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  • Le tour de l'âne dans le quartier de la Barbacane

    Grâce à Paola Barberis et aux petits trésors qu'elle a retrouvés dans de vieilles boîtes à sucre, nous sommes en mesure de vous présenter plusieurs photographies inédites du

    Tour de l'âne

    à Saint-Gimer. Une époque où le dernier marié de l'année chevauchait ce gentil mais têtu équidé, dans toutes les rues du quartier de la Barbacane. Voilà qui devrait remémorer de nombreux souvenirs aux plus anciens d'entre-vous.

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    Tour de l'âne 1968

    Pendant 36 ans, le café Azéma (discothèque la Bulle) tenu par les familles Azéma et Gardel fut le quartier général des fêtes de St-Gimer. Pauline Azéma en vit passer des Tours de l'âne - la tradition typiquement Carcassonnaise, aujourd'hui disparue :

    "Ah ! ça c'était quelque chose. Après que le dernier marié de l'année y fut monté dessus, je me souviens qu'ils arrivaient tous au café pendant la fête du quartier, âne compris, pour se faire payer à boire. Après plusieurs tournées, les hommes donnaient leur bière à l'âne qui repartait du café à moitié saoul. C'était une tradition."

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    Le comité des fêtes 1971

    Sin Roger (Président), Denis Rancher (Vice-président), Claude Salvetat (Secrétaire), Michel Rufas (Secrétaire adjoint), Jean-Luc Belloc (trésorier), Jean-Luc Clamenc dit Banane (trésorier adjoint)

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    La barbacane en 1971

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    Crédit photos

    Paola Bourrel

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  • Le Grand Café Grilhot au portail des Jacobins

    La trace la plus ancienne que nous ayons retrouvée de cet établissement remonte aux années 1850. Situé contre l'ancien rempart de la bastide Saint-Louis à côté du portail des Jacobins, le

    Grand Café Grilhot

    faisait la fierté de la belle société Carcassonnaise. 

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    © Coll. Patrice Cartier

    De sa magnifique terrasse, placée sous les beaux platanes du boulevard Barbès, d'où tombe une douce fraîcheur, on domine le boulevard des Jacobins, avec ses tilleuls qui exhalent de suaves et enivrantes senteurs. En face, une splendide vue de la Cité et un long horizon.

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    Il semblerait que les frères Bec aient créé le restaurant avant de passer la main à Pierre Rieux. En 1881, celui-ci annonce que le restaurant du grand café sera mis entre les mains de M. Cance - connu pour son habileté dans l'art culinaire - à partir du 1er août. Le 21 novembre 1885, MM. Maymou frères - ex limonadiers à Narbonne - font l'acquisition du Café Grilhot en remplacement de M. Rieux. Ils s'associeront ensuite avec M. Pouget.

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    Le Grand Café Grilhot était le siège de plusieurs associations, dont le Cercle Républicain et le Cercle des fonctionnaires. On y jouait au billard ; en 1876, M. Léon Goffart le célèbre professeur de billard y a fait 117 carambolages de série. Initiés par les frères Maymou, les concerts devant la terrasse connaissent un très grand succès, grâce à la grande qualité des interprètes. L'établissement jouit également d'un bel emplacement pour les jours de foire sur le boulevard.

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    Sur cette carte postale, on aperçoit à gauche, la façade du Café-Restaurant Grilhot au début du XXe siècle. L'établissement connut ensuite des transformations... De mémoire, on peut citer les restaurant de la Terrasse, la rôtisserie périgourdine (Bonnaure), Les Jacobins (M. Salmon), etc... Aujourd'hui, l'ancien Café Grilhot est défiguré par deux vérandas qui cachent la belle façade sur l'ancien rempart édifié sous Saint-Louis. Il faudra sans doute beaucoup de courage aux ABF pour exiger qu'il retrouve un jour son aspect originel.

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  • Francisco Ferrer n'a pas droit de cité... à Carcassonne

    Pratiquement toutes les villes de France ont donné à leurs artères ou établissement publics, le nom de Francisco Ferrer.

    Nous vous proposons dans cet article d'apprendre qui était ce citoyen Catalan et pour quelles raisons n'est-il pas passé à la postérité à Carcassonne. Vous verrez que l'étude historique permet de mieux comprendre les comportements sociologiques et politiques d'aujourd'hui. 

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     Francisco Ferrer i Guardia naît en 1859 près de Barcelone dans une famille bourgeoise et reçoit une éducation catholique conservatrice. Il s'en détourne grâce à son oncle, fervent républicain anticlérical. Après la mort de ce dernier, un ami de la famille chez qui il est placé dans l'espoir de lui faire retrouver la "raison", va au contraire faire progresser les idées libertaires du jeune Ferrer. Après avoir fréquenté les milieux anarchistes, Ferrer reste un militant acharné de la République dans une Espagne monarchiste. Il entre en Franc-maçonnerie dans la loge "La verdad" (la vérité).

