Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Souvenirs de carcassonnais - Page 17

  • André Saura, matricule 51.119 tatoué au bras gauche

    C'est l'histoire de deux amis, deux gymnastes de "la Carcassonnaise":

    André Saura et Maurice Ancely.

    En juin 1940, ils ont 16 ans et n'acceptent pas la défaite et la capitulation. André s'engage alors deux ans après, dans l'armée d'Afrique du nord, mais bien qu'incorporé il ne pourra la rejoindre. La Marine française s'est sabordée en rade de Toulon, en raison de l'invasion par l'armée du Reich de la zone sud en novembre 1942. Il est démobilisé mais en mars 1944, il prend une décision lourde de sens et qui bouleversera sa vie, à jamais.

    2058981204.jpg

    Accompagné par son camarade Maurice Ancely, bien décidés à fuir les Chantiers de jeunesse, passeport pour aller travailler en Allemagne et construire des bombes pour tuer ses compatriotes, il rejoignent le maquis. Ils sont rapidement pris en main par les résistants de Montolieu et de Brousses et Villaret. Leurs travaux vont consister d'abord, à rechercher des terrains pour les parachutages dans la forêt de la Galaube. Un soir, on leur annonce qu'il doivent partir pour l'Afrique en passant par l'Espagne. N'écoutant que leur courage, ils obéissent et s'en vont dans une ambulance de Carcassonne "Mer Laborie", jusqu'à la frontière avec les Pyrénnées Orientales. Ensuite, ils marchent de nuit jusqu'au village de Taulis où les attend un passeur. Cet individu au nom de Lopez est aux mains des allemands et quand il est relâché, il les livre à la Gestapo. Ils sont interrogés au Boulou, internés à la citadelle de Perpignan et finalement envoyés au camp de Compiègne. Le 11 mai 1944, dans des wagons à bestiaux contenant 120 hommes chacun, ils sont envoyés à Buchenwald où ils arrivent quatre jours plus tard.

    1025111428.jpg

    "Pendant le transit, nous n'avions pas d'autre choix que de boire de l'urine pour survivre. Malgré cela plusieurs hommes sont morts à l'arrivée au camp." m'a t-il confié. Les SS les font alors descendre à coup de crosse, pendant qu'ils assistent à l'atroce spectacle des camions qui passent sur les corps des hommes morts ou dans le coma. Après la désinfection sommaire, ils revêtent les habits du camp. Leur logement? Une tente de cirque où il sont 400, entassés sur des fagots de bois, la tête touchant les pieds du voisin. certains meurent de froid... A Ellrich, on les fait travailler sur une voie de chemin de fer de 6 heures à 18 heures avec demi-heure de pose à midi. Le camarade Maurice Ancely n'est plus avec lui, il ne survivra pas. Le 19 juillet, changement de camp et nouveau travail. Lever à 3h30, café à 3h40, 4h l'appel dans la cour jusqu'à 5h15 sans bouger par des températures de moins 20 dégrès, 6h le travail jusqu'à 18h30, 20h la soupe (1 litre d'eau avec 3 carottes dedans), 21h le pain (400 grammes) et la margarine (10 grammes). L'hiver la température atteignait -22°, ils étaient en caleçons! La boue rentrait dans les chaussures; sous les coups des Kapos des hommes ne relevent pas et leurs camarades ne peuvent pas intervenir.

    7986228.jpg

    Le 4 avril 1944, les américains sont à 30km. Les hommes vont quitter le camp et marcher sous les coups des SS. Ceux qui ne peuvent pas suivre sont abattus d'une balle dans la nuque! C'est la colonne de la mort... Dans un village, les "Bôches" vont tenter de les tuer plusieurs fois avec la complicité des habitants mais ils échoueront et finalement, les libérateurs mettront fin à leur calvaire.

    3159674749.jpg

    André Saura (à gauche) et Maurice Ancely (à droite)

    A son arrivée ne gare de Carcassonne, sous les yeux de sa mère qui ne le reconnaîtra pas, André ne pèse que 43 kilos. Il devra sa survie à un excellent moral et ensuite à sa mère. Car, malgré la libération beaucoup décéderont par la suite. André mangera de la soupe et de la Blédine préparée par sa mère pendant des mois, cela lui sauvera la vie. Aujourd'hui à près de 90 ans, ces souvenirs sont autant de plaies à jamais ouvertes. Il en parle comme tous ceux qui sont revenus de l'enfer, avec mesure et humilité. Il m'a confié son récit, qu'il a fait taper sur cinq pages et je l'en remercie.

