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Souvenirs de carcassonnais - Page 16

  • Il était une fois... Le Xénon et Jean-Jacques Duffaut

    Au début des années 80 débarque à Carcassonne, un gersois nommé Jean-Jacques Duffaut propriétaire de la boutique Kraft, 42 rue Barbès. Ce fils de paysans gascons va faire tourner les têtes et piétiner les Carcassonnais pendant trente ans. Revenu des Etats-Unis d'Amérique où il a fantasmé sur une boîte de New-York, il n'a qu'une idée c'est de réaliser la même. Ce sera sur l'actuelle zone du Pont rouge. Duffaut va alors se lancer dans une entreprise folle pour mener à bien en solitaire, un projet dans lequel il va mettre 300 millions d'anciens francs. Ce sera le Xénon ! Rien que le fronton lui coûte 20 "bâtons". Qu'importe ! Il veut ses colonnes doriques inspirées des temples grecs.

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    Jamais on n'avait bâti une telle discothèque dans Carcassonne : 350 m2 de surface totale avec un bar de 25 mètres et un disquaire en hauteur. Dans les futurs plans de l'entrepreneur, il faut ajouter une piscine, un court de tennis et de squash, un bowling.

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    Jean-Jacques Duffaut au Xénon

    La discothèque sera inaugurée le 28 décembre 1983. En moins de dix ans, Jean-Jacques Duffaut va créer Le Xénon (1983), la piscine et le restaurant (1985), le bowling (1988), la station Skyrock (1988) et le Mc Duff' (1989). Ce dernier l'un des premiers fast-food de la ville, sur le boulevard Omer Sarraut.

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    Le Mc Duff' avec Gilles et Bob derrière le bar en inox rouge, servait les meilleurs hamburgers de la ville. Quand on voit ce qu'est devenu aujourd'hui ce local jouxtant le café de la Rotonde, on voit le déclin de notre ville depuis quinze ans. Pour ceux de notre génération, croyez-moi, cela crève le coeur. 

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    En 1986, une émission de variétés est diffusée en direct par FR3 national depuis le Xénon. Parmi les artistes, il y a les rois du Top 50 de l'époque dont Canal + donne le classement chaque semaine. On se souvient sans doute de Marc Toesca et de son : "Salut, les petits clous". Corinne Charby chantant "Comme une boule de flipper" autour de la piscine éclairée du Xénon... Quel souvenir !

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    Une soirée au Xénon en 1986

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    Sur la piste...

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    Les cuisiniers et serveurs du restaurant

    En 1991, Jean-Jacques Duffaut décide de mettre la discothèque en gérance. Ne pouvant courir plusieurs affaires à la fois, il se concentre sur d'autres activités. En fait, peu à peu et avec discrétion il s'éloigne de Carcassonne. Le Mc Duff' va fermer en même temps que l'on va perdre Pavanetto, son Conti et sa boîte Le privé. Une catastrophe que cette année maudite de 1992.

    La leçon selon Duffaut

     Jean-Jacques est un grand baroudeur qui a visité plus de cent pays différents. A ces débuts, il même travaillé dans un kibboutz. De tout cela, il a tiré une grande sagesse et une richesse spirituelle sans pareil. Avant de partir, il se confie en 1991 à un journal local sur la difficulté de mener des entreprises à Carcassonne :

    "Quand on est considéré comme un étranger. Ici, sont étrangers les gens qui n'ont pas été à Stan ou à Varsovie (lycées de la ville, NDLR).

    Il ajoute au sujet du tourisme :

    J'ai vu pas mal de choses dans le monde. Cela me ramène à dire que la Cité est un des plus beaux monuments, au moins de France. Depuis 1979, j'entends cette question : pourquoi les touristes ne restent pas ? C'est pourtant évident, rien n'est pour eux... Beaucoup de gens parlent de tourisme sans connaître Hong-Kong, Singapour ou New-York... Ici, on voit passer un million de touristes en transit. On reçoit des Japonais et qu'est-ce qu'on leur donne ? Ce sont des gens qui ont tout chez eux et une notion du service très poussée. D'abord comment arrivent-ils ? Je caricature, mais il leur faut presque attendre trois heures pour un bus. Aujourd'hui, c'est fini, il n'y a qu'à Ponte-de-Lima qu'on attend trois heures. Il y a un problème de communication. On parle d'un aéroport, mais moi je me fous que les Carcassonnais puissent aller à Paris. L'important, c'est que les étrangers puissent venir chez nous ou au moins qu'on les y pose. Qu'on ouvre des lignes avec l'Europe, Berlin, Londres... Ensuite, les structures. Il n'y a pas un distributeur bancaire à la Cité. J'ai jamais vu ça, même dans les coins les plus paumés. Location sur place de voitures, idem. Il faut savoir que les gens viennent visiter la Cité pendant deux heures. C'est bien gentil, des prospectus, mais il faut faire tout ce qu'il y a entre, prendre les gens en charge. On comprend que le mec ne reste qu'un jour, il ne peut pas faire dix fois le tour de la Cité. ce monument est une raison de venir, pas une raison de rester. Ou alors, on fait des rues tordues à l'intérieur pour que les gens ne puissent pas en sortir...

