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Musique et patrimoine de Carcassonne - Page 308

  • Un tableau signé Max Ernst provenant de la collection Joë Bousquet, retrouvé à Madrid

    Selon l'abbé Cazaux, que nous avons interrogé puisqu'il se trouve être le neveu du poète Carcassonnais Joë Bousquet, la collection de tableaux de son oncle ne devait pas être dispersée. Ce serait la recommandation qu'il aurait faite à sa soeur Henriette Bousquet, épouse Patau. Il faudrait bien entendu pour s'en assurer, consulter les dispositions testamentaires de Joë Bousquet - cela semble impossible pour le moment. Comme nous l'avons démontré dans un précédent article, il a été créé après sa mort au Musée des beaux-arts de Carcassonne, une salle consacrée aux toiles de la collection Bousquet. Cette salle aménagée par René Nelli - conservateur du musée à partir de 1948 - n'a duré que dix ans ; elle contenait les oeuvres des peintres surréalistes acquises par le poète ou données ensuite à des amis comme James Ducellier.

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    La ville entière de M. Ernst (1935) fut acquis par J. Ducellier sur les conseils de Bousquet. Il a été exposé en 2013 à la fondation Beyeler de Zürich (Suisse). Qui en est l'actuel propriétaire ?

    Ces toiles prenant une belle cote au fil des ans, les généreux donateurs sont venus les reprendre. Tant et si bien qu'il ne resta que les cinq tableaux dévolus au musée. Que sont-ils devenus ? Selon une source, il n'y sont plus... C'est d'autant plus plausible que conserver actuellement dans les réserves des oeuvres de plusieurs millions d'euros telles que celles de Max Ernst, Magritte ou Fautrier - pour ne citer qu'eux - n'aurait pas de sens. Il est donc préférable de penser qu'elles ont été vendues et dispersées. Où cela ? Certaines d'entre elles - nous le savons - n'ont pas quitté Carcassonne. Il s'en trouverait quelques-unes dans un bel immeuble de la rue Antoine Marty... 

    Arbres solitaires et arbres conjugaux 

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    La toile de Max Ernst ci-dessus fut acquise par Joë Bousquet ; elle se trouvait même de son vivant, au-dessus de son lit. Dans une lettre en date du 24 décembre 1940, Ernst écrit à Bousquet :

    "Tu as raison, Joe. Il vaut mieux ne pas rouler ce tableau, je ne vais pas te priver de la surprise de le voir sortir de sa caisse. Car je pense (je voudrais au moins) qu'il te surprenne un peu et que tu le trouveras au moins l'egal du tableau vert dont tu me parles souvent. Un seul inconvenient si je demande au seul menuisier du village de me construire cette caisse, il le fera tres bien, mais il y mettra quelques mois pour la terminer. Je vais donc essayer de le faire moi-meme. Pour un autre tableau, il a le meme problème avec le chassis qui n'est pas au format desire, ce qui repose la question du menuisier."

    Max Ernst après son internement au camp des Milles n'avait presque plus de ressources. En échange de tableaux, Joë Bousquet lui envoya de l'argent. Ce fut le début d'une longue et profonde amitié entre les deux hommes jusqu'à la mort du poète en 1950. Bousquet peut-être considéré comme un mécène des artistes dont il admirait les toiles ; il a toujours cherché à les protéger et à les sortir de la misère. S'il n'a pas pu profiter de la plus-value que prirent ensuite les oeuvres de peintres jusque-là quasi inconnus, ceux qui en ont hérité se sont sûrement bien enrichis - le prix d'un Dubuffet en 1945 n'étant plus le même en 1960..

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    Cette toile se trouve actuellement à Madrid dans les collections du musée Thyssen-Bornemisza.

    Haut Négoce

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    © ADAGP, Paris 2016

    Toile ci-dessus signée Dubuffet ayant appartenue à Joë Bousquet. Chez quel collectionneur se trouve t-elle ?

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    Ce portrait de Bousquet réalisé par Dubuffet en 1946 à Carcassonne, se trouve actuellement au Muséum Of Art de New-York.  Comment y est-il arrivé ? Je l'aurais bien vu à Carcassonne dans les collections de notre musée. Peut-être y était-il avant 1960...

