerre, retourna chez lui à Hof (Bavière). Réintégré dans la police allemande de cette ville, l’ancien vice-champion d’Allemagne de boxe en 1927 finit sa vie tranquillement en 1995 à l’âge de 86 ans. (source : Sylvain le Noach)

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    Jean Bringer

    Pendant que le Dr Delteil était détenu à la Maison d’arrêt à Carcassonne en compagnie de Bringer et Ramond, la Résistance audoise tenta de négocier la libération de ces deux derniers auprès de René Bach. Paul Barrière fit cette déposition lors du procès.

    "Lorsque le chef Myriel fut arrêté, par le service de renseignements, nous fîmes plusieurs offres d’argent à Bach pour essayer de faire relâcher Jean Bringer. Nous lui fîmes même dire officiellement par Boyer : Qu’il aurait la vie sauve et un quitus pour la somme de 50 000 francs."

    Bach nia qu’on lui fit cette proposition, qu’il aurait accepté pour sauver sa peau. Dans l’article du Midi-Libre de 1945, il est dit que Barrière, qui ne s’était pas rendu au procès comme témoin à décharge, aurait indiqué dans sa déposition que les 50 000 francs auraient été versé à Bach pour faire libérer Mlle Billot, agent de liaison de la Résistance. Or, cette explication ne figure pas dans la déposition officielle. Ceci est illogique puisque Mlle Billot a été arrêtée le 11 juillet 1944, soit un mois après le versement de cette somme.

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    Baudrigue au lendemain de l'explosion


    Jean Bringer périt avec Ramond lors de l’explosion de Baudrigue le 19 août 1944, soit le lendemain du départ du couple Bach en direction de Narbonne. L’agent de la Gestapo Fernand Fau ayant livré Jean Bringer, sera exécuté par un groupe de trois résistants du Corps Franc Lorraine (Maquis de Villebazy), à Villemoutaussou le même jour. Bach sera interné à la Maison d’arrêt de Carcassonne où il se plaindra que les colis de nourriture qui lui sont envoyés, arrivent ouverts et délestés de leur contenu. La suite nous la connaissons, puisqu’il sera reconnu coupable et fusillé sur le champ de tir de Romieu.

    Sources

    Procès de René Bach / ADA 11

    Midi-Libre / Mars 1953

    Midi-Libre / Juillet 1945

    Notes de Julien Allaux / ADA 11

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  • La destruction du maquis de Villebazy et la mort de Pierre Rocalve, le 17 juillet 1944

    Le 17 juillet 1944, des troupes allemandes procédèrent à une opération à Ladern-sur-Lauquet, ainsi qu’au village de Villebazy. A la suite de l’attentat commis à la gare de Madame (Villalbe), sur le chauffeur d’un train de marchandises, la police allemande soupçonnait la présence d’un maquis dans les environs. Ces soupçons avaient été confirmés par un rapport de Pedro Niubo-Solsona. Cet espagnol était entré comme agent à la Gestapo parce que souhaitant se marier bientôt, il avait besoin d'argent pour célébrer son union. D'après René Bach, il donna en échange plusieurs maquis dont celui proche de la Bastide-en-val et de Montjardin. Sur ce dernier, à défaut de mettre la main sur les maquisards, les allemands saisirent des armes et des explosifs. Il dénonça également des compatriotes républicains espagnols comme Maric-Font, demeurant rue Longue à Carcassonne. Repéré par la Résistance à Lastours, il vint se réfugier à la gendarmerie de Saint-Hilaire avant de partir en Allemagne. Niubo ayant quitté Carcassonne, à la suite d’une tentative d’enlèvement, l’affaire est restée en suspens, jusqu’au jour où Joseph Robert (agent Gestapo MO 203, demeurant rue Racine à Carcassonne)  a déclaré à la police allemande que le fils du boulanger de Ladern-sur-Lauquet ou de Saint-Hilaire, ravitaillait le maquis en pain. Par l’intermédiaire de la préfecture, cet homme fut convoqué. Le père s’étant présenté, il fut arrêté et relâché. Fernand Fau (Agent Gestapo MO 229) a alors été envoyé en mission dans cette région, et trois ou quatre jours après, l’opération a été organisée. Ce Fau était spécialisé dans la reconnaissance des maquis et livra celui de Jacques à Villebazy ; comme d'ailleurs il sera le responsable de l'arrestation de Jean Bringer à Carcassonne. Sa vie se terminera au bord d'une route, exécuté probablement par la Résistance.

