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  • La halle aux grains de la place Davilla à jamais disparue

    Au mois de juillet 1899, la municipalité Sauzède valide la création d’une nouvelle halle aux grains. Il s’agit de dégager le marché qui encombre la Grand rue avec ses charrettes et où les marchands sont exposés aux intempéries. Le manque de place amène la ville à envisager son déplacement à un endroit plus large, libéré des contraintes de la circulation.  On choisit donc le centre de la place Davilla, aux carrefours d’iéna et de la Porte de Toulouse, afin d’ériger une halle dans l’esprit architectural de l’époque. Constituée de fer, de brique, de verre et de céramique, sa conception est confiée aux architectes de la ville. Quant à son ossature métallique, les ateliers de la fonderie Michel Plancard située sur l’allée d’Iéna en assureront la fabrication.

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    La polémique, alimentée par l’opposition conservatrice, ne tarde pas à enfler dans les journaux locaux. Des pétitionnaires demandent même à ce que le projet soit réalisé ailleurs que dans leur quartier. On accuse Sauzède de dilapider 40 000 francs de fonds publics pour satisfaire un embellissement inutile, quand il vaudrait mieux utiliser l’argent pour la création des égouts. Ces arguments démagogiques trouvent leur origine dans une vieille rancune. Les milieux réactionnaires n’ont jamais digéré le déplacement par la municipalité Teisseire de la Croix de mission qui se trouvait sur cette place en 1882. Il faut dire que les retards de construction de la future halle ne vont guère atténuer la défiance à l’égard de la municipalité.  Si les travaux sur le site débutent en février 1901, six mois plus tard on constate que tout est à l’état d’abandon. Au centre du chantier délimité par une clôture, gisent des pierres de taille, de la fonte ainsi que de vieilles charrettes délabrées. Un tumulus s’est ainsi formé avec les herbes folles et tout ceci ne plait guère aux riverains. L’inauguration devait pourtant avoir lieu au mois de mars… La halle aux grains ne sera finalement livrée que le 25 novembre 1902 pour l’ouverture de la foire Sainte-Catherine, soit deux ans et demi après la décision de la construire. La mairie vote un règlement qui régit l’utilisation et définit les tarifs de place ; le concierge sera payé 400 francs.

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    La nouvelle halle ressemble aux pavillons Baltard du quartier du Châtelet à Paris. Elle sert également pour les banquets, les bals et les réunions politiques mais devient trop petite. Le 5 juin 1936, le conseil municipal présidé par Albert Tomey propose la démolition de la halle aux grains « dans l’intérêt de la circulation sur la place Davilla, comme aussi dans un intérêt d’urbanisme. » Le bâtiment érigé à l’époque de l’Art nouveau ne correspond plus aux goûts des élus ; ils jugent cette verrue comme inutile et moche. Après avoir fait place nette, ils souhaiteraient y installer le Monument aux Audois inauguré en 1914 à quelques pas de là. Ce projet ne verra jamais le jour et sans autre forme de procès, la halle métallique sera démolie par l’entreprise Arnaud Laborde.

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    Les deux marquises de la halle démolie en 1936

    Elle pourra conserver les matériaux, en disposer comme bon lui semble ou les vendre. C’est ainsi que l’on retrouve encore aujourd’hui les marquises de la halle sur un immeuble de la place Davilla. Ainsi s’acheva l’existence d’un bâtiment âgé d’à peine 34 ans, financé par les contribuables et cédé pour le franc symbolique à une société privée. A Paris, on avait su épargner la Tour Eiffel après l’Exposition universelle de 1900 malgré l’insistance de certains à vouloir l’abattre.

