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Portraits de carcassonnais - Page 20

  • Jean Amiel (1882-1964), érudit et écrivain oublié

    Jean Amiel naît à Limoux le 9 février 1882. Son père, qui porte le même prénom que lui, est tailleurs d'habits, et Françoise Sabadie, sa mère, veille à l'éducation de ses enfants. Après des études chez les Frères des Ecoles Chrétiennes à Carcassonne, il exerce un temps le métier de son père puis se tourne vers le journalisme. Ses petites chroniques paraissent alors dans "Le télégramme".

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    © Collection Martial Andrieu

    Lorsqu'il passe le conseil de révision en 1902, on apprend qu'il exerce la profession de librairie à Carcassonne où il réside, 12 rue de la Liberté. Il est réformé à cause d'une hypertrophie du cœur, mais participera quand même à la Grande guerre, sans toutefois pouvoir prétendre en 1933 à la carte d'ancien combattant. Jean Amiel se marie en 1906 et ouvre sa librairie, 50 rue de la gare. En 1919, il est à l'initiative de la création du "Comité Saint-Régis". Le trésorier est Auguste Rougé, rue du Palais prolongée. Cette association organise des procession au tombeau de Saint-François Régis, né en 1599 à Fontcouverte. Jean Amiel qui en l'animateur le plus fervent, rédige une plaquette pour les pèlerins tout en continuant à publier des chroniques dans les journaux locaux.

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    Saint-François Régis

    "Dès 1909 il publie une série de plaquettes intitulées "Mes veillées littéraires" bientôt suivies, en 1911, par une présentation de "La Bibliothèque Publique de Carcassonne" qu'il lui serait bien difficile de reconnaître de nos jours diluée qu'elle est dans une Bibliothèque de l'Agglomération ! En 1919 il révèlera le 1er autographe du poète révolutionnaire et audois, André Chénier; celui-ci n'avait que 9 ans lorsqu'il apposa "d'une main déjà sûre" sa signature sur un acte de baptême le "12ème de Juin 1771". Il se fera connaître vraiment en 1928 en republiant une oeuvre d'histoire locale "L'Histoire des Antiquités et Comtes de Carcassonne" de Guillaume Besse qui ne se trouvait qu'en de rares exemplaires chez les érudits ou les bibliothèques locales." (Au nom de tous les Amiel / Jean-Louis Amiel)

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    En 1929, il écrit "Six ataciens célèbres", "La vie amoureuse et tragique d'André Chénier" et "Le fait de Fontcouverte". "La maison de St André" en 1931, sur l'hôtel particulier de François II de St André, bourgeois drapier. "La Vie et les Mémoires de Delphine Roumieux 1830-1911" en 1936 aux Méridionales à Nîmes et un certain nombre d'opuscules et ouvrages dont "Petite vie illustrée de St J-F de Régis", "Album souvenir de Fontcouverte" et sur des personnalités audoises comme l'écrivain Henri Bataille ou Charles Cros  sur "Le révérend-père Clément Cathary S. J. (1828-1863) Missionnaire de Madagascar" (1957), etc.

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    "Il tira de l'oubli plusieurs figures de l'histoire audoise et d'autres encore comme "Le libraire Jean-Baptiste Lajoux et ses fils (1786-1873)" une famille carcassonnaise de l'édition, ou analysa certains rapports de personnalités, comme "St Jean-François Régis et le St Curé d'Ars" qui ne parut qu'après sa mort, en 1969 ; il fit aussi des communications diverses comme celle sur "Le nom des tours de la Cité" en 1929 à la Société d'Etudes Scientifiques de l'Aude dont il était un fervent membre, article réédité d'ailleurs en 1981."

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    Jean Amiel que l'on appelait également Jean d'Atax, en référence au fleuve Aude ainsi nommé par les Romains, était un brillant autodidacte amoureux de son département. Comme beaucoup de ses semblables, il est tombé dans l'oubli. Grâce à quelques recherches que nous avons entreprises et au travail biographie de Jean-Louis Amiel, nous vous présentons cet hommage. Jean Amiel est mort le 15 avril 1964 à Toulouse.

    Sources

    Au nom des Amiel / Jean-Louis Amiel

    Recensement militaire / ADA

    Annuaire de l'Aude / 1921

    www.nom-amiel.org

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  • Brice Bourrounet (1925-2002) assassiné pendant la veillée de noël à Carcassonne

    L'ancien coureur cycliste né le 7 avril 1925 à Blomac dans l'Aude menait une vie de retraité tranquille à Carcassonne. Père de quatre enfants et divorcé de Francine, son épouse, il s'était établi dans un appartement situé au n°12 de la rue Flandres-Dunkerque dans le quartier de la Trivalle. C'est là qu'il sera retrouvé mort le lendemain de noël par Christine Posocco et son ex-épouse. 

