Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Seconde guerre mondiale - Page 62

  • La commission départementale de contrôle, d'épuration et de sélection de l'Aude.

    Constituée seulement cinq jours après la libération de Carcassonne, à savoir le 25 août 1944, la commission départementale de contrôle, d'épuration et de sélection s'est réunie dans une salle de la préfecture de l'Aude. Le document ci-dessous transcrit in-extenso vous permettra de mieux comprendre l'indicible.

    Ses membres sont ci-dessous nommés :

    Sablé Jean, chef départemental du N.A.P

    Demons, Inspecteur Primaire en retraite

    Durand, Inspecteur des contributions directes

    Bassoua, Magistrat

    Le comité départemental a choisi le représentant de la C.G.T

    Correspondance 1944 1945 (8).jpg

    Sur quels textes s'est appuyée la commission ?

    1. Circulaire du directoire départemental de Montpellier en date du 24 octobre 1943, reçue pendant la clandestinité.

    2. Ordonnance du 27 juin 1944 relative à épuration administrative

    3. circulaires émanant de chaque ministères (plus ou moins sévère dans le fonds selon "la pureté" du ministre ou de ses chefs de service)

    4. Ordonnance du 26 août 1944 instituant l'indignité nationale

    5. nstructions ministérielles sur l'application de l'ordonnance du 4 octobre 1944 sur l'internement administratif des individus dangereux pour la défense ou la sécurité nationale.

    Comment a travaillé la commission ?

    A/ L'épuration administrative

    La commission a étudié les rapports des commissions administratives d'épuration crées dans chaque administration, les plaintes émanant des comités locaux de libération, les plaintes émanant des particuliers. Elle a été amenée à prendre des mesures contre les fonctionnaires coupables. En foi de quoi, le Comité de Libération a donné son avis avant que le préfet ne prenne des arrêtés de suspension.

    B/ Cas étudiés pour l'Aude

    P.T.T = 23

    Contrôle des prix : 1

    Police : 14

    S.T.O : 1

    Préfecture : 8

    Main d'œuvre : 1

    Contributions indirectes : 14

    Trésor : 3

    Commis administratif : 1

    S.N.C.F : 9

    Délégué jeunesse : 1

    Enseignement : 37

    Contributions directes : 3

    Santé publique : 10

    Contrôle postal : 4

    Justice : 2

    Ravitaillement : 9

    Employés communaux :

    Carcassonne 7, Narbonne 5, Communes 14

    Architectes : 1

    Inspection du travail : 1

    Société Méridionale Transport de Force : 9

    Enregistrement : 2

    Services agricoles : 3

    Secours National : 1

    Hospices : 4

    Ponts et chaussées : 4

    Eaux et forêts : 1

    Banques : 7

    Clergé : 2

    20 cas de demandes de réintégration de fonctionnaires frappés par Vichy

    c/ Autres mesures d'épuration

    Remise en état de la ville avec avis sur paiement facturés aux entrepreneurs ayant collaboré aconomiquement avec les allemands. Les listes ont été transmises au génie militaire et à la commission de confiscation des profits illicites.

    Liquidation de la Légion des combattants

    Dissolution de la coporation paysanne départementale, avec son remplacement par le comité départemental de défense et d'action paysanne.

    Dissolution de l'ancien bureau du syndicat des commerçants en gros

    Direction provisoire du syndicat des vins

    Épuration de la Caisse Interprofessionnelle d'Allocations Familiales

    Dissolution du Comité d'organisation des bâtiments et travaux publics.

