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Evènements - Page 7

  • Les Communards de l'Aude étaient-ils Gilets jaunes ?

    Si en 1830 et en 1848, la capitale française donna le départ de deux Révolutions dont elle fut le principal acteur, l’Occitanie la devança ensuite. Aux sources de cette montée révolutionnaire dans l’Aude, le ras-le-bol fiscal. Après 1848 et la destitution de Louis-Philippe, on espérait que la viticulture échapperait aux taxes. Ce ne fut que de courte durée… Les positions politiques vont alors se radicaliser et les partisans du drapeau tricolore se tournent vers le drapeau rouge de la République sociale. Le centre perd du terrain et deux blocs émergent : celui des rouges et celui des blancs, partisans de l’ordre. Il faut se souvenir de la vive réaction dans le Midi, consécutive au Coup d’état du 2 décembre 1951 de Louis-Napoléon Bonaparte et de l’impitoyable répression qui s’ensuivit. Une vingtaine d’années étaient passées, mais l’oubli ne les avait pas effacées. Le Coup d’Etat du 2 décembre 1851 mena à l’arrestation des agitateurs. 240 opposants furent interpellés dans l’Aude ; le mouvement républicain sera décapité et Louis-Napoléon Bonaparte règnera désormais en maître.

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    Caricature de Napoléon III en chanson

    Aussi, au mois d’août 1870, des manifestations hostiles à l’Empire éclatèrent à Marseille et gagnèrent l’ensemble du Languedoc. Ici plus qu’ailleurs, on se méfiait depuis longtemps du pouvoir parisien et au sein des Ligues, se répandait la contestation. En point de mire, l’émergence d’un gouvernement du peuple par le peuple, la récusation des autorités constituées et la décentralisation. Le gouvernement de défense nationale dont l’Occitan Gambetta s’était fait le chantre ne parvint pas à calmer l’ardeur révolutionnaire, trop entouré par des Conservateurs. Au fur et à mesure, la Ligue du Midi rassemblant treize départements sous sa bannière fixa les contours de ses revendications : impôts exceptionnels sur les riches, séparation de l’église et de l’Etat, confiscation des biens des traitres. Des Comités de Salut public surgirent alors dans plusieurs villes ; ce sont des Comités de patriotes préoccupés autant par la défense nationale que par la défense révolutionnaire. Après avoir été liquidés par le gouvernement, ces mouvements rejoindront la Commune de Paris au printemps 1871 sous l’étendard communaliste.

    Les Communes de province ont précédé celle de Paris et ont instauré un type de gouvernement direct pour le peuple et par le peuple. Paradoxalement, c’est quand Paris s’embrasa au printemps 1871 que l’expérience communarde venait juste d’être brisée dans les villes de province. « Les Communards parisiens ne se présentent pas comme une avant-garde irrémédiablement isolée. Ils sont moins les inventeurs d’une Révolution prolétarienne de type nouveau que les mandataires d’une extrême-gauche urbaine, désireuse de tirer du suffrage universel ses dernières conséquences démocratiques (Jeanne Gaillard). » Au lendemain de la Semaine sanglante, « Les vaincus sont des hommes politiques » désireux de poursuivre le combat sur un autre terrain que celui de l’émeute.

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    © commune1871.org

    Emile Digeon

    Dans l’Aude, le 24 mars 1871 on proclame la Commune de Narbonne depuis l’Hôtel de ville. Le « Club de la Révolution » qui a pris pour siège l’église désaffectée de Notre-Dame de Lamourguier instaure « La Commune centrale de l’arrondissement de Narbonne, unie à celle de Paris ». On cherche à rallier la troupe et Digeon, le chef des insurgés Narbonnais, se proclame « Général en chef des armées de terre et de mer ». Ainsi cherche t-il à s’imposer au 52e régiment de ligne dont une compagnie est passée aux émeutiers avec armes et bagages. Digeon y croit, douze jours avant il s’était adressé en ces termes au Club de la Révolution :

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    Notre-Dame de Lamourguier à Narbonne

    « Si nous sommes obligés encore, malgré nous, de prendre les armes, que ce soit pour l’œuvre de propagande démocratique, pour la guerre des opprimés contre les oppresseurs, des exploités contre les exploiteurs, afin que nous ayons des alliés même parmi les soldats de nos ennemis…

    Paris n’a pas déposé les armes et il assez fort, à lui seul, pour défendre la République… Oui, citoyens, Paris est en armes, et s’il succombait, nous serions écrasés comme lui ; aussi faut-il que nos gardes nationales, soient armées pour aller, au besoin, au secours des républicains de l’héroïque capitale.

