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  • Hermann Cohen (1820-1871), compositeur et fondateur des Carmes de Carcassonne

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    Hermann Cohen, fils d'un banquier juif allemand, mène au début de sa vie une existence dissolue. Interllectuellement très avancé pour son jeune âge, à quatre ans et demi il voulait jouer du piano comme son frère aîné. À six ans, il a complètement dépassé ce dernier et commence à improviser, ce qui impressionne les musiciens les plus avancés. C'est contre l'avis de son père qu'Hermann se lance dans la musique. Qu'importe ! Aidé par sa mère qui en fait une icône, le jeune prodige est mis sur un piédestal et rien n'est trop bon pour ses caprices. Tant et si bien qu'il écrira plus tard: "J'étais le tyran de la famille, gâté et choyé. Tout le monde devait courbettes devant mes caprices ; "Tais-toi Hermann, dort". Etre silencieux: "Hermann étudie. Etre silencieux: Hermann compose." Il admet qu'à cette époque, il était avide et n'avait aucune moralité.

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    Franz Liszt

    (1811-1886)

    La situation ne s'est pas arrangée quand sa mère l'a amenée à Paris à l'âge de douze ans, afin qu'il y rencontre des musiciens célèbres: Chopin, Liszt et Zimmerman. Franz Liszt épaté par le talent du jeune garçon le prit sous son aile. Dans les salons musicaux, il rencontra Amandine Dupin (George Sand) dont il dira qu'elle a renforcé sa réputation et même provoqué de la jalousie. En 1836, Liszt qui a quitté sa femme s'enfuit avec une comtesse qui n'aura de cesse de tenter de couper les liens entre son amant et Hermann. Il aura fallu trois ans pour qu'elle arrive à ses fins. Elle l'accusa même d'avoir volé son professeur. La preuve n'a jamais été apportée.

    Quelques réflexions commencent à germer sur l'existence qu'il mène:

    " Quand je dis que tous les jeunes vivaient comme moi, je n'exagère pas. Il y avait le plaisir partout, et ils voulaient les ressources nessaires pour l'acheter. Ils n'ont jamais pensé à Dieu, qu'à eux-mêmes et à leur désir d'accumuler des choses. leurs seuls repères moraux étaient le respect humain et le désir de rester sur le côté droit de la loi." Une chose commençait à bouger dans l'âme d'Hermann, mais il se méfiait du clergé. À vingt-sept ans, il commença à visiter les églises avec une bible donnée par Liszt, profondément ému par la musique pour orgues. Sa confiance en Dieu grandit: " Oui, je connaissais déjà Jésus-Christ, je l'ai vu, je l'ai senti, senti son toucher sur chaque page. J'ai compris que je devais briser les chaînes  qui me liaient et marcher vers lui, mais je n'ai pas pu le faire. J'ai fait des résolutions du matin qui ont disparu dans la soirée." Dans sa chambre, une vie austère s'était installée au milieu d'un lit en fer, d'un crucifix, d'une petite statue de Notre-Dame et de deux photos ; l'une de Sainte-Thérèse d'Avila et l'autre, de Saint-Augustin."

    Hermann ne voulait pas consciemment devenir catholique. C'est arrivé d'une façon spectaculaire:

    "Il est arrivé au mois de mai de l'année dernière 1847. Le mois de Marie a été célébré en grande pompe à l'église Ste-Valère (démolie dépuis). Diverses chorales jouaient de la musique et chantaient. L'organisateur m'a demandé si je ne voulais pas diriger les choeurs. Je suis allé prendre ma place, uniquement pour l'intérêt de la musique. La cérémonie ne m'a pas touché beaucoup, mais au moment de la bénédiction j'ai senti quelque chose en moi comme si je m'étais trouvé. Il était comme le fils prodigue me faisant face. Quand je suis retourné le vendredi suivant, ce fut la même chose. J'ai pensé à devenir catholique." Hermann a attribué la grâce de son conversion à Notre-Dame et il s'est consacré à elle. Il a étudié, pratiqué les exécices de la dévotion et la méditation."

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    L'église des Carmes, à Carcassonne

    En 1850, après avoir terminé son noviciat à Bordeaux et être retourné aux Carmes d'Agen où il fut ordonné le 19 avril 1851, il avait trente ans. Il fut envoyé à Carcassonne pour restaurer les Carmes qui avaient été fermés à la Révolution française. Il institua avec Mgr de la Bouillerie, évêque de Carcassonne, l'adoration nocturne.

    compositeurs

    Le choeur de la cathédrale Ste-Edwige de Berlin

    Herman Cohen est décédé le 20 janvier 1871 à Spandau et est inhumé dans la cathédrale Sainte-Edwige de Berlin.