    Constitution du Conseil provisoire d'administration de la cave coopérative "La vigneronne"

    Épuration de la Maison du prisonnier

    Suspension de l'ancien conseil d'administration de la Société départementale des chasseurs

    Commission départementale des impôts directs

    Remaniement du bureau bienfaisance de Carcassonne

    Syndicat des boulangers

    Chambres de commerces

    Épuration de la Chambre des métiers

    Réorganisation des conseils d'administration des Caisses d'épargnes

    Épuration du Conseil des Prud'hommes

    D/ Demandes d'arrestations ou d'internement administratifs

    Préfet Marchais

    Chef de cabinet Bourgin

    Sentenac (Maire de Trèbes)

    Freund-Valade (ex prefet de l'Aude)

    Julien Jules (ex maire de Roubia)

    Castel (ex maire de Lézignan)

    Membres de la L.V.F

    Cabouat (préfet)

    Causse (ex sous-prefet de Limoux)

    Bousquet (Dir Main d'œuvre)

    E/ Chambre civique

    La commission a transmis un nombre élevé de dossiers au parquet en vue de la comparution des intéressés devant la chambre civique. Cet envoi a été réalisé à partir de plaintes, des rapports du Comité de Libération, des dossiers des communes du cabinet du préfet. La commission a été amenée à donner son avis sur un nombre impressionnant de dossiers litigieux, communiqués par le commissaire du gouvernement.

    F/ Autres études de la commission

    Demande de blocage et de mise sous séquestre des biens des personnes accusées (Miliciens, SOL...)

    Études des demandes de levée de séquestre (700)

    Visites des prisonniers

    Convocations de personnes signalées à la commission des plaintes

    Participation active de la commission à la recherche de René Bach après son évasion.

    G/ Bilan

    288 Procés verbaux au 25 août 1945

    Rôle de la commission de contrôle des incarcérations

    Composition

    Pastour( procureur de la République), un officier F.F.I, Blanc, Daraud, Bassoua

    Les arrestations sont massives au début, puis la commission de contrôle des incarcérations propose à la commisison d'épuration une sélection après étude des dossiers. La liste est établie selon les personnes à incarcérer, assignées en résidence surveillée, à relâcher.

    La commission de criblage

    Après étude des dossiers, elle propose le renvoi des personnes en chambre civique, en cours de justice ou leur libération.

    Toute personne ayant été traduite devant la chambre civique doit comparaître libre. C'est ce qui explique que celles qui sont internées sont relâchées quelques jours avant leur comparution devant la chambre civique. Tout collaborateur qui après jugement et qui retourne chez lui, peut s'il manifeste une activité marquée où s'il est considéré comme dangereux, être interné administrativement par le préfet sur demande motivée des Comités Locaux de Libération.

    Difficultés rencontrées

    La constitution de commissions administratives d'épuration n'ont pas été simples dans certaines administrations comme, par exemple, les eaux et forêts, l'enregistrement ou les contributions directes. Celle qui a le mieux fonctionné est celle des P.T.T

    Les griefs insuffisants ou incomplets émanant des particuliers ou des commissions d'épuration.

    Dans les plaintes des comités locaux de libération, il y a eu parfois des vengeances personnelles.

    Les termes de l'ordonnance du 27 juin 1944 sont trop vagues. Peut-être à dessein afin d'enrayer l'épuration. Cette ordonnance est incomplète et ne permet pas de frapper les admirateurs du gouvernement Pétain.

    Trop d'attestations de résistants en faveur des épurés. Un dossier pesant exactement 65 grammes au moment de la décision de suspension, pèse après l'apport des interventions 1022 grammes, soit 957 grammes en faveur de la contre épuration.

    Les pouvoirs de la commission s'arretent aux propositions. Ce sont, selon les cas, le préfet, le commissaire de la République ou le ministre qui prennent les sanctions définitives. Les dossiers sont transmis aux commissions supérieures d'épuration près des ministères. D'un façon générale ces commissions trouvent les dossiers insuffisants. Il manque des témoignages, des preuves, des dépositions, des attestations, des rapports... En haut lieu, la valeur d'un dossier doit être en fonction de son volume et son poids...

