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  • La conférence Anti-maçonnique de Robert Vallery-Radot, le 26 octobre 1942

    Que l'on le veuille ou pas ; que l'on l'accepte ou pas... Carcassonne a toujours été une ville conservatrice et profondément catholique. Elle se distingue en cela de sa rivale Narbonnaise, beaucoup plus laborieuse et populaire. Il y a dans la capitale audoise depuis fort longtemps une bourgeoisie qui dirige ou qui pèse fortement sur sa destinée. Quand on nous parlons d'élan bourgeois, nous ne faisons pas de distinction entre ceux de gauche et ceux de droite. Le Radicalisme socialiste a prouvé dans notre région qu'il s'accommodait fort bien de la politique de Vichy. Il n'est d'ailleurs pas étonnant de voir quelques noms célèbres localement émerger aux côtés des maréchalistes, dès 1940. Dans ce contexte, doit-on s'étonner de voir l'écrivain catholique Robert Valléry-Radot au Théâtre municipal, le 26 octobre 1942 ?

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    Qui est Vallery-Radot ?

    Robert Vallery-Radot (1885-1970), croix de guerre et légion d'honneur à la boutonnière pour ses faits d'armes durant la Grande guerre est ami de Mauriac et Bernanos avant 1914. Tenté par le fascisme en 1930, il milite contre la Franc-Maçonnerie et publie de nombreux ouvrages sur ce thème. En 1940, il rejoint le régime de Vichy et doit s'exiler en Espagne à la Libération pour échapper à l'épuration. Après l'amnistie, il est ordonné prêtre en 1953 et finit ses jours à l'abbaye cistercienne de Bricquebec (Manche). Il prend le nom de père Irénée.

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    Dans son ouvrage "La contrition de Joë Bousquet", le chanoine Sarraute indique que Vallery-Radot s'est rendu au chevet de Joë Bousquet en 1942 : "Admirateur du poète François-Paul Alibert qui était un ami de Joë Bousquet et plus qu'un ami, une sorte de maître, c'est certainement en sa compagnie qu'il vint le voir." Radot rendit compte de sa visite au chanoine Sarraute en ces termes à propos de Bousquet : "C'est un gnostique". (...) Il lit Erigène, Saint-Jean de la Croix, mais il n'y a pas chez lui la moindre pratique."

    La conférence

    "En présence d'un public attentif et nombreux M. Vallery-Radot fait un historique très documenté de la Franc-Maçonnerie rappelant ses origines à Londres, en 1777, d'où elle s'étendit immédiatement en France, tout en restant sous l'obédience du roi d'Angleterre et de deux pasteurs anglicans qui édictaient les mots de passe. 

     L'orateur met en évidence la coopération d'idées et d'action de la City anglaise et de la F-M, l'influence néfaste des écrivains français du XVIIIe siècle tels que Voltaire, Montesquieu, Diderot qui symbolisent l'esprit maçonnique, et on arrive aux déplorables résultats dont nous supportons les funestes conséquences.

    M. Vallery-Radot montre que les adeptes de la secte sont de trois sortes : les naïfs, les fanatiques et les profiteurs. Il espère que les premiers auront compris ; quant aux autres, il déclare qu'ils doivent cesser de nuire. L'orateur insiste sur l'action criminelle conjuguée de l'Angleterre et de la F-M pour nuire à la France. Il rappelle les évènements de Fachoda, la scandaleuse attitude des francs-maçons qui, en juin 1917, tenaient un congrès à Paris pour empêcher la paix avec l'Autriche qui aurait mis fin à la guerre un an plus tôt. Il dénonce le rôle d'hommes d'état américains et anglais dont le but était d'asservir la France comme le montrent les plans Young, Dawes, etc... et flétrit l'alliance de la finance internationale de la Cité de Wall-Street, cimentée par les liens maçonniques.

    Aussi, M. Vallery-Radot n'hésite pas à affirmer que les responsables de la défaite sont les francs-maçons alliés aux juifs et soutenus par le communisme destructeur. La guerre actuelle, dit-il, est une guerre d'idées qui met d'un côté les barbares d'Asie alliés aux juifs et aux maçons et de l'autre les défenseurs de la civilisation européenne. Il faut prendre position et l'orateur conclut en proclamant que la France, fière de son passé à ses traditions, ne peut pas hésiter et confiante dans son destin suivra les directives du Maréchal qui lui a montré la voie de la renaissance et de la résurrection."

