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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 397

  • Gustave Motte, un carcassonnais fusillé pour l'exemple en 1915

    Gustave Paulin Raoul Motte est né le 13 septembre 1875 à Marseille. À Carcassonne, où il exerce les fonctions de banquier, on lui doit la construction du Grand hôtel Terminus achevé à la veille de Première guerre mondiale, le 24 juin 1914. Le 2 août 1914, le lieutenant Motte répond à l'ordre de mobilisation générale. Il est affecté au 224e régiment d'infanterie dans la 22e compagnie. En tant que directeur général de l'établissement, les responsabilités ne le quittent pas, il est inquiet de l'avenir de l'hôtel et de ses affaires. Cette situation le ronge au point d'en "perdre la tête".

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    Au coeur du conflit

    Le 30 janvier 1915 à 10 heures, le régiment reçoit un premier détachement du 119e régiment territorial comprenant, en autre, le lieutenant Motte qui est affecté à la 22e compagnie comme chef de section. 

     

     "Le 30, j'ai été dans les bois de Fargny, ma section était à la gauche de la compagnie. J'ai fait ce qu'il fallait faire. Il y a eu des obus pendant la nuit. J'avoue que j'ai eu peur. J'ai pensé à prendre la fuite. J'ai essayé de faire bonne contenance...Le 1e février, j'offrais au sergent-major de l'accompagner à Suzanne. C'était un prétexte...J'ai été saisi par la vue des cadavres. Le capitaine m'en avait montré un certain nombre. Je suis parti des tranchées avec le sergent-major de la compagnie. J'ai visité le poste du commandant. Mon idée dès ce moment était de fuir. J'étais comme fou."

     

      Le 1er février 1915 à 14 heures, le lieutenant Motte quitte l'abri du commandant Porlier pour rejoindre sa section dans les tranchées de premières lignes, au bois de Fargny (Somme). Au lieu de se diriger sur son poste de combat, le prévenu se dirige sur Suzanne. Pendant une partie du trajet, il est accompagné par le sergent-major Thibaut qui allait toucher le prét de sa compagnie et lui fait quelques confidences sur le but de son déplacement. Il voulait, dit-il, retrouver une somme de 5000 francs perdu par lui soit à Vaux, soit à Suzanne ou peut-être encore déposée par mégarde dans sa cantine. Arrivé au village, le lieutenant rencontre et discute quelques instants avec le sous-lieutenant Chanal. Depuis ce moment, le lieutenant Motte n'est plus apparu et nul ne sait où il se trouve. Ne voulant pas être seul, le lieutenant se rend à Lyon et à Annonay pour chercher des amis. Il passe par Lourdes pour avoue-t-il passer à l'étranger. Il poursuit sa route à Hendaye, va à Carcassonne voir sa femme et sa fille (âgée de 11 ans). Ne voulant pas être arrêté, le lieutenant Motte part précipitamment sur Marseille où il resta 48 heures. Ensuite il se rend à Amiens en passant par Limoges. Après avoir traversé plusieurs autres villes, le prévenu se rend à Rouen ; il rencontre le général Gorrau. 

     

    Jugé pour abandon de poste

    en

    présence de l'ennemi

     

    Le 17 avril 1915, le conseil de guerre de la 53e division d'infanterie, séant à Bray-sur-Somme (Somme) condamne, à la majorité de quatre voix contre une à la peine de mort. Un médecin atteste que le prévenu est dépressif, au bout du rouleau. Le conseil de guerre ne tient pas compte du diagnostic. Le lendemain, le condamné écrit une lettre au général Berthelot commandant de la 53e division d'infanterie pour plaider sa cause.

