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La maison de la Gestapo - Page 5

  • En bref...

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    Samedi 12 octobre 2013 : l'Association des Amis de la Ville et de la Cité de Carcassonne vous propose une promenade inédite commentée par Jacques Blanco, consacrée à l'alimentation en eau de la Cité depuis la deuxième moitié du 19e siècle. Puits, fontaines, citernes, captages et prises d'eau dans l'Aude, vous allez tout savoir sur ce problème crucial qui concerne depuis toujours la vie quotidienne des habitants de la Cité.
    L'occasion unique de découvrir le patrimoine de la Cité sous un angle inédit.

    Rendez-vous
    jardin Pierre et Maria Sire, sous le Pont Vieux. Départ:14h30
    Se munir de bonnes chaussures, car ascension de la Porte D’Aude.

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    Plusieurs amoureux du patrimoine se sont émus lors de l'inauguration de l'exposition "Les contours d'un détour, ou comment le canal évita Carcassonne de 1681 à 1810", présentée par le CAUE en collaboration avec le Centre des Monuments Nationaux au Château comtal de la cité, qu'il n'ait été fait aucune citation à Luce et Francis Teisseire pendant les discours. Pourtant, si l'on en croit ces mêmes passionnés les travaux présentés sont largement empruntés à ces deux humbles chercheurs.

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    Luce et Francis Teisseire

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    Ceux qui se pâment et qui dressent les petits-fours ne devraient pas oublier les chevilles ouvrières, sans lesquelles ils ne pourraient pas faire grand chose...

    Exposition sur le Canal du midi

    Cité de Carcassonne (château comtal)

    Tous les jours de 9h30 à 17h

    jusqu'au 31 décembre 2013

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    Le figuier qui avait grandi dans le Pont vieux a été coupé par les services municipaux. Il risquait de mettre en péril l'équilibre des pierres taillées à cet endroit. Nous espérons qu'il est définitivement mis hors d'état de nuire...

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    La dépêche a consacré hier, à son tour, un très bel article concernant la nouvelle destination de l'ancienne villa de la Gestapo. Je pense que Carcassonne peut s'enorgueillir d'avoir su conserver ce triste témoin d'une terrible époque, là où d'autres villes l'ont rasé. Bien sûr, ce n'est pas pour glorifier les actes ignobles d'une idéologie barbare mais pour dire à nos enfants: "Ne laissez plus commettre de telles ignominies!"

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    L'indépendant, hier

    Si bien sûr, je suis à l'initiative de cette demande dans laquelle je me suis senti encore une fois bien peu soutenu au départ, il est indispensable que je remercie ceux et celles qui m'ont apporté leurs conseils indéfectibles.

    Pablo Iglesias, Christine Zajderman, Marie-Chantal Ferriol, Madame Plessis-Garric, Jacques Blanco

    S'il convient de remercier Jean-Claude Pérez pour la sage décision qu'il a prise, je n'oublie pas son adjointe à l'urbanisme, Tamara Rivel.

    Dans vingt ans peut-être... Ma fille passera devant cette maison et dira à son enfant: "Tu vois, c'est grâce à papy que ce lieu est encore debout". Ce jour-là, j'aurai gagné mon salaire...

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    © Tous droits réservés/ Musique et patrimoine/ 2013

  • Maison de la Gestapo: Le procès d'Oskar Schiffner

    Le 18 mars 1953 se tient au Tribunal militaire de Bordeaux, le procès d'Oskar Schiffner, redoutable agent du SD (organe de la Gestapo) de Carcassonne. Ce n'est donc que dix ans après la libération que s'ouvre l'instruction à charge contre ce criminel nazi, accusé d'avoir torturé et assassiné des résistants audois. Ce délai ne plaide pas en faveur de l'accusation; la défense, assurée par Maître de Caunes et son frère, va tenter de l'utiliser afin d'enfumer un peu le dossier. Seuls les faits directement imputables à Schiffner seront jugés, pas deux de l'ensemble des services de la Gestapo carcassonnaise.