    °°°°°°°°°°°°°°°°°

    En souvenir de son ami Maurice Ancely (frère de Fernand, ancien maire de Carcassonne) qui a laissé sa vie à 20 ans à Buchenwald, il avait obtenu de Raymond Chésa que le rond-point situé à Géant Cité2 portât son nom. Si vous passez par là, ayez une pensée pour Maurice.

    saura.jpg

    André Saura est décédé en mars 2013 à l'âge de 89 ans, son témoignage que j'avais recueilli en 2011 le gardera vivant pour l'éternité. D'une grande humilité et d'une immense discrétion sur ce qu'il a vécu, André Saura s'était confié à moi alors même qu'il ne disait que très peu de choses à ses proches. Ce n'était pas un homme des médailles mais un homme des combats. Chacun comprendra sûrement...

    ______________________________

    © Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2015

  • L'école de piano de Mademoiselle Alay

    001.jpg

    Isabelle Alay ou Mlle Alay — comme l'appelaient ses élèves — est un professeur de piano qui a formé pendant plus de trente ans à Carcassonne, un nombre impressionnant de jeunes musiciens. Née en 1927 dans une famille émigrée de la catalogne espagnole, elle perd son père dans un accident de moto en août 1931 ; elle n'a alors que quatre ans. Sa mère devra élever ses quatre enfants dans un pays dont elle ne maîtrise pas tout à fait la langue, en faisant le dur métier de couturière. À cette époque, point d'allocations familiales, d'allocation logement ou de Revenu de Solidarité Active... Quand on n'a pas le sou, difficile d'accéder aux loisirs de l'apprentissage musical comme l'ensemble de la bourgeoisie Carcassonnaise. Pourtant... Il est dans la rue du marché (Rue Tomey) une dame d'une grande générosité — Gabrielle Saulnier — qui va lui enseigner le piano gratuitement. Cette personne qui fut amie de Gabriel Fauré et de Paul Lacombe, tante de l'auteur Jean-Claude Brisville, dispense des cours aux familles bien nées de la ville. Ironie du sort, c'est à leurs enfants qu'Isabelle Alay enseignera le piano, plus tard...

    alay.jpg

    Après une rencontre avec le futur pianiste concertiste Michel Briguet — alors sous-lieutenant à la caserne Lapérine — Isabelle Alay fonde son école de musique en 1968 au 22, rue de la digue. Précisément dans l'ancien local d'une épicerie de l'Étoile du midi. Elle débute avec peu d'élèves, mais bientôt, la réputation de cette école va faire grossir les effectifs. Parmi ses tout premiers élèves, on retiendra les noms d'Anne-Marie Mazières, Brigitte et Sylvie Bochard, Isabelle de Rochette, Martine Laure...

    P1050090.jpg

    Dès l'année 1971, elle organise une audition de piano de ses élèves, au théâtre municipal de Carcassonne. Ce gala sera reconduit chaque année jusqu'au milieu des années 1990. Il ne s'agissait pas d'un simple récital, mais d'une représentation costumée dans laquelle les enfants évoluaient autour d'une histoire préalablement écrite. Isabelle Alay passait des nuits à dactylographier sur sa machine à écrire, le texte narratif de l'histoire et les dialogues que chaque élève devait apprendre. Ceci afin de présenter le morceau qu'il allait interpréter.

    Ecole de Piano. Isabelle Alay (2).jpg

    Cette année-là, ce fut les musiques du monde. Les élèves, le drapeau d'un pays différent à la main, incarnaient un compositeur. Les auditions étaient enregistrées sur disque vynil par Georges Savi et chaque élève pouvait ainsi garder un souvenir de son passage.

    Le royaume de la musique (2).jpg

    Ses élèves participaient également au concours national du Royaume de la musique, fondé en 1947 par Mme Raynaud-Zurfluh. Il passait chaque année par Carcassonne. Les meilleurs d'entre-eux étaient envoyés chez Mme Perrier à Toulouse où ils jouaient devant le concertiste Pierre Sancan. Isabelle Alay organisait également pour ses élèves des déplacements à l'opéra de Montpellier, aux ateliers de fabrication des pianos Rameau à Alès... Tout un univers musical dans une ambiance familiale et amicale.

    857034_708069282620482_931322812544900496_o.jpg

    Dans cette école, les élèves évoluaient au milieu des chats — compagnons fidèles des artistes. Sur cette photo, on reconnaît Marion Charles et Sophie d'Arzac.

    Ecole de Piano. isabelle Alay (3).jpg

    Nous avons tenté de dresser la liste non-exhaustive des enfants qui furent élèves d'Isabelle Alay. Pensez-donc sur une période de trente ans, c'est quasi impossible...