    Oeuvres pour piano

       Fantaisies et thèmes d'opéra

    Fleurs d'hiver, danses pour piano

    Douze pièces pour virtuose

    Nuit vénitienne

    Schlummerlied

    Les bords de l'Elbe

    Musique sacrée

    Gloire à Marie (32 cantiques)

    Amour à Jésus-Christ

    Fleurs du Carmel

    Couronnement de la Madone

    Thabor (20 cantiques et 1 motet)

    Messa a tre voci, choeur et solistes

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  • Des nouvelles de la Villa de la Gestapo...

    J'ai attendu quelques mois pour prendre contact avec la nouvelle majorité municipale en place depuis mars dernier, pour évoquer le devenir de la Villa de la Gestapo, sise 67 avenue Roosevelt. Chacun sait, le travail que j'ai mené pour qu'elle ne soit pas rasée et, in fine, pour la mémoire des martyrs du nazisme. Jean-Claude Pérez, député-maire de Carcassonne, avait alors décidé d'en faire une maison pour les associations des droits de l'homme. La ville devait la racheter au prix des domaines à Habitat Audois pour moins de 100 000 euros et la remettre progressivement en état sur quatre ans, pour un coût total avoisinant les 400 000 euros. Il avait été envisagé pour faire baisser la facture de confier la restauration à un chantier d'insertion. D'autres pistes n'ont pas été explorées pour soutenir financièrement ce projet, comme par exemple, une subvention de la Communauté Européenne. Quoi qu'il en soit, la pérennisation de cette bâtisse historique passera selon moi, par son inscription à l'inventaire des monuments historiques. Il faudra se battre pour faire admettre à la DRAC qu'au-delà de son aspect architectural quelconque, doit être pris en compte l'intérêt mémorial du lieu. Chacun connaît désormais mon opiniâtreté et mon engagement, mais je n'ai pas le pouvoir de décision. C'est donc tout l'enjeu du rendez-vous que m'a accordé à ma demande, Isabelle Chésa (adjointe à l'urbanisme et au patrimoine) pour le 15 juillet prochain.

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    Il ne se passe plus rien sur le chantier de la Villa de la Gestapo depuis des mois. C'est-à-dire depuis que le parc a été d'abord sondé, pour savoir s'il ne contenait pas un charnier. Ce sondage réalisé par l'INRAP n'a débouché sur rien, mais la prescription dut se faire sur un petit périmètre et sur 30 cm de profondeur. Les travaux sur le fond de la parcelle pour la construction de logements sociaux n'ont pas démarré. Notons que pendant ce temps, la maison continue lentement à agoniser...

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  • Une lettre de René Nelli, adjoint au maire nommé par Vichy

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    Nous ignorons à qui est adressé ce courrier daté d'août 1942, alors que René Nelli est adjoint au maire de Jules Jourdanne, nommé par Vichy. Dans cette lettre, Nelli fait référence à la manifestation du 14 juillet 1942 en faveur de la République, à laquelle il se défend d'avoir participé.

    Avant cette date, un grand nombre des anciens combattants de 14-18 adhérents à la Légion et d'autres soutiens de l'illustre vainqueur de Verdun, ont démissionné notamment à cause des lois anti-juives en zone occupée. Loin de nous l'idée d'instruire un procès contre l'attitude de René Nelli en 1942 et des soutiens dont il a dû bénéficier après la guerre pour taire son penchant maréchaliste. Simplement, il y a des personnes dont le courage fut remarquable dès 1940 et dont on parle beaucoup moins... Nous avons conscience de fragiliser un mythe, celui d'un érudit et d'un formidable défenseur du catharisme. Tant et si bien, que les recherches de Déodat Roché et son laboratoire au milieu de la forêt de Puivert, sont passées en pertes et profits.  Ce courrier de l'été 1942 est tout de même étrange, car le Post-Scriptum parle implicitement — nous le supposons— de la Section locale de la Légion française des combattants et de son directoire central.