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  • Le foyer du soldat Carcassonnais au temps de la coloniale

    La création du Foyer du soldat Carcassonnais coïncide avec l'arrivée le 4 mai 1928 de deux bataillons constituant le 51e Régiment de Tirailleurs Indochinois à Carcassonne. Il s'agit des bataillons de Montélimar et de Compiègne qui défileront autour des boulevards devant une foule enthousiaste. Le colonel Berthomé, commandant le régiment, prendra l"initiative de solliciter auprès de Mgr de Beauséjour - évêque de Carcassonne - la désignation d'un prêtre pour les militaires. Ce fut l'abbé Gabriel Sarraute. L'évêque donna un local de fortune dans un ancien patronage, situé 2 rue neuve du mail (actuelle rue Marceau Perrutel) dans le quartier des Capucins. Il fut agrandi en ajoutant à une grande salle, des pièces d'une maison voisine puis à tout le bâtiment. Ainsi s'organisa un ensemble familial et colonial sous la responsabilité de Paul Guilly et de l'adjudant Paul Vu-Ngoc-Truong.

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    Le foyer du soldat

    La façade ressemblait à un fortin et à un bateau avec un hublot à la porte, la bouée portant le nom du navire et le drapeau qui flottait le dimanche et les jours fériés. Au fond maison on trouvait un petit jardin avec sa treille. À l'intérieur, une salle au rez-de-chaussée avec une cuisine campagnarde et un bar. Au premier étage, on trouvait le salon meublé par le colonel Mignot, la bibliothèque avec sa Soupe Chinoise, le journal du foyer, le bureau de l'aumônier, la chambres des plantons.

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    La salle du trône pour le roi élu par la fève du 6 janvier. Celui-ci nommait des ministres chargés des diverses services du foyer. Selon Gabriel Sarraute, il y avait même une pagode à l'intérieur de la caserne Laperrine avec des dessins annamites sur les murs. Il l'indique dans son ouvrage "la contrition de Joë Bousquet".

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    Écoutons le récit du chanoine Sarraute :

    "Nos soldats Indochinois avaient l'agrément de journaux en leur langue, envoyés par les missionnaires d'Hanoï. Il eurent aussi le bienfait de retraites et de prédications assurés par les pères des Missions étrangères. Aucun apartheid... Et le dimanche, la chapelle réunissait "Européens' et "Annamites". Nous avions commencé notre oeuvre en la réservant aux catholiques. Nous l'ouvrîmes bientôt à tous. Affiliés à la Fédérations des Foyers du soldat et du Marin, constituées en association déclarée en 1934, nous fûmes grâce au colonel Masse et au légendaire colonel Lelong, agrées par le Ministère de la guerre."

    L'association intitulée "Foyer du soldat Carcassonnais" est déclarée le 24 avril 1934. Elle a pour objet de "s'intéresser au bien-être matériel et moral des soldats de la garnison de Carcassonne, de leur fournir un ou plusieurs locaux de réunion dans lesquels ils puissent trouver des avantages, des délassements et des distractions honnêtes, compatibles avec leurs obligations militaires." Son administration est confiée à MM. Alphonse Durand-Roger (Industriel), Jules Jourdanne (NDLR : il sera maire nommé par Vichy de 1941 à 1944), Gabriel Sarraute (Curé), Emile Aybram (Industriel), Jacques Palau (Négociant), Marcel Auzias (sous-officier de réserve), Marceau Dedieu (Négociant), Alphonse de la Soujeole (Propriétaire) et Auguste Lalanne (Président du Souvenir Français).

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    "Il y avait depuis peu à la caserne Laperrine, un Foyer de la Croix rouge dont les directrices, et en particulier Mlle Faure étaient en contact permanent avec l'aumônier. Il y avait donc deux Foyers, l'un pour ceux qui ne voulaient pas s'habiller pour sortir le soir, l'autre pour ceux qui voulaient aller en ville."

    À partir de 1935, M. Durand-Roger céda la présidence du Foyer au général de division Jean Guizard, ancien sous-chef d'état-major de l'armée. Ce dernier venait de prendre sa retraite près de Carcassonne et demeura au sein de l'association jusqu'en 1965 - année de sa mort. Durant l'Occupation, ce général sera en charge du Secours National.