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    A la fin des années 1940, Brice Bourrounet côtoie au sein du peloton les cracs de l'époque. Ils se nomment Louison Bobet, Jean Robic, Jean Dotto ou encore René Vietto. C'est ce dernier qu'il battra en 1945 lors d'une étape du circuit des cols des Pyrénées. 

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    Le vélo était pour Brice une véritable religion qu'il n'entendait pas partager seul. Après sa retraite sportive, il constitua une équipe de jeunes coureurs. Il souhaitait transmettre le flambeau et cette lumière pour l'amour des autres qui brillait en lui. Brice faisait l'unanimité autour de lui ; il aurait donné sa chemine alors même qu'il n'était pas très fortuné. 

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    Tout en continuant d'entraîner ses jeunes pousses, l'ancien coureur se mue en artisan de cycles. Dans son atelier de la rue Auguste Comte au n°12, il fabriquait des cadres de vélos sur mesure. Sa réputation dépassant les frontières, il finit même par signer sa propre marque : Cycles Bourrounet. A la Conte, tout le monde le connaissait ; il n'était pas rare d'apercevoir dans son atelier, des gens de ce quartier populaire de la ville. Cet homme rendait de nombreux services... Il prenait des enfants défavorisés comme apprentis.

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    Quand l'heure de la retraite sonna, Brice Bourrounet se prit de passion pour l'accordéon. Chez Christine Posocco, professeur de piano à bretelles, il apprit avec célérité et détermination la virtuosité de cet instrument. Il n'est pas un jour, où l'on n'entendit pas Brice s'exercer chez lui. Ce véritable passionné, avec quelques amis du groupe de Montredon, se mit à faire danser les noceurs des bals à papa du dimanche après-midi. Ce charmeur invétéré amoureux de la gent féminine, se plaisait à distraire ainsi son auditoire. 

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    Ce 24 décembre 2002, Brice Bourrounet est invité à passer noël chez sa fille mais décline l'invitation. Il faut dire que depuis son divorce il s'est coupé volontairement de sa famille. Dans la soirée, il reçoit la visite de deux gitans qu'il connaît bien, Alexandre Baute et Patrick Baptiste. Ces derniers en quête d'argent - l'un pour assouvir son besoin de cocaïne et l'autre, pour offrir des cadeaux à ses enfants - vont alors tenter d'escroquer le retraité. L'ancien coureur voue une passion sans limites aux femmes et s'est déjà fait avoir par le passé. Une femme de la communauté gitane avait réussi à lui soutirer 7000 €, mais Brice avait porté plainte et les escrocs avaient été condamnés à rembourser. Alors, quand Baute et Baptiste lui proposent d'aller chercher une certaine Yasmina à Toulouse, à condition qu'il paie immédiatement une somme pour le voyage jusqu'à la ville rose, Brice Bourrounet sentant le piège refuse.  Quelques jours après, Francine son ex-femme alerte Christine Posocco qui loue l'appartement à Brice. Il n'est pas normal que le chien aboie et que la boite aux lettres soit remplie de courrier. Prenant son courage à deux mains Christine Posocco va chercher un double des clés. La porte d'entrée est ouverte ; à l'intérieur, Brice Bourronnet git inanimé sur son lit. Il est mort. 

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    L'enquête de police est confiée au SRPJ de Perpignan, mais s'avère difficile. Ce n'est qu'au bout d'un an et demi qu'elle connaît un rebondissement. Un homme vient de se livrer à la police. C'est Alexandre Baute âgé de 34 ans qui avoue avoir tué Brice Bourrounet. Ce jeune homme compte dix condamnations à son palmarès, mais jamais pour des faits de violence. L'arrestation inespérée de Baute, entraînera celle de son complice Patrick Baptiste, âgé de 19 ans. D'après eux, la victime aurait voulu se débattre sur le lit et pour l'empêcher de crier, elle aurait été étouffée avec un oreiller. Au cours de la reconstitution du crime, Alexandre Baute s'accuse du meurtre, alors qu'il semblerait que ce soit son comparse qui ait assassiné Brice Bourrounet. Au moment du procès, une cinquantaine de gitans sont présents dans la salle d'audience, contre très peu de connaissances de Brice. Il était pourtant très connu et estimé pour avoir rendu de grands services.

