Le 19 août 1944, les Allemands font sauter le dépôt de munitions du château de Baudrigues près de Roullens. Auparavant, ils avaient transporté sur les lieux depuis la Maison d'arrêt de Carcassonne un certain nombre de personnes et les avaient fusillées. De ses malheureuses victimes, on ne pourra identifier que la main de Jean Bringer grâce à sa chevalière et la nuque frisée d'Aimé Ramond. Jamais il n'a été possible d'établir un chiffre exact des martyrs de ce triste jour, car les morceaux de corps éparpillés sur 300 mètres n'ont jamais pu dire à qui ils appartenaient. Le registre d'écrou de la prison ayant disparu par enchantement depuis 1945, seule une liste visuelle du Dr Delteil permit d'évaluer le nombre en fonction des personnes libérées ce jour-là. Le Dr Delteil sera libéré le 19 août 1944, alors qu'il était prévu qu'il suive le même chemin que Bringer et Ramond. On sait avec certitude qu'il y avait Jean Bringer, Aimé Ramond, Pierre Roquefort, Jacques Bronson, René Avignon, André Gros, Léon Juste, Jean Hiot, André Torrent, Maurice Sévajols, Simon Battle, Gilbert Bertrand. Il y a quelques années, on a rajouté celui de Suzanne Last.
Les secouristes après l'explosion
Avec le travail de recherche que je mène partout en France afin de comprendre les raisons, les causes et les conséquences de cette tragédie, j'ai pu dernièrement identifier une nouvelle victime. Elle n'était pas sur la liste du Dr Delteil et sans l'exhumation de dossiers sensibles, elle serait encore aujourd'hui inconnue. Oh ! Certes, on a retrouvé que peu de choses d'elle mais des détails vestimentaires, prouvent sa présence à Baudrigues.
Martin Marcel Weil
(1900-1944)
Martin Weil était né à Dettwiller le 28 septembre 1900 à une époque où l'Alsace faisait partie de l'Allemagne depuis la guerre de 1870. Sur son acte de naissance figure sa religion : Israelitischer. Marié dans un premier temps à Marie Marguerite Meyer, il divorce et se remarie avec Marie Hélène Hortense Mulberg le 29.04.1933. De cette union naîtront trois enfants : Jean-Pierre, Joseph et Hortense. Lorsque les Allemands annexèrent Mulhouse au Reich après la défaite de juin 1940, Martin Weil fut expulsé le 23 juillet 1942 et gagna le sud de la France. Son fils aîné sera déporté dans un camp proche de la Russie et mourra de mauvais traitements. Martin Weil prend alors le pseudonyme de Marcel Martin et s'établit à Béziers en relation avec un réseau de résistance. Le 10 août 1944 lors d'un rafle - nous pensons avec Suzanne Last - il est arrêté par la Gestapo à Béziers. A cette époque, la Maison d'arrêt de Carcassonne sert de Centrale régionale à l'Occupant Allemand depuis le mois de juillet. Il n'est donc pas extraordinaire d'y retrouver des personnes interpellées en dehors du département de l'Aude. Par exemple, des résistants venant de la citadelle de Perpignan.
Ce cratère matérialise l'ampleur de l'explosion
En 1945, Madame Weil signala la disparition de son mari. Madame Guiraud, monitrice chef des équipes de la Croix-Rouge, fut avisée par les équipes d'urgence de Carcassonne d'un corps présumé de Béziers. Seul vestige, un pantalon dans la poche révolver duquel on a trouvé un ticket de boulangerie Biterroise. Un jeune homme qui avait été détenu dans la prison de Carcassonne au moment des faits s'est souvenu avoir connu un Martin, fusillé à cette époque. Madame Guiraud se rendit chez le boulanger en question qui lui indiqua que Martin Weil mettait toujours son ticket dans sa poche révolver. Le tissu retrouvé à Baudrigues correspondant au pantalon que portait Martin Weil a été envoyé à la mairie de Mulhouse, mais son épouse ne le reçut jamais.
Le maire de Carcassonne à Baudrigues le 19 août 2018
Aujourd'hui, je possède toutes les preuves d'archives des enquêteurs. Elles ne sont pas conservées à Carcassonne... Grâce à un travail de généalogie, j'ai réussi à entrer en contact avec les descendants de Martin Weil. J'ai eu le privilège d'apprendre à sa petite-fille qui était son papi et surtout, de lui adresser sa photo. Enfin a t-elle pu mettre un visage sur cet homme que le fanatisme a enlevé à l'amour de sa famille. Avec l'accord de Pascale, je vais entreprendre des démarches auprès des autorités afin que son nom figure désormais sur la plaque des martyrs de Baudrigues.
"Vous ne pouvez pas imaginer l'émotion qui me submerge en voyant la photo de mon grand père, je ne l'avais jamais vu, mon papa a toujours été silencieux sur cette période, je pense très traumatisé et triste d'avoir vu sa maman souffrir et se battre pour son mari. Mon papa a également été militaire et à participé à la guerre d'Indochine. Son frère s'appelait Joseph et parait il a été déportés dans un camp en URSS ou il a trouvé la mort et ma tante à ma connaissance à toujours été avec sa maman aussi elle s'est occupée de mon père."
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