    (L'Eclair / 1942)

    Si de nombreux catholiques ont été bercés par la propagande de Vichy, c'est qu'ils se faisaient la même idée que Vallery-Radot sur le déclin de la France, ci-dessous exprimée en 1941. Une idée qui n'a pas disparu... Le discours de M. Valléry-Radot résumé par l'Eclair en 1942, a encore aujourd'hui un côté très contemporain. Ce qui est intéressant à étudier, ce sont les rapports sociologiques et idéologiques assez troublants entre Carcassonnais, que l'on nous présente depuis 1944, à priori, comme opposés.

    "Il ne s’agit pas de savoir s’il y a tel ou tel Juif qui a bien servi la France (il en existe certes et nous en connaissons), mais si, dans son ensemble, la nation juive, par sa conception économique du monde, autant que par le ferment révolutionnaire qu’elle porte héréditairement en elle, a tenté par tous les moyens de dissoudre la chrétienté. Or, les faits sont là."

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  • L'artiste peintre Jean Dubuffet (1901-1985) à Carcassonne chez Joë Bousquet

    Nous sommes au début de 1944...

    Jean Dubuffet

    n'est pratiquement connu de personne. Dans sa chambre sombre et calfeutrée de la rue de Verdun, Joë Bousquet reçoit une lettre de son ami Jean Paulhan au sujet de ce nouveau peintre : "Te parlerai de lui..." Les mois passent et la curiosité du poète Carcassonnais se trouve mise à mal : "Tu me fais griller d'impatience avec Dubuffet..." lui répond-il. 

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    © Archives Fondation Dubuffet

    Jean Dubuffet en 1945

    Durant l'année 1944, Jean Dubuffet envoie une de ses toiles à Joë Bousquet. Il s'agit de "Haut négoce" dont nous avons emprunté la photo ci-dessous à la Fondation Jean Dubuffet.

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    © ADAGP, Paris 2016

    "Chaque jour, je pense à Dubuffet, et maintenant devant Haut négoce (on est gosse, on naît gosse, on n'est gosse) qu'il m'a envoyé, et qui a chassé la nuit de ma chambre, car pour mieux voir ce tableau, je vis les contrevents ouverts... (Lettre de Jean Paulhan)"

    "Ce dimanche aurait été comme effacé de ma vie si je n'avais eu continuellement sous les yeux le petit Dubuffet. Je te devrai et lui devrai d'avoir passé le jour le plus inoubliable, le plus créateur de mon existence... Mais j'avais le Dubuffet ! J'ai d'abord admiré ces couleurs, j'ai vu les trouvailles avant tout, l'art de creuser une teinte avec des lignes, de donner à des bleus, grâce à des traits noirs, une sorte de profondeur ardente. Mais hier soir, déjà, ayant posé la peinture près de Paul Klee j'ai vraiment préféré le Dubuffet et j'ai compris pourquoi."

    "Une nouvelle lettre de Joë Bousquet, si émouvante ! il aime bien, vous voyez, mon Haut Négoce". Il a ouvert sa fenêtre et moi, j'aime passionnément ses lettres... (Lettre de Jean Dubuffet à Jean Paulhan)

    Le 4 avril 1946, Joë Bousquet écrit au chanoine Sarraute : "Dubuffet m'envoie un admirable recueil de lithos en couleurs". L'année suivante, Jean Dubuffet se déplace à Carcassonne et rend visite à Joë Bousquet. Il réalise coup sur coup trois portrait du poète dans son lit, dont un en grand format se trouve au Museum Of Modern Art de New York (MOMA).

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    © ADAGP, Paris 2016

    En retour d'une admiration réciproque, Bousquet écrit "Partition" dont la veine poétique est essentiellement issue des liens tissés avec Dubuffet. On pourra lire dans le remarquable ouvrage "Max Ernst, l'imagier des poètes" la note suivante :

    "Dans la Romance du seuil, Joë Bousquet intitule une de ses sections "La Rainette du noir" qui renvoie à son texte concomitant sur Dubuffet dans lequel il compare la main de Dubuffet à la rainette du noir."

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    On pourra également se référer au catalogue de l'exposition Jean Dubuffet qui se tint au Musée des beaux-arts de Carcassonne en 1998.

    Paysages du mental

    Sources

    La contrition de Joe Bousquet / Gabriel Sarraute / 1981

    La chambre de Joe Bousquet / Pierre Cabanne

    J. Bousquet : Une vie à corps perdu / E. de la Héronnière 

    Remerciement à Fondation J. Dubuffet

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  • La ruine de la maison natale du savant Paul Sabatier dans Carcassonne

    Inutile de vous présenter - je le suppose - l'illustre savant Paul Sabatier qui naquit à Carcassonne le 5 novembre 1854 dans un immeuble de l'actuelle place Carnot.