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    La cour d'assise de Carcassonne condamnera en 2006 les deux meurtriers, à une peine égale de 20 années de réclusion criminelle. Alexandre Baute et Patrick Baptiste manifesteront des remords. Ils ont ôté la vie à un brave homme en s'emparant de 30 € et d'une caméra. Etait-ce bien là, l'unique mobile du crime ?...

    Sources

    Sur la carrière de cycliste de Brice Bourrounet, on pourra lire le travail de Jacques Blanco présenté en conférence à la Société d'Etudes Scientifiques de l'Aude en 2013.

    Presse locale et audiovisuelle

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  • Qui était le commandant Roumens, dont un boulevard porte le nom ?

    Christian Casimir Napoléon Roumens naît le 2 mars 1864 à Carcassonne, faubourg des Jacobins n°11, le 2 mars 1864 du peintre Émile Roumens et de Rose Françoise Sauzède, sans profession. Excellent élève, il se destine après ses études au lycée de Carcassonne à embrasser la carrière militaire. Le 25 octobre 1884, le futur commandant Roumens s’engage pour cinq ans et fait son entrée à l’école spéciale militaire de Saint-Cyr. Il se classe 178e sur 400 candidats retenus lors du concours d’entrée et sortira 152e de la promotion de Fou-Tchéou. Celle-ci évoque la destruction de la flotte chinoise et de l’arsenal de Fou-Tchéou par l’amiral Courbet durant la guerre du Tonkin. Le sous-lieutenant Roumens est affecté au 55e Régiment d’infanterie à Nîmes, puis à Nice le 1er octobre 1887 au 159e Régiment d’infanterie alpine. Il est ensuite promu lieutenant le 24 mars 1890 avant d’être nommé au 126e Régiment d’infanterie, puis capitaine le 23 mars 1895. Après un passage au 28e Régiment de chasseurs alpins, le capitaine Roumens entre dans l’armée coloniale au sein du 1er puis du 2e Régiment de tirailleurs algériens comme chef de bataillon le 24 septembre 1908.

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    Le commandant Roumens

    Christian Roumens participe à la guerre de pacification du Maroc, au cours de laquelle le sultan Moulay Abdelaziz défie les troupes françaises avec le soutien des pays hostiles, notamment l’Allemagne. Le général Lyautey et ses soldats sont envoyés en représailles de l’assassinat du docteur Émile Mauchamp et réussissent à reprendre Oujda.
    Abd al-Hafid se proclame alors sultan du Maroc et destitue son frère aîné Moulay Abdelaziz qui, accusé d'être trop conciliant avec les Européens, a été renvoyé et chassé par la population de la Chaouia. En 1911, Abd al-Hafid, qui contrôle de plus en plus mal l'intérieur du pays se retrouve assiégé à Fès par des soulèvements populaires et sollicite l'aide française. Le général Moinier, qui en 23 juin a mis en déroute Maa El Ainine, à la tête d'une armée de 23 000 hommes, libère le sultan. La situation est irréversible et aboutit à la convention de Fès du 30 mars 1912 qui fait du Maroc un protectorat français, un régime de tutelle mais dont le sultan et le Makhzen sont maintenus comme éléments symboliques de l'Empire chérifien. Moulay Abd al-Hafid abdique en faveur de Moulay Youssef.

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    Les tirailleurs algériens portent le commandant Roumens sur un brancard

    Alors que le 2e régiment de tirailleurs algériens est engagé contre Marocains, non loin de la Moulouya, le commandant Roumens est à la tête de la 5e compagnie. Du haut de ses 1,79 mètre, l’homme impressionne et fait l’admiration de ses hommes. Tout à coup et sans que la marche rampante des Marocains ait été signalée à travers les broussailles, les balles sifflent aux oreilles et font des victimes. Aussitôt, le colonel Blanc envoie deux compagnies appuyer celle qui est aux prises avec les Ksouriens. La compagnie du commandant Roumens (5e) est en contre-bas de moins de trois mètres et le sol est si tourmenté qu’il faut une heure pour que les renforts puissent entrer en ligne. Les Marocains inaccessibles, se déplacent avec une mobilité extrême ; ils harcèlent les tirailleurs qui se défendent et fusillent les Ksouriens qui se découvrent.
    C’est à ce moment-là que le commandant Roumens, encourageant ses hommes, est aperçu par le sergent-major Tonnot en train de pâlir. Ce dernier lui demande s’il est blessé. A ces mots, Roumens répond : « Il y a une demi-heure que j’ai une balle dans le ventre, mais il ne faut pas le dire ! » Il refuse de se faire soigner malgré les douleurs et poursuit le combat pendant une heure, au bout de laquelle il consent enfin à se faire panser.