    Quand à l'économie... Qu'on arrête de faire pousser des zones industrielles sans usines dessus. Cela fait uniquement travailler des charpentiers et des liquidateurs de biens. On est un très beau pays, mais arrêtons de jouer les vierges effarouchées. N'ayons pas peur de fermer ce qu'il faut fermer, mais implantons autre chose...

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    Le Xénon a été entièrement rasé en 2009, puis ce fut le tour du bowling. Aujourd'hui, il ne reste plus rien de ce temple des nuits Carcassonnaises. Quant à Jean-Jacques Duffaut, il est toujours dans les affaires entre le Brésil et le Cap d'Agde. Les hommes de valeur et les visionnaires ne restent jamais à Carcassonne. Ils dérangent...

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    © Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2015

  • La discothèque "Le privé"

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    Avec le décès du patron Pierre Pavanetto, le 16 février 1992, la discothèque

    "Le privé"

    n'allait pas lui survivre bien longtemps. Les jeunes et moins jeunes carcassonnais gardent tous un souvenir ému de ce lieu mythique aujourd'hui disparu. Qu'est devenu cet endroit quinze ans après?

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    Les bâtiments de la discothèque en 2012, derrière la route de Toulouse.

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    L'entrée du privé au temps de sa gloire

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    La même entrée en 2012. L'emplacement des ampoules au dessus de la porte était encore là, mais plus rien ne brille...

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    Pierre Pavanetto était toujours devant la cheminée dans l'entrée de la discothèque avec son Whisky à la main. Il suffisait d'un signe pour qu'une personne ne rentre pas et fallait pas chercher d'embrouilles au patron.

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    La cheminée ou plutôt ce qu'il en reste...

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    À droite, l'entrée vers la piste de danse a été murée pour des questions de sécurité. Seule subsiste, la peinture murale de la cité de Carcassonne.

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    Avec mes souvenirs, j'ai dressé ce plan de l'établissement.

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    La piste de danse. Sur la gauche, le bar. Au fond, le Disc jockey. Sur la droite, un petit étage avec des tables.

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    Au même endroit...

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    L'entrée vers la pizzeria "Le vésuvio" à partir de la discothèque

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    Le restaurant à l'heure actuelle.

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    Des locaux vidés et ouverts au quatre courants d'air en 2012

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    À l'arrière de la discothèque.

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    Des habitués du "privé", aux temps des copains...

     

    Les bâtiments de l'ancienne discothèque sont désormais la propriété de la société CFPR. Elle a depuis 2012 transformé l'ensemble en une école de conduite d'engins de travaux.

     

    Si vous possédez des photos, envoyez-les moi par mail pour faire revivre la légende

     

    andrieu-martial@wanadoo.fr

     

    Retrouvez-vous des photos sur ce formidable blog:

     

    http://discotheque-leprivecarca.skyrock.com/

     

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  • André Saura, matricule 51.119 tatoué au bras gauche

    C'est l'histoire de deux amis, deux gymnastes de "la Carcassonnaise":

    André Saura et Maurice Ancely.

    En juin 1940, ils ont 16 ans et n'acceptent pas la défaite et la capitulation. André s'engage alors deux ans après, dans l'armée d'Afrique du nord, mais bien qu'incorporé il ne pourra la rejoindre. La Marine française s'est sabordée en rade de Toulon, en raison de l'invasion par l'armée du Reich de la zone sud en novembre 1942. Il est démobilisé mais en mars 1944, il prend une décision lourde de sens et qui bouleversera sa vie, à jamais.