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    Oskar Schiffner (1909-?) né à Hof en Allemagne

    Le groupe des maquisards espagnols

    Michel Karner

    Ce monteur-ajusteur de Carcassonne, membre de la Résistance, s'avance à la barre. Il est de nationalité allemande, malgré ses séjours en Espagne et en France. Le 20 janvier 1944, il fut arrêté dans les rues de Carcassonne par la Feldgendarmerie avec deux autres compagnons de lutte. Amenés à la caserne Laperrine, ils furent sauvagement maltraités avec un traitement spécial pour Karner. Ce témoin raconte:

    J'étais porteur de tracts. On m'a demandé aussitôt de les traduire en allemand. Arrivé au mot "Boche", qui figurait sur une phrase, je fus prié d'en donner le sens exact. J'ai alors déclaré que je ne le savais pas exactement, mais que dans le jargon espagnol cette appellation correspondait à celle de "fou". Inutile de dire comment cette réponse fut accueillie. J'eus la mâchoire cassée, une clavicule fracturée. Je crachais encore le sang, un an après mon retour de déportation. Schiffner a certes participé à mon arrestation, mais il n'était pas là quand je fus maltraité à la caserne Laperrine. Personnellement, il n'est donc pas responsable. Mais j'estime qu'il l'est pour beaucoup dans les mauvais traitements qui me furent infligés par ses compatriotes.

    Michel Karner évoque également le souvenir de son compagnon de résistance, Louis Blazy, commissaire spécial, déporté et exécuté par les allemands au moment de la débâcle.

    Si des déportations ont eu lieu, ajoute Schiffner, je les ignorais. Elles ont nécessairement été le résultat d'ordres supérieurs qui ne me furent pas communiqués à moi, petit fonctionnaire de police.

    Thomas Martin

    Il reconnaît parfaitement Schiffner qui dit-il, était présent lors de son interrogatoire, route de Toulouse.

    J'étais saoulé de coups. Je ne puis savoir qui me frappais (à la caserne Laperrine, NDLR). Mais au siège de la Gestapo, où je n'eus droit qu'à des bourrades, Schiffner m'interrogeait et m'envoya quelques coups.

    L'accusé déclare alors ne pas reconnaître les témoins et assure ne pas les avoir interrogés. Thomas Martin, avant de se retirer, rend hommage à la mémoire de M. Pavi, Ingénieur des Ponts et Chaussées, pour son exemple émouvant de patriotisme.

    Miguel Amantegui

    Cet homme faisait partie d'un groupe de guérilleros espagnols arrêtés le 25 mai 1944, avec notamment Escuriola et Almagro (morts en déportation). Schiffner nie! Il était selon lui en permission en Allemagne. Les archives de Hof ayant été bombardées, nulle preuve ne pourra être apportée. Ces affirmations seront démenties par Jean Pech, inspecteur de police, qui réussit à enlever Jean Pijuan des mains de la Gestapo.

    Appartenant à la police française, j'ai pu obtenir que Schiffner me remettre ce patriote, qui avait le dos marqué par la flagellation qu'on venait de lui infliger. Je n'ai pas assisté à la scène mais j'ai vu Schiffner sortir de la maison (Rte de Toulouse. NDLR) d'où les cris s'échappaient. Il avait un nerf de bœuf à la main.

    On lit alors la déposition du témoin qui, actuellement à Cuba ne pouvait pas se déplacer à l'audience.

    J'ai été tellement battu que je crachais le sang (Route de Toulouse, NDLR). Quand je m'évanouissais, ces brutes me lançaient des seaux d'eau froide sur le corps. Après quoi Eckfelner et Schiffner me roulèrent à coup de pied dans l'escalier.

    Miralès

    Ne pouvant pas se déplacer, il a fourni un certificat médical. On lit sa déposition dans laquelle il affirme avoir été pendu par les pieds. L'accusé affirme à nouveau qu'il était en Allemagne auprès de sa mère malade. La défense, elle, tente de démontrer qu'il était impossible de pendre quelqu'un par les pieds dans les locaux de la Gestapo, route de Toulouse.

    Le maquis de Villebazy

    Auguste Pons, habitant Belpech, affirme avoir été arrêté le 23 juillet 1944 par Oskar Schiffner et René Bach. Il reconnaît l'accusé et raconte se souffrances.

    Il m'a pendu par les pieds pendant une bonne demi-heure et, pour me faire parler, il me plantait des aiguilles dans les reins. Je fus certes libéré le 19 août 1944, lors du départ des Allemands, mais j'étais tellement abîmé que l'on m'a fait bénéficier d'une pension.

    Schiffner se défend et calomnie:

    Ce monsieur ne dit pas la vérité. Il s'est rendu de son plein gré aux troupes allemandes et, quand nous l'avons interrogé, il n'a fait aucune difficulté pour nous donner les noms des chefs de la résistance de la région.

    Jamais je n'ai fait une chose pareille, rétorque Auguste Pons scandalisé. On avait un pauvre blessé que le chef m'avait confié, après m'avoir dit "Sauve qui peut". Je n'étais que cuistot mais je n'ai rien dit.

