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La maison de la Gestapo

  • Villa de la Gestapo de Carcassonne : de nouvelles révélations inédites...

    Ce matin, tambours et trompettes résonneront devant ce qu'il reste depuis trois ans de l'ancienne villa de la Gestapo, à l'occasion du 75e anniversaire de la création du Conseil National de la Résistance. Hier, les porte-drapeaux de la mémoire et fers de lance des postures gardèrent le silence, alors qu'ils avaient toute légitimité pour exiger que l'on ne détruise pas ce bâtiment. Où étaient-ils ? Aujourd'hui, ils seront bien là devant les objectifs de la presse locale et à côté des représentants de l'état. 

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    La villa de la Gestapo avant 2015

    Lors du procès des responsables du massacre de Baudrigues en 1953 devant le Tribunal militaire de Bordeaux, plusieurs enquêtes furent entreprises par la Direction Générale de la Sureté Nationale. Parmi ces dossiers, nous avons retrouvé les investigations menées afin de savoir s'il y avait une salle de tortures dans l'ancienne villa de la Gestapo. L'inspecteur de police judiciaire André Pech réalisa plusieurs plans des bâtiments, qui lui permirent de définir avec exactitude l'emplacement de chaque pièce et les changements apportés par les services de police Allemande.

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    En bas, l'entrée dans le parc par la route de Toulouse. La maison du concierge servait de prison provisoire, avant les interrogatoires. Toutes les fenêtres avaient été renforcées par des barres de fer cadenassées.

    Cette belle demeure avait été construite à la fin du XIXe siècle par le père de Gilberte Ormières, épouse Follet. Cet homme possédait une usine de chiffons au début de l'allée d'Iéna, côté pont d'Artigues. En 1943, la famille Follet sera contrainte à laisser sa villa aux services du SD (Gestapo). Jusqu'au 19 août 1944, les agents de la police secrète Allemande y tiendront leurs bureaux et procèderont à des interrogatoires musclés, principalement contre les maquisards.

    Agents du SD

    Eckfellner Hermann (Chef du SD), Schiffner Oskar (Sous-chef), Bach René (Interprète), Schonbeck Franz (Inspecteur auxiliaire), Geisswinckler Max (Portier), Schluter Karl (Inspecteur), Möller Hans (Chauffeur), Schmidt Rudolf (Inspecteur), Mücke (Inspecteur), Wenzel (Inspecteur), Zeller Aloïs (Inspecteur), Hoffmann Herbert (Inspecteur), Janeke Johan (Inspecteur). Pol Eva (Dactylo), Bachauser Crista (Interprète), Langes Kläre (Dactylo).

    Personnels travaillant à la Gestapo

    Sallen Joseph (Jardinier), Terre Anita (Aide cuisinière).

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    Le rez-de-chaussée

    Le jardinier Joseph Sallen indique la pièce A comme étant le bureau de l'économe. Il ajoute : "Je n'ai jamais remarqué de salle, dans cet immeuble, aménagée en chambre de torture. A diverses reprises, pendant que j'étais dans le jardin, j'ai entendu des cris poussés par des malheureux qui étaient interrogés, après arrestation, par la Gestapo. Je ne me suis jamais rendu compte comment ceux-ci étaient torturés, mais ils n'avaient certainement pas besoin d'avoir de pièce spécialement aménagée à cet effet, pour brutaliser les nombreuses personnes qui ont été victimes des agissements de ce service. Le 19 août 1944, vers midi, j'ai été un des premiers à entrer dans la villa sise 67, route de Toulouse, en compagnie d'un nommé Sarroca qui m'avait demandé d'aller lui ouvrir la porte, pour chercher des documents de la plus haute importance. C'est sous la menace qu'il m'a obligé à l'accompagner. Il n'a pris qu'une moto que les Allemands de la Gestapo avaient abandonnée dans la cour intérieure d'entrée."