    "Il y aurait des pages à écrire pour expliquer comment, grâce à un caporal-chef qui mourut sous-lieutenant, Henri Le Curieux-Belfond, né au Morne-vert (Guadeloupe), nous avons pris l'esprit colonial authentique. Grâce à lui et à Georges Quiclet, premier président de la J.O.C (NDLR : Jeunesses Ouvrières Chrétiennes) en France, nous avons fondé un journal - l'Ancre Colonial - ouvert à tous, avec une feuille pour les catholiques, puis une pour les légionnaires qui nous demandèrent de les adopter. Il parut mensuellement à partir de mars 1937 et quand fut imprimé son dernier numéro, en août 1939, il était lu dans les cinq parties du monde."

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    Le Foyer du soldat

    Au début de la Seconde guerre mondiale, l'aumônier fut chargé de la Ve division d'infanterie coloniale. Après l'armistice de juin 1940, le 2e RI.C de Brest se partagea la caserne Laperrine avec le 15e Régiment d'artillerie de Douai. Des Carcassonnais accueillirent chez eux ces soldats dont les familles étaient en zone occupée. Quand les Allemands occupèrent Carcassonne à partir du 11 novembre 1942, la caserne fut cernée par le tanks et le Foyer occupé par des SS l'espace d'une nuit. Jusqu'à la Libération - d'après Gabriel Sarraute - il devint le refuge des juifs pourchassés et des Alsaciens-Lorrains. 

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    Ceci expliquerait qu'une plaque ait été posée le 9 mai 1945 par ces Alsaciens-Lorrains au pied de la statue de Jeanne l'Arc qui se trouvait dans un enfeu du Foyer du soldat, donnant sur le boulevard Barbès. La statue et la plaque sont désormais dans le jardin attenant à la cathédrale Saint-Michel.

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    Pendant l'Occupation, le Soldatenheim (Foyer du soldat Allemand) se trouvait sur la place Joseph Poux, à l'ancien patronage Jeanne d'Arc appartenant à l'évêché. C'est aujourd'hui, l'école privée Saint-Michel. Nous savons cela grâce à ma tante qui - comme beaucoup de Carcassonnais affamés - se sont rendus dans cet endroit à la Libération pour prendre des boîtes du singe (boeuf en gelée) laissées par les troupes nazies. C'est à cet endroit que s'installera plus tard - nous le verrons - le Foyer du soldat Carcassonnais.

    "Lorsque Carcassonne fut libérée, le Foyer était dans un piteux état. Il fut restauré par les soins de notre évêque Mgr Pays. Après avoir reçu des soldats du 173e R.I, commandés par un marsouin, le colonel Bousquet. Aaprès une période trouble où les Indochinois influencés par le futur Viet-Minh massacrèrent certains de leurs camarades fidèles à la France, nous eûmes le 24e R.T.S qui partit en Indochine avec son chef, le colonel Runner. Le 24e R.I.C lui succéda avec le colonel, depuis général Waymel. Période de grande activité sous ce chef et ses successeurs, les futurs généraux Daboval, Jaumes, Rives, le colonel Rouanet : l'organisation de l'aumônerie nous faisait avoir une paroisse militaire. Des excursions, à l'aide des camions de la caserne permettaient aux marsouins de mieux connaître notre région. Un groupe de sous-officiers de carrière animait nos réunions."

    Selon Jeannot Lapasset, la présence des soldats Indochinois au café des Américains (Bd Barbès) se terminait toujours par une belle série châtaignes. Parfois, c'était au café des colonies (Bd Jean Jaurès). L'usage un peu trop poussé de la boisson les rendait colériques...

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    La guerre d'Algérie prendra la plupart des soldats du 24e RI ; l'aumônier Gabriel Sarraute qui officiait depuis 1928 décida de passer la main à Bruno de Monts de Savasse, petit neveu de Laperrine. En 1962, l'évêque de Carcassonne Mgr Pierre-Marie Puech, souhaite agrandir l'actuel lycée Saint-François mitoyen du Foyer du soldat. En échange, il offrit un local au 8 de la rue Joseph Poux. C'est ainsi que le premier Foyer du soldat fut rasé avec ses souvenirs.