    Je vous assure que ces aveux ont été spontanés, renchérit Schiffner

    Le commissaire du gouvernement rappelle à l'ordre la défense qui soutient un accusé qui diffame un témoin

    L'exécution d'Edmond Agnel

    Le maire de Trassanel fut exécuté par les nazis lors du massacre des troupes résistantes de ce maquis, le 22 avril 1944. La présence de l'accusé est mise en cause dans cette triste expédition. La défense présente alors de soi-disant documents provenant du chancelier Adenauer, innocentant l'accusé. L'audition du commissaire de police Cortez qui a interrogé Bach sur cette affaire lors de son procès, n'apporte rien de nouveau.

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    René Bach à son procès en 1945

    Bach ayant déclaré qu'il avait agi sur ordre de son supérieur. Laurent Durand, entrepreneur de maçonnerie à Villeneuve-Minervois, était responsable du maquis de Fournes où il fut arrêté. Il déclare:

    Agnel participait au ravitaillement du maquis. Mais il n'avait pas d'armes chez lui lorsqu'il a été arrêté. Il a vu la corde sur l'arbre pour le pendre. Elle cassa au premier essai et Agnel s'écria: "Je ne suis pas mort" (Agnel a été exécuté par balles ensuite. NDLR)

    Le président s'adressa alors à lui: Reconnaissez-vous l'accusé ici présent comme ayant participé aux faits?"

    Oui, je le reconnais. C'est un des trois hommes qui dirigeait l'opération... Pour moi, c'est l'assassin.

    L'arrivée de la veuve d'Edmond Agnel, en larmes à la barre et demandant justice, jeta l'émoi dans la salle du tribunal.

    Fournes

    Juliette Busqué, dont le fils a été arrêté et ne revint pas des camps de la mort témoigna. Pour elle, pas de doute, c'est bien Schiffner qui a arrêté son enfant. Mlle Magniet, dont le frère subit le même sort:

    Je le reconnais et lui aussi, dit-elle en le fixant du regard

    Tout à tour Théophile Rieussec et Alfred Cosinie sont formels

    Le maquis de Rodier

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    Lors de cette triste journée du 23 mai 1944, Auguste, le fils de Marius Cathala âgé de 19 ans fut exécuté par les Allemands et la ferme incendiée. Il témoigne:

    Ils sont venus me demander où était le maquis. Ils ont ordonné à mon fils de les conduire au Rodier. C'était une ferme abandonnée au milieu du bois.

    Julien Boulbes, ancien maire de Monjardin, puis M. Rovira racontent. Ce dernier explique comment son camarade Ballester a été assassiné au cours de l'expédition par Bach et Schiffner. L'accusé aurait donné le coup de grâce.

    Baudrigue

    Les résistants détenus de la prison de Carcassonne dont Ramond, Bringer et Roquefort furent amenés au château de Baudrigue sur la commune de Roullens. Là, les Allemands les firent sauter sur le dépôt de munitions. On ne retrouva presque rien de leurs corps. L'accusation met en évidence la seule responsabilité de Schiffner, puisque son chef Eckfelner était parti de Carcassonne.

    L'audition du Dr Delteil

    Le Dr Delteil arrive dans le prétoire alors qu'il purge une peine de prison à Carcassonne pour escroquerie à la sécurité sociale. Il déclare à ce sujet:

    Je paie actuellement par de la prison, une fâcheuse erreur comptable de ma secrétaire. C'est normal car un chef est responsable des fautes de ses employés. C'est la rançon du "galon"

    Le commissaire du gouvernement demande au témoin comment fut fait, le 19 août 1944, le choix des hommes qui furent conduits au Baudrigue (Malgré son arrestation en même temps que les autres résistants, seul le Dr Delteil fut libéré et échappa à la mort. NDLR).

    Bach m'a dit que quand Eckfelner était parti, il avait laissé l'ordre à Schiffner de faire fusiller "l'échelon trois" qui comprenait ceux qui avait été pris les armes à la main ou dans une action contre les Allemands. Ramond, ajoute t-il, a été condamné par Schlutter. 

    Quel a été le rôle de Schiffner dans votre libération?

    Si je n'étais pas condamné à mort, comme me la dit Sclutter, Schiffner n'a rien fait. Si vraiment j'étais condamné à mort, Schiffner a joué un rôle. Il avait été touché par une amie de ma femme. Le 29 août, vers une heure et demi, il est arrivé à la prison pour nous rendre nos papiers. Il nous a confirmé que nous allions être libérés. Je lui ai dit: "Où sont les autres?" Il m'a répondu en français: "Ils sont partis ce matin". Comme il avait été gentil avec ma femme et lui avait permis de venir me voir, je lui ai dit: "Où allez vous?" Il m'a répondu, je ne sais pas. Je lui ai demandé ma carte de visite et je lui ai dit, si vous ne pouvez pas passer venez chez moi, je vous ferai remettre aux autorités militaires régulières.