    Sources

    Le Courrier de l'Aude

    Délibération du conseil municipal

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2020

  • La construction de la façade du Musée des Beaux-arts de Carcassonne

    La décision de construire un établissement dans l’ancien Palais de justice pour y loger l’école de musique et de dessin, est prise au cours du conseil municipal du 28 décembre 1875. Jusque-là on avait réservé le vieux bâtiment pour y présenter les collections acquises par la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne en faveur du Musée des Beaux-arts. A l’occasion du Concours régional agricole et de l’Exposition de produits industriels lancé par M. Cornet-¨Peyrusse, devant se tenir du 30 avril au 28 mai 1876, la ville décide qu’il sera construit deux salles supplémentaires. Elles accueilleront une partie de l’exposition, puis serviront à l’agrandissement du musée. Tout devra être prêt avant la date butoir du 15 avril, ce qui ne laisse que peu de temps au ouvriers pour démarrer les travaux. Le voyer municipal étant trop occupé par l’aménagement de l’exposition, le maire décide qu’il sera remplacé pour la construction projetée du musée par un directeur des travaux.

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    © Académie d'architecture

    Charles Émile Saulnier

    Il s’agit de l’architecte Charles Emile Saulnier, né à Paris le 19 janvier 1828, formé à l’Ecole royale de dessin, d’architecture et de sculpture. Après un stage dans les services des travaux de la gare de Lyon, ayant appris que l’architecte Champagne cherchait un auxiliaire pour construire le Palais de justice de Carcassonne, Saulnier se rendit dans notre ville en 1851 et ne quitta plus. Au décès de Champagne, il lui succéda comme architecte du département de l’Aude jusqu’en 1861. Recommandé par l’illustre César Dally (1811-1894), il fut nommé architecte diocésain et en cette qualité dirigea les travaux de restauration de la cathédrale d’Albi.

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    Après avoir parfaitement réussi dans le temps imparti à créer les deux salles nécessaires au concours régional agricole, on demanda de hâter l’ouverture du musée pour l’exposition de peinture qui devait suivre. Seul le côté gauche de l’édifice avait été mis en travaux et achevé. Quant la façade projetée, elle resta à l’état d’ébauche lorsque les manifestations furent terminées. Durant l’année 1877, les demandes afin de parachever la façade du musée sur heurtèrent aux décisions de Marcou et de ses colistiers, plus prompts à placer cet argent dans des travaux jugés comme plus utiles. C’est ainsi que pendant vingt-quatre ans, le Musée des Beaux-arts conserva l’aspect d’un mur noirâtre et délabré. La question de la façade revint assez souvent à l’ordre du jour du conseil municipal, mais à chaque fois sans réelle volonté d’agir. Ce n’est qu’en 1900 que la commune dirigée par Jules Sauzède relança enfin les travaux tant espérés. Le 4 février, l’entreprise Marty fils démolit au coin du boulevard et de la rue de Verdun, l’aile droite du bâtiment sous la direction de Charles Saulnier. Dans les semaines qui suivirent, les ciseaux du sculpteur et statuaire Louis Guillaume Guilhot (1850-1919) donnèrent tout la majesté à cette façade de style Neo-classique. Nous sommes là en présence d’une architecture dessinée en 1876, dont les plans furent exécutés à l’époque de l’Art-Nouveau.

    Deux ailes aux extrémités, parfaitement symétriques, avec chacune un fronton décoré soutiennent au centre une porte d’entrée surmontée d’une loggia à cinq fenêtres donnant sur le square Gambetta.

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    Sur le fronton de gauche, les symboles relatifs à la construction architecturale évoquent l’école de dessin ; sur celui de droite, ceux de la science et de la littérature invitent à la connaissance dans la bibliothèque.

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    Quatre niches réparties de chaque côté du premier étage des ailes du bâtiment devaient accueillir huit bustes de personnages célèbres du département : Dom Bernard de Montfaucon, Fabre d’Eglantine, Alphonse Mahul, Cassanéa de Mondonville, Bazin de Bezons, Rivals aîné, Degua de Malves et le Comte Fabre de l’Aude. Ils avaient été choisis par une commission de la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne formée par MM. Mullot, Frontil, Doinel, Desmarest, Bouffet et du colonel Grillières, mais jamais ne furent exécutés. L’architecte Charles Emile Saulnier ne profita guère longtemps de la réussite de son œuvre puisqu’il mourut le 2 décembre 1900 à l’âge de 73 ans.

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    Après des décennies de noirceur, la façade du Musée des Beaux-arts a été entièrement restaurée en 2015. Elle s'illumine chaque soir à la tombée de la nuit et offre aux passants ses plus beaux reflets.

