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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 197

  • Tradition festive disparue : Le tour de l'âne de Carcassonne

    Il était à Carcassonne une tradition festive aujourd'hui disparue, dont l'origine remonterait au Moyen-âge : Le tour de l'âne. Dans un livre de Paul Basiaux-Defrance, l'auteur n'est pas tendre avec cette vieille tradition : "On en a fait une bouffonnerie et la malignité publique y voit plutôt un signe de tromperie et de discorde". Ainsi, le tour de l'âne serait une réminiscence d'un culte mithriaque. Mithra était sous l'empire romain honoré dans notre région. Ont dit également que les corridas en seraient une émanation. L'argument de Basiaux-Defrance prend son sens si l'on considère que le christianisme naissant, voulût interdire les autres religions. Les adorateurs de Mithra auraient créé le tour de l'âne comme subterfuge. A Alzonne, il existe les vestiges d'un temple de Mithra.

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    En dehors des célébrations religieuses et des processions, le dernier marié de l’année, coiffé d’un gibus et vêtu d’un costume noir, parcourait les rues de la Cité à dos d’âne.Il devait également tenir une paire de cornes au bout desquelles pendaient des légumes, comme autant de symboles phalliques.
    Autour de lui une farandole chantait un vieil air « siás coiol paure  òme … », (tu es cocu, pauvre homme).
    En signe d’allégeance, les femmes devaient embrasser les cornes.

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    La fête se terminait par un grand repas et grand bal devant la Porte narbonnaise. 
    L'ouverture du bal débutait par la bataille des « gabels » ; des sarments de vigne avec lesquels les hommes mariés tapaient sur les jeunes pour les faire partir. 

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    © Loupia

    Tour de l'âne à la Cité vers 1920

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    Le tour de l'âne en 1930

    On reconnaît : Laurent Bergé, Cadène, Roger Béteille, Raymond Arino, Jean Roos, Julien Charles, Henri Céreza, Léon Maury, Antoine Sire, Etienne Aribaud, Paul Contié (Marié), Georges Béteille, Eugène Pueyo, Germaine Espanol, Antoine Barrabès...

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    En 1954 : Eugène Pueyo, François Pujet (fait boire l'âne), Marcel Debez (Le marié), Jules Rainaud (trompette), etc.

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    © Martial Andrieu

    Tour de l'âne du 9 juillet 1965

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    Le tour de l'âne se fit également pendant la fête de Saint-Saturnin à la Trivalle et s'exporta dans d'autres quartiers de la ville.

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    Tour de l'âne à Villalbe pendant les fêtes du 15 août 1952.

    Le tour de l'âne, dont la tradition était exclusivement entretenue par des habitants de la Cité s'éteignit en 1976. A cette époque, la cité médiévale devint un lieu de plus en plus touristique dans lequel les anciens citadins n'avaient plus guère leur place. Les maisons furent vendues et transformées en commerces. Si les citadins regrettent qu'on leur ait pris leur cité, ils ne disent jamais la plus-value immobilière qu'ils ont réalisée en vendant leurs biens. Entre 1976 et 1999, date du renouveau avec la création de l'association "Los ciutadins", le tour de l'âne se déplaça en la ville basse.

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    © Droits réservés

    Le tour de l'âne en 1983

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    Le tour de l'âne dans la rue Courtejaire en 1986

    La tradition reprit donc en 1999, mais seulement pour sept années. Depuis 2012, les anciens combattants de l'association "Los ciutadins" ont jeté l'éponge. Peut-être le tour de l'âne est-il mort de sa consanguinité. En effet, il fallait être un citadin pour monter sur l'âne. De nos jours, on fait des procès aux maires qui laissent sonner l'angélus, aux voisins dont le coq chante. Même les ânes seraient défendus par une association de défense animale... Alors chacun rentre chez soi, regarde Michel Drucker le dimanche et ne se mêle de plus rien. Ainsi va la vie, derrière désormais les ordinateurs où paraît-il on se fait plein d'amis... virtuels. Pendant ce temps, on nous transporte la fête de Saint-Nicolas à Cité qui n'a vraiment aucun lien historique ni traditionnel avec le Languedoc. "O tempora, o mores !"

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  • L'évêque de Carcassonne intervint auprès du pape pour faire sacrer Napoléon III

    Napoléon III avait souhaité, à l'exemple de son oncle, être sacré empereur à Paris par le pape. Nous savons grâce aux archives publiées sous le pontificat de Paul VI, le fin mot de cette histoire assez rocambolesque. Dès le mois d'août 1852, Louis-Napoléon Bonaparte engagea des négociations auprès de Pie IX et envoya deux émissaires à Rome : son aide de camp, Jules Comway de Cotte, et l'abbé Louis-Gaston de Ségur, fils de la célèbre comtesse. L'un comme l'autre s'en revinrent bredouille du Saint-Siège.

