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  • La naissance des Chœurs de la cathédrale Saint-Michel

    Après la Grande guerre, les deux orphéons de la ville en manque d'éléments s'unirent pour former une seule et même association : "L'Union vocale. La jeunesse déjà fragilisée par les années terribles du conflit mondial ne se bousculait pas pour intégrer les chorales, jugées comme désuètes. Chanter sous un kiosque à musique, une casquette ornée d'une lyre sur la tête ne semblait pas les attirer. Les anciens donnaient pourtant l'exemple ; il y avait parmi eux des maçons, des ouvriers agricoles, des forgerons, des employés de commerce. Après une dure journée de travail, ils aimaient à se retrouver autour d'un harmonium pour chanter. La plupart d'entre eux ne connaissait pas une seule note de musique, mais avec beaucoup d'abnégation ils arrivaient à apprendre des pages musicales difficiles.

    Dans les années 1930, tout se désagrégea petit à petit. Les plus compétents désertèrent les pupitres, les Concerts symphoniques cessèrent leurs activités, les Orphéons furent réduits à leur plus simple expression. Les quelques chanteurs orphelins allèrent grossir les rangs clairsemés de la Scola Saint-Vincent dirigée par les frères Pouillès. Il faudra attendre le malheur de la déclaration de guerre de 1939 pour voir renaître le chant choral à Carcassonne. La cathédrale Saint-Michel possédait jusque-là une modeste phalange vocale constituée de MM. Rivière, Scheurer, Coste et dirigée par Mlle Planes.

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    Les Chœurs de la Cathédrale

    Quelques semaines avant les fêtes de Noël, le chanoine Subreville souhaitait une animation musicale pour la messe de minuit. Malgré la guerre, un chant d'espérance devait s'élever vers les voûtes de la Cathédrale St-Michel. Il s'adressa à Georges Cotte, connaissant ses facultés musicales, afin que celui-ci accepte de relever le défi. Ce commerçant bandagiste de la rue de Verdun, compositeur éclairé à ses heures, réunit ses amis et les fit répéter. C'est ainsi que le soir de noël, tel le phénix, le chant choral reprit force et vigueur à Carcassonne. L'Association des Chœurs de la Cathédrale venait de naître en même temps que l'enfant Jésus.

    Vint ensuite l'exode de 1940 qui lança sur les routes de France, des familles entières de réfugiés fuyant l'avancée Allemande. Parmi les nombreux réfugiés Lorrains venus trouver refuge dans l'Aude, deux vicaires de paroisses, dont l'un de Lorry-les-Metz. Ces deux prêtres furent surpris qu'une chorale importante n'existait pas à Carcassonne. L'idée de sa création était lancée et les "Loriots" (Lorrains), vinrent renforcer leurs camarades Carcassonnais. A Pâques 1940, les Chœurs de la Cathédrale étaient officiellement constitués. Pour la première fois, la grande messe de 11 heures fit entendre une Messe de Charles Gounod, accompagnée à l'orgue par M. Tournié. La cécité ne gênait absolument pas ce grand musicien, car Georges Cotte lui transcrivait les partitions en Braille.

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    Requiem de G. Cotte

    L'effectif des chœurs atteignait les soixante personnes en 1945 et des concerts furent donnés à Castres, Mirepoix, Leucate, Revel, Narbonne, etc. En 1954, l'association s'agrandisait avec la création de l'Orchestre des Chœurs de la Cathédrale formés de musiciens locaux, de Narbonne, de l'Ariège et même de Toulouse. Cette année-là fut créé la Messe de Requiem de Georges Cotte, dirigée par lui-même au Théâtre municipal : "L'orchestration de Georges Cotte est tout simplement unique. Elle fait corps avec le piano d'une manière remarquable et, telle, qu'il soit impossible qu'il ait pu en exister une autre." Notons que M. Cotte possédait quelques amis professionnels reconnus comme le compositeur Henry Busser, avec lequel il entretenait des liens épistolaires.