    En 1886, Francisco Ferrer participe au coup d'état manqué du général républicain Villacampa. Recherché en Espagne, il se réfugie alors en France où il est accueilli par ses frères du Grand Orient de France. Après de petits boulots, il obtient un poste de professeur d'espagnol au lycée Condorcet. Ferrer rencontre  Léopoldine Bonnard - une jeune libertaire qui lui donnera un fils - et entretient une relation avec une vieille demoiselle Meunié. En 1901, elle lui lègue sa fortune avec laquelle Francisco Ferrer monte l'Ecole moderne.

    "Ferrer en vient à penser qu’une nouvelle forme d’éducation – porteuse d’un projet d’émancipation de l’individu et en totale rupture avec les institutions religieuses et étatiques – devra précéder la transformation sociale. Pour lui, l’éducation émancipatrice, en transformant les mentalités des générations futures, est la clé de l’émancipation humaine (Guillaume Goutte)."

    La pédagogie de Ferrer repose sur cinq piliers essentiels : la mixité, l'égalité sociale, la transmission d'un enseignement rationnel, l'entraide et l'autonomie. Les droits d'entrée à l'école sont proportionnels aux revenus. La laïcité n'est pas chez Ferrer source d'émancipation intellectuelle car elle s'articule, selon lui, autour d'un nationalisme d'état auquel il faut être soumis. Il préfère le rationalisme.

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    « Notre enseignement n'accepte ni les dogmes ni les usages car ce sont là des formes qui emprisonnent la vitalité mentale (...) Nous ne répandons que des solutions qui ont été démontrées par des faits, des théories ratifiées par la raison, et des vérités confirmées par des preuves certaines. L'objet de notre enseignement est que le cerveau de l'individu doit être l'instrument de sa volonté. Nous voulons que les vérités de la science brillent de leur propre éclat et illuminent chaque intelligence, de sorte que, mises en pratique, elles puissent donner le bonheur à l’humanité, sans exclusion pour personne par privilèges odieux."

    A l'école moderne, il n'y a ni examens, ni compétition. Chaque enfant pratique l'entraide avec ses camarades ; les plus forts aident les plus faibles. Les enseignants n'interviennent que pour donner les cap des choses à apprendre, mais les élèves construisent seuls leur cheminement éducatif. Les sanctions sont également abolies, car on considère que la société doit bâtir des enfants responsables, agissant selon leur libre arbitre.

    Francisco Ferrer instille des idées anarchistes et libertaires aux élèves, en dehors du contrôle de l'état et de l'église. L'attentat de Mateo Morral - ancien élève de l'Ecole moderne - contre le roi Alphonse XIII en 1909, donne un prétexte au régime pour l'interdire. Ferrer est arrêté et emprisonné pendant un an, malgré les protestations. Aucune charge n'ayant été retenue contre lui, il sort avec l'autorisation d'ouvrir à nouveau l'Ecole moderne de Barcelone. De retour à Paris, il fonde La ligue internationale pour l'éducation rationnelle de l'enfance, avec pour président honoraire Anatole France. La Revue l'Ecole rénovée compte 900 abonnés ; les préceptes de Ferrer trouvent un écho en Europe.

    En 1909, la guerre du Rif éclate au Maroc. Pour échapper à la conscription, les ouvriers espagnols doivent payer une somme très élevée, hors de portée de leurs revenus.

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    © BNF

    La Guardia civil pendant les grèves

    Une grève se déclenche à Barcelone pour protester et le gouvernement espagnol envoie la troupe pour la mater. Le 2 août 1909, les militaires font 75 morts, 500 blessés et procèdent à 2000 arrestations. Du côté des insurgés, trois militaires sont tués et 112 bâtiments incendiés dont 80 édifices religieux.

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    Le Catalan Francisco Ferrer est désigné coupable par l'évêque de Barcelone :

     Les partisans de l'École sans dieu, de la presse sectaire et des cercles anarchistes qu'il faut supprimer.

    Il est arrêté et mis en prison, avant qu'un simulacre de procès expéditif ne le condamne à mort.  Son défenseur écrit alors :

     Je me trouve en face d'un procès terminé sans que l'instruction, en quête seulement de charges, et ayant eu recours dans ce but à des ennemis politiques de Ferrer qui, par tous les moyens, ont essayé de salir mon client, ait un seul moment recherché la vérité. 

