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  • Contre le massacre de la place Carnot !

    C'est sous ce titre qu'une pétition circule dans Carcassonne, afin de s'opposer à la construction d'un parking souterrain de quatre niveaux sous la place Carnot. Nous sommes le 10 juin 1972 ; l'émotion est vive depuis que le conseil municipal présidé par Antoine Gayraud a adopté le principe de cette réalisation. Le projet serait presque passé inaperçu, faute de maquette ou de plans présentés aux Carcassonnais, si ceux-ci n'avaient pas été éveillés par le bruit assourdissant d'une foreuse au centre de la place. Ce ne sont pas les résultats peu concluants du premier sondage effectué par la Soltechnic le 10 mars 1972, qui ébranlèrent la motivation de la mairie. 

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    La place Carnot vers 1970

    "Dès une profondeur de cinq mètres, l'on se heurte à une masse de calcaire compact et très dure. Or, le parking doit faire onze mètres de profondeur. Le creusement ne serait pas, dans ces conditions, une petite affaire. A moins d'utiliser des charges d'explosif - ce qui me semble être exclu à un tel endroit."

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     Quel projet ?

    Lors d'une réunion du conseil municipal, le maire Antoine Gayraud avait évoqué, selon des "prévisions très élaborées" que Carcassonne attendrait 80 000 habitants. 

    "La ville va continuer de s'étendre. Elle mesure déjà près de sept kilomètres de long ! Les boulevards dits extérieurs, ne le sont déjà plus. Ils sont devenus le cordon ombilical qui relie le centre ville aux quartiers périphériques, l'axe vital de l'agglomération. Ils se meublent déjà de leurs premières vitrines. Inévitablement, le commerce local va se trouver à l'étroit dans le centre ville, même s'il dispose encore de place. Certains commerces, pour pouvoir s'agrandir, devront s'installer sur les boulevards, même si certains refusent avec vivacité cette perspective."

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    Le premier adjoint Fernand Ancely, envoyé auprès des commerçants pour une opération séduction à la Chambre de Commerce le 18 avril 1972, déploya les arguments de la ville. A partir du postulat selon lequel "il y a actuellement 2,8 voitures pour 10 habitants, dans cinq ans, il y en aura 6,8. Cette statistique prouve à quel point le problème de la circulation et du stationnement à Carcassonne doit être repensé. Il importe donc de trouver des solutions efficaces pour tous et qui ne soient pas préjudiciables au commerce local. A plusieurs reprises, la municipalité a repoussé les propositions de plusieurs sociétés commerciales désireuses de créer de grandes surfaces dans la périphérie. Nous nous sommes farouchement opposés à leurs offres."

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    MM. Obadia (Union des commerçants), Ancely (1er adjoint), Auriol (Président de la CCI), Bonnafous et Danjean

    Pour remédier à ce problème, la municipalité étudia trois emplacements pour y réaliser un parking souterrain : place d'armes (Général de Gaulle), Jardin des plantes (Square Chénier), boulevard Jean Jaurès. Le projet de la place d'arme étant trop coûteux, car il aurait fallu installer 400 parcmètres pour qu'il soit rentable, le choix s'est porté sur la place Carnot. C'est en fait la société privée chargée de prendre à son compte les travaux qui en jugeait ainsi. La construction du parking place Carnot n'excluait pas l'installation de 85 parcmètres tout autour. Les travaux d'un coût estimé à 600 millions d'anciens francs dureraient 10 mois, pendant lesquels le marché serait déplacé sur le parking de l'ancien lycée. L'entrée du souterrain se ferait face à l'actuelle pharmacie Bibal et la sortie, face à la boutique Benetton. Durant cette réunion, M. Ancely s'engagea à remettre en place la fontaine de Neptune et à replanter six platanes devant être abattus. Un sondage parmi les 120 commerçants présents, donna le nombre de 110 favorables au projet.

    Les opposants

    Les nombreux défenseurs du patrimoine historique ne l'entendaient pas de la même oreille ; il s'étaient chargé de le faire savoir. Madame Cahen-Salvador au nom de la F.D.A.S.E.M désapprouvait le projet de destruction de la place Carnot. Elle organisa avec le concours de la presse un referendum, dans lequel une majorité d'opposants au parking se fit connaître. Les déclarations de M. Ancely à la réunion avec les commerçants n'étaient pas de nature à calmer le jeu.

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    " L'argumentation des personnes désireuses de sauvegarder le patrimoine archéologique des anciens ne tient pas. (...) Si nous devions tenir compte chaque fois des levées de boucliers, nous ne ferions jamais rien. Lorsque le conseil municipal aura pris une décision pour la réalisation de ce parking, aucune protestation ne le fera revenir sur sa décision !"