    Exemples

    C'est là une marque de défiance vis à vis des commissions départementales d'épuration. Quand les sanctions sont prises, la commission départementale n'est même pas avisée ; d'où l'impossibilité de savoir si l'épuration se fait ou ne se fait pas. Certaines adminsitrations comme l'armée, ne font pas d'enquête avant d'embaucher des épurés. C'est ainsi qu'on a pu voir des épurés suspendus, lieutenant de réserve, devenir subitement capitaines. Tel épuré au traitement de 4000 francs/ mois, gagne 8000 francs/ mois dans l'armée.

    Tel collaborateur Carcassonnais qui a été incarcéré car affilié au groupe collaboration, entre à l'intendance militaire de Carcassonne. Tel compromis dans le trafic des boites de lait, reçoit en prison son ordre de mobilisation et on le retrouve, non sur le front, mais à l'intendance militaire de Carcassonne. Le colonel Picard ayant été averti, a éloigné ces deux oiseaux.

    Le manque de courage civique du public

    Les gens critiquent dans la rue que l'épuration ne se fait pas, mais quand on leur demande de déposer, il ne savent pas, n'ont rien vu ou entendu. Ceci permet aux épurés d'attaquer en diffamation ce qui ont le courage de les dénoncer. Ces derniers ne trouvent plus de témoins pour les défendre.

    En ce qui concerne les personnes traduites devant la chambre civique ou la cour de justice, les dossiers sont souvent insuffisants. Les comités locaux de libération sont souvent surpris des jugements.

    Pour quelle raison ?

    - Les juges jugent sur pièces

    - Le procureur requiert d'après les pièces du dossier

    - Les jurés donnent leurs avis d'après ces pièces

    Pourquoi les dossiers sont insuffisants ?

    La police amputée de policiers épurés n'a pas eu le temps et les moyens d'instruire dans un délai si court, le nombre formidable d'affaires en cours. Tel inspecteur fait ses enquêtes avec son vieux vélo et il est obligé de parcourir tout le département. Peut-être qi à la PJ, il y avait eu deux fois plus de policiers, Bach ne se serait pas évadé.

    Les comités locaux de libération savent ce qu'ont fait ou dit les collaborateurs de leur village et s'imaginent que tout le monde le sait. Le procureur et les jurés en particulier. Ils ont oublié de faire des déclarations écrites et de les transmettre au parquet.

    Conclusion

    La commission départementale d'épuration a conscience d'avoir rempli sa tâche. Elle s'est efforcée d'être juste et n'a pas craint de revenir sur ses décisions toutes les fois que les enquêtes ont révélé qu'elle avait été induite en erreur. Ses propositions n'ont pas toujours été acceptées (exemple certaines arrestations de préfets par trop collaborateurs). Ses pouvoirs sont très limités puisqu'elle ne fait que des propositions de sanctions. Si l'épuration ne se fait pas dans le sens voulu par le pays, elle n'est nullement responsable

    Lettre du 30 octobre 1944

    Les groupements et mouvements de l'Aude :

    CGT, Parti Socialiste, Parti Communiste, Front National, Mouvement de Libération Nationale, Union des Femmes de France, Action Féminine, Milices patriotiques, Amicale des résistants

    Interprètes de la Résistance et de la Nation, saisis de la création dans les ministères à Paris de commissions, chargées de prendre des mesures définitives d'épuration, ont le devoir d'exprimer leur sentiment, leur crainte.

    Ils ne mettent pas en cause les personnalités des commissions. Ils supposent que, chargées en dernier ressort de l'épuration, elles ont été elles-mêmes préalablement et soigneusement épurées. Encore voudraient-ils savoir par et comment elles l'ont été.

    Ils estiment qu'une commission, si parfait soit-elle mais siègeant à Paris, est moins qualifiée pour bien juger qu'une commission statuant sur place ; qu'il s'agit moins de décider sur un rapport d'enquête, dans une capitale lointaine, que d'apprécier, prise sur le vif, une activité condamnable, au lieu même de la résidence.

