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Architectes - Page 3

  • Inédit ! L'histoire de la succursale de la Banque de France à Carcassonne

    C’est le 24 juin 1858 qu’ouvrit la succursale de la Banque de France de Carcassonne. Sa création avait été décidée par décret le 27 décembre 1856 et M. Pujet, caissier à Avignon, était promu comme directeur dans notre ville. La Banque de France s’installa dans un ancien hôtel particulier de la rue de la Préfecture ayant appartenu à MM. Ducup, Rivals puis au Comte Fabre de l’Aude, qu’elle venait d’acquérir à M. Sicre. L’installation des bureaux ne fut pas des plus heureuses, si l’on en croit les souvenirs d’un employé : "Pendant que le cabinet du directeur et des administrateurs se trouvait au fond du couloir central, à droite, les bureaux du public étaient à gauche, de façon que les relations des bureaux et de la direction étaient rien moins que commodes."

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    © Collection Martial Andrieu

    La banque de France, 3 rue de la préfecture en 1910

    La caisse, prenant jour sur une cour et sur le jardin était une véritable forteresse. L’espace réservé au public était des plus exigus, et lorsque trois ou quatre personnes l’occupaient, subitement, une porte donnant sur le couloir central et permettant au directeur de venir dans les bureaux s’ouvrait brusquement et dérangeait tout le monde. Contre le mur du bâtiment dans la rue de la Préfecture, s’alignaient les cages des garçons de recettes. Pour ce rendre compte de ce que devenait le hall du public ayant affaire aux employés ou aux garçons de recette, il était nécessaire de s’y trouver un soir de grosse échéance. Le bruit des écus tombant en cascade entre les doigts des garçons, le va et vient du public, les causeries, et tout cela dans un carré de 4 à 5 mètres de côté.

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    © World History Photo

    Le personnel de la succursale en 1858

    Censeurs : MM. Clauzel, Lignières et Oscar de Roland du Roquan

    Administrateurs : MM. Elie Cazaban aîné, Casimir Courtejaire, Fonsés fils, Jean Gélis, Mandoul-Detroyat, Gabriel Mullot et Jacques Satgé aîné.

    Directeur : M. Pujet. Caissier : Henry Georges. Chef de comptabilité : F. Mathieu.

    Pendant les douze premières années de sa création, la succursale, ne faisait qu’un nombre restreint d’opérations s’adressant à un public clairsemé : Escompte aux banquiers de la place, dépôts de titres, avances sur titres, paiement des dividendes aux actionnaires de la Banque de France. Même en 1870, à l’époque où le vin donna un nouvel essor aux affaires dans le Midi, la succursale ne comptait qu’un directeur, un caissier, un teneur de livres, un expéditionnaire et deux garçons de recettes. C’est le concierge qui coiffait le claque et mettait la redingote lorsque l’activité dépassait pour donner un coup de main aux encaisseurs. Les administrateurs sont des industriels de la ville vers 1870 : MM. Prosper Lacombe, J. Bary, P. Rivière, Combes, Antoine Durand, Propser Capelle, Frédéric Lauth, H. Pullès.

    Dès 1873, l’abondance du vin amena une recrudescence d’affaires énormes. Carcassonne se ressentit des cours élevés et des qualités considérables qui marquèrent les récoltes jusque’à l’apparition du phylloxéra. La succursale accrut sérieusement ses opérations et recruta de nouveaux employés. La multiplicités des services crées successivement par la banque, l’augmentation des d’escompte et l’admission à l’escompte de négociants avec papier à trois signatures, acheva des placer la succursale dans les meilleurs rangs des établissements de la Banque de France.

    Les directeurs de la succursale qui se sont succédé jusque’en 1918 : MM. Georges (1867), De Saizieu (1876), Delalande (1886), De Brandt (1889), Bazin (1891), Bascarons (1896), Camille Pignière (1911), Mathieu (1918).