    Le 5 juillet 1972, Pierre Costeplane - Membre de la Société d'Etudes Scientifiques de l'Aude - écrit une lettre ouverte au maire, publiée dans la presse.

    Certes, des sondages de notre ville ont même été consultés d'une manière officielle : je veux parler des commerçants du centre ville, qui se sont, paraît-il, prononcés dans leur majorité en faveur du projet, persuadés que la meilleure façon d'attirer les clients était de leur faire miroiter l'alléchante perspective de payer leur place au parking 50 centimes la demi-heure, sans parler des amendes pour dépassement de temps ! Il va sans dire que cette enquête, limitée aux seules personnes susceptibles de tirer un hypothétique profit de la réalisation du parking se révèle effectivement avantageux pour certains, ceux qui ont leur maison à moins d'une centaine de mètres de la place Carnot, les autres, moins favorisés par le sort, ne risquent-ils pas d'en subir les désavantagent ? En d'autres termes, est-ce que les commerçants de la périphérie, qui eux n'ont pas été consultés, n'ont pas quelques sujets de craindre le surcroît de concurrence que vont ainsi leur faire ceux du centre-ville ? Pourquoi n'a t-on pas plus consulté les jardiniers qui, les jours de marché, installent leur éventaire sur la place ? Les quelques-uns que nous avons interrogé se sont révélés plus la plupart hostiles au projet et indignés du peu de cas qu'on fait d'eux.

    D'autres part, nous sommes loin d'être rassurés sur le caractère esthétique de la réalisation. ce genre de question ne fait guère partie des préoccupations majeures de MM. les promoteurs et entrepreneurs de travaux publics. Certes, on nous a fait des promesses à ce sujet : tous les arbres qu'on sera obligé d'abattre seront ensuite remplacés. C'est tout juste si on ne nous a pas garanti que nous pourrons bientôt voir les nouveaux plus beaux et plus gaillards que les anciens.

    On a également cité le cas de villes où de semblables travaux ont été effectués sans trop de dégâts, mais sans donner le moindre détail sur la situation, les dimensions des places où ils ont été faits, sans nous dire si elles étaient plus ou moins dégagées que notre minuscule place aux Herbes, ni combien d'arbres ont été chaque fois abattus et combien ont été laissés en place. Nous aimerions voir des documents, photographiques ou autres, sur ces réalisations exemplaires. Il nous paraît par ailleurs scandaleux que, avant d'entreprendre des travaux d'une telle ampleur, la municipalité n'en fasse pas publier les plans dans la presse locale et qu'une maquette n'en soit pas exposée en un lieu où chacun puisse la voir à loisir..

    Enfin, une dernière question que doivent se poser de nombreux habitants de notre ville : combien coûteront ces travaux et qui les financera ? La municipalité ( ce qui revient à dire, les contribuables) ? Quelques généreux philanthrope ? Ou bien, comme le bruit en court, une entreprise capitaliste qui compte s'assurer de confortables bénéfices par l'exploitation du parking ?

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    La publication de cet article n'est pas innocente, car il se pourrait bien qu'un jour un tel projet revienne sur la table. Il le fut en 1995, au moment de refaire entièrement la place Carnot et d'en supprimer le stationnement. Au début des années 1970, on étudia la possibilité de construire un parking sur le Canal du midi, entre la passerelle de Varsovie et le pont de la paix. Ce projet trop coûteux ne fut pas retenu, pas davantage qu'un souterrain pour les piétons sous le boulevard Jean Jaurès...

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  • Le dernier duel au pistolet entre deux Carcassonnais

     Le duel d'honneur est le fait pour un homme de "souffler" (généralement avec un gant) un adversaire ayant attenté à sa réputation ou à son honneur. Le refuser c'est prendre le risque de passer pour un lâche ou un traître et de perdre ses relations. Des règles codifiées organisaient les duels avec des témoins. Cette pratique va peu à peu tomber en désuétude, jusqu'à sa disparition presque totale après la Seconde Guerre Mondiale. Si aucun texte actuel ne prévoit explicitement l'interdiction des duels, il ne demeure pas point que les deux parties s'exposeraient au principe selon lequel "le consentement de la victime n'exclut pas la responsabilité de l'auteur d'une infraction. Le participant au duel se rendrait donc coupable, en cas de mort de l'autre, de meurtre, et en cas de blessure, de violences volontaires (avec circonstance aggravante : préméditation, usage d'une arme)."duel-pistol.jpg