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    Paul Sabatier né, place aux herbes n° 10, d'Alexis Sabatier (chapelier) et de Pauline Guilhem

    Notre ville - toujours bipolaire et d'une grande richesse culturelle - possède deux villes (la Cité et la Bastide), deux sites UNESCO (la Cité et le Canal du midi), mais aussi deux Prix Nobel :

    Paul Sabatier (1912) et Albert Fert (2007)

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    Paul Sabatier

    On préfèrera sans doute s'enorgueillir davantage des illustres gladiateurs de l'ovalie, dont le rayonnement ne dépasse guère les frontières du massif des Corbières. Dont acte ! Avec ceux-là, on remplit mieux les urnes depuis longtemps...

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    C'est donc dans cet immeuble à droite qu'est né l'illustre savant. Si ailleurs tout se termine par des chansons, à Carcassonne tout se termine par les destructions de notre patrimoine culturel. Inutile d'énoncer ici la longue litanie des bâtisses, rayées de la carte historique de la ville. Ce qui sauve - pour le moment - le patrimoine de la bastide Saint-Louis c'est qu'il se trouve en secteur préservé. Il y a fort à parier que dans le cas contraire, les bailleurs sociaux auraient déjà pilonné le centre historique afin d'édifier des blocs de béton du plus bel effet.

    Jusqu'en décembre 2010, la maison de Paul Sabatier accueillait une pizzeria. L'immeuble menaçant de s'écrouler, la municipalité Pérez prit un arrêté de mise en péril immédiat. Ceci contraint normalement les propriétaires à effectuer les travaux nécessaires... Quatre mois après et 10 employés au chômage technique plus tard, le journal la Dépêche dressait le constat suivant :

    "Et depuis, rien ou presque ne s'est passé. Une première phase de mise en sécurité de la façade de l'immeuble a été réalisée. Mais la suite, c'est-à-dire la phase II, imposée par les experts, pose problème. Les investisseurs privés de l'AFUL (association foncière urbaine libre) désormais transformée en Société civile immobilière ne sont pas prêts à mettre la main à la poche. Et pour cause. À ce jour, seulement trois des huit appartements qui doivent être réalisés ont été vendus dans le cadre de la loi Malraux. Pour Michel Chadelas, qui détient près de la moitié de l'indivision, la situation relève du dilemme. « Si l'on met la main à la poche maintenant, c'est à fonds perdus. Ce serait dépenser de l'argent sans rapport, et ce, même si cela nous permettrait de commercialiser mieux les biens. Notre logique, c'est que si l'on doit démarrer des travaux, c'est sur l'ensemble, et jusqu'au bout. Pour cela, il faudrait vendre trois appartements de plus et je prendrai le risque de deux pour moi, quitte à les louer… », explique l'homme d'affaires. Ce qu'il espère, c'est bénéficier d'un délai pour relancer la commercialisation de l'immeuble pour, et c'est son hypothèse récurrente, lancer le chantier en fin d'année pour une livraison un an plus tard. "

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    La plaque sur la façade

    "Du côté de la Ville, c'est l'impatience. Tamara Rivel, adjoint au maire en charge de l'urbanisme, n'est pas du tout dans la même logique que ces investisseurs. Ils seront d'ailleurs mis en demeure de démarrer très vite les travaux de la phase II dès la date butoir. « Ils doivent comprendre que plus ce bâtiment prend l'eau, plus il s'abîme », souligne, logiquement, l'élue. La phase II impose, essentiellement, la destruction du plancher du dernier étage et la reprise complète de la toiture. Un investissement, utile, mais que les promoteurs ne semblent pas en mesure d'assumer. Si tel est le cas, c'est la mairie qui réalisera les travaux, comme l'impose l'arrêté de mise en péril. Puis, elle devra demander des comptes aux investisseurs… « Là aussi, si je me fie au rapport d'expert, ce serait de l'argent perdu pour tout le monde », regrette Michel Chadelas. « On serait obligé de détruire, par la suite », ajoute-t-il. Le dossier est dans l'impasse pour l'instant. La reprise, timide, de l'immobilier pourrait le faire évoluer. Mais quand ? Trop tard pour sauver l'institution Pizza Pepone en tout cas."

    Six années sont passées... Où en est ce dossier ? Vu de l'extérieur, l'immeuble n'est pas très reluisant et quand on jète un coup d'oeil derrière les vitres de l'ancien commerce, on comprend vite qu'il s'agit d'une friche - une de plus - au coeur de la bastide Saint-Louis. 

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    La maison où vécut P. Sabatier à Toulouse

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    Est-il utile de comparer les deux immeubles ?

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    La tombe de Paul Sabatier se trouve au cimetière St-Vincent de Carcassonne.

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