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    Le maintien de l’activité dans les anciens locaux n’étant plus possible, un projet de remaniement fut mis à l’étude en 1911. Les plans venus de Paris furent confiés à l’architecte Carcassonnais Léon Vassas. L’entreprise de maçonnerie de M. Carbou ; zinguerie Jalbaud, menuiserie Cramand, serrurerie Plancard, et la peinture Baby, complétèrent le tableau des artisans. Commencée en 1911, la construction du pavillon venait d’être terminée au moment de la déclaration de guerre en 1914.

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    Caducée du commerce sculpté en 1911 sur la façade

    Un employé donne une description précise des nouveaux locaux :

    On pénètre dans le hall du public en longeant à gauche, le cabinet du directeur, à droite le vestiaire et le retrait qui donne accès à l’escalier menant aux caves et aux sous-sols. Ce hall rectangulaire mesure 20 mètres sur 11 environ, exactement 228 m2. Il est fort bien éclairé par de grandes baies, donnant l’impression de vie, de mouvement, de parfaite hygiène. C’est la caisse qui fait face à l’arrivant. Elle a gardé le grillage d’antan, comme l’ont gardé les cabines des sept garçons de recettes placées à droite. Le bureau de comptabilité donne asile à dix employés.

    Entre 1871 et 1879, le montant des effets d’escomptes va de 2 millions et demi à 8 millions. En 1890, il est de 12 millions. En 1913, 29 millions. En 2017, la Banque de France souhaitait mettre en vente ces locaux... Elle devrait aller s'installer au premier étage de l'ancien café Continental, boulevard Omer Sarraut.

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    L'oeuvre architecturale de Léon Vassas achevée en 1914. Petit à petit nous avançons dans notre quête pour dater et recenser les bâtiments Art-nouveau de Carcassonne. Personne n'avait à ce jour donné le nom de l'architecte de la succursale de la Banque de France, ni réalisé son historique.

    Sources

    Archives privées

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  • Le Théâtre des Nouveautés : la plus belle salle de cinéma de France !

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    Lorsqu’en 1912 l’architecte Florentin Belin dresse les plans du futur Grand Hôtel Terminus, la société Terminus-Cité souhaite que l’on inclus à l’intérieur de l’établissement, une salle des fêtes. Idéalement située au-dessus du garage de l’hôtel sur une longueur de 25 mètres, le public peut depuis ses larges fenêtres profiter du point de vue sur le boulevard Omer Sarraut. Pendant huit années elle accueille les nombreuses manifestations culturelles de la ville, comme les fêtes carnavalesques, mais son usage ponctuel ne semble pas satisfaire la direction du Terminus. Aussi, lorsqu’après la guerre le banquier Auguste Beauquier, administrateur de la Société des Grandes hôtelleries de France, se retrouve seul aux commandes de l’établissement, celui-ci décide de transformer la salle des fêtes en théâtre. Le directeur de la banque Pragma de Carcassonne, né à Conques-sur-Orbiel en 1884, avait financé avec Raoul Motte la construction du Terminus en 1914.

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    Les bow-windows ont été installés en 1922

    Au mois de novembre 1921, il convoque la presse et expose les grandes lignes de son projet. Beauquier a confié à d’éminents architectes parisiens, MM. Uldry et Mazouillé, le soin d’édifier une nouvelle salle de spectacle avec tout le confort moderne. Il compte bien attirer le public qui, d’ordinaire, assiste aux représentations lyriques dans une salle municipale vétuste et bien mal chauffé. Le nouveau théâtre sera édifié selon les techniques en vigueur ; le cabinet d’architecte utilise pour le gros œuvre le béton hennebique, mais les parties visibles devront conserver le style Art-Nouveau de l’hôtel. Les décorateurs envoyés depuis Paris, dont hélas nous ne connaissons pas les noms, exécuteront un travail remarquable. Mis à part peut-être la verrière au plafond, rien ne laisse penser que le théâtre est construit à l’époque de l’Art-déco des Années folles. Actuellement, la seule salle de spectacle de ce type en France reste l’Opéra de Vichy édifié en 1903. Si l’on y regarde de près, on s’aperçoit que de la courbure du balcon jusqu’aux baignoires près de la scène, les architectes ont copié les dessins de Charles le Coeur.