    Qui peut mieux, en effet, connaître les entreprises favorisant l'ennemi et contrariant l'effort de guerre de la France, les atteintes aux institutions constitutionnelles et aux libertés publiques, qui ceux, qui pendant quatre ans et chaque jour, ont été spectateurs, témoins, victimes et martyrs ?

    Leur crainte dernière, c'est qu'en s'éloignant du lieu d'origine, en s'écartant de la personne pour ne plus voir que le dossier, l'épuration malgré et contre la volonté des épurateurs suprêmes, n'aît, en fin de compte, un effet déplorable de retardement, de relâchement, d'étouffement.

    Note du blog

    Il appartiendra désormais à chacun à la lumière des documents ci-dessus rapportés des Archives de l'Aude, de comprendre pour quelles raisons il eut été dérangeant de conserver des lieux de mémoire, qui n'exonéraient pas dans le temps leurs anciens propriétaires, de leur participation à des groupes maréchalistes. Les défenseurs de cette mémoire par la lâcheté des hommes et leurs intérêts communs, ne pourraient raisonnablement faire un parallèle entre la destruction de ces bâtiments et les amités supposées d'un certains nombre de dirigeants avec les anciens propriétaires, sans risquer un procès en diffamation. C'est bien là, toute la difficulté rencontrée par l'épuration pour faire comparaître les collaborateurs à partir d'août 1944. Amitiés politiques et économiques au sein des administrations, ont eu bien des fois raison de la justice... et aujourd'hui, du devoir de mémoire. On comprend mieux comment Maurice Papon, René Bousquet ou encore Paul Touvier sont sortis indemne de l'épuration. Il doit exister sans doute encore dans Carcassonne comme ailleurs, des familles prospères et fort mal épurées se partageant depuis 1945, les bénéfices d'un pouvoir politique et économique. Que ce soit dans les chambres consulaires ou au sein des adminsitrations locales.

    Fermez le ban !

    Sources

    ADA 123J62

    __________________________

    © Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2015 

  • André Saura, matricule 51.119 tatoué au bras gauche

    C'est l'histoire de deux amis, deux gymnastes de "la Carcassonnaise":

    André Saura et Maurice Ancely.

    En juin 1940, ils ont 16 ans et n'acceptent pas la défaite et la capitulation. André s'engage alors deux ans après, dans l'armée d'Afrique du nord, mais bien qu'incorporé il ne pourra la rejoindre. La Marine française s'est sabordée en rade de Toulon, en raison de l'invasion par l'armée du Reich de la zone sud en novembre 1942. Il est démobilisé mais en mars 1944, il prend une décision lourde de sens et qui bouleversera sa vie, à jamais.

    2058981204.jpg

    Accompagné par son camarade Maurice Ancely, bien décidés à fuir les Chantiers de jeunesse, passeport pour aller travailler en Allemagne et construire des bombes pour tuer ses compatriotes, il rejoignent le maquis. Ils sont rapidement pris en main par les résistants de Montolieu et de Brousses et Villaret. Leurs travaux vont consister d'abord, à rechercher des terrains pour les parachutages dans la forêt de la Galaube. Un soir, on leur annonce qu'il doivent partir pour l'Afrique en passant par l'Espagne. N'écoutant que leur courage, ils obéissent et s'en vont dans une ambulance de Carcassonne "Mer Laborie", jusqu'à la frontière avec les Pyrénnées Orientales. Ensuite, ils marchent de nuit jusqu'au village de Taulis où les attend un passeur. Cet individu au nom de Lopez est aux mains des allemands et quand il est relâché, il les livre à la Gestapo. Ils sont interrogés au Boulou, internés à la citadelle de Perpignan et finalement envoyés au camp de Compiègne. Le 11 mai 1944, dans des wagons à bestiaux contenant 120 hommes chacun, ils sont envoyés à Buchenwald où ils arrivent quatre jours plus tard.