    Image extraite du film Barry Lyndon

    Au début du XXe siècle, il y avait dans notre ville un certain nombre de journaux qui se partageaient la faveur des lecteurs : "La dépêche de Toulouse", dirigée à Carcassonne par l'avocat Osmin Nogué, beau-frère de Maurice et Albert Sarraut ; "Le petit Méridional" de M. Cabanis ; "L'Express du Midi" de M. Barrière ; "La France de Bordeaux" par M. Saunac ; "Le Télégramme" de M. Garès, oncle de René Descadeillas qui fut le directeur de la Bibliothèque municipale ; "Le courrier de l'Aude" d'Hippolyte de Bordas. La concurrence allait bon train et surtout l'animosité des différences politiques. Pour un mot ou pour un adjectif, on s'envoyait des témoins et Maître Abadie du 17e dragons préparait les combattants. Les combats en champ clos opposaient Garès à Nogué, Garès à Cabanis et Cabanis à Nogué. A l'issue de ce dernier duel, l'avocat Nogué fut assez sérieusement blessé au bras droit.

    "Les garnements allaient chanter sous sa fenêtre le grand air des "Huguenots" de Meyerbeer : En mon bras droit, j'ai confiance."

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    Osmin Nogué

    Parallèlement à ces combats politiques à Carcassonne, il y avait des duels provoqués pour des raisons d'ordre privé. Ville de garnison aristocratique, des intrigues trop poussées étaient la cause de combats courtois, mais ardents. Le dernier duel qui eut lieu fut celui de Jean Mistler - député de Castelnaudary, homme de lettres et Académicien - avec le baron Roger Detours, futur chef du 2e service de la Milice de l'Aude. Il date de 1934 ! A la suite des évènements de février, Mistler, faisant partie du gouvernement Daladier, souleva l'ire de Roger Detours, qui, le rencontrant au Café Terminus, le gifla à deux reprises

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    Jean Mistler

    Mistler fit alors un discours. Il parla de la République, de ses immortels principes devant les jours de belote goguenards. L'affaire se termina au champ de tir de Villemaury, près de Palaja. Selon les chroniqueurs de l'époque, les pistolets partirent de travers...

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  • Sarah Bernhardt au théâtre municipal de Carcassonne

    Ce blog n'a d'intérêt à mes yeux que s'il apporte à la connaissance, des sujets inédits ou complémentaires, à ce qui a été déjà évoqué par nos historiens locaux. C'est peut-être là sa vraie utilité et ce qui, en quelque sorte, fait son succès. L'histoire du théâtre municipal en elle-même est connue ; il suffit de lire les anciens bulletins de la Société d'Etudes Scientifiques de l'Aude ou de la Société des Arts et des Sciences de Carcassonne. En revanche, il semble que personne ne se soit attardé sur les témoins de cette époque. Or, dans de vieux articles de la presse locale, il est possible de retrouver cette mémoire. Il suffit parfois de vouloir s'en donner la peine, mais au final c'est loin d'être inintéressant.

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    La comédienne Sarah Bernhardt par Nadar

    Sous l'Ancien régime, l'emplacement de l'actuel théâtre Jean Alary était occupé par le Couvent des Jacobins. Aliéné à l'Etat après pendant la Révolution française pour la somme de 30 200 livres. Une première partie comprenant l'église, le cloître, le grand escalier, l'entrée et la sacristie fut adjugée à M. Jean Aubry, plâtrier, à la date du 13 germinal An III (2 avril 1795). Le même jour l'acquéreur céda les 3/4 de l'ancien couvent à M. Jean-François Loup, Silfrein et Philippe Marrel, François Sébastien et Antoine Fourès. Le même mois, Marrel et Fourès se désistèrent à leur tour. Ambry et Loup demeurèrent le propriétaire d'une partie des bâtiments. Le reste du couvent représentant une superficie de 950 m2 fut adjugé à Ambry le 23 juin 1796, puis revendue à Loup le 9 décembre 1795.