    Carcassonne, 8 août 1942 

    Monsieur,

    J'avais, ce me semble, autant le droit, en tant qu'adjoint au maire, nommé par le Ministre de l'intérieur, d'observer les réactions du peuple carcassonnais à l'occasion d'une fête qui demeure nationale, que les membres de la légion de surveiller leurs magistrats municipaux. Et ma présence à cette manifestation est au moins aussi explicable par celle de ces messieurs qui m'y ont entr'aperçu.

    Quant aux misérables délateurs qui sont allés raconter à mes chefs hiérarchiques que j'avais défilé, chanté, porté l'insigne "républicain" - mensonges qui n'on eu guère d'effet - on m'a dit qu'ils étaient de la légion. Je n'en crois rien: les légionnaires sont des gens d'honneur qui ont retenu la noble parole de M. le Maréchal Pétain, à la population de Carcassonne: "Tâchez de dégoûter les français de la délation !"

    Cependant si vous les connaissez, je vous serais très obligé de me donner les noms. Je les prierai de répéter devant les tribunaux les griefs qu'ils ont contre moi. Et en attendant, vous pourrez les assumer de mon plus profond mépris.

    Salutations,

    René Nelli.

    PS: Bien entendu, pour ne pas que cette lettre puisse être interprétée abusivement, je renouvelle ici mon serment de fidélité à M. le Maréchal Pétain - valable même pour le cas où je démissionnerais de la section locale et adresse copie de cette lettre au directeur central.

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    Biographie de Miquèl Ruquet

    (Association Maitron Languedoc-Roussillon)