    Donc Schiffner était le chef de la Gestapo ce jour-là?

    Oui

    Les parents d'Aimé Ramond

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    Aimé Ramond

    La mère et le père de l'officier de police exécuté sur le dépôt de munitions de Baudrigue s'avance. Elle porte le deuil de son fils et tient dans sa main tremblante une mallette qu'elle a peine à ouvrir. Elle sort un pantalon et un veston déchiqueté qu'elle pose sur la rampe. D'une petite boîte pieusement gardée elle exhibe des morceaux d'os d'une omoplate, deux ou trois molaires encore collées à la mâchoire. Tout ce qui a été retrouvé de son fils sur les lieux du crime. D'un doigt vengeur, elle désigne le monstre, le fixe droit dans les yeux et d'une voix brisée, coupée de sanglots, s'écrie:

    C'est lui qui a arrêté mon fils, je le sais. Je demande justice. Il ne mérite pas le pardon.

    Le verdict

    Oskar Schiffner est condamné le 23 mars 1953 à la peine de Travaux forcés à perpétuité. Le décret de 1960 remplacera les peines de travaux forcés en réclusion à perpétuité. Nous ne savons pas quand ce criminel nazi a été libéré, ni ce qu'il est advenu de lui.

    Source:

    Midi-Libre, L'indépendant, Sud-Ouest

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  • Maison de la Gestapo: Le silence des associations de combattants

    Lorsque je m'interrogeais sur le profond silence des associations d'anciens combattants ou de déportés de l'Aude, au sujet de la destruction programmée de la Maison occupée par la Gestapo route de Toulouse, je reçus un article de presse de 2004. Il a été publié dans la dépêche à Villeneuve sur Lot (47). A sa lecture, on se doute que l'unification des mouvements de résistance s'est arrêtée après la libération. Chacun le sien, chacun son idée politique. Là, où les associations carcassonnaises se fourvoient c'est que dans la maison de la route de Toulouse, il n'y a pas eu que des républicains espagnols torturés. Nous parlerons bientôt d'Aimé Ramond qui y fut interné et interrogé par Bach et ses sbires.

    Interdits de mourir «pour la France»

    Domence Serveto-Bertran et Jaume Serot-Bernat. Deux noms, sans rien autour. Au milieu des dix «Morts pour la France», ces deux noms sont restés nus. Les républicains espagnols, dont près de 80 000 auraient traversé le département durant la guerre, n'ont pas droit aux honneurs. Et lorsqu'ils accomplissent aux côtés des résistants français des actes héroïques, les uns sont décorés, les autres, ignorés.

    En février 1944, lors de la révolte d'Eysses, les nombreux Espagnols prisonniers prennent part, comme les autres, au soulèvement. Comme les autres, ils subissent les représailles allemandes. Et finalement, deux Catalans figurent parmi les douze fusillés. Domence Serveto et Jaume Serot sont morts pour la France. Mais la France leur refuse ses honneurs. Question de principe.

    «En principe, les étrangers n'ont pas le droit à la mention de «Mort pour la France», explique-t-on au bureau des mentions du ministère de la Défense, sauf s'ils sont engagés à titre étrangers dans l'armée française... Dans l'état actuel des choses, ces personnes ne peuvent pas obtenir la mention».

    Domence Serveto et Jaume Serot ont résisté. Ils ont été fusillés. Pourquoi cette différence ? Sur le point d'éditer un ouvrage sur les douze fusillés, l'amicale des anciens d'Eysses a découvert il y a peu cette injustice. «Pour moi, qu'ils soient espagnols, français ou chinois, il n'y a pas de différence. Ce sont tous des anciens d'Eysses» explique avec émotion le secrétaire général de l'amicale, Jules Bloch. Aujourd'hui, il cherche à contacter les familles, qui doivent déposer une demande auprès du ministère de la Défense.

    La mairie de Villeneuve souhaite également engager une procédure visant à réparer cet oubli. Tout comme l'association pour la mémoire des réfugiés républicains espagnols. «Nous nous battons depuis des années pour que soit reconnu le rôle des guerrilleros dans la Résistance » explique Jean Morente, président d'AMORE 47. Le 17 juillet, l'association de résistants ANACR47, avec AMORE 47, organise à Damazan, une journée en hommage aux guerrilleros et Républicains espagnols afin d'honorer, autant que faire se peut, ceux qui se sont battus pour un pays qui n'était pas le leur et ont donné une leçon de solidarité bien plus porteuse de sens que tous les beaux discours sur la construction européenne. (Sandrine Morel)

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