    Le nouvel aumônier n'eut pas le temps d'installer le nouveau foyer qu'un incendie le ravagea le 15 juillet 1962 faisant 500 000 francs de dégâts. Bruno du Monts de Savasse fut remplacé par MM. Perrin, Rambeaud, Martinez et enfin, Petiot qui aménagea une chapelle au rez-de-chaussée de la caserne, à côté des transmissions. Elle sera inaugurée par l'aumônier Trublet à qui succèdera les pères Lallemand et Gonin.

    Le déclin

    Quatre années après, un luxueux Foyer était installé à la caserne Laperrine. Les temps changeaient avec les habitudes des soldats qui pour la plupart rentraient chez eux en fin de journée. L'aumônier ne pouvait plus les suivre les manoeuvres du 3e RPIMA ; cependant, une salle du 2 rue Joseph Poux restait disponible pour ceux qui souhaitaient rencontrer l'aumônier. 

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    Le commandant Adroit et Gabriel Sarraute

    En 1984, le Foyer du soldat est administré par le colonel Robert Depardon, Jean Auzias et Pierre Sarraute. Deux ans plus tard, l'abbé Mazières au nom de "La famille diocésaine audoise" met à disposition gratuitement à disposition l'immeuble 2, rue J. Poux à disposition du Foyer du soldat Carcassonnais.

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    Le 2 novembre 1987, l'association "Foyer du soldat Carcassonnais" devient "Anciens du Foyer du soldat Carcassonnais" avec dont l'objet est désormais de "maintenir les liens d'amitié entre les personnes ayant fréquenté dans le passé le Foyer du soldat Carcassonnais ainsi que les sympathisants". Cette association est définitivement dissoute le 20 novembre 1991 après 57 ans d'existence.

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    L'abbé Gabriel Sarraute (1893-1991) à qui nous devons d'avoir laissé ces mémoires avait été aumônier militaire de la 45e division d'infanterie coloniale. Grand érudit et photographe amateur, le chanoine a été le confesseur du poète Joë Bousquet qui, bien que s'étant éloigné de la religion, avait toujours gardé le souvenir du capitaine Houdard, aumônier de son régiment durant la Grande guerre - tué sous ses yeux. Nous remercions également Pierre Sarraute pour ses souvenirs...

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  • Il n'y a plus aucun chat dans Carcassonne entre 1942 et 1945...

    Les historiens locaux ont-ils un jour traduit l'extrême misère dans laquelle s'est retrouvée la majorité des Carcassonnais au cours de l'occupation Allemande ? En consultant les quelques livres de référence nous n'avons pas trouvé de chapitre dédié à l'histoire tragique de ces corps amaigris, de ces enfants dont la croissance a été stoppée par les carences alimentaires, etc... Nous nous sommes alors mis en quête de témoignages sur ce triste épisode de la guerre qui fut le quotidien de milliers de Carcassonnais et d'Audois.

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    Conséquence directe de l'armistice de 1940, les denrées alimentaires sont d'abord détournées pour nourrir l'armée du Reich. À partir de 1941, la pénurie se fait cruellement sentir en France ; les échanges commerciaux vers les colonies et d'autres pays comme l'Angleterre ou les États-Unis sont irrémédiablement freinés par le blocus maritime. L'acheminement de nourriture en métropole entre les régions est rendu extrêmement difficile à cause de la ligne de démarcation qui sépare le pays en deux zones : occupée et libre. Le gouvernement de Vichy met en place des tickets de rationnement échangeables chez les commerçants - quand il y a un approvisionnement. Ceci donne très souvent lieu à des files d'attente interminables au bout desquelles, les gens reviennent parfois bredouille.

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    © Paola Bourrel

    Tickets d'alimentation d'une famille Carcassonnaise

    Si l'on prend en compte que le nombre de calories nécessaires pour un adulte sont comprises entre 2000 et 2500 par jour, les rations alimentaires ne dépassaient pas les 1300 calories en France en 1943. En Allemagne, on mangeait à son aise à la même époque - jusqu'à 3295 calories / jour.

