Que c'était bon papa quand vous preniez "La Minervoise" à bord de votre Vespa 400, les bagages sur l'impériale et direction la mer. C'était l'époque des voitures italiennes. Les "Pots de yaourt" qu'on les appelaient depuis que l'Isetta était sortie des ateliers en 1955. Te souviens-tu? Elle avait deux roues à l'avant et une seule à l'arrière. Quant à la Vespa, sortie deux ans plus tard chez Piaggio, elle ne pouvait pas dépasser les 90km à l'heure mais nous n'étions pas pressés.
C'était la Dolce vita façon carcassonnaise et avec ses ritals de la Trivalle et de la Barbacane, pas besoin de se rendre dans la ville éternelle. Des accents d'Italie avaient franchi les Alpes et donnaient du bonheur à vivre dans cette belle Carcassonne cosmopolite où les familles modestes s'étaient unies par delà leurs cultures. Nous allons papa si vous le voulez bien, reprendre reprendre cette route Minervoisecomme au temps jadis à partir du kilomètre 0.
D'abord sortons la carte de la boite à gants car nos amis ne connaissent pas le trajet. Nous allons prendre la route à partir du kilomètre 0.
Elle débute à partir du Café du Coin, situé au N°2. Vous voyez que l'établissement est fermé, qu'elle tristesse...
Mais qu'as-tu donc barbouillé sur ma carte?
Enfin ! Papa, j'ai marqué en violet le nouveau tracet de La Minervoise.
De quoi? L'autre a disparu?
Non, mais vous verrez qu'une partie a été coupée. La route Minervoise a été créée en 1810; elle suit le Canal du Midi jusqu'au carrefour de Bezons. En rose, c'est la route de Villemoutaussou qui passe derrière la gare par la rue Buffon. Autrefois, c'était un chemin d'intérêt commun.
Là, il y avait la station service Mobil de Jean Douce. On s'y arrêtait souvent pour faire le plein d'essence. Les pompes étaient au milieu de ce parking.
Juste en face, l'étape pour se restaurer c'était chez Joseph Gil "A la grillade". Il paraît que son fils tient aussi un restaurant, un peu plus loin maintenant.
C'est aujourd'hui le Massilia, mais comme le quartier est devenu désert et vidé de ses commerces! Le ventre plein nous reprenons notre route sans manquer de remercier ce brave Joseph pour son hospitalité. Faut dire qu'il valait mieux ne pas chahuter cet ancien treiziste avec son gabarit.
Formidable ! Le panneau Michelin en lave émaillée est encore là à droite après le pont de chemin de fer, pile à l'endroit où se trouvait indiquée la sortie de Carcasssonne. C'est inespéré, car la DDE les enlève systématiquement quand ils refont la chaussée.
"Tiens, regarde avant le tournant à droite. Ici, c'était la guinguette Mickey et Blanchette où nous allions danser dans notre jeunesse. Elle était tenu par M. Bonnet, imprimeur de son état en centre ville. Il y avait tantôt un accordéoniste, tantôt un petit orchestre."
En poursuivant sous l'ombrage des platanes, sur la gauche nous laissons la colline de Grazailles et la Villa Odette au bord du Canal. Sur la droite, les anciens jardins des maraîchers de la Pradetotalement engloutis par le béton des lotissements de ce nouveau quartier.
Cette croix à droite matérialise l'accident mortel du 2 mars 1873 où le charretier Jacques Carbonnel est décédé.
Trois cents mètres plus loin et contre bas, un grand nombre de carcassonnais travaillaient nuit et jour à la SOMECA. C'était une usine de fabrication pour l'industrie automobile qui a fermé en 1998, laissant 91 employés au chômage. Tous ont empruntés cette Minervoiseet faisaient travailler les commerces dont les rideaux sont désormais tirés.
Toujours à droite et en contre bas quelques 300 mètres après, c'est l'ancienne Commanderie Templière de Saint-Jean. Elle porte aujourd'hui le nom d'une zone d'activité.
Alors là, je ne reconnais plus rien.
C'est normal, ils ont élargi la route puis l'ont déviée. L'ancien tracé de la Minervoise, tu l'aperçois à gauche il suivait le Canal. L'élargissement de la voie à d'abord créé un tournant très dangereux qui a coûté la vie à un de tes amis en juillet 1998. Le pauvre Serge Cruchandeau, un excellent pâtissier y a été percuté par un couple de Bordelais en vacances. Ensuite, le département en faisant la rocade est a réalisé ce rond-point. Nous allons suivre l'ancienne route Minervoiseoù l'on ne passe plus, donc au rond-point tu prends la seconde à droite.
Nous passons devant l'écluse de Saint-Jean. Cet endroit très pittoresque mériterait une mise en valeur car je crois qu'on l'a complètement oublié.
Le tracé historique fait la jonction avec le nouveau à la hauteur de l'écluse du Fresquel, où la route reprend son axe d'autrefois. Celle-ci est laissée un peu à l'abandon, alors que l'on pourrait y réaliser une piste cyclable ou un parcours de découverte avec d'anciens panneaux routiers. Il y a tellement de passionnés dans ce domaine...
Ici le temps s'est arrêté... Sur le mur peint, une publicité pour un apéritf est en parfait état.
En débouchant sur la D118, nous découvrons un lieu mythique de la vie carcassonnaise. Il s'agit de l'ancien restaurant Au Grougnou, dans lequel la jeunesse d'un autre temps est venue danser et se distraire. L'établissement avait deux sorties. L'une donnait sur l'ancienne route et l'autre sur le Canal. C'est de ce côté qu'étaient les tables et les danseurs à la belle saison. Le Grougnou signifie en occitan le goujon, un poisson de rivière que l'on pêchait dans le Fresquel. Les pescofis attrapaient aussi des Sofiosqui désignait également, une fille un peu courge dans le langage courant.
C'est à cet endroit qu'en 1944 on a tourné une scène du film de Serge de Poligny, La fiancée des ténèbres. On y voit comme figurants le peintre Jean Camberoque et son épouse. Dans les années 1960, le Grougnou était tenu par M. Cassignol.
Dans le programme du carnaval de 1927, Pierre Dantoine avait caricaturé un joyeux fêtard déguisé en pandore pressé de se rendre Au Grougnou situé à 3km de là.
Nous passons devant l'écluse du Fresquel et en bordure gauche de la route se trouve une croix un peu particulière. Elle se trouvait sur la Commanderie de Saint-Jean et fut sauvée et déplacée à cet endroit.
Après avoir laissé à droite, l'usine désacfectée du Pont Rouge avec sa cheminée nous arrivons au carrefour de Bezons. C'est le point final de notre parcours historique.
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