    théâtre des nouveautés

    Le balcon et les baignoires

    Le Théâtre des Nouveautés - en référence à l’illustre salle parisienne du même nom reconstruite en 1921 - comprendra au parterre des fauteuils et trois baignoires de chaque côtés, au premier étage des gradins afin de bien voir la scène et dans l’encorbellement 18 loges de quatre fauteuils. Pour les spectateurs on a prévu deux jolis promenoirs pourvus de trois bow-windows donnant sur l’extérieur. Une entrée sur le boulevard, trois sorties dont une par le Café Terminus, où il sera permis de consommer, comme dans le bar contigu au théâtre. Les spectacles comporteront des opérettes, des revues, des pièces de théâtres, ainsi que la projection de films cinématographiques.

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    Deux mois de travaux suffiront à donner au nouveau théâtre, décoré dans le style Art-nouveau de l’hôtel, tout l’éclat de son luxe et de sa beauté. La direction artistique du Théâtre des Nouveautés est confiée au compositeur carcassonnais François Fargues. Au mois de mars déjà, on y donne les premiers concerts symphoniques. L’inauguration a lieu le 1er avril 1922 avec l’opérette La fille de Madame Angot de Charles Lecocq, interprétée par des artistes du Grand Théâtre de Bordeaux sous la direction du chef Bioulès. Bien que les bénéficies aillent à une œuvre caritative de la ville, la presse regrette que l’ouvrage n’ait pas attiré un public nombreux. Toutefois, « le gratin était là » note t-elle. Les jours suivants, Les dragons de Villars d’Aimé Maillart partage l’affiche avec des spectacles plus populaires. Le spectateur préfère se divertir avec le célèbre Félix Mayol le 23 avril 1922. Ainsi programme t-on opérettes, revues, projections cinématographiques et pièces théâtrales jusqu’en 1932. Cette année-là, le Théâtre des Nouveautés a vécu… Les affaires financières d’Auguste Beauquier avaient été rattrapé par la justice. Après huit mois de prison préventive, le directeur de la banque Pragma était condamné en février 1926 à deux ans de prison et 5000 francs d’amende pour détournement au préjudice de 57 clients.

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    La verrière au plafond

    Le cinéma Le Colisée, équipé en Idéal sonore, s’installe en août 1932 dans la grande salle du Terminus avec Marcel Fargues (1899-1983) pour succéder à son père. Ayant échoué à obtenir le Grand prix de Rome de composition en 1925, le jeune Fargues s’est lancé dans l’administration des théâtres. Pendant plusieurs années, il a dirigé l’Alhambra et le théâtre municipal d’Orléans. A Carcassonne, il rachète avec son père les parts des trois actionnaires du Colisée en juin 1932. Les grands films du cinéma parlant figurent à l’affiche, comme Sans famille de Marc Allégret qui avait été tourné à Carcassonne en 1935. Dans la vitrine de M. Artozoul, le marchand d’articles de pêche de la rue de la gare, on peut lire les programmes des cinémas de la ville.

    théâtre des nouveautés

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    Pendant la seconde guerre, le Colisée sert de lieu de conférences pour les propagandistes nazis. En 1980, deux nouvelles salles sont crées puis cinq, formant un complexe. La salle de l’ancien Théâtre des nouveautés sera entièrement restaurée en 2001, mais fermée au public en 2012. Le Colisée racheté récemment à CGR par la ville de Carcassonne est actuellement en train d'être restauré et va réouvrir au public. C’est l’une des quatre plus belles salles de cinéma d’Europe ! Après l’Opéra de Vichy, on peut lui décerner le titre d’unique théâtre Art-nouveau de France. 

    Sources

    Cet article totalement inédit a été réalisé avec de nombreuses recherches dans la presse locale de l'époque. Tout ceci grâce à des abonnements payants mensuels aux sites Filae, Généanet, Retronews. A un travail de fourni dans les listes de recensement militaire, d'état-civil et des délibérations des conseils municipaux. A l'appui pour la partie cinéma, des connaissances d'Isabelle Debien. Tout ceci représente des heures au service de l'histoire de notre ville. Toutes ces informations ne sauraient être reprises sans citer le contributeur.