    Autour du chef, les tiralilleurs se battent avec hardiesse, mais les Marocains les ajustent à bout portant et le sergent-major Tonnot tombe sous les balles. La compagnie de renfort arrive à dégager les tirailleurs encerclés, qui demeurent maître de la position. Sans sacs et sans vivres, le général Léré donne l’ordre de regagner le camp. Blessé dans la matinée du 23 mai 1911, Christian Roumens mourra le lendemain.

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    Lieu d'inhumation du commandant Roumens à Debdou

    Le commandant Roumens a voulu être enterré à Debdou, à côté des braves tirailleurs tombés avec lui. Dans son testament, on peut lire : « Le pays comprendra que là où ses soldats veulent dormir leur dernier sommeil, il faut que les vivants veillent l’arme au bras sur le sol arrosé de sang français.

    Deux télégrammes officiels postés de Mostaganem arrivent à Carcassonne. Le premier à 16h42 le 24 mai 1911 et le second, le lendemain.

    Tirailleurs à Maire de Carcassonne : Veuillez prévenir M. Durand, rue Antoine Marty, que commandant Roumens, blessé plaie transversale abdomen, très grave combat près Debdou.

    Colonel tirailleurs à Maire de Carcassonne. Prière aviser, extrême urgence avec tous les ménagements possibles M. Durand, rue Antoine Marty, Carcassonne, que commandant Roumens décédé hier 25 courant des suites de sa blessure.

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    © Ministère de la culture

    Le général en 1916 devant la tombe du Ct Roumens

    Albert Durand, dont il est question dans les télégramme, était l’époux de la sœur de Christian Roumens et le patron de la confiserie de la rue Antoine Marty. A la réception de chacune des dépêches, le maire s’acquitta de sa délicate mission. C’est Frédéric Lauth, brasseur et ami de la famille qui annonça la nouvelle. Le commandant Roumens avait pour oncle Jules Sauzède, député de l’Aude et ancien maire de la ville. La famille voulut dans un premier temps faire rapatrier le corps, mais le télégramme du général des troupes françaises au Maroc l’en dissuada :

    "Avant de mourir, le 24 mai après-midi, le commandant Roumens a exprimé solennellement, en pleine connaissance, à plusieurs reprises, devant le capitaine Bernard, le docteur Charrier et les autres officiers, témoins, le désir que sa dépouille mortelle restât inhumée à Debdou. D’ailleurs, dans es derniers moments, il s’inquiéta sans cesse de ses hommes, heureux d’avoir vu leur belle attitude au feu recommandant ceux qu’il avait distingués. Il s’est mit à revêtir sa tunique, pour mourir, et a affirmé plusieurs fois sa volonté de demeurer au milieu de ses tirailleurs jusque dans la mort, disant : « Je n’espérais pas une si belle mort. » Puis ajoutant : « Je en veux pas que l’on ramène ma dépouille en France. Je rester à Debdou."
    Le colonel et les officiers des régiment actuellement à Debdou, prennent leurs dispositions pour élever sur place un monument, qui rappellera la fin glorieuse de notre regretté camarade."

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    © ok-debdou

    Ce qu'il reste de la tombe du Ct Roumens à Debdou

    Une grande messe sera donnée au début du mois de juin à la cathédrale Saint-Michel en mémoire du commandant Roumens. Le mercredi 7 juin 1911, le conseil municipal sur proposition de M. Nogué, membre de l’assemblée communale, entérina l’attribution d’un nom de rue au commandant Roumens. Le boulevard des Tilleuls deviendra celui du Commandant Roumens le 20 avril 1912. Une souscription fut également lancée pour l’érection d’un monument à sa gloire ; il ne vit pas le jour.

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    Comme à Carcassonne, la ville de Miliana (Algérie) possédait avant l’indépendance une rue Commandant Roumens. Elle fut débaptisée et s’appelle aujourd’hui Bounaâma Mohamed.

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    Caveau de la famille Roumens à Carcassonne (St-Michel)

    Cet article totalement inédit sera déposé aux archives de l'Aude avec l'ensemble des sources. En cas d'utilisation, veuillez mentionner "Musique et patrimoine de Carcassonne"

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