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Commerces - Page 6

  • La bataille des grandes surfaces à Carcassonne depuis 1972 (Épisode 2)

    Le centre commercial E. Leclerc

    La société T.P.L.M représentée par M. Philippe Boissonade obtient un permis de construire le 6 avril 1977 pour la construction d'un magasin de grande surface destiné "à la vente de biens d'équipement de la maison et de tout autre produit". Des réserves accompagnant cette première autorisation, un permis modificatif officialisant les rectifications apportées au projet par M. Boissonade est entériné le 27 octobre. La grande surface est à ce moment-là en cours de construction à la zone de Félines, en bordure de la RN 113.

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    Le 8 décembre 1977, lors de l'assemblée générale de la Chambre de commerce, M. Denjean (commerçant de Carcassonne) évoque le caractère dangereux de l'accès au futur magasin. En effet, il faut couper la RN 113 pour se rendre à la zone de Félines et rien n'est  aménagé pour garantir la sécurité des automobilistes. Il semble que les opposants (CCI et Chambre des métiers de l'Aude) ont trouvé un angle d'attaque pour surseoir à l'ouverture prévue pour le 15 janvier 1978.

    Coup de théâtre

    Le 19 décembre 1977, le préfet de l'Aude prend la décision du report du permis de construire pour le secteur de l'alimentation. Le motif est le suivant : "à l'occasion de l'ouverture du magasin il est apparu que sa destination était tout autre que celle initialement prévue dans la mesure où la vente de denrée alimentaires constituait l'activité principale. Ce type de commerce entraînant une clientèle et un trafic important ; un motif de sécurité publique commandait le retrait du permis de construire." Le 27 décembre M. Boissonade engage un recours devant le tribunal administratif de Montpellier, afin de faire annuler cette décision.

    Edouard Leclerc passe en force

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    P. Boissonade, Édouard et Michel-Édouard Leclerc à Carcassonne

     Fou de rage contre la préfecture, Édouard Leclerc écrit au Président de la République, Valéry Giscard d'Estaing, pour protester contre une décision qu'il juge inique et dirigée uniquement contre son enseigne. Il prévient qu'il passera en force, que l'ouverture de l'alimentation et l'inauguration se feront bien à la date prévue, soit le 1er février 1978. Les bâtiments sont achevés et les marchandises commandées. De son côté, le préfet prend des mesures strictes de sécurité et saisi le juge pénal. M. Boissonade refuse d'engager les frais pour réaliser un tunnel ou une bretelle d'accès à son magasin. Des négociations sont en cours mais n'aboutissent pas début février. Le centre E. Leclerc ouvrira bel et bien le 1er février, malgré les interdictions. 

    Parmi les soutiens, le magasin Leclerc peut compter sur la CSCV (Confédération Syndicale du Cadre de Vie) qui déclare par la voix de M. Albérola qu'une grande partie des employés licenciés des établissements Castans serait embauché par la grande surface. 

    La revanche des opposants

    La demande d'agrandissement du centre Leclerc sera refusée le 28 novembre 1979 par la Chambre des métiers de l'Aude, comme par la Commission départementale d'urbanisme le 7 novembre 1979.

    Voici ses conclusions

    L'analyse démontre que le projet d'extension du Centre Leclerc

    1. Va à l'encontre des objectifs de développement équilibré des quartiers et des communes périphériques de Carcassonne, et défavorise l'animation de ceux-ci en freinant et en supprimant leur développement économique.

    2. Met en péril le maintien des entreprises commerciales et artisanales de ces villages et concurrence fortement les commerces du centre-ville

    3. Ne peut que contribuer à accentuer le sur-équipement commercial et artisanal de l'agglomération carcassonnaise par rapport au nombre de ses habitants

    4. Constate que la Société Anonyme T.P.L.M Centre Leclerc essaye, en l'occurence de "forcer la main" de la Commission départementale d'urbanisme commercial, en présentant un projet à étapes dont la première n'a pas exigé son avis, et dont la deuxième peut apparaître comme négligeable, ce qui laisse à penser que la troisième prendra une tout autre dimension.

    Un article visionnaire 

    Carcassonne serait-elle devenue la cible des promoteurs de grandes surfaces ? On annonce ici et là un Carrefour, un Mammouth, l'extension du Centre Leclerc et un hypermarché à Grazailles (Champion). "Champion" dont le secteur alimentaire sera géré par la SOLADI aura 1500 m2, une extension d'environ 400 m2 a été demandée et sera certainement acceptée car elle concernera uniquement des commerces d'appoint (pressing par exemple). L'extension du centre Leclerc a été refusée par un vote qui a donné les résultats suivants : 17 voix contre, 1 pour et une abstention.

    M. Lecorre projette l'ouverture d'un "Carrefour", une demande a été déposée mais le projet n'est pas encore venu en discussion devant la Commission départementale et bien malin qui peut connaître l'issue. La loi Roger qui est le garde fou à l'implantation sauvage de ce type de commerce, prévoit en cas de rejet un recours devant la commission nationale et en dernier lieu l'avis du ministre. La procédure peut prendre des mois... et ne jamais aboutir.