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    Georges Cotte et ses chanteurs

    Les Chœurs de la Cathédrale participèrent au Festival de la Cité à l'époque de Jean Deschamps et de Jean Alary. Ils ouvrirent l'édition 1960 avec l'Oratorio de Honneger, où participa la danseuse Ginette Bastien. En première partie, on entendit les œuvres de Paul Lacombe, dirigée par Cotte avec plusieurs solistes du Capitole de Toulouse et de l'Opéra de Paris. Hélas, même les plus belles choses ont une fin... Cette association cessa d'exister en 1961. Le souvenir de Georges Cotte disparaît des mémoires musicales de notre ville, il nous appartient donc de le faire revivre.

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    Autour du petit orgue, on reconnaît : MM. Cotte, Tournié, Chabert, Laffargue Marius, Amiel, Roquefort, Colomiès et Mesdames Ollier, Malacan, Bel, Maillard, Perramarti, Bonnafous, etc.

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  • Jean Mistler contre Marguerite Yourcenar à l'Académie française

    Il est des phrases prononcées devant des journalistes qui ont tendance à passer par la trape de l'histoire. Aussi, lorsque la candidature de Marguerite Yourcenar fut avancée en 1980 afin de remplacer le siège laissé vacant par le décès de Roger Caillois, l'ancien député Radical-Socialiste de l'Aude ne fut pas tendre. Celui qui avait été membre du Conseil National sous Vichy, puis Président de la délégation spéciale chargée d'administrer Castelnaudary nommé par le maréchal Pétain, avait fini sa brillante carrière intellectuelle comme Secrétaire perpétuel de l'Académie française. Depuis 1966, Jean Mistler avait remplacé sous la coupole l'ancien résistant Robert d'Harcourt, catholique engagé contre le nazisme. Celui qui vota les pleins pouvoirs à Pétain, s'opposa semble t-il à l'entrée de la première femme à l'Académie française. A son corps défendant, il ne fut pas le seul, dans un cas comme dans l'autre d'ailleurs... Parmi les défenseurs de l'illustre écrivaine, il y eut bien sûr Jean d'Ormesson. Jean Guiton avoua avoir voté contre : " Je pensais que l'Académie avait vécu 300 ans sans femme et qu'elle pouvait encore vivre 300 ans sans". Aujourd'hui, trente-huit ans après il serait impensable de l'entendre, bien qu'en "off" la misogynie demeure dans bien des cénacles. Le 6 mars 1980, Madame Yourcenar est élue avec 20 voix contre 12 à M. D'Orves, 3 nuls et 1 blanc. Elle le doit uniquement à son talent, et à une opinion publique largement en faveur de son élection. 

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    © AGIP/Bridgeman Images

    Le couturier Yves Saint-Laurent lui dessina un uniforme car il fut admis qu'elle ne pût endosser l'habit, ni porter l'épée de l'académicien. Toute cette subtilité bien masculine et quelque peu méprisante, se retrouve dans les paroles de Jean Mistler ci-dessous. Il les prononça le 6 mars 1980 au Soir 3 de FR3, comme on disait à l'époque.

    "Il n'y a pas de misogynie. Il n'y a jamais eu de misogynie. Alors maintenant que se passera-t-il ? Je n'en sais rien, mais si les femmes croient que désormais les portes seront largement ouvertes, que chaque fois des femmes pourront se présenter avec quelques chances d'être élues, je crois qu'elles se tromperont et elles comprendront assez rapidement car les femmes, ne sont pas plus bêtes que les hommes.

    Nous ne savons pas si elle assistera aux séances. Certains ont dit plaisamment : "On peut bien voter pour elle, elle habite à 4000 kilomètres !". C'est une plaisanterie, mais les plaisanteries contiennent quelque fois un sens aussi sérieux que les affirmations les plus sérieuses. Mais si Madame Yourcenar vient voter, on sera enchanté de l'accueillir. Mais les gens qui commencent à nous ennuyer en nous proposant des costumes de femmes, nous leur répondrons très poliment que les costumes ne nous intéressent pas, que cela intéresse les tailleurs ou les couturiers."