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    ©mémoiresdeshommes.org

     

    "Je suis absolument anéanti à l'idée que la peine de mort me soit appliquée. J'ai commis le crime qui m'est reproché dans des conditions que je n'ai cessé d'affirmer avoir été indépendantes de ma volonté. Plus tard la raison me revenant enfin ,e sui venu volontairement répondre de mes actes persuadé que dans une certaine mesure il m'en serait tenu compte. J'ai l'honneur, mon général, puisque mon sort est en vos mains, de vous adresser cette suprême supplique tendant à m'éviter cette fin d'ignominie qui frapperait en même temps des innocents...Dans la vie j'ai lutté et souffert beaucoup, mon passé est sans tâche et il a fallu que sois victime des conséquences de cette horrible guerre...Laissez-moi mon général au moins une chance de me réhabiliter... "

     

    Le général Berthelot ne tient pas compte de cette missive, car le jour même il ordonne que l'exécution doit avoir lieu immédiatement.

     

     L'exécution

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    Le 18 avril 1915 à 19 heures, à Bray-sur-Somme, le lieutenant Motte est atteint de 12 blessures par balles de fusil. On peut admettre que 4 au moins de ces blessures ont entraîné la mort immédiate comme le signifie le docteur Joseph Berthet médecin au 205e régiment d'infanterie. Le lieutenant est inhumé en la nécropole nationale à Bray-sur-Somme, tombe militaire n°650. "Condamné à la peine de mort pour abandon de poste en présence de l'ennemi par le Conseil de Guerre de la 53e Division d'Infanterie aux armées le 17 avril 1915 (jugement n°101). Passé par les armes le 18 avril 1915 à 15 heures devant les troupes à Bray s-Somme"

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    Le journal de marche et des opérations du régiment nous renseigne sur le déroulement de la journée du 18 avril. À 15 heures 20, l'ordre de suspendre l'exécution est tombé. Est-ce à ce moment que le général Berthelot a lu la lettre du condamné ?

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    Merci à Patricia Guinard pour l'ensemble de ce travail remarquable.

    Note du blog

    Le lieutenant Motte est mort à l'âge de 39 ans sans avoir jamais revu sa femme et sa fille. Il a été condamné également à la dégradation militaire et à l'obligation pour sa famille, de payer les frais engagés par l'état pour la procédure de jugement. En octobre 2014, l'armée française a comptabilisé 1008 fusillés pour l'exemple lors du conflit de 1914-1918, dont 82 sans jugement. Le 20 décembre 2012, le sénateur communiste Guy Fischer présente une proposition de loi visant à réhabiliter les fusillés pour l'exemple.

    "Les auteurs du texte observent en effet que "malgré les conditions exceptionnelles dans lesquelles ont agi - ou refusé d'agir - ces hommes, souvent très jeunes, l'absence de toute disposition de réhabilitation persiste à les faire considérer comme des lâches ou des traîtres, flétrissant ainsi leur mémoire et jetant l'opprobre sur leurs descendants".

    Aussi proposent-ils de "réunir enfin en une seule et même mémoire apaisée tous ceux qui, durant cette guerre, sont morts pour la France", pour "[rendre] justice à tous ceux, frères de combat, qui ont payé de leur personne et [permettre] enfin que l'ensemble des morts de la Grande Guerre réintègre la mémoire nationale".

    L'article unique de la proposition de loi prévoit également que "la Nation exprime officiellement sa demande de pardon à leurs familles et à la population du pays tout entier", que "Leurs noms sont portés sur les monuments aux morts de la guerre de 14-18" et que "la mention "mort pour la France" leur est accordée". (www.senat.fr)

    Le texte est rejeté par le Sénat le 19 juin 2014, après que le gouvernement a émis un avis défavorable.

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  • Attentat à l'explosif au Centre E. Leclerc de Carcassonne

    Dans la nuit du 20 avril 1984, une déflagration entendue sur plusieurs kilomètres faisait exploser l'hypermarché E. Leclerc, situé en bordure de la RN 113 au-lieu dit Félines. Rapidement dépêchés sur place les pompiers de Carcassonne ne pouvaient que constater l'étendue des dégâts et tenter d'éteindre l'énorme incendie, qui s'était propagé à l'ensemble des bâtiments. 