    Des armes, des armes ! Tout citoyen a le droit d’en avoir comme seule sanction sérieuse, efficace, de ses droits. Ce n’est pas sans étonnement, que je viens d’apprendre que la Garde nationale de Narbonne ne possède pas un fusil, quand celle de Carcassonne est armée depuis quinze jours, trop tardivement cependant…

    Pour ma part, je le dis hautement, le drapeau rouge est le mien, depuis surtout que l’autre a présidé aux égorgements du 2 décembre et qu’il s’est rendu à Metz et à Sedan.

    Ils vous disent que le drapeau rouge est le drapeau du sang ; oui, c’est le drapeau du sang de nos martyrs, depuis celui que Bailly et La Fayette firent couler au Champ-de-Mars jusqu’à celui qui a été successivement répandu par les Thermidoriens, le Premier Empire, la Restauration, Louis-Philippe, Cavaignac, Napoléon III et le gouvernement de la prétendue Défense nationale pour arrêter le mouvement de grande revendication politique et sociale qui menace les privilèges des oppresseurs et des exploiteurs.

    Le drapeau rouge nous rappelle sans cesse que nous devons tout faire pour empêcher le retour des massacres et des proscriptions. Unissons-nous autour de lui pour empêcher que l’échafaud soit relevé et que les cimetières d’Afrique, déjà si peuplés de républicains par Cavaignac et Bonaparte, en reçoivent de nouveau expédiés par la réaction de 1871.

    Que chaque ville constitue un comité qui sera représenté au Comité central par un délégué.

    Ouvriers, travailleurs de Narbonne, répandez-vous dans les campagnes ; allez dire aux paysans que leurs intérêts sont les mêmes que les vôtres, que la Révolution dont on leur fait peur n’est que l’émancipation de ceux que la misère courbe sous le joug des riches et des intrigants. Dites-leur que la Révolution c’est la paix par l’abolition des armées permanentes ; c’est la suppression de l’impôt pour le petit propriétaire et pour le journalier qui n’a que ses bras, toutes les charges pécuniaires devant être imposées au superflu et aucunement au nécessaire.

    En lui faisant ainsi comprendre l’œuvre que nous poursuivons, ils se rallieront tous. Ne les maudissons pas d’avoir mal voté jusqu’à présent ; accusons du mal qu’ils ont fait sans le savoir les hommes noirs et les hobereaux qui exploitent leur ignorance et leur misère. Pour faire disparaître les ténèbres qui enveloppent les campagnes, il n’y a qu’à y porter la lumière.

    Vous faites bien de venir ici, mères de famille ; vous y apprendrez la vraie morale du Christ, qui n’est en somme que celle de la sublime devise républicaine : Liberté, Egalité, Fraternité. Le Christ, tel que le représentant les Evangiles, s’il revenait sur terre, irait-il demander asile aux évêques et aux prêtres d’aujourd’hui qui vont de préférence avec les riches et les grands de ce monde, tandis qu’il n’allait, lui, qu’avec les pauvres et les malheureux ? 

    Non, il chasserait du temple les marchands de médailles et d’indulgences et maudirait les exploiteurs de miracles… » (La Fraternité / 18 mars 1871)

    Si Carcassonne n’a pas connu de troubles bien que le Conseil municipal ait manifesté l’intention de suivre Narbonne, c’est que la Garde nationale n’a pas voulu bouger. Au contraire, elle participa à l’armée levée pour écraser la révolte narbonnaise. Seule la rumeur d’une proclamation de la Commune à Carcassonne dans la nuit du 28 au 28 mars 1871, mit en branle bas de combat la préfecture et les casernes de la ville en émoi. Ce n’était qu’une fausse alerte…

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    Nulle part, les Communes provinciales réussirent à faire basculer la troupe et les défections au profit des insurgés ne furent que limitées. Digeon se rendit et fut déféré ensuite devant la Cour d’assise de Rodez. Le 18 novembre 1871, lui et seize autres insurgés furent acquittés. Il mourra à Trèbes le 24 mars 1894, jour anniversaire de la proclamation de la Commune de Narbonne.

