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Evènements - Page 11

  • En octobre 1647, Jean-Baptiste Poquelin dit Molière était à Carcassonne

    Molière quitte Paris en 1645 après s'être retrouvé en prison au Châtelet. L'Illustre théâtre est alors en faillite et il s'écoulera treize années avant que son chef ne fasse une entrée triomphale dans la capitale devant le roi et sa cour dans la salle des gardes du Louvre. Ces treize années, Molière les passera en province en quête de protecteurs et de seigneurs influents. A cette époque, l'église obtient l'interdiction des représentations théâtrales dans les villes, malgré la réhabilitation initiée par Richelieu. La quinzaine de troupes itinérantes mènent une existence précaire à travers les routes de France. Parmi elles, se distingue la compagnie théâtrale de Charles Dufresne, protégée depuis vingt ans par les ducs d'Epernon, gouverneurs de Guyenne. Les Béjart et Molière entrent dans cette troupe en 1646 ; il en sera quelque temps après le directeur avec le prince de Conti comme propriétaire entre 1653 et 1657. Dès 1647, la troupe est appelée à jouer pour le comte d’Aubijoux, lieutenant-général du roi pour le Haut-Languedoc, « grand seigneur éclairé, libertin et fastueux », qui lui assure une « gratificatication annuelle considérable », l'invitant à se produire dans les villes de la région. Celles où se tiennent les Etats du Languedoc accueillent Molière et ses comédiens. En 1647, la troupe du duc d'Epernon est à Toulouse et à Albi pour les fêtes données en l'honneur du lieutenant-général du roi en Languedoc.

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    Molière par Nicolas Mignard (1658)

    Au mois d'octobre 1647, Molière se trouve à Carcassonne. Les comédiens n'ayant pas été payés à Albi, trois d'entre eux repartirent réclamer la somme de 500 livres qui leur était due. On trouvera trace de cet épisode dans la lettre de l'intendant conservée aux archives départementales du Tarn. On ne sait pas formellement si la troupe se trouvait encore à Carcassonne au mois de février 1648 pour l'ouverture des Etats du Languedoc dans cette ville. Toutefois, la présence du comte d'Aubijoux tend à confirmer cette hypothèse. On ne voit pas comment Molière n'aurait pas pu y voir un intérêt.

    molière

    Molière était-il à Carcassonne lors des Etats généraux du Languedoc en 1751 ? Selon plusieurs biographes, cela ne fait pas de doutes. Une lettre d'Assoucy, auteur et compositeur, adressée à Molière atteste de sa présence à ses côtés à Carcassonne. Cette missive que nous avons retrouvée fut publiée par le poète dans "Poésies et lettres" (Paris / 1653). Frézal dont il est question fut délégué du Parlement de Toulouse aux Etats de Carcassonne.

    A Monsieur de Molières

    Monsieur, je vous demande pardon de n'avoir pas pris congé de vous, Monsieur Frésart le plus froit en l'art d'obliger qu'homme qui soit au monde, me fit partir avec trop de précipitation pour m'aquitter de ce devoir, j'eus bien de la peine seulement à me sauver des roues entrant dans son carrosse, et c'est bien merveille, qu'il m'ait pû souffrir avec toutes mes bonnes qualités, pour la mauvaise qualité de mon manteau qui luy semblait trop lourd ; cela vient du grand amour qu'il a pour les chevaux, qui doit surpasser infiniment celuy qu'il à pour Dieu, puisqu'il a vu périr deux de ses plus gentilles créatures, sans daigner les soulager d'une lieue. Je ne vous saurais exprimer avec quelle grâce, le plus agile de mes pages faisait dix lieues par jour, ni les louanges qu'il a emportées de sa gentillesse et de sa disposition, pour celuy qu'il y a si longtemps que je nourris, peu s'en ai fallu qu'il n'ait fait comme le chien de Xantus qui rendit l'âme pour avoir suivy son maître avec trop de dévotion. Je ne m'estonne pas sir la Cour la député aux Etats pour le bien du peuple le connaissant si ennemy des charges. Je luy suis pourtant obligé m'avoir souffert avec mon bonnet de nuit, n'ayant promis que pour ma personne. Je remercie Dieu de cette rencontre.

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    Charles Coypeau d'Assoucy

    La Notice biographique sur Molière (P. Mesnard / 1889) ne remet pas en cause l'hypothèse selon laquelle Molière et D'Assoucy se trouvaient ensemble aux Etats de Carcassonne en 1651-1652.

    "Cette lettre ne remet guère en doute qu'il ait été à Carcassonne pendant la session des Etats, avec le dernier jour de juillet de cette année. Ce témoignage est celui de d'Assoucy. (...) Pour douter que d'Assoucy se soit trouvé avec Molière à Carcassonne pendant la session de 1652, la seule supposition qui resterait serait que Frezals l'eût prit dans sa voiture non pas en revenant de sa mission, mais en partant de Toulouse."