    Sources

    Délibérations des conseils municipaux

    Le courrier de l'Aude

    Mémoires de la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne / 1901

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  • À la recherche du riche passé architectural du boulevard Marcou

    Depuis les comblement des fossés ceinturant la Bastide au XVIIIe siècle, l’espace compris entre le Bastion des moulins et la Porte de Toulouse prit successivement les noms de Promenade Ouest, de boulevard du Calvaire, de boulevard du lycée (1883) et de boulevard Marcou (1898). Au milieu du XIXe siècle, on apercevait encore les vestiges des anciens remparts sur le côté droit en remontant vers l’actuelle place Davilla, tandis qu’à gauche s’étendaient les terrains encore vierges de l’enclos Gaubert. A l’instar du boulevard Saint-Michel (Barbès), le plan d’alignement de 1869 allait ordonner la construction des nouveaux immeubles parallèlement aux vieux murs médiévaux. Les très belles maisons de maître édifiées par les familles enrichies dans le négoce du vin et qui jalonnent le boulevard Marcou, témoignent encore de ce passé exceptionnel. Il s’agit d’une histoire méconnue, oubliée. Nous vous proposons donc de parcourir le boulevard Marcou à partir du côté gauche en descendant vers la place Davilla, puis de remonter par le côté droit vers le Calvaire.

    boulevard marcou

    Au mois de décembre 1871, Auguste Théodore Lauth (né à Strasbourg en 1843) qui vient d’acquérir une parcelle à l’enclos Gaubert, écrit à la mairie afin que celle-ci lui cède la partie du terrain communal qui borde la route n°119. Il se propose d’édifier une maison avec remises, écuries et magasins sur l’ensemble de sa future propriété. Cousin du banquier et maire de Strasbourg Ernest Lauth, Auguste Théodore avait émigré dans l’Aude avant l’annexion de l’Alsace-Lorraine à la Prusse comme son parent, le brasseur Frédéric Philippe Lauth. Avec son épouse Mélanie Gœtelmann († 1916), il avait acquis le domaine de Lacanade à Fontiès-Cabardès et avait placé sa fortune dans le négoce du vin. Fervent républicain proche des idées de Marcou, Auguste Lauth n’a aucun mal à obtenir la cession du terrain, mais à la condition que le plan d’élévation de la maison soit dessiné par l’architecte municipal (Léopold Petit), tout comme la grille délimitant le terrain. A l’instar des familles alsaciennes ayant émigré dans l’Aude comme les Lauer (brasseurs) ou Scheurer (organistes), les Lauth optent pour la nationalité française en 1872. Un lien relie Auguste Lauth à notre Cité médiévale ; il était cousin avec Emile Boeswillwald, l’architecte qui reprit les restaurations après la mort de Viollet-le-duc.

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    Le balcon de la villa avec son blason 

    A l’angle du boulevard Barbès s’élève donc à partir de 1873 une villa de maître, dont la façade n’a rien à envier à celles construites sur la côte d’azur à la même époque. Nous ignorons pour quelles raisons mais Lauth, devenu conseiller municipal et conseiller d’arrondissement, ne s’acquitte toujours pas de sa dette envers la mairie après douze ans. Après avoir fait construire à côté un nouvel immeuble de style Hausmannienn dans lequel il va loger, Auguste Lauth décide de louer sa villa à Amédée Labeaute en 1889 (Cf, Claude Marquié, La dépêche, 2001 d’après les souvenirs de Paul Detours). Permettez-nous de nous interroger. Le sieur Labeaute, propriétaire à Cailhau, s’était marié avec Cécile Thérèse Guillermine Guillard d’Arcy ; une jeune femme dont la généalogie nobiliaire remonte au moins au XVIe siècle. Comment donc un fervent républicain aurait-il pu orner la grille de sa ville de fleur de lys ?

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    Pourquoi donc le balcon est-il décoré avec les armes d’une famille aristocratique dont le symbole comme le heaume représente le titre de marquis ? Comment expliquer l’on ait donné le nom de « Villa Sainte-Gracieuse » à une maison construite par un protestant, eux qui ne reconnaissent aucun saint ? Sans compter que c’est le baron Detours (chrétien fervent et royaliste), héritier des Labeaute, qui s’installera ensuite dans cette villa jusqu’à sa vente à Joachim Estrade.