    Sources

    La commune de Narbonne / Marc César / P.U.P

    Communes de province 1870-1871 / J. Gaillard

    La Fraternité / Journal / Mars 1871

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2019

  • L'odieux crime de Simone Colturani, habitante de Villemoustaussou

    Il est 17 heures ce dimanche 29 avril 1973 lorsque Joseph Delrieu, le propriétaire du domaine de Saint-Jean-de-Grèzes et de la ferme voisine « Le démon », aperçoit une Dyane blanche. La présence de ce véhicule arrêté sur un chemin de terre bordant sa propriété, l’intrigue. Encore un couple d’amoureux, songe t-il ! Il se refuse à aller les déranger. Le lendemain, la voiture n’a pas changé de place. Il s’approche d’elle, ouvre la portière mais aucune personne ne se trouve à l’intérieur. Ce n’est qu’après en avoir fait le tour qu’il découvrira dans le fossé, le corps dénudé d’une jeune femme. Aussitôt, la gendarmerie se rend sur les lieux et fait les constations d’usage. La victime est morte certainement par strangulation, car son cou est enserré à double tour par une courroie en cuir provenant de son sac-à-main. Dans celui-ci, on trouve des papiers d’identité. Il s’agirait de Mademoiselle Simone Colturani, âgée de 26 ans, vendeuse résidant à Villemoustaussou, rue Pasteur.

    andré brunel

    Lorsque les enquêteurs se rendent au domicile des parents chez qui loge la victime, ils apprennent de ceux-ci que leur fille n’est pas rentrée depuis samedi. L’absence de cette fille modèle, ponctuelle autant que sérieuse, leur fait faire un sang d’encre. Hélas, le doute n’est plus permis. Le corps de la jeune femme retrouvée inanimée à Grèzes est bien celui de leur enfant. Qui a bien pu bien l’assassiner ? Ils se rappellent que Simone s’était plainte ces derniers temps, des assiduités d’un homme l’ayant abordée à plusieurs reprises dans les rues de Carcassonne. L’individu serait originaire de Fanjeaux… Aussitôt, le rapprochement se fait avec un dénommé Brunel, condamné en 1971 à douze mois de prison dont six avec sursis pour agression sexuelle.

    Jacques Arino, journaliste de La dépêche à cette époque, raconte dans ses mémoires comment il réussit à faire sortir l’affaire, avant qu’elle ne soit rendue publique par le Procureur de la République. Le 2 mai 1973, André Brunel est interpellé sur son lieu de travail, Languedoc-Béton. Grâce à la perspicacité de l’adjudant de gendarmerie Noël Clauzel (futur adjoint au maire de Raymond Chésa), le suspect avoue être l’auteur de l’assassinat de Simone Colturani. Il faut dire que le passé judiciaire de ce sinistre criminel ne plaidait pas en sa faveur. 

    Né le 6 mars 1940 à Fanjeaux dans l’Aude, André Brunel rate son certificat d’étude, devient ouvrier agricole puis monte à Paris et se fait embaucher chez Citroën. Durant la guerre d’Algérie, il égorge deux buralistes, mère et fille, à Bab-el-Oued. Condamné à la peine capitale, il ne devra son salut qu’à l’amnistie décrétée par le général de Gaulle, après les évènements d’Alger (Loi du 17 juin 1966). A la suite de cette affaire, il rentre au pays blanc comme neige. Cependant, les pulsions sexuelles et meurtrières ne quitteront jamais cet homme, qui vole également dans les voitures en stationnement. A Carcassonne, Brunel qui était sorti de prison le 4 septembre 1971 à la suite d’une tentative de viol, continue à suivre des femmes dans la rue jusque chez elles. Nous sommes là en présence de ce que l’on appelle un prédateur sexuel… Simone Colturani sera sa prochaine proie ; il ne la lâchera pas jusqu’au dénouement fatal.

    Simone Colturani travaille dans la boutique de tissus Carvel, place de la poste. L’assassin, lui, l’a repérée depuis le Bar de la Poste où il a l’habitude se rendre. La jeune femme élancée, mince et élégante a coutume de terminer son travail à 19 heures. Le 26 mars, Brunel s’arrange pour la suivre jusqu’à son véhicule, une Dyane blanche, qu’elle laisse au parking de la gare SNCF. Après avoir au préalable crevé l’un de ses pneus à l’aide d’un poinçon, le criminel se fait chevalier servant. Il lui propose de changer sa roue mais s’arrange pour que l’opération soit un échec. Plein de gentillesse, André Brunel convainc sa future victime de la raccompagner à son domicile avec sa Fiat. A Villemoustaussou, il rencontre Vittoria Colturani, décline son identité et le lieu d’où il est originaire afin de mettre sa famille en confiance. 