    L'historien Carcassonnais Claude Marquié oppose à cette affirmation l'objection suivante :

    "Le problème est que nous ignorons où se trouvaient, au moment où elle fut écrite, aussi bien l'auteur que le destinataire de cette missive. En effet, on ne sait pas où sont passés Molière et ses compagnons en 1651 et 1652 : en décembre 1650, ils sont à Pézenas, puis le 4 avril 1651 à Paris, enfin le 12 août 1652 à Grenoble, mais nul document n'a été retrouvé portant sur les dix-huit mois qui se sont écoulés entre ces deux dernières dates."

    Molière au château de Pennautier

    Même, délégation du Parlement mise a part, même sans compter le nombreux et illustre personnel figurant aux États, il y avait, pour le comte d'Aubijoux, de quoi se mettre en frais largement. La société élégante et choisie qui, en de telles occurrences, se donnait rendez-vous à Carcassonne, méritait cet honneur. Si la ville n'était pas grande, de vrais amis de spectacles elle était vite pleine. On a pu on avoir une approximative idée par le Voyage de Chapelle et Bachaumont, fait en 1656, et qui, à quatre ans de distance, n'a pu nous donner que des impressions synchroniquement identiques et exactes. Ils étaient qualifiés pour voir tout et bien. Bachaumont était « intendant du duc d'Orléans », et une telle clé ouvrait bien des portes, grandes ou petites. Les voyageurs furent donc reçus en conséquence, et le souvenir des fêtes qu'on leur fit est ici topique.

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    Le château de Pennautier

    D'abord, réception chez M. de Pennautier, « à une lieue de Carcassonne ». M. Reich de Pennautier est un des trois trésoriers des États du Languedoc — et Borel le cite parmi les amateurs distingués du temps. Réception fastueuse. N'insistons pas et laissons à Chapelle le soin d'en témoigner la reconnaissance de l'estomac. Une chose importe par-dessus tout et domine tout, même dans le récit de Chapelle, c'est que « la comédie — car comédies il y eut — fut aussi un de nos » divertissements assez grands, parce que la troupe n'était pas mauvaise, et qu'on y voyait toutes les dames de Carcassonne. »

    La banlieue de Carcassonne, alors très aristocraliquement habitée, pouvait, à elle seule, composer un public d'élite et peupler une salle de spectacle, même plus vaste que les locaux dont on disposait d'ordinaire. M. de Baisant, l'ami de Chapelle, qui ne l'oublie pas dans son Voyage, n'aurait eu qu'à battre le rappel de ses amis et amies pour avoir un auditoire, si la seule notoriété de Molière n'avait pas produit cet effet. Mais Molière était en pays de connaissance à Carcassonne, et la recommandation elle-même du comte d'Aubijoux, si elle pouvait maintenir ou accroître la faveur dont il jouissait, ne pouvait plus ni la lui attirer ni la lui mériter : Molière avait fait ses preuves à Carcassonne, en 1647. Et c'est un lieutenant du roi, le comte de Breteuil, qui lui avait en quelque sorte décerné là un certificat de maîtrise, dans une lettre du mois d'octobre de cette année, où il déclare sa « troupe remplie de fort honestes gens et de très bons artistes. »

    Les artistes eu voyage, comédiens ou musiciens, savaient que la ville de Carcassonne était hospitalière et accueillante aux talents. Molière en lit souvent l'expérience : il la faisait pour la seconde ou la troisième fois en 1651-1652. Il retrouvait ces groupes sympathiques d'amateurs qui se donnaient le mot d'ordre autour de lui, à chacun de ses passages dans les villes. Ici, il retrouvait chaque fois un de ces fidèles de la comédie et de la musique, une sorte d'abonné par destination : « M. Charmois, ancien secrétaire du maréchal de Schomberg » et dont Borel encore signale la galerie formée de « beaucoup de beaux tableaux originaux ».

    M. Charmois avait pris sa retraite à Carcassonne, un peu comme devait le faire Etienne Molinier. N'est-ce pas M. Charmois qui avait introduit le musicien chez le maréchal de Schomberg, durant ses résidences en Languedoc ? La passion du maréchal pour la musique est fort connue. Ou sait qu'il en faisait en tête à tète dans la chambre de Louis XIII, où Dassoucy était admis familièrement avec le surnom de « Phoebus garde-robin ». C'est au maréchal de Schomberg qu'Annibal Gantez, Languedocien d'acclimatation, avait dédié sa messe: Loetamini. Auuibal Gantez, tour à tour maître de chapelle à Aigues-Mortes, à Toulouse et à Montauban, avait parcouru un peu eu tous sens le Languedoc, où son admiration déclarée pour Élienne Molinier n'avait pu que grandir cet artiste dans l'opinion générale. Tout contribuait donc à faire de Carcassonne un foyer discret mais lumineux et réchauffant, pour l'art errant en quête d'une station propice pour faire halte. Molière y avait à qui parler, Molinier à qui se faire entendre.