    1025111428.jpg

    "Pendant le transit, nous n'avions pas d'autre choix que de boire de l'urine pour survivre. Malgré cela plusieurs hommes sont morts à l'arrivée au camp." m'a t-il confié. Les SS les font alors descendre à coup de crosse, pendant qu'ils assistent à l'atroce spectacle des camions qui passent sur les corps des hommes morts ou dans le coma. Après la désinfection sommaire, ils revêtent les habits du camp. Leur logement? Une tente de cirque où il sont 400, entassés sur des fagots de bois, la tête touchant les pieds du voisin. certains meurent de froid... A Ellrich, on les fait travailler sur une voie de chemin de fer de 6 heures à 18 heures avec demi-heure de pose à midi. Le camarade Maurice Ancely n'est plus avec lui, il ne survivra pas. Le 19 juillet, changement de camp et nouveau travail. Lever à 3h30, café à 3h40, 4h l'appel dans la cour jusqu'à 5h15 sans bouger par des températures de moins 20 dégrès, 6h le travail jusqu'à 18h30, 20h la soupe (1 litre d'eau avec 3 carottes dedans), 21h le pain (400 grammes) et la margarine (10 grammes). L'hiver la température atteignait -22°, ils étaient en caleçons! La boue rentrait dans les chaussures; sous les coups des Kapos des hommes ne relevent pas et leurs camarades ne peuvent pas intervenir.

    7986228.jpg

    Le 4 avril 1944, les américains sont à 30km. Les hommes vont quitter le camp et marcher sous les coups des SS. Ceux qui ne peuvent pas suivre sont abattus d'une balle dans la nuque! C'est la colonne de la mort... Dans un village, les "Bôches" vont tenter de les tuer plusieurs fois avec la complicité des habitants mais ils échoueront et finalement, les libérateurs mettront fin à leur calvaire.

    3159674749.jpg

    André Saura (à gauche) et Maurice Ancely (à droite)

    A son arrivée ne gare de Carcassonne, sous les yeux de sa mère qui ne le reconnaîtra pas, André ne pèse que 43 kilos. Il devra sa survie à un excellent moral et ensuite à sa mère. Car, malgré la libération beaucoup décéderont par la suite. André mangera de la soupe et de la Blédine préparée par sa mère pendant des mois, cela lui sauvera la vie. Aujourd'hui à près de 90 ans, ces souvenirs sont autant de plaies à jamais ouvertes. Il en parle comme tous ceux qui sont revenus de l'enfer, avec mesure et humilité. Il m'a confié son récit, qu'il a fait taper sur cinq pages et je l'en remercie.

    °°°°°°°°°°°°°°°°°

    En souvenir de son ami Maurice Ancely (frère de Fernand, ancien maire de Carcassonne) qui a laissé sa vie à 20 ans à Buchenwald, il avait obtenu de Raymond Chésa que le rond-point situé à Géant Cité2 portât son nom. Si vous passez par là, ayez une pensée pour Maurice.

    saura.jpg

    André Saura est décédé en mars 2013 à l'âge de 89 ans, son témoignage que j'avais recueilli en 2011 le gardera vivant pour l'éternité. D'une grande humilité et d'une immense discrétion sur ce qu'il a vécu, André Saura s'était confié à moi alors même qu'il ne disait que très peu de choses à ses proches. Ce n'était pas un homme des médailles mais un homme des combats. Chacun comprendra sûrement...