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    © cheminsdememoire.gouv.fr

    Photo d'illustration d'une attaque contre un maquis

    L’opération contre Villebazy a été commandée par Schiffner, Wendsel, Schlutter du côté de la police allemande et par le lieutenant Mathaus du 71e régiment de l'air. Les troupes ont été envoyées avec des canons anti-chars. René Bach, interprète de la Gestapo, indique :

    "J’ignore quel était l’officier qui commandait ce renfort. j’ai su par la suite qu’un nommé Rocalve avait été arrêté et incarcéré à la maison d’arrêt de Carcassonne. J’ai su ce fait car j’ai été chargé de faire connaître à la préfecture de l’Aude, que le dit Rocalve était mort, qu’il avait été abattu parce qu’il avait essayé de s’enfuir. J’ignore si cette version était exacte, c’est toujours celle que les soldats ont donné à la police allemande lors de l’enquête ; je n’ai pour ma part jamais interrogé Rocalve. Je ne puis vous dire si le nommé Ménard que vous l’indiquez a été interrogé ou arrêté. J’ai su simplement qu’il avait été arrêté. Après son arrestation, lorsque la liste de la préfecture m’a été présentée, pour que je puisse dire quels avaient été les motifs de ces arrestations."

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    Entrée du village de Ladern-sur-Lauquet vers 1945

    En amont de cette opération, Pierre Rocalve demeurant à Ladern-sur-Lauquet et boulanger de son état, fut arrêté car accusé de ravitailler le maquis de Villebazy en pain. D'après le rapport de la gendarmerie de Saint-Hilaire dressé par le Maréchal-des-Logis chef Roucayrol nous avons la déposition d'Alice, l'épouse de Pierre Rocalve en date du 4 mars 1945.

    Mon mari a été arrêté par les Allemands à son domicile le 17 juillet 1944 à 8 heures. Il était accusé d'avoir ravitaillé le maquis en pain. Après l'avoir sauvagement frappé dans la localité, ils l'ont conduit à Carcassonne et déposé à la maison d'arrêt. Le 19 juillet, j'ai été informée par la préfecture que mon mari avait été tué dans sa cellule ce jour même, à 14 heures. Je me suis rendue immédiatement à Carcassonne, à la morgue de l'hôpital où le corps de mon mari avait été déposé. J'ai constaté que mon mari avait été torturé pendant son internement à la Maison d'arrêt. Il avait le côté gauche abimé par les coups qu'il avait reçus. J'ignore les moyens employés par les bourreaux. En plus de cela, il avait les poignets brisés ; son corps avait été traversé par des balles dont deux sur la poitrine et une troisième qui était sortie par la nuque. Des ecchymoses étaient visibles à la face et à la tête. Le corps de mon mari a été ramené à Ladern le 21 juillet où il a été enterré. Lors de ma visite à la morgue de Carcassonne, j'ai été accompagnée par Mesdames Peyra, Jean et Ferrateau.

    Alice Rocalve s'est ainsi retrouvée veuve à l'âge de 29 ans avec deux enfants de 9 ans et 6 jours. Jean Amouroux, âgé de 57 ans et transporteur à Ladern-sur-Lauquet, déclare que le 17 juillet 1944 il a été arrêté par les Allemands à l'entrée du village.

    Après avoir été fouillé, il m'ont fait mettre tout déshabillé dans le fossé. A ce moment là, j'ai aperçu un autre groupe d'Allemands qui sortait du village et amenaient Fernand Rocalve en le brutalisant à coups de crosse de fusil. Ils l'ont fait monter sur le terrain de sport et là, un Allemand parlant correctement le français, l'a interrogé en continuant à le frapper. Comme Rocalve ne disait jamais rien ; ils l'ont laissé sur place entouré de quatre soldats avec mitraillettes. A ce moment là, un autre groupe d'Allemands amenait le jeune Prosper Maynard qui a été aussi roué de coups. Quelques instants après, le chef des Allemands a donné l'ordre du départ. Fernand Rocalve a été traîné au pied d'un camion où il ne pouvait monter. Voyant cela, quatre Allemands l'ont saisi et jeté à l'intérieur du véhicule. J'ai regagné mon domicile après en avoir reçu l'ordre, puis les camions sont partis tout de suite en direction de Carcassonne. 

    Raymond Peyra, âge de 57 ans et secrétaire de mairie, donne ce témoignage 

    Le 17 juillet, vers 8 heures, je me trouvais au jardin où je travaillais. A un moment donné j'ai entendu du bruit et j'ai aperçu avec stupéfaction le nommé Fernand Rocalve, qui était entouré d'un groupe d'Allemands armés, constitué par six ou sept hommes. Rocalve, en m'apercevant, s'est arrêté et m'a appelé en me faisant signe de la main. Voyant cela un Allemand lui a donné un brusque coup de pied dans les jambes et ils se sont dirigés vers la sortie du village. J'ignore ce qu'il s'est passé ensuite.

    Fernand Rocalve ne fut pas le seul à avoir brutalisé, le jeune Prosper Maynard, âgé de 19 ans, né le 31 mars 1925 à Ladern-sur-Lauquet (Aude) le fut aussi.