    Les jours passent mais Brunel n’a pas renoncé à s’attirer les faveur de Simone. Il tente de l’inviter à boire un verre, mais la jeune femme se sent de moins à moins à l’aise devant l’insistance de cet homme. Il n’est pas son genre et en a fait part à sa mère.

    Le 28 avril 1973, André Brunel compte bien arriver à ses fins coûte que coûte. A la sortie du magasin, il aborde Simone et lui demande un service. Dans l’après-midi, ayant participé à un cross organisé par l’ASC athlétisme à la Fajeolle, il y aurait oublié son sac de sport. Prétextant avoir sa voiture en panne, il sollicite l’aide de la jeune femme afin qu’elle le porte là-bas. Se sentant redevable, elle accepte. En arrivant à la Fajeolle, Brunel est reconnu par un passant. Peu de temps après, il tente d’enrouler son bras autour de la conductrice pour l’embrasser. Elle le repousse, puis se débat pour se dessaisir de l’étreinte. Brunel arrache la lanière en cuir du sac-à-main de sa victime, puis l’étrangle en faisant deux nœud autour du cou. La visage de l’assassin est marqué par les griffures. Il dérobe tous les objets de valeurs et l’argent de Simone Colturani, puis fait basculer son corps sur la banquette arrière en recouvrant d’une couverture. Afin de se débarrasser du cadavre, il se rend à la ferme « Le démon » qu’il connaît bien pour y avoir fait les vendanges. En bordure d’un chemin, il abandonne le cadavre dans le fossé non sans l’avoir dénudé pour maquiller son crime en acte pervers. Puis, ne réussissant pas à faire démarrer la Dyane, il la laisse sur place et repart à pied. A 21h30, André Brunel rentre chez sa concubine.

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    © Noëm / L'Indépendant

    L'accusé entre deux gendarmes 

    Le procès s’ouvre le 22 avril 1975, soit deux ans presque jour pour jour après les faits. La Cour d’assise de Carcassonne ne peut contenir en totalité l’ensemble de la foule criant vengeance et qu’il faut en partie évacuer. Au premier rang, se trouve la famille de la victime. Un peu plus loin, ses amies Josette Bettiol et Maryse Balantra. L’audience se déroule dans un climat explosif et le public vocifère lorsqu’on retrace la vie de l’accusé. Celui-ci ne se démonte pas et prétend que Simone a recherché le contact avec lui. « Tu salis ma fille, s’indigne Madame Colturani ! »

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    Me Clément Cartier

    Me Pech de Laclauze plainte en faveur d’André Brunel, tandis que pour la partie civile Me Clément Cartier s’évertue à défendre la mémoire de Simone. Il fait appeler à la barre Anne-Marie Vergé : « J’ai connu Simone Colturani. C’était une fille gentille, timide, très réservée. Elle adorait ses parents. Dans les derniers temps, elle se faisait beaucoup de soucis pour son père, gravement malade qui était en traitement à Montpelier. »

    Les rapports d’expertise des psychiatres sont sans équivoque : « Brunel est incurable et n’est pas réadaptable ». Le Docteur Caizergues rappelle « le caractère impulsif de cet acte et sa sauvagerie ». En outre, on déclare l’accusé comme responsable de ses actes. Dans un dernier combat face aux jurés, Me Cartier déclare : « Le crime se porte bien ; c’est la société qui est malade. Par votre verdict, aidez-nous à la guérir. Que la petite martyre de Villemoustaussou nous guide et vous inspire. Faites qu’elle ne soit pas morte pour rien. »

    L’avocat général accuse Brunel d’avoir prémédité son geste et par conséquent, réclame la Peine capitale. La dernière fois qu’une telle sentence fut demandée à Carcassonne c’était en 1948. 