    ______________________________

    © Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2015

  • La rafle des juifs polonais à Caudebronde

    Aujourd'hui, jour de commémoration du 70e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz, j'ai souhaité vous communiquer un témoignage oral qui m'est parvenu par téléphone voilà plus d'un an. Pourquoi donc avoir attendu tout ce temps ? Tout simplement parce que je n'ai pas été en mesure de vérifier ces informations. Pourquoi donc alors les diffuser ? Parce qu'il n'y aura bientôt plus de témoins et que la destruction de la villa de la Gestapo de Carcassonne a changé bien des choses dans mon esprit. Je suis convaincu sans accuser personne, qu'il y a désormais une volonté de tenter de faire taire tout ce qui pourrait faire resurgir du passé les agissements peu avouables, d'une partie des français sous l'occupation allemande. N'oublions qu'il a fallu attendre 1995 et le discours de Jacques Chirac pour que la France reconnaisse sa responsabilité dans la déportation de milliers de juifs vers les camps d'extermination. Oui, il y a à Carcassonne des familles qui ont prospéré grâce au marché noir, grâce à la spoliation de biens juifs ! Tout ceci est fort dérangeant et je peux comprendre que l'on veuille ne pas remuer les passions, les préjugés ou les amalgames. Ils pourraient être utilisés opportunément par des vengeurs masqués héritiers des tondeurs de femmes de la libération. C'est-à-dire des résistants de la dernière heure qui, par un coup d'éclat, laveraient tout soupçon sur leurs propres forfaits d'avant août 1944. Rien n'est blanc, rien n'est noir. Tout est gris et même opaque, c'est dire si la tâche des historiens est difficile. Aussi, ne l'étant que partiellement et à la hauteur de mon petit savoir d'amateur, je transcris ce témoignage sans pouvoir authentifier sa véracité. Il vous montrera les difficiles conclusions entre les rumeurs et les faits historiques vérifiés.

    caudebronde.jpg

    Le Village de Caudebronde

    Ce qu'on l'on sait avec certitude

    Le 24 août 1942, la police française débarque dans le petit village audois de Caudebronde et procède à l'arrestation des polonais de confession juive envoyés par l'État français pour servir de main d'oeuvre. Parmi eux se trouve de nombreux mineurs travaillant à la mine d'or de Salsigne. Un seul reviendra du camp d'extermination d'Auschwitz ; il s'agit du jeune Simon Salzman. L'ensemble de sa famille sera assasinée là-bas. Monsieur Salzman a transmis jusqu'à sa mort l'année dernière à l'âge de 91 ans, le témoignage horrible de son passage au camp de la mort.

    Ce que le témoingnage prétend

    Il y avait 12 juifs polonais à Caudebronde, seul M. Kuperman s'est sauvé. Ces polonais étaient employés à la mine de Salsigne, mais avaient été notés comme catholiques par les registres de la mairie de Caudebronde. La milice [créée à Carcassonne en 1943. NDLR] débarque dans le village sur dénonciation d'un habitant et les fait arrêter. Au moment où l'un des jeunes français se saisit d'un enfant dans la cour de l'école, une femme l'interpelle avec dégoût :

    — C'est du beau travail que tu fais jeune homme !

    — Tu n'as rien à dire grand-mère, lui répondra t-il

    Le maire de Caudebronde, boulanger de son état, alimentait le maquis de la Montagne-noire tout en recevant le commandement allemand [En août 1942, l'Aude était en zone libre. NDLR]. Il possédait paraît-il le domaine des Ferauds ou Ferrans dans lequel les allemands entretenaient un bordel. La maison a été rasée ensuite. Le jour de l'arrestation des juifs polonais, le maire avait été averti par le commandant allemand. Malgré cela, les polonais ne se sont pas enfuis. Ils ont été tous déportés. Seul Simon Salzman en est revenu et a été ensuite adopté par l'adjoint au maire de Caudebronde.

    Quand au délateur, le maquis a cherché à le tuer mais des personnes du village s'y sont opposées en raison de la forte influence de sa famille.

    Conclusions

    S'il devait y avoir une part de vérité dans ce témoignage, elle serait immédiatement mise à mal par les incohérences de dates et des évènements qui en résultent. C'est bien pour cela qu'en matière de tradition orale, il convient d'être très prudent.

    __________________________

    © Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2015