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    La pièce C servait de réfectoire (Salle à manger)

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    Le 1er étage

    Dans la pièce n°1 se trouvait le bureau d'Eckfellner (Unterscharführer-SS) ; c'est là que de nombreux patriotes furent frappés à coups de matraque, de nerfs de bœufs. Les mains attachées derrière le dos, on soulevait les bras pour les écarteler. Eckfellner dormait dans la pièce n°3. Au n°2 se trouvait le bureau d'une dactylo et dans le n°4, le bureau de Schiffner (Scharführer-SS) avec sa secrétaire. C'était également une pièce d'interrogatoire dans laquelle opérait également René Bach. La salle de bains n°1 bis faisait office de cabinet noir, car toutes les issues étaient bouchées avec du papier noir. Dans les WC n°7, le lavabo et le bidet avaient été enlevés. C'est sûrement dans la Salle de bains n°6 que se faisait la torture de la baignoire, immersion par impression de noyade. C'est là que fut interrogée Madeleine Billot le 11 juillet 1944, après son arrestation sur le Pont vieux.

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    Le couloir d'entrée dans lequel passèrent tant de victimes

    Madame Ormières épouse Follet, raconte : "Le 19 août 1944, jour de leur départ de Carcassonne, j'ai été une des premières à pénétrer dans l'immeuble et à constater les dégâts qui y avaient été commis par les membres de cette Gestapo. Quelques heures avant moi, une personnes accompagnée par le nommé Sallen, ancien jardinier de la Gestapo, avait visité l'immeuble."

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    "Dans toutes les cheminées des pièces du rez-de-chaussée et du 1er étage, d'énormes tas de papiers brûlés s'y trouvaient. Cela avait eu pour effet de faire éclater les canons des cheminées et de briser les marbres et les glaces situées au-dessus. La cheminée du chauffage central était également emplie de papiers consumés (...) Dans la cave, je n'ai rien remarqué de particulier. Dans le jardin anglais, situé derrière l'immeuble, il a été découvert d'assez importantes quantités d'explosifs : cheddite ou dynamite, qui y avaient été enterrés. Au deuxième étage, il y avait six chambres aménagées en dortoir pour le personnel de la Gestapo."

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    © L'indépendant

    L'ensemble des documents qui m'ont permis de réaliser cet article ne se trouvent pas aux archives de l'Aude. Je ne souhaite pas communiquer l'endroit où je les ai trouvés, car il serait trop facile pour certains d'aller s'y servir. Il m'a fallu des mois pour en faire la découverte. Je serai bientôt en mesure de révéler qui a ourdi la machination visant à faire arrêter Jean Bringer, chef départemental F.F.I. Ce que je puis à l'heure actuelle vous affirmer, c'est que cela a été fait par des Résistants. Comme avait dit Bach : "On nous l'a servi sur un plateau..."

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  • Deux ans et demi après sa destruction... qu'est devenu le site de la villa de la Gestapo ?

    Inutile de rappeler ici le combat que j'ai mené pour tenter de sauver l'ancienne villa de la Gestapo, lieu de triste mémoire de l'Occupation allemande à Carcassonne. En février 2015, Habitat Audois obtenait sa destruction et quelques mois après, une association d'anciens combattants - qui ne s'était pas mobilisée pour empêcher sa ruine - faisait apposer à renfort de drapeaux de sonneries patriotiques, une plaque commémorative. 

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    Deux ans et demi sont passés... La maison a disparu et des logements sociaux ont été construits en hâte à l'arrière du site. Le beau portail d'entrée en fer forgé a cédé sa place à une tôle ondulée tenue par des cadenas ; l'ancien jardin est noyé sous les herbes folles.

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    Voilà le triste spectacle d'un lieu de mémoire tragique pour les patriotes de la Résistance française, que l'on a pas souhaité conserver et qui donne un piètre aspect à l'avenue Roosevelt.
    On pourra nous dire (deux ans et demi après) que ce n'est pas terminé, mais les gens ont été logés dans les nouveaux bâtiments. Qu'attend le bailleur social ?

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    Il n'est jamais bon d'avoir raison trop tôt... Quand je disais que le bailleur social n'avait rien à faire de l'histoire de la Résistance audoise à l'oppression nazie. La vérité toute nue éclate à la figure de ceux qui prétendaient le contraire ; aujourd'hui responsables de ne pas m'avoir entendu.

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    La villa avant sa destruction en 2014

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  • La villa de la Gestapo de Carcassonne, un an après...