    Pour Mammouth, une demande est à la préfecture depuis trois jours/ MM. Talmier et Bonnafous n'ont pas encore étudié le projet. La Chambre de Commerce défend les intérêts locaux et l'on peut-être sûr que tout sera mis en oeuvre dans ce sens.

    Le Midi-Libre / 3 novembre 1979

    Ce Centre Leclerc sera ravagé par un incendie criminel en 1984. Il a été reconstruit, un peu plus loin, en bordure de la rocade ouest.

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  • La bataille des grandes surfaces à Carcassonne depuis 1972 (Épisode 1)

    Le Centre Commercial Salvaza

    On apprend le 25 mars 1980 dans la presse locale que suite au refus de la construction d'un hypermarché Mammouth à Trèbes, l'enseigne "Euromarché" obtient l'autorisation de s'implanter à la Bourriette (Carcassonne). La Commission Départementale d'Urbanisme Commercial a voté à égalité des voix favorables et défavorables, ce projet sera validé. Il est présenté par M. Hermand et Piau, gérants de la GEREC (Groupement d'Etudes de Réalisation pour l'Expansion Economique) pour le compte de la Société Civile Immobilière "La Rocade Ouest".

    Le projet

    L'entreprise de travaux public Depaule est sollicitée à partir de juin 1981 pour la réalisation du gros oeuvre sur un terrain de 60.000 m2 situé en bordure de la rocade ouest. Il est prévu que la surface commerciale s'étende sur 16.100 m2 et se décompose ainsi : 10.600 m2 pour l'hypermarché, 2000 m2 pour la galerie marchande qui accueillera des boutiques n'excédant pas 80 m2 avec un bail de 9 ans pour 45 à 50.000 francs de loyer annuel, 1500 m2 de magasin de meubles, 300 m2 pour un centre auto, 700 m2 de jardinerie de plein air et une Cafétéria. Ajoutons 1000 places de parking et 400 m2 de locaux techniques. L'hypermarché sera desservi grâce au percement d'un souterrain sous la rocade afin de prolonger le boulevard Denis Papin. L'ouverture est prévue pour le printemps 1982.

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     Les recours en annulation

    Dès le 14 août 1981, la CCI et la Chambre des métiers farouchement opposés la construction de cette grande surface, vont déposer un recours en annulation du permis de construire. Les arguments sont défendus par trois avocats Carcassonnais : Mme Rieu et MM. Pédron et Follet. 

    1. Entre le moment où fut délivré le permis de construire et aujourd'hui, il y a eu changement d'exploitant ; ce n'est plus "Euromarché" mais "Mammouth" qui s'implante à la Bourriette. L'accord ministériel du 2 juillet 1980 était au bénéfice d'une société qui, depuis, a rétrocédé cette autorisation. Selon les avocats c'est illégal, puisque cet accord n'est ni cessible, ni transmissible.

    2. L'augmentation de la surface autorisée est passée entre temps de 16.100 m2 à 18. 690 m2.

    De son côté, l'avocat du promoteur, Me Koops, fait valoir que le permis de construire avait été demandé par et pour le S.C.I Rocade Ouest. Il n'y a pas eu de substitution. Quant à la surface, cela dépend si on inclut ou non, les galeries marchandes.

    Le commissaire du gouvernement, M. Roustan, demande aux juges le rejet de la requête comme il l'avait déjà fait lors d'une demande d'arrêt des travaux en octobre 1981. Le 3 juillet 1982, le recours en annulation est rejeté. C'est une défaite pour les plaignants qui avaient jusque-là réussi à faire capoter le projet "Mammouth" de Trèbes.

    L'opinion publique

    Les défenseurs de "Mammouth" y allaient de leurs arguments et la presse locale se rangeait de leur côté dans plusieurs articles. Elle prenait à partie les Carcassonnais et mêmes les petits commerçants suspectés de se rendre au "Carrefour" de Portet-sur-Garonne ou au "Mammouth" de Narbonne, quand ces derniers les refusent à Carcassonne. Il est vrai que dans cette commission chargée de donner son avis sur l'implantation de la grande surface, on trouve des noms de commerçants Carcassonnais qui se sont gavés pendant des années, en pratiquant des prix élevés sans aucune concurrence. Néanmoins, la tribune que signe en 1982 dans la presse locale le directeur de la Chambre des métiers de l'Aude, M. Jules Leroy, est à ce titre très visionnaire sur l'état actuel de notre agriculture  et de l'artisanat après 30 ans d'hégémonie des grandes surfaces.

    " Les grandes surfaces ne créent pas le chômage que les salariés du commerce et de l'artisanat. Elles écrasent les revenus des agriculteurs et font disparaître un nombre important d'entreprises industrielles et donc d'emplois. 90% du bénéfice des grandes surfaces est constitué par la "marge arrière", c'est à dire les ristournes exigées par leurs fournisseurs. C'est un véritable racket.