    René Nelli naquit le 20 février 1906 à Carcassonne. Son père, Léon Nelli (1864-1934), architecte et peintre, avait de lointaines origines italiennes. Sa mère, Louise Constance Beurienne, était parisienne. Elle mourut alors que René n’avait que dix ans. Son père se remaria avec Marguerite Descard. À la fin de ses études au Lycée de Carcassonne, son professeur de philosophie, Claude-Louis Estève, le mit en contact avec Joë Bousquet, le poète grabataire. En janvier 1928, il fonda avec ce dernier la revue Chantiers. À l’hypokhâgne du lycée Louis-le-Grand, entre 1924 et 1927, il côtoya Roger Vailland et, par la suite, fit la connaissance des écrivains surréalistes André Breton et Paul Éluard au moment où ils adhérèrent au Parti communiste.
    Il effectua son service militaire en 1930-1931, à Hyères (Var), puis à Toulouse où il découvrit la revue Oc et la Société d’études occitanes. Louis Alibert, linguiste qui précisa la norme classique de l’occitan, le fit adhérer en 1935 à la SEO et au Félibrige. Pendant l’été 1931, il enseigna la littérature française à l’Institut français de Zagreb en Yougoslavie. Le 30 octobre 1931, il obtint un poste de professeur à Maubeuge (Nord). Dès 1933, il collaborait aux Cahiers du Sud tout en continuant à écrire pour Oc. À la rentrée 1934, il fut nommé professeur de collège à Castelnaudary. Lié à Maurice Sarraut, fils de l’ancien maire radical-socialiste de Carcassonne Omer Sarraut, il devint correspondant local du journal La Dépêche. À la demande de Jean Mistler, ministre et député radical socialiste de l’Aude, il fut candidat aux municipales en 1935. Au second tour, une liste d'union fut constituée, sur laquelle on raya neuf radicaux, dont Nelli, au profit de neuf socialistes. En juillet 1936, il fut nommé professeur de grammaire au lycée de garçons de Carcassonne. En 1938, il fonda la revue Folklore qu’il dirigea jusqu’en 1977. Le 4 septembre 1939, mobilisé au 343e RI en tant que sergent, il rejoignit le front des Alpes et fut démobilisé le 27 juillet 1940.
    Il reprit son poste au lycée de Carcassonne. L’année 1941, il fonda la revue Pyrénées et fut nommé conseiller municipal de Carcassonne et adjoint au maire. Nelli était un notable carcassonnais très proche des occitanistes maurassiens Louis Alibert et Ismaël Girard, ainsi que du Félibrige, et il connaissait les frères Sarraut et Jean Mistler, trois parlementaires qui avaient voté les pleins pouvoirs à Pétain. Il n’est pas exclu d’envisager un penchant maréchaliste de Nelli au début de la guerre, penchant fréquent dans le mouvement occitan, mais très vite il prit ses distances avec le régime, ne serait-ce que par sa proximité avec Joe Bousquet dont la maison fut un lieu de la résistance intellectuelle. Nelli, lui-même, accusé d’être sympathisant gaulliste, fut inquiété par la police de Vichy en juillet 1941. À la fin de l’année 1941, il fut convoqué à la préfecture de Toulouse, dénoncé pour menées séparatistes par certains occitanistes maurassiens. La presse collaboratrice le cita même parmi les intellectuels résistants de Carcassonne en mars 1944. En 1943, Nelli prit la présidence de la SEO. Il fut, la même année, le maître d’œuvre du numéro spécial des Cahiers du Sud, Le Génie d’Oc et l’homme méditerranéen. Ce numéro, préparé depuis 1935, fut un véritable affront à l’idéologie de l’occupant et des collaborateurs. Le Midi Libre du samedi 14 octobre 1944 le considérait comme un des résistants du lycée.
    À la libération de Carcassonne, le 21 août 1944, il fut rédacteur au Patriote du Sud-Ouest, l’organe des groupes de résistants communistes FTFP. Nelli fut aussi le secrétaire du comité des intellectuels audois, présidé par Joe Bousquet. Le 10 novembre 1944, Nelli fut délégué pour enseigner la philosophie au lycée de Carcassonne. L’année suivante, il se reconnaissait philosophiquement marxiste. Le 25 janvier 1945, il participa à la création de l’Institut d’Estudis Occitans avec Jean Cassou, Tristan Tzara, Ismaël Girard et Max Roqueta. L’IEO était proche du PCF, même si certains des fondateurs de l’IEO, liés au mouvement « Libérer et fédérer », reprenaient les idées fédéralistes de C. Camproux, idées qui se retrouvaient dans le journal auquel collaborait Nelli, l’Ase negre créé en août 1946. Nelli avait en charge Les Annales de l’Institut – revue semestrielle - et la revue trimestrielle Oc. Nelli se maria le 30 octobre 1945 avec Marcelle Suzette Ramon, professeure née le 20 avril 1918 à Castelnaudary. En 1946, il fut chargé d’un cours d’ethnographie à l’Université de Toulouse, cours qu’il assura jusqu’en 1974. De 1947 à 1963, il fut aussi conservateur du musée des Beaux-arts de Carcassonne.