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    © AGIP/Bridgeman Images

    L'ironie de l'histoire... Après le décès de Jean Mistler, c'est une femme qui le remplacera. Il s'agit de la très illustre Hélène Carrère d'Encausse, connue pour ses ouvrages sur la Russie. Elle porte l'habit d'Académicienne... Comme quoi, il est des batailles qui se gagnent sur la durée. Prenons-garde aux tentatives de retour en arrière !

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  • Jean-Paul Léri (1918-1943), le souvenir d'un jeune martyr de la Résistance

    Ce jeune homme courageux était né le 15 septembre 1918 à Orléans d'un père, André, médecin de son état et de Allegra Aline Aghion. Etudiant titulaire d'une licence de droit, il combat au début de la guerre dans l'armée française avec le grade de sous-lieutenant au sein du 8e Zouave. Sa vaillance lui vaut la Croix de guerre et une belle blessure durant les hostilités. Il est fait prisonnier, mais s'évade et adhère aux Compagnons de France ; organisme fondé par le gouvernement de Vichy pour la jeunesse française. A partir de 1942, Jean-Paul Léri s'écarte de l'idée nationale incarnée par Pétain et rejoint la Résistance au sein du réseau Alliance.

    L'objectif de Léri et de ses camarades était "de favoriser le départ par mer, à partir de Saint-Pierre (commune de Fleury) de personnalités, mais surtout de recueillir le maximum de renseignements sur l'armée allemande et de les transmettre à Londres, soit par radio, soit en les acheminant à Lyon. Leurs lieux de ralliement étaient Rouvenac, près d'Espéraza, village assez isolé à 300 m d'altitude qui comptait 259 habitants en 1936, où vivait Louis Jean, et à Carcassonne dans un immeuble de l'allée d'Iéna, les déplacements entre ces deux points se faisant par le chemin de fer ou à vélo." (Claude Marquié)

    Grâce à nos investigations dans plusieurs archives françaises, nous connaissons maintenant les circonstances de l'arrestation de Jean-Paul Léri. Depuis près d'un mois, Léri se sent suivi et surveillé ; il en avait fait part à ses amis. L'agent de la Gestapo René Bach se trouve sur sa trace, renseigné par un "bon français". Le 21 septembre 1943, une perquisition nocturne a lieu à l'Hôtel des voyageurs, situé sur l'allée d'Iéna. C'est là que réside le jeune résistant, hébergé par Camille Dubousset, co-propriétaire de l'établissement. Dans ses papiers, la Gestapo découvre un plan de l'aérodrome allemand de Lézignan. Jean-Paul Léri est alors appréhendé le lendemain au siège des Compagnons de France, 47 allée d'Iéna. L'enquête et l'interrogatoire menés d'abord par la Police Allemande Carcassonne, passent ensuite entre les mains de l'Abwerstelle (Contre-espionnage) dirigé par le capitaine Georg Reinhard, à la Kommandantur (Grand Hôtel Terminus). Camille Dubousset est également arrêtée et tous les deux sont transférés à Montpellier, puis à Lyon le 27 octobre 1943. Jean-Paul Léri d'abord torturé à la prison de Montluc puis jugé sera condamné à mort pour espionnage avec sa logeuse. Cette dernière bénéficiera d'une grâce après une tentative de suicide ; elle sera déportée à Mathausen.

    "En tout cas, j'ai conscience de n'avoir pas été inutile et d'avoir fourni tout mon effort avec mes compagnons au service de l'unité française. Vous pourrez ainsi, je crois, ne pas avoir à rougir de moi. Je sens un grand besoin de paix et d'amour que je crois être le fond même de la vie." (Lettre d'adieu de J-P Léri)

    Léri est fusillé le 5 novembre 1943 à l'âge de 25 ans

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    Madame Dubousset née le 17 mai 1900 sera déportée et mourra après son retour du camp de Mathausen, le 5 mai 1945. Elle était originaire de de St-Eloy-les-mines (63) et est inhumée au cimetière Saint-Michel de Carcassonne.

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    Depuis le 30 novembre 1954, une rue de Carcassonne porte son nom dans le quartier Pasteur. 

    Sources

    Archives de victimes civiles

    Archives de justice militaire

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