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    Accompagné par son camarade Maurice Ancely, bien décidés à fuir les Chantiers de jeunesse, passeport pour aller travailler en Allemagne et construire des bombes pour tuer ses compatriotes, il rejoignent le maquis. Ils sont rapidement pris en main par les résistants de Montolieu et de Brousses et Villaret. Leurs travaux vont consister d'abord, à rechercher des terrains pour les parachutages dans la forêt de la Galaube. Un soir, on leur annonce qu'il doivent partir pour l'Afrique en passant par l'Espagne. N'écoutant que leur courage, ils obéissent et s'en vont dans une ambulance de Carcassonne "Mer Laborie", jusqu'à la frontière avec les Pyrénnées Orientales. Ensuite, ils marchent de nuit jusqu'au village de Taulis où les attend un passeur. Cet individu au nom de Lopez est aux mains des allemands et quand il est relâché, il les livre à la Gestapo. Ils sont interrogés au Boulou, internés à la citadelle de Perpignan et finalement envoyés au camp de Compiègne. Le 11 mai 1944, dans des wagons à bestiaux contenant 120 hommes chacun, ils sont envoyés à Buchenwald où ils arrivent quatre jours plus tard.

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    "Pendant le transit, nous n'avions pas d'autre choix que de boire de l'urine pour survivre. Malgré cela plusieurs hommes sont morts à l'arrivée au camp." m'a t-il confié. Les SS les font alors descendre à coup de crosse, pendant qu'ils assistent à l'atroce spectacle des camions qui passent sur les corps des hommes morts ou dans le coma. Après la désinfection sommaire, ils revêtent les habits du camp. Leur logement? Une tente de cirque où il sont 400, entassés sur des fagots de bois, la tête touchant les pieds du voisin. certains meurent de froid... A Ellrich, on les fait travailler sur une voie de chemin de fer de 6 heures à 18 heures avec demi-heure de pose à midi. Le camarade Maurice Ancely n'est plus avec lui, il ne survivra pas. Le 19 juillet, changement de camp et nouveau travail. Lever à 3h30, café à 3h40, 4h l'appel dans la cour jusqu'à 5h15 sans bouger par des températures de moins 20 dégrès, 6h le travail jusqu'à 18h30, 20h la soupe (1 litre d'eau avec 3 carottes dedans), 21h le pain (400 grammes) et la margarine (10 grammes). L'hiver la température atteignait -22°, ils étaient en caleçons! La boue rentrait dans les chaussures; sous les coups des Kapos des hommes ne relevent pas et leurs camarades ne peuvent pas intervenir.

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    Le 4 avril 1944, les américains sont à 30km. Les hommes vont quitter le camp et marcher sous les coups des SS. Ceux qui ne peuvent pas suivre sont abattus d'une balle dans la nuque! C'est la colonne de la mort... Dans un village, les "Bôches" vont tenter de les tuer plusieurs fois avec la complicité des habitants mais ils échoueront et finalement, les libérateurs mettront fin à leur calvaire.

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    André Saura (à gauche) et Maurice Ancely (à droite)

    A son arrivée ne gare de Carcassonne, sous les yeux de sa mère qui ne le reconnaîtra pas, André ne pèse que 43 kilos. Il devra sa survie à un excellent moral et ensuite à sa mère. Car, malgré la libération beaucoup décéderont par la suite. André mangera de la soupe et de la Blédine préparée par sa mère pendant des mois, cela lui sauvera la vie. Aujourd'hui à près de 90 ans, ces souvenirs sont autant de plaies à jamais ouvertes. Il en parle comme tous ceux qui sont revenus de l'enfer, avec mesure et humilité. Il m'a confié son récit, qu'il a fait taper sur cinq pages et je l'en remercie.

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    En souvenir de son ami Maurice Ancely (frère de Fernand, ancien maire de Carcassonne) qui a laissé sa vie à 20 ans à Buchenwald, il avait obtenu de Raymond Chésa que le rond-point situé à Géant Cité2 portât son nom. Si vous passez par là, ayez une pensée pour Maurice.

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    André Saura est décédé en mars 2013 à l'âge de 89 ans, son témoignage que j'avais recueilli en 2011 le gardera vivant pour l'éternité. D'une grande humilité et d'une immense discrétion sur ce qu'il a vécu, André Saura s'était confié à moi alors même qu'il ne disait que très peu de choses à ses proches. Ce n'était pas un homme des médailles mais un homme des combats. Chacun comprendra sûrement...

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