    Au mois d'octobre 2014, la nouvelle municipalité de Gérard Larrat décidait de ne pas racheter la maison occupée entre 1942 et 1944 par le SD (Gestapo) au bailleur social Habitat Audois. Ce dernier devait la raser afin d'y construire des logements sociaux ; j'étais alors intervenu en juin 2013 auprès de la municipalité Pérez, afin de tenter de faire capoter ce projet qui allait sacrifier la mémoire de la Résistance pour satisfaire les appétits immobiliers. Les témoignages écrits racontant un possible charnier dans le jardin de la villa, eurent pour conséquence de retarder et d'embarrasser les acteurs du dossier. Le préfet fit stopper le permis de démolir et la ville fit procéder à des fouilles par l'INRAP. 

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    Voici le rapport de fouilles publié par la DRAC

    Novembre 1942, l’armée allemande franchit la ligne de démarcation et envahit la zone libre. Les troupes de la Weirmarch s’installent à Carcassonne le 27. L’occupant réquisitionne la propriété du 67 avenue Franklin Roosevelt (Route de Toulouse à l’époque des évènements) qui deviendra le siège des services de renseignements du SD Sicherheitsdienst. Pour les Carcassonnais et surtout pour les résistants audois, ce lieu va devenir « la maison Gestapo » où l’on va pendant un peu moins de deux ans organiser la répression : séquestrations, interrogatoires, tortures et, à de nombreuses reprises, déportations vers les camps de la mort ou éliminations des femmes et hommes soupçonnés de participer à la résistance.

    Après la libération se posera la question des disparus. Lors des procès des principaux responsables du SD de Carcassonne (à Carcassonne en 1944 et à Bordeaux en 1953), aucune lumière ne sera faite sur la localisation des dépouilles des résistant(e)s disparu(e)s. Il paraissait dés lors indispensable en préalable au début des travaux d’aménagement, de vérifier si les tortionnaires du SD Sicherheitsdenst avaient pu creuser un charnier dans le grand parc situé au sud de la maison.

    La totalité des excavations que nous avons pratiquées sont restées muettes de tous vestiges archéologiques stricto-sensu ainsi que de toutes traces du passage du sinistre SD Sicherheitsdienst. Il est rare pour les archéologues de se voir confier des missions relevant à la fois d’un événement aussi précis et touchant à un passé récent et d’autant plus tragique. Nous avons conscience toutefois qu’une archéologie du temps présent voit le jour ces dernières années au gré des évènements dramatiques qui se déroulent aux quatre coins de la planète. Des méthodes d’approche telles que la photo aérienne ou l’Anthropologie physique ont récemment été utilisées en Bosnie-Herzégovine à la fois pour repérer les charniers dans la région de Srebrenica, mais aussi pour aider à l’identification des victimes.

    Nous avons eu le sentiment dans ce contexte de mettre humblement notre savoir faire professionnel à la disposition d’une mission relevant plus de la conscience citoyenne que de la recherche archéologique. Malgré l’échec de nos investigations, le soin qui a été apporté à la recherche des disparu(e)s de « la Maison Gestapo » de Carcassonne, rappelle à toutes et tous l’engagement de ces résistantes et résistants audois, de ces républicains espagnols qui ont donné leurs vies pour la liberté de tous... 

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      La villa rasée en février 2015

     Je vous laisse apprécier la phrase "Il paraissait dès lors indispensable en préalable..." qui  donne finalement raison à mon entreprise pour la recherche de la vérité historique. Chose qu'a foulée du pied l'ensemble des acteurs administratifs de la ville, puisque les témoignages manuscrits sur ce charnier avaient été déjà envoyés par l'association des riverains de la route de Toulouse en août 2009. À cette époque, personne en mairie n'a semble t-il voulu leur donner d'importance. Il y a eu faute ; mais de qui ? 

    Au bout d'un combat médiatique solitaire et épuisant, j'arrivais à convaincre de haute lutte le maire d'alors qui décidait in-fine de la conserver et de l'aménager en Maison des Droits de l'homme. 

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    © La dépêche

    La villa avant sa destruction 

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    Aspect du site en octobre 2015

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    Les logements seront bientôt prêt à accueillir les nouveaux locataires

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    Une vue depuis l'arrière de l'ancien jardin 

    Nous espérons qu'une plaque rappellera bientôt aux Carcassonnais ce lieu de la barbarie nazie en hommage à tous les patriotes qui y ont été torturés. C'est le devoir moral du bailleur social Habitat Audois.

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