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    Construit le 1er janvier 1977, cet hypermarché indépendant appartenant à M. Philippe Boissonade est placé sous la franchise E. Leclerc. Il emploie une cinquantaine de personne au moment de son ouverture en 1978. L'attentat qui le frappe en 1984 est revendiqué par le CAV (Comité d'Action Viticole) pour protester contre la vente de vins d'importation venus d'Espagne. Nous saurons plus tard que l'attentat devait être à l'origine, perpétré contre l'hypermarché Mammouth de Salvaza. En raison des menaces qui pesaient sur lui, sa garde avait été renforcée. Menacé de mort, Philippe Boissonade dut prendre un garde du corps et se promener pendant un an avec un révolver sur lui.

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    Le CAV et son président A. Cazes, en 1976

    Le 25 avril avril 1984, six viticulteurs sont arrêtés ; parmi eux se trouvent des présidents de caves coopératives régionales. 

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    Le 3 mai 1984, Édouard Leclerc arrive en jet privé sur l'aéroport de Salvaza. Il doit rencontrer les représentants du monde viticole afin de discuter de l'embargo sur le vin du midi qu'il mène désormais en représailles aux actions violentes du CAV. La réunion se tient à la mairie de Carcassonne en présence d'André Cazes (Président du CAV) et d'Antoine Verdale (Président de la Confédération Nationale des Caves Coopératives). 

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    Edouard Leclerc est ensuite reçu par M. Talmier, président de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Carcassonne. Une nouvelle réunion se tiendra à l'hôtel Murat jusqu'à 17 heures. Le fondateur de l'enseigne de supermarché se montrera confiant sur les chances de réussite des négociations, en se laissant toutefois dix jours de réflexion pour donner son accord.

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    Raymond Chésa entouré de Michel-Édouard Leclerc et de son père.

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    Robert Capdeville (Président de la région Languedoc-Roussillon) a rencontré le Président de la République François Mitterrand. Celui-ci a indiqué vouloir faire des propositions aux viticulteurs de l'Aude. Le 4 mai, deux viticulteurs sont libérés et deux autres restent en prison. Le 17 mai, les deux derniers responsables emprisonnés sont libérés. Dans le même temps, Michel Rocard (Ministre de l'agriculture) rencontre à Montpellier une délégation de viticulteurs. La discussion avortera au bout de trente minutes.

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    Le nouveau Centre E. Leclerc, tel que nous le connaissons aujourd'hui, sortit de terre en 1986 grâce à l'intervention du ministre du commerce, Michel Crépeau. La CCI de Carcassonne n'aurait pas souhaité une nouvelle implantation à Carcassonne afin de ne pas fâcher les viticulteurs. L'adhésion de l'Espagne à la CEE en janvier 1986 n'allait que renforcer la fronde viticole du midi contre les importations. Le CAV avait encore des beaux jours devant lui...

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  • Le complexe de loisirs Raymond Chésa (Lac de la Cavayère)

    Aucun Carcassonnais n'aurait pu imaginer qu'un jour le site de la Cavayère, connu pour sa décharge et ses rodéos de moto-cross, serait transformé en une aire de fraîcheur et de détente. Il faudra pour cela le concours d'un malheureux destin et la volonté d'un homme. Ce coup du sort c'est un incendie qui dévore en 1985 plus de 350 hectares de ce territoire boisé. Cet homme c'est le maire Raymond Chésa, qui dès l'année suivante entreprend le pari risqué de réaliser un lac de 18 hectares sur le lieu du sinistre.

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    © Patrice Cartier

    Cette idée lumineuse combine à merveille deux projets ; l'un écologique et l'autre, économique. Là, où il n'y avait que désolation et finalement pour avenir qu'une garrigue, on va creuser et créer un lac artificiel. L'architecte est Mlle Ceeli de Montpellier. Dès 1990, le reboisement de conifères (pin parasols et cyprès d'Arizona) et de feuillus (frênes, aulnes, chênes pubescents, arbre de Judée) va s'intégrer parfaitement autour du site. D'un point de vue économique, Raymond Chésa veut absolument donner une raison aux touristes visitant la Cité médiévale, de rester une nuit supplémentaire à Carcassonne. L'accès au lac étant libre et gratuit, il pense également à tous les enfants de la ville n'ayant pas la chance de passer des vacances à la mer.