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    Un négociant d'Alzonne, Benoît Faral, acheta les droits de Loup et Ambry dans le but de faire de l'église, une salle de spectacle, les bâtiments extérieurs devant servir à la location. Pour réaliser ces travaux, il s'adressa à l'architecte Champagne qui dressa les plans. La salle dont le coût des travaux s'éleva à la somme de 141 946 livres 11 sols et 5 deniers, fut prête le 1er octobre 1796. Faral prit M. Hertz pour associé ; il versa 750 000 francs en assignats et 50 000 francs en numéraire. La salle fut affermée au sieur Désormaux, artiste de Toulouse, qui dut s'acquitter de 6000 francs pour le semestre représentant la saison théâtrale. Par la suite, Hertz devint l'unique propriétaire de la salle de spectacle qui fut vendue à Casimir Courtejaire le 3 novembre 1843. Il la légua en héritage à la commune de Carcassonne, par acte du 10 octobre 1874 (Me Mouton), avec cette clause testamentaire :

    "Comme il importe au donateur de laisser à sa ville natale un souvenir durable du don qui lui est fait, la ville, en acceptant cette donation, s'oblige à conserver à l'objet donné sa destination de salle de spectacle. En conséquence, la ville devra s'assurer contre l'incendie, l'entretenir convenablement, même l'embellir, autant que le lui permettra sa situation financière. Elle ne pourra pas utiliser les décors ou tout autre partie du matériel pour une autre salle de spectacle. Toutes ces clauses ne sont pas purement comminatoires, mais de rigueur, de telle sorte que leur inexécution entraînerait la révocation de la donation."

    Les artistes de passage

    L'art lyrique vit passer des artistes aux voix merveilleuses : Martin, Lafeuillade, Sireau, Duluc, Serda, les dames Boulanger, Prévost, Pothier, Vizentinin Bardou, etc. On y entendu l'opéra du Bizet "Les pêcheurs de perles" en 1890. La première de Lohengrin de Richard Wagner se déroula en 1904. Des créations comme Messaline de Isidor de Lara en 1905, Hannibal de Joseph Baichère - compositeur et organiste de l'église St-Vincent - sur un livret de Victor Gastilleur, autre Carcassonnais. On entendit Sapho de Massenet en 1921 et Gismonda d'Henri Ferrier en 1924. La vie de Bohème de Puccini en 1901.

    L'art dramatique permit aux spectateurs d'apprécier MM. Talma et Ligier, Mmes Georges, Duchenois, Rochel, etc. Dans ses mémoires, Edmond Got, de la Comédie française, parle du théâtre en ces termes :

    "1er juillet 1966... Quant au théâtre de Carcassonne, impayable ; dans une vieille église démantelée, pire qu'à Tours, je m'habille, pour l'exemple, dans les anciennes latrines de la sacristie. Mais avant Marseille et Montpellier, j'ai tenu à jouer dans ce trou..."

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    Au cours de la saison de 1889, Sarah Bernhardt vint jouer "Hernani" de Victor Hugo. Afin de ne pas salir la longue robe de satin blanc qu'elle portait au cinquième acte, la grande comédienne fit mettre un tapis partant de sa loge jusque dans les coulisses. La salle de spectacle était dans un état déplorable et les artistes ne considéraient comme un honneur de jouer à Carcassonne.

    "Lors de son passage, cette tragédienne crut devoir nous traiter de sauvages ;parce que les loges n'étaient pas à sa convenance ; parce qu'il y avait des courants d'air dans les coulisses ; parce que le public ne lui avait pas fait un triomphe dans Hernani, cette pièce ayant été choisi pour son caractère politique plutôt que la Dame aux camélias qu'avait proposé l'imprésario ; parce que les musiciens de l'orchestre ne voulurent pas céder leurs fauteuils pour qu'elle puisse louer une cinquantaine de chaises à 10 francs." (L'éclair / 22 septembre 1895)

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    © H. Alaux

    A gauche, l'entrée de l'ancien théâtre en 1905

    Notons que cette clause n'a pas empêché la ville de Carcassonne du temps de la municipalité Chésa, d'envoyer à la benne à ordures l'ensemble des toiles et des décors. Elle aurait pu acheter l'immeuble mitoyen pour en faire un magasin à décors, mais préféra le laisser à la Banque de France. Elle y réalisa un parking privé. Les glaces des loges furent vendues par des employés de mairie à une brocante de la zone de la Bourriette. Les chaises et autres objets, pris par d'autres employés pour chez eux...

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    © Musée des Beaux-arts de Carcassonne

    Casimir Courtejaire en 1843 par J-P Montseret

    Le 9 juillet 1929, le Conseil municipal prit une délibération relative à la reconstruction du bâtiment, à cause de sa vétusté. Les héritiers de Courtejaire donnèrent leur consentement le 2 décembre 1931. On démolit l'ensemble de l'ancien couvent des Jacobins avec son cloître en 1933. 