    Ne se démontant pas, le défenseur de Brunel, Me Pech de Laclauze » ajoute : « Ma passion d’avocat, c’est de défendre, et quels que soient les crimes des accusés, de les défendre tous. (…) Un projet de loi tendant à l’abolition de la peine de mort vient d’être déposé sur le bureau de l’Assemblée Nationale. Je pense, j’espère que cette loi sera prochainement votée. Ne soyez pas les derniers jurés de l’histoire de France à prononcer une peine de mort. »

    Brunel formule des regrets en direction de la famille de Simone. Les jurés se retirent pour délibérer, après quoi la sentence tombe : « Accusé Brunel levez-vous. La Cour et le jury vous condamnent à la réclusion criminelle à perpétuité accompagnée d’une peine de sûreté de 25 ans. »

    André Brunel n’a pas bénéficié des circonstances atténuantes et on n’a pas retenu l’acte prémédité. Pour la Cour, il s’agissait d’un meurtre et cela suffit à éviter l’exécution capitale. Le verdict faillit tourner à l’émeute autour du Palais de justice, sans l’appui des forces de l’ordre. Depuis une année environ, André Brunel est sorti de prison ayant purgé sa peine et sans doute, pour la justice, a donné toutes les garanties de sécurité pour la société. La chose étant jugée, on doit considérer qu’il a payé sa dette. Une considération qui ne fera pas revenir Simone Colturani…

    Sources

    Les grands affaires criminelles de l'Aude / Clément Cartier / Privat

    L'Indépendant / Avril 1973

    Alavetz / Jacques Arino

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  • La future impératrice Eugénie a t-elle rencontré Napoléon III à Carcassonne ?

      Ce que nous allons vous conter n'est pas issu des livres d'histoire, ni a fortiori de l'une des biographies les plus documentées sur Napoléon III. Non ! Il s'agit du témoignage d'un Carcassonnais, célèbre en son temps dans notre ville. Les souvenirs de M. Esparseil, architecte et descendant de Théophile Marcou, rédigés en 1962 sont miraculeusement arrivés jusqu'à nous. Dans ce condensé de précieuse mémoire, cet homme évoque le passage du Prince-président Louis Napoléon Bonaparte à Carcassonne, le 3 octobre 1852.

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    Eugénie de Montijo

    Depuis leur dernière rencontre en 1849 dans l'hôtel de Mathilde Bonaparte, Louis Napoléon Bonaparte brûle de passion pour cette jeune femme issue d'une noble famille espagnole. Pendant deux ans, le futur empereur cherche à lui faire une cour assidue. Son entourage préfèrerait plutôt qu'il se marie avec l'une des héritières des têtes couronnées européennes, mais les souverains ne sont guère enclins à se ranger derrière cette idée. Napoléon n'est pas encore empereur et on ne prête guère une éducation qui sied avec la bienséance et l'étiquette des cours royales. Coureur de jupons Napoléon ? 

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    Le 3 octobre 1852, le Prince-président effectue une tournée à travers le sud de la France et fait arrêt à Carcassonne. Nous avons déjà relaté cet évènement dans notre article du 2 février 2016. Eugénie était là, au coin de la rue du marché. Inutile d'en dire davantage, lisons le récit que fait M. Esparseil à ce sujet.

    « Mon père qui l’avait connue aux Tuileries dans toute sa splendeur, se trouvant tout d’un coup en face d’elle, sa figure changea. Il la salua respectueusement. Cette rencontre fut le sujet de notre conversation au cours de laquelle j’appris qu’avant son mariage avec Napoléon III, ce dernier vint à Carcassonne le 3 octobre 1852, en qualité de Louis Napoléon Bonaparte, prince Président de la République.
    La comtesse de Montijo, amie du curé de Saint-Vincent (ce devait être l’abbé Gastines) avait été invité par lui à Carcassonne pour voir passer le Président de la République, bien en vue, afin qu’elle ne passe pas inaperçue du Président. Ce qui se produisit, à tel point que l’on prétendit à cette époque que le curé de Saint-Vincent était pour quelque chose dans le mariage de Napoléon III avec Mlle de Montijo en 1853.
    Beaucoup plus tard, passant rue du Marché avec des vieux amis de mon père qui avaient assisté à l’évènement, l’un d’eux, s’arrêtant au coin des deux rues, dit aux autres : « Vous rappelez-vous la petite Montijo, ici ? »

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    Eugénie se tenait là avec l'abbé Gastines le 3 octobre 1952

    La future impératrice ne trouvait guère de charme à cet homme plus âgé qu'elle, mais elle se résolu à l'épouser religieusement le 30 janvier 1853. Après tout, on ne refuse pas la main d'un empereur. Exilée avec son époux déchu de son trône en 1870, elle mourra en 1920 à l'âge de 94 ans.  Les époux sont inhumés dans la crypte de l’église St.Michel de l’abbaye de Farnborough (Grande-Bretagne).

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    Eugénie de Montijo à la fin de sa vie

    Sources

    Notes, recherches et synthèse / Martial Andrieu

    Souvenirs de M. Esparseil / 1962

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