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    Napoléon III

    Élu en 1846, Pie IX avait dû s'enfuir de Rome pour se réfugier à Gaète. C'est grâce à la campagne d'Italie de l'armée française qu'il put revenir dans la ville éternelle. Ce que la grande histoire n'a pas retenu c'est l'intervention en octobre 1852 de Mgr de Bonnechose, évêque de Carcassonne. Il n'obtint pas davantage de succès... Pie IX fit traîner sa réponse, tenta de l'éluder, puis opposa un "Non possumus" invoquant l'impossibilité de transporter les saintes huiles à l'étranger : "Les papes ne vont pas porter le Saint-Chrême hors de chez eux. L'exception faite pour Napoléon 1er ne sera pas renouvelée", fit savoir Pie IX.

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    Mgr de Bonnechose dans son habit de cardinal

    (1800-1883)

    L'évêque de Carcassonne revint malgré tout à la charge auprès du Saint-Père, mais celui-ci plus entêté que lui répondit :

    "Eh bien ! Qu'il vienne à Rome comme Charlemagne et nous le sacrerons."

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    Pie IX

    Napoléon III refusa cette proposition. Il eut peur du ridicule car en 1832, il avait participé avec les "Carbonari" à l'envahissement des Etats pontificaux. Il avait fait le coup de feu contre les soldats du pape. Aller à Rome serait faire jaser l'Europe entière ! D'ailleurs, Mgr de Bonnechose comprit fort bien qu'il ne fallait pas insister davantage : "Je comprends qu'il redoute les souvenirs de jeunesse qu'il a laissés à Rome. Il dit qu'il a abjuré tout cela, qu'il est un autre homme. Eh bien, qu'il le prouve..." Napoléon le petit resta droit dans ses bottes et son sacre n'eut jamais lieu. Napoléon III fit sa demande de sacre auprès de Pie IX, mais celui-ci n'était prêt à en disposer qu'à condition que l'empereur abrogeât "tout disposition contraire au concordat".

    N'oubliez pas si le cœur vous en dit de commenter les articles...

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  • La malédiction des entrepreneurs du Grand Hôtel Terminus

    Le 17 juin 2015 nous rédigions un article sur Raoul Motte, banquier de son état, à l'origine de la construction en 1914 du Grand Hôtel Terminus sur l'emplacement du vieil Hôtel Saint Jean Baptiste. Cent ans après sa mort, nous révélions que cet homme avait été fusillé lors de la Grand guerre pour abandon de poste en présence de l'ennemi. Il est l'un de nombreux soldats français jugés en conseil guerre et que la France n'a jamais réhabilités. Le lieutenant Motte, contre l'avis du gouvernement, sera exécuté par la seule obsession du général Berthelot. 

    http://musiqueetpatrimoinedecarcassonne.blogspirit.com/archive/2015/06/17/gustave-motte-fondateur-de-l-hotel-terminus-et-fusille-pour-212040.html

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    Nous pensions que ce pauvre homme avait été le seul à subir un tel coup du destin, sans préjuger que ce qu'était devenu Auguste Beauquier, son associé. Par chance, lors de nos recherches nous sommes tombés sur un vieil article de presse rédigé en 1951 par Jean Amiel. Cet érudit publiait des articles sur l'histoire locale dans le Courrier de la Cité.

    Le Courrier de la Cité - 1951

    S’il est des morts qu’il faut qu’on tue, dit-on parfois quelque peu brutalement, il en est d’autres, et beaucoup d’autres, si l’on veut se bien tenir dans la doctrine du Christ, qu’il faut que l’on salue.
    De ce nombre est Auguste Beauquier, qui vient de mourir à Toulouse, à l’âge de 66 ans, il y quelques jours à peine. Ce nom ne vous dit rien, Carcassonnais de son âge et du nôtre ? Il est cependant lié très étroitement à celui de cet édifice magnifique qui orne aujourd’hui votre ville, près de la gare du midi, devant le Jardin des plantes et qui engage, pour sa large part le voyageur et le touriste à entrer chez vous et à y séjourner : le Terminus Hôtel.