    Un groupe de coopératives, un industriel, pour être "acheté" par la grande surface doivent verser un droit d'entrée (2 à 30 millions anciens) à la centrale d'achat, payer des participations publicitaires énormes et ristourner, hors facture, de 2,5 à 5% du chiffre d'affaires réalisé.

    La coopérative agricole, l'industrie sont obligées d'en passer par la volonté de ces financiers. La coopérative agricole répercute la perte sur ses adhérents et l'industriel, avec une marge inexistante, ferme son entreprise et licencie son personnel.

    Les grandes surfaces, non contentes de racketter sans vergogne, imposent à leurs fournisseurs une loi du silence sous peine d'éviction pure et simple... Leurs dirigeants sont devenus les seigneurs tout puissants des temps modernes, qui agissent en toute impunité."

    (La dépêche / 21 juin 1982)

    Le président François Hollande a déclaré hier à Mende :

    "Je lance encore un appel à cette grande distribution, pour qu'elle offre aux consommateurs la qualité et aux agriculteurs un prix" a lancé le président, rappelant les engagements souscrits le 17 juin lors d'une table-ronde autour du ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll."

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     Le 15 juin 1982, l'hypermarché de l'enseigne Mammouth fondée par les Docks de France en 1966 puis racheté par Auchan, est inauguré. Il prend le nom de Centre Commercial Salvaza, devient le plus grand de la ville et dépasse même ceux de Narbonne et Béziers. Mammouth deviendra Rallye, puis Géant Casino en 1994. Il agrandira encore sa surface de 6605 m2.

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    "Mammouth écrase les prix"

    Son dernier magasin a fermé en France en 2009

    Sources

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    Journaux locaux

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  • Attentat à l'explosif au Centre E. Leclerc de Carcassonne

    Dans la nuit du 20 avril 1984, une déflagration entendue sur plusieurs kilomètres faisait exploser l'hypermarché E. Leclerc, situé en bordure de la RN 113 au-lieu dit Félines. Rapidement dépêchés sur place les pompiers de Carcassonne ne pouvaient que constater l'étendue des dégâts et tenter d'éteindre l'énorme incendie, qui s'était propagé à l'ensemble des bâtiments. 

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    Construit le 1er janvier 1977, cet hypermarché indépendant appartenant à M. Philippe Boissonade est placé sous la franchise E. Leclerc. Il emploie une cinquantaine de personne au moment de son ouverture en 1978. L'attentat qui le frappe en 1984 est revendiqué par le CAV (Comité d'Action Viticole) pour protester contre la vente de vins d'importation venus d'Espagne. Nous saurons plus tard que l'attentat devait être à l'origine, perpétré contre l'hypermarché Mammouth de Salvaza. En raison des menaces qui pesaient sur lui, sa garde avait été renforcée. Menacé de mort, Philippe Boissonade dut prendre un garde du corps et se promener pendant un an avec un révolver sur lui.

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    Le CAV et son président A. Cazes, en 1976

    Le 25 avril avril 1984, six viticulteurs sont arrêtés ; parmi eux se trouvent des présidents de caves coopératives régionales. 

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    Le 3 mai 1984, Édouard Leclerc arrive en jet privé sur l'aéroport de Salvaza. Il doit rencontrer les représentants du monde viticole afin de discuter de l'embargo sur le vin du midi qu'il mène désormais en représailles aux actions violentes du CAV. La réunion se tient à la mairie de Carcassonne en présence d'André Cazes (Président du CAV) et d'Antoine Verdale (Président de la Confédération Nationale des Caves Coopératives). 

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    Edouard Leclerc est ensuite reçu par M. Talmier, président de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Carcassonne. Une nouvelle réunion se tiendra à l'hôtel Murat jusqu'à 17 heures. Le fondateur de l'enseigne de supermarché se montrera confiant sur les chances de réussite des négociations, en se laissant toutefois dix jours de réflexion pour donner son accord.

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    Raymond Chésa entouré de Michel-Édouard Leclerc et de son père.

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    Robert Capdeville (Président de la région Languedoc-Roussillon) a rencontré le Président de la République François Mitterrand. Celui-ci a indiqué vouloir faire des propositions aux viticulteurs de l'Aude. Le 4 mai, deux viticulteurs sont libérés et deux autres restent en prison. Le 17 mai, les deux derniers responsables emprisonnés sont libérés. Dans le même temps, Michel Rocard (Ministre de l'agriculture) rencontre à Montpellier une délégation de viticulteurs. La discussion avortera au bout de trente minutes.

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    Le nouveau Centre E. Leclerc, tel que nous le connaissons aujourd'hui, sortit de terre en 1986 grâce à l'intervention du ministre du commerce, Michel Crépeau. La CCI de Carcassonne n'aurait pas souhaité une nouvelle implantation à Carcassonne afin de ne pas fâcher les viticulteurs. L'adhésion de l'Espagne à la CEE en janvier 1986 n'allait que renforcer la fronde viticole du midi contre les importations. Le CAV avait encore des beaux jours devant lui...

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