    Un lac sans eau

    En fin stratège politique, le maire envisage d'inaugurer sa réalisation pendant la campagne électorale des municipales de mars 1989. Malheureusement, malgré les nombreuses études pour acheminer l'eau par les ruisseaux de Bazalac, de Montirat et du Loup, la vaste étendue d'eau de 1,5 millions de m3 ne se remplit toujours pas durant l'automne 1988. Manque de chance, Carcassonne enregistre cette année-là un déficit pluviométrique sans précédent.

    L'opposition municipale de gauche battue en 1983 dans cette ville acquise à sa cause depuis un siècle, s'engouffre dans la brèche pour dénoncer ce fiasco. Une campagne de calomnie et de mensonges comme on sait très bien la faire à Carcassonne, va abaisser les débats d'idées au niveau du caniveau. Le maire, lui, droit dans ses bottes, continue à croire et espère que ce lac va se remplir avant le premier tour des élections. Avec un sens aigu de la formule, je l'ai entendu dire cette phrase en plein Conseil municipal :

    " Le lac se remplira avec les larmes de mes détracteurs"

    L'inauguration

    La prophétie selon Chésa va se réaliser. En seulement quelques semaines, à cheval sur février et mars, de grosses précipitations vont commencer à remplir ce lac et faire fondre tous les espoirs de reconquête de la gauche locale. Au meilleur moment pour les uns ; au pire moment, pour les autres...

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    © Alain Machelidon

    Le lac est inauguré en février 1989 depuis le barrage de 150 mètres de long et de 23 mètres de hauteur, situé au nord de la retenue d'eau. Oh ! certes, ce n'est pas encore suffisant pour s'y baigner mais à l'été 1989, les deux plages seront ouvertes aux plaisanciers. Les cinq kilomètres de sentier pédestre accueilleront également les amoureux de VTT ; les "pescofis" jetteront leurs gaules à l'eau sous la bienveillance de la Fédération de pêche dont Chésa est un des adhérents ; les tables de pique-nique feront la joie des sorties dominicales. 

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    La première activité privée s'installe au lac. Il s'agit de la location de pédalos et de la vente de boissons à emporter gérée par "Les flotteurs de la Cavayère" de Didier Loubeyre. Le gardien M. Nicolas Daniel aidé par des saisonniers assure la tranquillité de ce site dont la baignade est surveillée et réglementée. L'usage des véhicules à moteur sur les sentiers est interdit, hormis les véhicules de secours. Ces activités de plein-air connaissent dès leurs débuts un énorme succès, faisant de cette réalisation contestée un environnement très prisé des Carcassonnais et des touristes.

    Le complexe de loisirs Raymond Chésa

    Après le décès du maire de la ville en janvier 2005, la municipalité décidera de donner le nom du lac à Raymond Chésa. Comme il s'est largement développé avec la construction du Centre de loisirs, il prend cette dénomination un peu administrative à mon goût. Ce nom a le mérite de rendre à Chésa, ce qui lui appartient d'un point de vue historique.

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    © isabellechesa.com

    Le 18 juin 2008, le maire Gérard Larrat et son Conseil municipal inaugurait le Complexe de loisirs Raymond Chésa, entouré de la famille de l'ancien maire. M. Larrat soulignait avec justesse dans son discours : 

    "Cette date du 18 Juin, anniversaire de l’appel du général de Gaulle, est symboliquement le meilleur choix pour le gaulliste convaincu et rigoureux qu’a été Raymond CHESA."

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    © Jean-Luc Bibal

    Mis à jour le 9 juillet 2020

    Où est donc passé le panneau avec le nom Complexe de loisirs Raymond Chésa ?

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