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    Le cloître lors de sa démolition

    Deux architectes, MM. Raymond Esparseil (1876-1966) et Marcel Oudin (1884-1936), établirent les plans des travaux qui furent effectués par M. Fioriom. Commencés le 19 juillet 1933, ils ne furent achevés que le 27 décembre 1935. Entre-temps, une partie de l'immeuble Peyronnet fut acheté suivant l'acte du 8 janvier 1935. 

    Raymond Esparseil évoque le souvenir du théâtre

    L'ancien théâtre était constitué par l'église du couvent des Jacobins. Ce couvent en 1229, fut tout d'abord installé à la Cité. Il fut transféré à la Barbacane, en 1247, dans la rue Longue : détruit par l'inondation de 1255, on l'installa sur la rive gauche de l'Aude, sur la carrière du quartier de cavalerie (Caserne Laperrine, NDLR) en 1347. Nous avons retrouvé ses fondations lors de la dernière guerre en faisant des tranchées. Il fut détruit en 1355 par le Prince noir et reconstruit dans la ville, à l'emplacement du théâtre actuel.  

    En 1932, la ville institua entre les architectes de France, pour la construction du théâtre, un concours auquel j'ai pris part. A ma grande surprise, j'ai eu le prix et l'exécution. J'avais en effet, dessiné le projet par plaisir, et sans arrière-pensée, pendant le chômage, dans un moment de crise de nos exploitations minières (Raymond Esparseil était le fils de Marius, inventeur de la mine de Salsigne, NDLR). Depuis mon entrée en loge pour le concours des Beaux-arts, en 1900, j'avais complètement abandonné l'architecture, pour me consacrer à mon métier de mineur, au cours duquel, cependant, j'avais eu l'occasion de construire des usines, des logements et des cités ouvrières, de telle sorte que je n'avais pas perdu l'habitude de la construction. C'est ainsi que le nouveau théâtre fut construit sous ma direction, malgré une mauvaise Kabbale, tellement bien montée au bénéfice de mon associé de Paris, que mon nom avait été effacé des constructeurs du théâtre.

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    © Martial Andrieu

    J'avais donc complètement perdu de vue à Paris, les relations artistiques d'autrefois et je n'avais aucun moyen de chercher seul les nombreux sous-traitants qu'une construction de cet ordre exige, tant dans le domaine artistique que de l'embellissement et de la construction. C'est pourquoi je me suis associé à Paris, avec un architecte qui s'occuperait de tout cela dans la capitale, pendant que je surveillerais les travaux de la construction sur place. Ce qui fut fait. Nous avions pris cependant à frais communs, pour les dessins d'exécution d'après mon plan à l'échelle exigée, un jeune architecte qui s'est révélé dans la suite architecte de valeur, ce qui nous a permis de transformer la façade originale que j'avais dessinée, parce que le prix en était hors de question. C'était avec cet architecte que je discutais sur place, ce qu'il y avait à faire et qu'il mettait en ordre en rentrant à Paris avec mon associé.

    Celui-ci venait rarement à Carcassonne et s'est tellement mal conduit avec moi et notre employé que celui-ci nous a quittés, rompant avec lui, tout en conservant d'excellentes relations avec moi. Mon associé est mort peu après (Marcel Oudin, NDLR), me laissant la responsabilité des erreurs qu'il avait faites en dehors de moi et de la terminaison de la construction dont je n'ai pas voulu signer la réception des travaux, mon associé, malgré moi, ayant accepté de la part d'un sous-traitant, et en dehors bien entendu de l'entrepreneur général, qui n'y était pour rien, une malfaçon.

    Les vestiges

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    © Google

    Un domaine situé sur la commune de Palaja fut la propriété de Casimir Courtejaire. Après la mort du mécène et lors de la destruction de l'ancien couvent servant de théâtre, les héritiers ont récupéré un très grand nombre de vestiges. Presque l'ensemble des colonnes en marbre de Caunes-Minervois qui devaient constituer le cloître sont dans ce domaine, mais pas seulement... D'autres objets sont visibles dans le musée lapidaire Pierre Embry à la Cité.

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    Dans le coulisses du nouveau théâtre, on aperçoit dans le mur une ancienne voûte ogivale. Sous la scène, il y a encore l'emplacement du chœur de l'église du couvent.

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    © Martial Andrieu

    La destruction de la maison attenante dans les années 1990 a mis au jour les vestiges de l'ancien couvent. C'est ce dont je me suis aperçu, lorsque par hasard, le parking de la Banque de France étant ouvert, j'ai pu prendre cette photo.

    Sources

    Midi-Libre / 1960

    L'éclair / 1895 

    Notes et synthèse / Martial Andrieu

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