    Francisco Ferrer est fusillé à Monjuich (Barcelone) le 13 octobre 1909 à 9 heures. Debout et face au peloton, il criera ces mots :

    Mes enfants, vous n'y pouvez rien, visez bien. Je suis innocent. Vive l'École Moderne

    Le procès sera révisé en 1911 et Ferrer reconnu innocent en 1912

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    La tombe de Ferrer au cimetière de Montjuich

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    En apprenant la nouvelle, partout en France dans les milieux républicains des voix s'élèvent pour dénoncer le crime odieux. De grandes manifestations s'organisent comme à Paris et Toulouse, le 17 octobre 1909.

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    © BNF

    La manifestation parisienne du 17 octobre 1909

    A Carcassonne, la Bourse du travail organise un meeting au théâtre municipal. Le journal Carcassonnais "La justice sociale" d'obédience socialiste explique qu'il a refusé de se rendre à ce rassemblement hypocrite. Il accuse Sarraut et Briand de n'avoir pas, au nom du gouvernement français, fait pression sur l'Espagne afin d'empêcher l'exécution de Ferrer. Voici, selon le journal, ce que les cercles républicains de Carcassonne auraient dû dire à ce meeting :

    Considérant que l'exécution arbitraire de Francisco Ferrer constitue un crime irrémissible non seulement contre les droits de l'individu, mais encore et surtout contre toute espèce de pensée libre,

    Considérant que le gouvernement espagnol, en commettant cet attentat, a donné un nouveau gage à toutes les forces de régression morale, politique et religieuse, qui tendent à ramener le peuple à plusieurs siècles en arrière,

    Protestent au nom de la raison et de la pensée laïque, contre l'acte monstrueux qui vient d'être commis,

    Regrettent que la protestation qui a eu lieu à Carcassonne n'ait pu se faire entendre quelque jours plus tôt, afin d'avoir une portée effective, et non le caractère purement platonique qu'elle revêt désormais,

    Et regrettent plus vivement encore que les citoyens Briand et Sarraut qui représentent officiellement en France le socialisme arrivé au pouvoir, n'aient pas demandé au gouvernement d'Alphonse XIII l'élargissement et la vie de Ferrer, étant donné que leur remontrance aurait eu beaucoup plus de chances d'être écoutée que celle de tous les cercles républicains français réunis.

    La rue Francisco Ferrer

    Lors du conseil municipal de Carcassonne du 30 novembre 1909, la proposition de M. Courtade de donner un nom de rue au fondateur de l'Ecole moderne, est adoptée. La rue des Champs dans le quartier des Capucins devra être débaptisée en faveur de F. Ferrer, selon le voeu des élus socialistes. 

    Un mois après, le 23 décembre... le conseil municipal fait état d'une lettre de protestation du chanoine Combes contre cette décision. Il rappelle qu'il avait donné à la ville les terrains pour réaliser une partie de la rue des champs, afin qu'elle porte le nom de Jeanne d'arc. Il réitère cette demande en s'opposant au nom de Francisco Ferrer. Le maire accède à sa demande et indique que l'actuelle rue des Rames portera bientôt le nom du martyr espagnol.

    Le 8 novembre 1910, le Midi Socialiste s'indigne :

    La rue des Rames s'appelle toujours ainsi. Elle attend toujours les plaques qui doivent changer son nom. Qu'attend-on pour exécuter une décision prise par le conseil et approuvée par l'opinion ? Il y a longtemps que Castres, Mazamet, Albi, etc... ont la rue Ferrer. Pourquoi lambine t-on ? Les uns attribuent ce retard à la municipalité, les autres à la négligence du préfet. Le public se demande quels sont les motifs des lenteurs administratives. Pourquoi Fédou plutôt que Ferrer ? Qu'es aco Fédou ! Est-ce que la préfecture craindrait-elle de froisser les sentiments des cléricaux, ses nouveaux amis ?

    Il faudra attendre le 8 novembre 1920 - dix ans plus tard - pour que le conseil municipal après avoir validé les changements des boulevards du musée et de la préfecture (Pelletan et Jaurès) et de la rue de la gare (Clémenceau), se décide à renouveler une motion en faveur de la rue Ferrer, rue des champs. Ceci malgré l'opposition de la Société des Arts et Sciences de Carcassonne présidée par M. Jeanjean, en séance du 6 juin 1920.

    Pendant quelques mois, la rue des champs prit le nom de Francisco Ferrer, mais... un décret ministériel du 30 octobre 1920 annule l'arrêté municipal. La préfecture de l'Aude s'est visiblement opposée à ce changement de nom au profit d'un libertaire, à deux pas du patronage Jeanne d'arc. Elle ne verra pas d'opposition à ce qu'elle prenne le nom de l'archiviste Joseph Poux le 10 décembre 1940.

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    Aujourd'hui encore Carcassonne n'a toujours pas donné de nom de rue à Francisco Ferrer. Ce blog ne porte pas de jugement, mais cette histoire nous éclaire sur la bipolarisation de la société Carcassonnaise. 

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