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  • Le lotissement du Moulin d'autan par l'architecte Henri Castella

    Le long de l’avenue du général Leclerc s’étend sur une centaine de mètres, le lotissement du Moulin d’Autan. Bien que sa dénomination ait quelque peu disparu du langage usuel, c’est ainsi que fut baptisé en 1953 cet immeuble de logements à loyers modérés. Le moulin d’autan, aujourd’hui cerné par les nombreuses maisons bâties sur la colline de la Gravette, surplombait l’ancienne R.N 113. En bordure de celle-ci, un terrain dépourvu de constructions allait, après la Seconde guerre mondiale, susciter l’intérêt des investisseurs à une époque où la France connaissait une grave crise du logement.

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    Le lotissement du Moulin d'autan, avenue Leclerc

    Le 9 décembre 1953, MM. Romersa et Reynès, respectivement présidents du C.I.L.D.A (Comité Interprofessionnel du Logement de l’Aude) et de la Société Coopérative Départementale d’H.L.M, présentaient à la presse la maquette du lotissement du Moulin d’Autan. Dans les plans du bâtiment, dressés par l’architecte Henri Castella, dont la réalisation devait être confiée à l’entreprise Deville, figurait la construction de vingt-deux maisons mitoyennes de type F4 et F5 pour deux d’entre-elles. Ce qui pourrait paraître banal de nos jours en terme de confort, offrait à ces logements, au début des années 50, toutes les commodités indispensables à la vie d’aujourd’hui : douche, cabinet de toilette, penderies et placards, chauffage à air chaud, etc. A l’intérieur des vieilles masures du quartier populaire de la Trivalle, situé de l’autre côté de l’avenue, certaines familles vivaient encore comme à la fin du XIXe siècle. C’est peu dire de l’état du logement dans cet ancien faubourg de la Cité où désormais, s’achètent à prix d’or des maisons transformées en chambre d’hôtes.

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    Financé par le Crédit Foncier de France, avec un prêt à la Caisse d’Allocations Familiales et grâce au 1000 francs par M2 subventionnés par l’état, ce projet voit le jour dès le mois de juillet 1953. Il sera renforcé par le décret du 9 août qui oblige les entreprises à participer à l’effort de construction par une contribution de 1 % de la masse salariale pour financer le logement social. La C.A.F se charge ensuite de trouver les heureux bénéficiaires parmi les familles dans le besoin rencontrant des difficultés pour se loger. Il s’agit pour elles d’accéder à la propriété en payant un loyer en fonction de leurs revenus en échelonnant l’emprunt sur cinq à dix ans. Pour exemple, un couple avec trois enfants dont le salaire n’excède pas 30 000 francs, paiera 10 000 francs de loyer, moins 7200 francs d’allocations logement, soit 2800 francs mensuels. Tout ceci exonéré d’impôts pendant vingt-cinq ans ! Le coût de chaque maison varie selon le type : 1 750 000 francs (F4) et 2 000 000 francs (F5).

    Les travaux préparatoire du terrain débutèrent le premier décembre 1953. Le terrassement s’acheva fin janvier 1954 et l’immeuble fut livré durant l’été de la même année. Henri Castella réalisa un ensemble harmonieux dans le style contemporain de l’après-guerre qui garde encore aujourd’hui toute sa valeur architecturale. Il s’entoura de l’artiste Carcassonnais Jean Camberoque qui exécuta des tuiles en céramique peinte pour la façade de chaque maison, financées par le 1% artistique. Cette obligation inscrite dans la loi du 18 mai 1951 et toujours en vigueur, est due à un Audois : le sculpteur René Iché (1897-1954) qui exécuta notamment le monument à la Résistance dans notre ville.

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    Avenue Jules Guesde, quartier St-Jacques

    On doit également à Henri Castella et au C.I.L.D.A, la construction des maisons de l’avenue Jules Guesde dans le quartier Saint-Jacques et celles de la rue Joseph Bara, bâties avant 1953. Elles portent toutes le style du plus grand architecte contemporain de Carcassonne à qui il faudra bien jour rendre un hommage biographique. Là encore, sur chaque maison… une tuile de Camberoque.

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    Constructions d'Henri Castella, rue Bara

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