    Le 17 juillet 1944 vers 7 heures 30, un groupe d’allemands armés de mitraillettes et de fusils se composant d’une quinzaine d’hommes, s’est présenté au domicile de Maynard et ont demandé à parler à son père qui était maire de la commune. Ils ont demandé à ce magistrat s’il n’avait pas un fils de 20 ans. Sur sa réponse affirmative, deux des soldats, parlant correctement le français, ont dévisagé le fils Maynard en disant : « C’est bien lui ». Encadrant ce dernier, ils l’ont invité à les suivre.
    Parmi ces militaires allemands, Maynard a reconnu le nommé Fau, milicien notoire et agent de la Gestapo. Le jeune Maynard fut alors conduit à proximité de la cave de la localité et ensuite au terrain de sport où un interrogatoire serré a eu lieu. Il a été demandé à ce dernier, s’il savait où se trouvait le maquis, l’effectif et l’armement dont il était doté. Maynard a dit ignorer tout et ne connaître personne. Voyant que le jeune Maynard ne voulait pas causer, il a été placé face au mur et une rafale de mitraillette a été tirée à ses côtés en vue de l’effrayer.
    Au terrain de sport, le jeune a été frappé avec un piquet de bois. Cette opération terminée, les Allemands et les Miliciens ont montré à Maynard, le plan du maquis de Coumemazières et l’ont invité à monter en voiture avec eux. Ils l’ont conduit en direction du dit maquis. Arrivés à Villebazy, ils ont frappé à nouveau Maynard à coup de poing. Au préalable, ils avaient demandé à l’approche de cette localité, le chemin du maquis. Sur ces entrefaites, une moto montée par deux hommes et appartenant au maquis est arrivée. Interrogés, ces hommes ont été contraints par la violence, d’avouer la présence du maquis, le nombre d’hommes le composant ainsi que la matériel qu’il détenait. Aussitôt, les allemands ont déchargé des armes automatiques et les ont faites transporter à dos par Maynard qui au cours de cette opération a été frappé à coups de crosse de fusil. A la suite de diverses opérations effectuées en vue d’attaquer le maquis, les allemands ont conduit Maynard à Carcassonne et l’ont jeté en prison.

    Le 18 juillet dans la matinée, Maynard a été interrogé par les gardiens de la prison. Comme le détenu ne comprenait pas très bien les questions posées, il a été giflé et frappé avec violence à coups de poing. Dans la soirée du 18 juillet, la Gestapo fit subir un nouvel interrogatoire à Maynard, lequel a été à nouveau rossé de coups de poing et a eu les poignets tordus. Il a été ensuite relâché. La Gestapo tenta en menaçant régulièrement ce jeune garçon de le retourner en sa faveur ; il ne lui donnera jamais satisfaction.

    L'opération contre Villebazy

    Le 17 juillet 1944 à 17 heures, les troupes d’occupation, accompagnée de miliciens d’un nombre inconnu, firent une opération de nettoyage contre le maquis de Coumemazières. Cette ferme est située à 2 kilomètres de l’Est du village de Villebazy.

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    Le domaine attaqué par l’artillerie allemande subit de graves dommages et fut en partie détruit. Le contingent des maquisards au nombre de 27 réussit à s’échapper et à gagner les bois environnants. Seul un Nord-Africain, âge de 30 ans environ, trouva la mort, abattu par les troupes d’occupation.
    Sous les effets du bombardement, le feu fut communiqué à la forêt ; 300 ha de bois sis dans la série domaniale de la commune de Saint-Hilaire, ont été la proie des flammes. A 17 heures 20, les troupes de nettoyage allemandes prirent possession du village de Villebazy. La presque totalité de la population avait quitté son domicile pour se réfugier dans la campagne, laissant leurs domiciles ouverts.
    Toutes les maisons ont été pillées sans exceptions et le butin du vol s’établit ainsi :

    Marius Desarnaud

    (Maire de Villebazy)

    4800 francs en liquide. Deux réveils. Une grand quantité de linge. Les tickets d'alimentation du mois en cours. Le préjudice s'élève à 40 000 francs environ

    Marie Désarnaud

    4800 francs en liquide. Linge de corps. Préjudice : 30 000 francs environ.

    Louise Romieu

    Une paire de bœufs de travail âgés de six ans. Un couple d'oies. Préjudice : 100 000 francs environ.

    François Arnaud

    Deux jambons. Préjudice : 5000 francs

    Joséphine Martinolles

    Un jambon. Un cochon vivant de 70 kg. Un pot de graisse et une montre bracelet. Préjudice : 10 000 francs.

    Henri Roger

    10 cuillères en argent massif. 5 fourchettes et 7 couteaux. Une montre en or. Préjudice : 30 000 francs.

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    Caisse aux armes du maquis de Villebazy

    Quant à l'incendie, son estimation par M. Callabat (Garde forestier) s'élève à deux millions de francs. Jusqu'au 21 juillet à 15 heures, le feu fut combattu par les populations de Saint-Hilaire, Villebazy et Gardie. Cette opération militaire contre le maquis de Villebazy fut menée conjointement par des militaires Allemands et des membres de la Milice française.

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    © ADA 11

    Membres de la Milice française à Carcassonne

    Sources

    Rapports de Gendarmerie sur les crimes de guerre / Mars 1945

    Liste des agents de la Gestapo / Procès Bach / 1945

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