    En 1950, Nelli demanda son inscription comme Citoyen du monde. Il s’agissait d’un acte qui montrait son éloignement du PCF. Dans ses lettres à Robert Lafont, il indiquait son opposition à la mainmise du PCF sur l’IEO et s’affirmait de plus en plus fédéraliste. Selon André Hérault, il adhéra à l’Union progressiste, puis à la Nouvelle Gauche lors de sa formation à Carcassonne en novembre 1955 et, fin 1957, à l’Union de la Gauche socialiste. L’UGS s’allia au cartel électoral de l’Union des forces démocratiques lors des législatives de 1958. René Nelli se présenta aux élections municipales de Carcassonne des 8 et 15 mars 1959 sur une liste UFD. La liste socialiste arriva en tête. Pour le second tour, grâce à la fusion des listes SFIO, UFD et communiste, deux UFD furent élus, dont René Nelli. Pour André Melliet, ancien responsable du PSU dans l’Aude, il rejoignit le PSU bien après la création du parti le 3 avril 1960 et le quitta bien avant 1970. Nelli fut candidat du PSU au poste de conseiller général du canton de Mouthoumet (Aude), le 3 décembre 1961, à la suite du décès du conseiller général socialiste. René Nelli, conseiller municipal de Carcassonne sous Vichy, fut taxé de collaborateur par Joseph Baro, candidat socialiste, maire de Termes. Baro fut élu au premier tour avec 594 voix, Nelli n’ayant que 185 suffrages. Cet engagement dans la deuxième gauche était lié à son opposition au colonialisme et à la guerre d’Algérie en particulier. En avril 1956, dans sa préface du livre de Georges-Henri Guiraud, Aux Frontières de l’Enfer, il dénonça en Algérie la « barbarie colonialiste », « le sadisme abominable » et « les méthodes impitoyables ». La section SNES du lycée, à laquelle appartenait Nelli, prit une position très ferme en octobre 1961 « contre les attentats perpétrés par les organisations fascistes », après que l’OAS eut visé le secrétaire académique du SNES, Pierre Antonini. Le 4 juillet 1962, Nelli l’anticolonialiste avait atteint un de ces buts. Le 27 avril 1963, ayant soutenu une thèse sur l’érotique des troubadours, il devient Docteur ès Lettres.
    Son évolution fut identique pour l’occitanisme. À la Libération, l’IEO était un mouvement culturel dans un cadre étatique français, ce que défendront toujours Félix Castan et la revue Oc. Lafont situait la rupture entre les « culturalistes » et les « politiques » à la fin 1954. Nelli ne signa pas la déclaration de Nérac, celle des culturalistes, en novembre 1956 et approuva un manifeste nationaliste lancé par Pierre Bec et François Fontan, fondateur, en 1959, du Parti Nationaliste Occitan. L’évolution de l’IEO vers une prise en charge des combats économiques s’effectua à la suite des grèves des mineurs de Decazeville-La Sala. En 1962, Robert Lafont et une partie de l’IEO créèrent le Comité occitan d’études et d’action (COEA). Nelli était alors perçu comme proche du COEA. Robert Lafont, bien longtemps après sa mort, a regretté qu’il « manqua le rendez-vous que son siècle lui tendait en mai 1968. » La rupture avec Robert Lafont s’accentua dans les années soixante-dix et leur correspondance devint de plus en plus agressive. Dès 1972, en préface d’un de ses ouvrages, Nelli plaida pour l’action culturelle. Dans L’Histoire du Languedoc, en 1974, Nelli critiqua la pensée de Lafont. Il critiqua aussi la tentative de candidature de Lafont aux élections présidentielles de 1974 : « Un occitaniste [...] eut le courage de braver le ridicule et de présenter sa candidature. » Nelli s’inquiétait des attentats occitanistes et des incendies de résidences secondaires appartenant à des Parisiens : « Cette explosion de racisme haineux [...] étonne au pays des troubadours et de la tolérance. »
    Joan Larzac a défini ce qui a animé la pensée de Nelli la dernière décennie de sa vie : « [Chez lui] perce un nationalisme qui n’est pas utopique et nostalgique. [...] Flirtant avec le Parti Communiste d’un côté, avec le Parti Nationaliste Occitan de l’autre, il verrait bien une fédération occitane à l’intérieur de la France. » Nelli n’a jamais renié sa fascination pour Fontan dans les années cinquante et il semblait très proche du PNO, du moins entre 1967 et 1970. En 1974, dans L’Histoire du Languedoc, il louait le PNO d’avoir « clarifié une fois pour toutes [...] le concept de nation ». Dans les années 70, Nelli se rapprocha du PCF. Cet appui à la gauche fut critique et il n’hésita pas à reprocher le centralisme, prenant comme modèle la Commune de Narbonne et le socialisme fédéraliste. Le 4 juin 1978, à la fête communiste de Coursan dans l’Aude, il participa à un débat « Vivre et travailler au pays ». La même année, dans Mais, enfin qu’est-ce que l’Occitanie ? il s’affirma très proche du PCF : « La position du Parti Communiste français – assez proche de celle du parti socialiste – me paraît, cependant, [...] plus nuancée, plus prudente, plus concrète, et, aussi, plus fidèle à l’esprit du marxisme révolutionnaire. » Il rejoignit l’idée, pourtant en contradiction avec celles sur le PNO, que la libération des peuples minoritaires ne pouvait se faire qu’après la révolution socialiste.