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    ©Paola Bourrel

    Un petit Carcassonnais pendant la guerre

    L'État Français répartit la pénurie en divisant la population en huit catégories selon son âge et son statut : E (enfants de moins de 3 ans), à V (personnes de plus de 70 ans), J1 (jeunes de 3 à 6 ans), J2 (6 à 13 ans), J3 (13 à 21 ans) et A (adultes de 21 à 70 ans). Les travailleurs de force et le femmes enceintes ou qui allaitent ont droit à des rations supplémentaires. En 1938, un adulte consomme en moyenne 3,4 kg de bœuf par mois ; en mai 1941, un adulte A n’a le droit qu’à 350g par mois et en 1943, à 260g par mois). Les quantités prévues, déjà faibles au départ, diminuent au cour des années ; en Avril 1943, la ration de viande est de 120g par semaine. En 1944, elle n'est plus que de 60g.

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    © Musée de la Résistance de Limoges

    À gauche, la ration mensuelle de viande d'un J2 et T en 1941 (1kg).

    À droite, la ration mensuelle d'un J2 et T en 1943 (480g)

    Dans ces conditions de sous-alimentation, la première des préoccupations fut la recherche de nourriture. Ceux qui vivaient à la campagne n'eurent pas trop à souffrir des restrictions, contrairement à ceux de la ville qui crevaient de faim. Nous allons voir ci-dessous à travers des témoignages que nous avons recueillis, comment ils réussirent à lutter contre la famine.

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    © Musée de la Résistance de Limoges

    Plus aucun chat dans Carcassonne...

    Si les animaux de compagnie aux pattes de velours avaient déjà disparu du paysage Carcassonnais - pour les raisons que vous comprenez -, les pigeons leur emboitèrent le pas. Les derniers survivants de cette espèce nichaient sur les hauteurs de l'église Saint-Vincent. Lorsqu'on réussit à mettre au point quelques frondes pour les atteindre, leur sort fut scellé. Les Carcassonnais se mirent ensuite à élever des lapins dans leurs caves. Pour les nourrir, les gens ramassaient les maigres fanes au pied des platanes de la place Carnot laissés après le marché, où déjà il n’y avait pas grand chose à emporter.

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    © Musée de la Résistance de Limoges

    On récupérait la peau des lapins pour confectionner des cols de vêtements, des pantoufles avec semelles en carton.

    Pinard contre fayots

    Le département de l'Aude - grand producteur de vin - avait du pinard en grande quantité malgré le racket des troupes allemandes qui l'envoyaient outre-Rhin. Le ravitaillement général distribuait une infâme piquette à raison d'un litre et demi par quinzaine et par individu, alors les habitants allaient chercher clandestinement dans le Minervois, la Malepère ou les Corbières, un breuvage de bien meilleure qualité. Ce vin constituait une bonne monnaie d'échange pour les Audois débrouillards.

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    Les Allemands dans une cave audoise

    Le Haut-Limousin récoltait des haricots en abondance, ainsi que d'autres légumes secs ; mais il manquait de vin. Après avoir planqué la majeure partie de leur récolte à cause de la réquisition allemande, les Limousins voyaient arriver les Audois par le train chargés de bonbonnes. Ainsi le Minervois était-il accueilli à bras ouvert du côté de Limoges, malgré les risques d'un contrôle. La gare de Limoges et de La Souterraine n'attendaient que les braves paysans locaux viennent chercher "les pèlerins de la faim". Une fois arrivés à la ferme et fort bien reçus par ces rudes Limousins, le pinard était vidé et rempli de bons haricots. Ils serviraient a être cuisinés en ragoûts accompagnés d'une couenne et d'un os de jambon pour y donner du goût. Oh ! certes, un goût de rance, mais en période de guerre on ne fait pas la fine bouche.

    Comment les Audois connaissaient-ils les fermiers du Limousin ? Les adresses se passaient oralement avec la prudence d'un secret d'état. Le vin arrivait un peu "tréboul" par le voyage, mais les Limousins en faisait le une spécialité locale : le mijo. Il s'agit de pain trempé dans du vin avec du sucre. C'est paraît-il désaltérant. Là-bas, les Audois faisaient un véritable festin avec le ragoût de mouton, les châtaignes, le fromage maison ou le civet de lapin pris au collet. Le lendemain les voyageurs reprenaient les chemins boueux du retour vers la gare en direction de Carcassonne. Le miracle de Canna avait transformé cette fois, le vin en haricots !