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    La maison d'Auguste Lauth, n°3. Sur le fronton, les initiales du maître des lieux "A.L"

    À la suite de la maison d’Auguste Lauth (n°3), Jules Bastide (époux d’Irma Paraire) vendit sa demeure à M. Rieux en 1892. Au numéros 7 et 9, la maison Carayol. Elle fait l’angle avec la rue de la mairie prolongée percée en 1881 et qui prend le nom du philosophe Jean-Jacques Rousseau en 1883. Au cours de la décennie la municipalité carcassonnaise, profondément anti-cléricale, décide de modifier les noms de rues. Les saints disparaissent au profit des philosophes des lumières (Voltaire, Rousseau) ou des illustres républicains comme Barbès.

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    Sur le prolongement du boulevard Marcou jusqu’au couvent des sœurs Marie Auxillaitrice (actuel immeuble Jaur), on trouve d’autres maisons de négociants : MM. Sigé (propriétaire de la métairie du Viguier), Victor Boyer et Léon Parlange (originaire du Cantal). Elles communiquent avec leurs magasins situés sur l’allée l’Iéna.

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    La clôture sur l'ancien rempart médiéval avec ses balustres

    Plaçons-nous désormais à l’angle de la rue de Verdun. Au n°97, vivait le médecin Emile Guillard D’Arcy, né en 1802 à Castelnaudary ; Il y mourra en 1866. L’une de ses filles, l’autre s’étant mariée avec Amédée Labeaute, épousa le lieutenant-colonel Ancenay en 1877. Cet officier nommé à Carcassonne pour prendre le commandement du 17e régiment de Dragons, y rencontra Marguerite Guillemine Félicité Guillard d’Arcy. Il vécurent jusqu’à leur décès dans la belle demeure du beau-père. Benoît Fernand Ancenay (Pouilly Saint-Genis 1837- Carcassonne 1904) décide en 1887 de solliciter l’alignement de sa maison le long du boulevard. Sur les vestiges des anciens remparts, il se propose d’embellir l’endroit avec une clôture surmontée de balustres. Elles sont l’œuvre de Léopold Petit. La ville de son côté, s’engage à faire enlever les lieux d’aisance et à accorder une ligne d’eau à M. Ancenay. Si à cette époque, on voyait encore les ruines de la tour de la porte de Toulouse et les remparts, les travaux les ont fait disparaître.

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    Le Café de l'Aude avec sa façade ornée de mascarons

    A l’angle de la rue Aimé Ramond (n°115) et du boulevard Marcou (n°6) se trouvait le Café de l’Aude tenu par Joseph Bendine (1822-1883). Originaire de Roquefeuil, ce tailleur de pierre avait fondé cet établissement au début des années 1870 avec son épouse Jeanne Rouzaud. Dans le nouveau quartier, ce lieu attirait les sympathisants du Cercle Barbès qui y tenaient leurs réunions. On y dansait et faisait la fête sous les lampions à la belle saison. En 1890, le fils Bendine emprunte 9000 francs au Crédit foncier pour moderniser et agrandir le café. Cinq and plus tard, il est vendu à Firmin Cuxac (originaire de Nébias), dont un membre de la famille possédait la Villa Roy. Après la Première guerre mondiale, l’établissement disparut au profit de Jean Ganet, marchand de machines agricoles.

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    Très bel immeuble modernisé et réhabilité par le Groupe Marcou

    Au n°8, ce bel immeuble a été construit sur le chemin de ronde du rempart médiéval sur demande de M. Protais puis des héritiers Bonnafous et Bérail vers 1880. Il fait l’angle avec la ruelle des Pénitents noirs, devenue la rue Arago.

    Merci à Jacques Blanco pour être allé me prendre quelques clichés sur le terrain

    Sources

    Délibérations des conseils municipaux

    Etat-Civil / ADA 11

    Le courrier de l'Aude, La fraternité

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