    L’homme politique, dans ses engagements à gauche et dans le mouvement occitan, ne fut pas exempt de contradictions, la première étant son rôle pendant le régime de Vichy. Il fut en premier ouvert au monde, refusant tout racisme d’où son inscription comme citoyen du monde, sa lutte contre le colonialisme et sa défense des travailleurs immigrés en Occitanie. C’était un homme de gauche fédéraliste, non pas seulement pour l’Occitanie mais aussi pour l’Europe et pour le monde. Il fustigea l’esprit jacobin qui, pour lui, n’avait pas de place à gauche. « Hérétique », il fut antistalinien quand les communistes étaient majoritaires à l’IEO, il s’opposa au régionalisme de Lafont quand il était isolé dans ses analyses, il parla de nationalisme quand celui-ci était décrié. Il fit preuve d’un profond humanisme que tous les hommages après sa mort soulignèrent.

    Décorations et honneurs : mestre en Gai Sabé (1943) ; officier dans l’ordre des palmes académiques (1953) ; chevalier de la légion d’honneur (1955) ; chevalier du mérite agricole (1961) ; officier des Arts et Lettres (1979).

    Quelques œuvres : Le Languedoc et le Comté de Foix, le Roussillon, Gallimard, 1958 ; Les Troubadours. Desclee de Brower, 1960-1965, (2 volumes) ; L'Érotique des troubadours, Privat, 1963 et 10/18 (2 tomes), 1974 ; Le Roman de Flamenca, un art d'aimer occitanien au XIIIe siècle, IEO, 1966 ; La Vie quotidienne des Cathares du Languedoc au XIIIe siècle, Hachette, 1969 ; La Poésie occitane, Seghers, 1972 ; Histoire du Languedoc, Hachette Littérature, 1974 ; La Philosophie du catharisme, Payot, 1975 ; Écrivains anticonformistes du moyen-âge occitan, Phébus, 1977, (2 volumes) ; Mais, enfin qu’est-ce que l’Occitanie ?, Privat, 1978 ; Obra poética occitana (1940-1980), IEO, 1981 ; Écritures cathares. Recueil des textes cathares, Monaco, Éd. du Rocher, 1994.

    Sources : Archives Départementales de l’Aude. Fonds Nelli : 10 JJ 6, 10 JJ 21, 10 JJ 236, 10 JJ 237 ; ADA 10 W 30 : surveillance politique 1940-1945. Dossier Nelli 1941 ; CIRDOC. Archives R. Lafont. Courrier de R. Nelli ; DBMO ; OC, XIIIe Tièira n° 11, avril 1989, n° 20, juillet 1991 ; La Dépêche des 6 et 13 mai 1935. La Dépêche du Midi du 5 octobre 1961, du lundi 27 janvier 1975, du vendredi 12 mars 1982 ; Occitania, nòva seria, n°4, junh de 1948 ; L’Ase negre, n° 1, août 1946 ; Les Cahiers du sud, n° 381, 1965 ; Viure, n° 3 automne 1965, n° 29, automne 1972 ; Je suis partout n° 659 du 31 mars 1944 ; Le Midi Libre du 14 octobre 1944 ; Le Midi Libre, le journal de l’Aude du 12 mars 1982 ; Peuple d’Aude, mensuel édité par la fédération de l’Aude du PCF, n° 4, mai 1978 ; L’Occitan, periodic de la vida occitana, n° 38, mai-juin 1982 ; Lo Gai Saber, n° 407, juillet 1982, n° 502-503, automne 2006 ; Vent Terral n° 10, été 1983 ; ARMENGAUD, André, LAFONT, Robert, (dir.) Histoire d’Occitanie, Paris, Hachette-IEO, 1979 ; LAFONT, Robert, ANATOLE, Christian, Nouvelle Histoire de la littérature occitane, tome II, Nîmes, PUF-IEO, 1971 ; LAFONT, Robert, La Revendication occitane, Paris, Flammarion, 1974 ; ALCOUFFE, A., LAGARDE, P., LAFONT, R., Pour l’Occitanie, Toulouse, Privat, 1979 ; NELLI, René, Pierre Sire, « Pierre Sire et les intellectuels », Carcassonne, Comité des intellectuels de l’Aude en hommage à son fondateur, 1946 ; NELLI, René, La Poésie occitane, Paris, Seghers, 1972 ; NELLI, René, Histoire du Languedoc, Paris, Hachette Littérature, 1974 ; NELLI, René, Mais, enfin qu’est-ce que l’Occitanie ?, Toulouse, Privat, 1978 ; Hommage à René Nelli, Carcassonne, Bibliothèque municipale et Cido, novembre 1980, brochure non paginée ; GUIRAUD, Georges-Henri, Aux Frontières de l’Enfer, Paris, La Nef, 1956 ; MAURY, Lucien, La Résistance audoise, tome I, Quillan, imprimerie nouvelle, 1980 ; LENOBLE, Jean, Le Parti socialiste dans l’Aude, de la Libération à la fin du XXe siècle, tome II, 1958-1973, Villelongue-d’Aude, Atelier du gué, 2007 ; Centre d’Études Cathares René Nelli, ChroniqueNelli n° 1, 2008, BARDOU, Franc, « Qui était Nelli ? », http://cecnelli.unblog.fr. ; Septimanie, n° 6, février 2001 ; René Nelli (1906-1982) Actes du colloque de Toulouse (6 et 7 décembre 1985) réunis par Christian Anatole, Béziers Cido, 1986 ; entrevue par téléphone avec André Melliet, ancien responsable du PSU dans l’Aude, vendredi 3 septembre 2010.

    Source de la lettre: ADA11

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