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    Molière aurait joué avec sa troupe à Carcassonne en 1652, Andromède de Pierre Corneille. La musique en était du sieur Charles d'Assoucy. Citons également un compositeur audois illustre à la Cour de Gaston d'Orléans et qui accompagna la troupe de Molière : Etienne Moulinié (1599-1676), né à Laure-Minervois.

    Sources 

    Le Ménestrel / 14 janvier 1894

    La carrière de Molière / Caldicott / 1998

    The Molière encyclopédia / James F. Games / 2002

    La vie théâtrale dans les provinces du midi / 1976

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  • Quand les mineurs de Salsigne firent le siège de la Préfecture de l'Aude

    Nous sommes le 1er avril 1992...  Au bout de 83 jours de siège devant la préfecture de l'Aude, abrités seulement par des tentes de 24m2 dans le froid de l'hiver et ravitaillés grâce au soutien des Carcassonnais, les mineurs de Salsigne sont délogés par les C.R.S. Que pouvait-on raisonnablement reprocher aux gueules noires extractrices du minerai aurifère, à ces poumons condamnés par l'arsenic et le bismuth ? L'état n'a eu ces jours-là qu'un seul mot après un siècle de bons et loyaux services : "On vous a assez vus". Il n'a offert pour solde de tout compte avec quelques élus locaux de gauche, devenus subitement silencieux car dans la majorité présidentielle : la force publique. Ils n'ont pas voulu se souvenir que dans les familles de ces mineurs, minés par l'âpreté de la tâche, des pères et des oncles sont inscrits au monument du Maquis de Trassanel. Oui, Salsigne a sauvé des juifs étrangers de la déportation ! Oui, la vallée de l'Orbiel a donné son sang pour la France ! Que Félix Roquefort et l'abbé Gau m'en soient témoins de là-haut.

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    © Alain Charles

    Alors que la mine d'or de Salsigne exploitée depuis 1892 emploie 1200 personnes en 1936, elle ne compte plus que 380 salariés au moment du conflit de 1992. Elle extrait 500 000 tonnes de minerai par an pour 2 tonnes d'or. Déjà en 1953, un conflit social porté par 108 mineurs et soutenu par deux députés dont Félix Roquefort, avait rassemblé plus de 2000 personnes dans Carcassonne. La fermeture de la mine l'année suivante entérinait le licenciement de 1200 personnes, avant sa réouverture en 1955.

    Restez chez vous

    Depuis 1983, de vives inquiétudes de la part des mineurs planaient sur l’avenir du site. Après le passage de la mine aux mains de BRGM (S.A), l'endettement enregistre un passif de 400 000 millions de francs (60 millions d'euros). En décembre 1991, les cadres annoncent aux mineurs qu’ils doivent rester chez eux car il n’y a plus de sous. Les mineurs décident de passer à l’action en portant le conflit dans les rues de Carcassonne.

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    Les mineurs défilent sur le boulevard O. Sarraut

    Le gouvernement joue la montre et le préfet Victor Convert devient rapidement la cible des manifestants qui exigent des garanties pour leurs camarades

    Le Préfet de l'Aude, M. Victor Convert, a décidé de reporter sine die la prochaine séance de négociations entre l'Etat et les syndicats des mineurs de Salsigne. Pour expliquer sa décision, il affirme avoir été menacé, notamment par deux lettres piégées déposées à la préfecture de Carcassonne. Des actes qu'il attribue sans hésitation aux travailleurs de la Compagnie des mines de Salsigne, mise en liquidation, en se basant sur un seul indice, une lettre de revendication signée «Salsigne». Ces négociations portent sur la mise en place d'un plan social. (L'Humanité / 9 mars 92)

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    Les mineurs obtiennent du tribunal de commerce, un congé de conversion de dix mois leur permettant d’être payés tout en continuant leur mouvement. Un rocher est placé sur le boulevard puis dégagé par la force publique. Chésa fera voter une délibération du Conseil municipal à la demande des ouvriers pour installer un nouveau rocher ; une concession est accordée aux mineurs. Ce sera le rocher de la lutte.

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    © chroniques de Carcassonne

    Le conflit s’arrête en avril 1992 et Salsigne est partagé en trois : La mine, la SEPS, SNC Lastours ; la mine ensuite passe à ELTIN (groupe Australien). Le vendredi 2 juillet 2004, la mine d'or de la vallée de l'Oriel ferme définitivement, juste quelques employés restent jusqu'en décembre afin de procéder au démantèlement. Personne n'a voulu réindustrialiser  la vallée de l'Orbiel ; 171 personnes sont devenues des chômeurs. L'exploitant réalisait en 2003 un chiffre d'affaire de 18 millions d'euros. Si en 1992, le kg d'or se négociait autour de 50 000 francs (7000 euros), aujourd'hui il est de 40 000 euros. Pas rentable ?

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