    Bruno Ferrisi, Michel Plasse, Michel Martin, Serge Portella, Frédéric Portella, Bernard de Rochette, Gérard de Rochette, Philippe Berger, Christian Berger, Olivier Martheleur, Arnaud Martheleur, Aude Martheleur, Philippe Cruchandeau, Sénagas, Georges Rives, Marie Rives, Olivier Roux, Jacques Martin, Philippe Dardier, Eric Garcia, Quentin Jaussan, Laurent Monnier, Benjamin Charles, Marion Charles, Brigitte et Sylvie Bochard, Isabelle de Rochette, Evelyne Berger, Catherine Pagès, Patricia Meyrous, Sandrine Lafitte, Laetitia Jollet, Martine Laure, Fanny Virelizier, Aude Buxeda, Elisabeth Morin, Laurence barrou, Laurence Cornet, Gersende Journet, Florence Gianesini, Joelle Loriot, Pascale Pous, Caroline Sawas, Géraldine Calmet, Evelyne Calmet, Brigitte Mauleau, Anne Masson, Laurence Zamith, Gilberte Olive, Hélène Bel, Sylvie Bel, Agnès le Corron, Mireille lestrade, François Luis, Sophie Merau, Sophie Denjean, Marie Parayre, Nathalie Parayre, Isabelle Coll, Véronique Diaz, Barbara Gatin, Bernard Roques, Josiane Barbe, Marie-Aude Dariscon, Cécile Roumiguières, Anouck Abadie, Françoise Gorroz, Cécile de Grenier, Brigitte Labécède, Bernadette Horcholle, C. Authier, Christine Pédron, M. Bisauta, R. Allard, Cathy Fages, Jean-Marie Lezcano, Arielle Thibout, Audrey Laraury, Cathy Subreville, Lionnel Andrieu, Martial Andrieu...

    Aujourd'hui, Isabelle Alay vit encore au milieu de ses chats, de ses souvenirs et de son piano... Elle a 87 ans !

    Mise à jour

    I. Alay vit à la maison de retraite Béthanie, rue E. Renan à Carcassonne.

    _______________________________

    © Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2014

  • Jeux et gamineries au quartier des Capucins dans les années 50

    Je vous parle d'un temps où les consoles de jeux video n'existaient pas. De toute façon, personne dans ce quartier populaire de Carcassonne dans lequel cohabitaient plusieurs familles issues de nationalités différentes, n'aurait eu la somme pour s'en procurer. Car, si maintenant le jeu video se pratique presque uniquement en solitaire ou avec un adversaire du bout du monde, les jeux traditionnels ont fondé des amitiés de jeunesse qui perdurent encore. Outre les classiques tels que marelle, corde à sauter, billes ou ballon, les petits débrouillards des Capucins s'amusaient avec presque rien...

    Claude Marty un ancien du quartier, aujourd'hui exilé dans le Nord — comprenez chez nous tout ce qui se situe au-dessus de Castres — nous a transmis quelques souvenirs de ces instants joyeux.

    marty.jpg

    Claude Marty

    D'autres jeux étaient plus périodiques sans que l'on sache comment ils arrivaient à la mode. Quoique, après analyse, le temps y était pour quelque chose. Lorsqu'il faisait mauvais dehors — c'est-à-dire trop chaud — les jeux calmes prenaient le dessus. On y jouait sur les trottoirs, à l'ombre ou mieux, dans la fraîcheur des couloirs. Par exemple, les osselets...

    osselets.jpg

    Au printemps et au début de l'été, pendant la période où les agneaux étaient petits — car ce jeu avant l'arrivée du plastique se faisait avec de vrais os du métatarse d'agneau donnés par un boucher compatissant. Ces os (deux par animal) sont les astragales. Il fallait cinq osselets pour jouer et cela facilitait l'agilité des enfants.

    abricot.jpg

    Lorsque les billes de verre étaient trop chères, on jouait avec des noyaux d'abricot. Le jeu consitait à bloquer un noyau dans la paume de la main, de frapper les doigts sur la bordure du trottoir et de lâcher le noyau. Le joueur suivant faisait de même et s'il touchait un noyau, il emportait le tout sinon la partie continuait. Quand on avait perdu trop de noyau... il fallait manger des abricots.

    sifflet-noyau.jpg

    Avec les noyaux d'abricots, une occupation courante était d'user les deux côtés convexes sur un mur jusqu'à l'obtention de deux trous — on évide l'intérieur avec une épingle à nourrice. Lorsque cela est terminé, on met le noyau sous les lèvres et devant les incisives et on soufle... Avec de la chance, cela faisait un sifflet.

    rugby.png

    Pour les garçons... Le rugby "à toucher" avec un bout de tissu roulé (un peillot, en occitan). Et on faisait même des transformations ! Comment ? Voir la dessin ci-dessus...

    _____________________________

    © Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2014