    La queue devant les magasins

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    Les ménagères avaient été informées la veille dans la presse locale de la distribution de denrées alimentaires. À partir d'une heure du matin, déjà les premières clientes attendaient l'ouverture du magasin prévue aux alentours de 8 heures. Certaines fois, il a été observé des files d'attente depuis 20 heures du soir ; soit douze heures avant l'ouverture ! En été, comme en hiver... Ces courageuses mères de familles patientaient sous la pluie et le froid pour espérer 50 grammes de viande par personne, quelques patates, un quart d'huile ou 25 grammes de graisse de cheval.

    Entre amies, elles se gardaient la place et devisaient sur ce qui pourraient être acheminé prochainement.  La rumeur prétend que demain, il y a aura des châtaignes mais seulement pour le ticket des J3. Le plus embêtant était le manque de pain - pourtant aliment de base. Quand il y en avait, il était coupé avec du son, de la fécule de pommes de terre ou de fèves. Bref, une espèce de repasse distribuée à raison de 60 grammes par jour. Chez ma grand-mère qui avait cinq enfants, on coupait le pain si fin chaque jour que l'on pouvait y voir la Cité au travers : "On léchait ses doigts pour ramasser les miettes sur la table, tellement on avait faim." Je n'ai jamais vu mes tantes - même après la guerre - jeter du pain. Quant à mes oncles, ils ont conservé l'esprit de récupération et de transformation.

    Le marché, place Carnot

    Les autorités municipales avaient mis en place une procédure de sécurité les jours de marché. Personne ne devait accéder sur la place avant le coup de sifflet donné par le policier Mallabiau. Il paraît qu'il ne plaisantait guère avec la discipline. Tout cela pour quelques fanes de carottes... Au coup de sifflet donc, une nuée de femmes se précipitait sur la marché en jouant des coudes - on rapporte qu'un femme enceinte fut même piétinée. Enfin d'éviter les accidents, il fut décidé de séparer les femmes en trois groupes : cartes rouges, vertes et bleues. Tantôt les rouges pouvaient entrer les premières, tantôt les autres. Autant dire qu'une fois les premières passées, les autres devaient se contenter des épluchures... Les plus "privilégiées" restaient les femmes enceintes bénéficiant de cartes spéciales ; ceci, non sans créer des jalousies au sein des autres groupes.

    Le système D

    Avec un peu de farine de maïs récupérée à la campagne, on faisait du millas. Ma grand-mère avait essayé de faire bouillir les cosses des petits-pois, sans grand succès gustatif. Quelques topinambours, du rutabaga... Sur les berges de l'Aude, les nèfles faisaient un peu passer la faim. À la belle saison, la nature offre des mûres, du raisin et des figues.

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    © Musée de la Résistance de Limoges

     Pour faire un bon usage des pommes de terre, on garde les épluchures et un petit morceau de chaque pomme de terre utilisée pour le repas (si possible avec un œil), pour le replanter aussitôt et assurer à bon compte les prochaines récoltes. Quant au café, celui que l’on peut se procurer est imbuvable : il sent la merde. On confectionne un appareil pour torréfier de l’orge...  

    Le Marché noir

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    Il ne faut pas hésiter à dénoncer hélas, les commerçants (bouchers, boulangers ou épiciers) Carcassonnais qui se sont enrichis sur le dos de la famine en faisant du marché noir. Comment ? En détournant une partie des produits de la répartition arrivés par wagons, qu'ils revendaient sans tickets à des prix faramineux. Après la guerre, l'indignité nationale et la confiscation d'une partie de leurs biens ne les a pas ruinés, puisque beaucoup d'entre eux ont été amnistiés au début des années 1950. Quant à certains autres subitement fortunés, l'argent leur est tombé du ciel en parachute dans des caissons destinés aux maquis. Pour faire fortune pendant la guerre, il n'y avait pas trente-six mille solutions : la collaboration ou le marché noir. Parfois les deux...

    Nous attendons vos témoignages pour enrichir cet article

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