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    Hôtel Saint Jean-Baptiste

    Nous nous rappelons, nous, vieux Carcassonnais, le vieil hôtel Saint-Jean Baptiste, avec son affenage, qui se trouvait là, sur cet emplacement, et qui avait reçu et hébergé des hôtes illustres, notamment le pape Pie VII et le roi Ferdinand VII d’Espagne, alors que l’un et l’autre, en 1814, rentraient d’exil et regagnaient leur patrie. Devant la vieille porte du vieil hôtel, quand les choses avaient véritablement leur prix et les gens leur dignité, l’on voyait périodiquement, quatre fois par an, en février, mai, août et novembre, un dragon, un beau dragon, armé de pied en cap, monter diligemment la faction : un conseiller à la Cour d’appel de Montpellier, qui venait présider la session de la Cour d’assise, y séjournait durant toute une semaine, ou un général y descendait, qui venait inspecter les troupes de la garnison. Vous pouvez revoir la silhouette de cette demeure ancienne aujourd’hui disparue à tout jamais, dans le Guide de Carcassonne que publia Gaston Jourdanne en 1900.

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    C’était en 1912, quelque temps avant la Première guerre mondiale. Deux jeunes hommes de notre bonne ville de Carcassonne s’avisèrent qu’à la place du vieil hôtel Saint-Jean Baptiste, il en fallait décidément un autre ayant toute l’ampleur et l’installation modernes. Et, sans plus d’égards ni de retard, l’on jeta bas le bâtiment vétuste qui était pour nous et pour nos pères tout un coffre de souvenirs. Ah ! c’est qu’on ne prit pas cela à la légère à Carcassonne. Les murs que l’on abattait ainsi et ceux qu’on élevait à leur place en ont entendu de sévères et de cruelles à l’adresse de ces imprudents ou téméraires qui provoquaient ainsi cet évènement sensationnel.

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    On allait en promenade au Jardin des plantes, et là, les groupes protestataires et même les autres - la contamination jouant son jeu - s’agitaient et discutaient à qui mieux mieux. Si le vénérable Mgr de Beauséjour, alors évêque de Carcassonne, y venait avec son jeune vicaire général, l’abbé Saglio, imposant par sa taille autant que par sa prestance, régulièrement et tout simplement pour y voir fonctionner la… grue, au dire de l’érudit abbé Sabarthès, tout fraîchement nommé chanoine, ses diocésains y venaient aussi pour cela sans doute et pour se divertir et s’égayer, mais aussi pour donner libre cours à leur colère et à leur indignation dans lesquelles les sept pêchés capitaux entraient en grande partie : « Où veulent-ils aller ? » (Ils, c’étaient les deux jeunes hommes qui avaient lancé l’entreprise : Auguste Beauquier et Raoul Motte). "Que pensent-ils faire ? » « Ça ne se passera pas comme ça, renchérissaient-ils. Ils s’arrêteront et ils monteront les escaliers ! »
    « Monter les escaliers ! » Nous ignorons si cette expression est commune à d’autres régions, mais à Carcassonne, chez nous, cela veut dire tout bonnement qu’on ira devant le juge et en prison.
    Le Palais de justice, en effet, dans le chef-lieu de l’Aude, a au pied de sa porte principale, un escalier monumental qui compte de nombreuses marches, et l’on comprendra aussitôt ce que veut dire chez nous cette si charitable locution.

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    Et ils les ont montés, les escaliers, ces deux pauvres bougres : Auguste Beauquier et Raoul Motte, celui-ci, hélas ! beaucoup plus tragiquement que celui-là, qui vient de mourir paisiblement dans son lit. Accueilli à Toulouse, en effet quelque temps après le désastre, par Maurice Sarraut qui en fit un inspecteur de son journal, Beauquier vivait maintenant et depuis quelques années comme nous tous, sans trop de mal. Et de même qu’ils ont monté les escaliers, l’édifice n’a pas été réalisé comme ils l’avaient conçu : nous avons-là, sous les yeux, son plan primitif qui comportait quatre étages, notamment et il n’en compte que trois…

    Un jour Beauquier nous raconta son histoire : "J’ai eu dans les mains, nous dit-il, huit millions et je n’ai rien gardé pour moi. Je n’ai pas le sou et l’on m’en demande toujours. Je ne puis pas payer mes amendes, et l’on ne cesse pas de m’inquiéter, de me harceler et de me menacer…"

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    Tout cela est passé, et bien passé. Mais il reste à Carcassonne un splendide hôtel que d’autres grandes villes lui envient. Nous avons eu l’occasion de nous y trouver, une fois, avec M. Emmanuel Brousse, député de Perpignan et ancien Sous-secrétaire d’Etat aux finances, qui nous honorait de son amitié, et qui nous dit que cet établissement manquait à sa ville, et Dieu sait si Perpignan en a de superbes. Carcassonne doit le sien à deux de ses enfants intrépides et confiants qui ont, sans doute, commis quelques erreurs qu’ils ont d’ailleurs, rudement payées, mais ils n’en ont pas moins fait œuvre utile et nécessaire à travers d’inextricables difficultés et d’insurmontables obstacles auxquels nous n’avons fait que de très superficielles allusions.

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    © Booking

    Le Grand Hôtel Terminus en 2017

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