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Architectes - Page 2

  • Inédit ! Carcassonne en 1880, comme vous ne l'avez jamais vue !

    Lorsque Léopold Petit, tout fraîchement sorti de l’Ecole des Beaux-arts de Paris, arrive à Carcassonne en 1868, il nourrit l’ambition de redessiner cette ville à l’image de ce que Napoléon III a entrepris dans la capitale. Le nouvel architecte de la ville, à qui l’on reprochera - pour justifier son discrédit - de n’être pas né  ici, a la ferme intention de tout démolir pour reconstruire. Toutes ces maisons lui paraissent affreuses ;  ces rues étroites, étriquées et sans caractère enfermées  à l’intérieur des vestiges des remparts médiévaux, nuisent à l’embellissement et au développement économique. Tout au long de son exercice municipal, c’est-à-dire jusqu’en 1875 et même au-delà puisque l’architecte sera adjoint au maire, Léopold Petit se heurta aux conservatismes . En 1897, il déclara lors qu’il souhaite élargir la rue de la gare : « Si on y va timidement, que l’on se contente de dire nous sommes pauvres, la ville de Carcassonne sera toujours dans sa vieille routine, on y vivra comme des escargots. Notre chance est absolument nulle et rien ne se fera à Carcassonne étant donné l’état des esprits, ne se contentant qu’à des demies mesures et jamais à des travaux franchement élaborés. »

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    La promenade Saint-Michel (Bd Barbès)

    Le plan d’alignement, ancêtre du Plan Local d’Urbanisme actuel, est dessiné en 1869 par le voyer-municipal Cayrol. Il définit pour la première fois et pour les décennies à venir, une vision urbanistique de la ville. Toutefois, Léopold Petit regrette qu’aucune disposition n’ait été prévue pour élargissement de la rue de la gare. Les alignements de 2 ou 4 mètres sont ridicules, quand il faudrait faire de cette artère une vaste avenue telle qu’on la voit à Toulouse, par exemple. Tout son projet urbain s’articule autour de cette rue, appelée de ses voeux à devenir les Champs-Elysées de Carcassonne. 

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    Le Jardin des plantes (actuel square Chénier) fut d’abord un terrain vague n’appartenant à presque personne mis à part ceux qui y aillaient cueillir les fèves nécessaires à l’Artichaut. Ce dernier étant autrefois un quartier autour de l’église Saint-Vincent. Cette pratique disparut après l’édification de l’école laïque du Bastion ; elle était si enracinée qu’elle donna le nom à la porte qui fermait encore la rue Tomey en 1820, voisine du quartier de l’Artichaut. On l’appelait alors « lé pourtal dé pano fabos ». C’était un quartier infect, sordide, mal famé, dangereux même malgré le voisinage de la gendarmerie casernée dans l’immeuble de l’actuel ancien café continental de Pavanetto. Ce quartier n’était peuplé la nuit que de gens de mauvaise vie qui disparurent lorsqu’on installa le réverbère municipal en 1825. Les édiles d’alors acquirent le champ aux fèves, alignèrent les allées, érigèrent des vasques et portèrent en triomphe sur un piédestal de granit, la colonne de marbre incarnat oubliée chez un carrier de Caunes-Minervois, pour le Trianon du château de Versailles.

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    La villa du Tivoli, bd Omer Sarraut

    Entraînée par l’essor de la viticulture audoise, la ville de Carcassonne entreprend sa mue architecturale à partir de la fin des années 1870. Une grande compagnie financière attirée par sa prospérité se propose d’étudier les projets de réfection de la rue des Carmes (actuelle piétonne). Elle a semble t-il compris, dit-on, que cette rue avait plus d’avenir encore que la rue Alsace-Lorraine à Toulouse. Pour se faire, la compagnie en visite à Carcassonne a posé les premiers jalons d’une voie large et grandiose, commençant à la gare et finissant au Portail des Jacobins. Au Jardin des plantes (square Chénier), elle souhaite acquérir les deux premières allées pour y construire un magnifique boulevard en vis-à-vis de la nouvelle école du Bastion. Imaginez donc, une espèce de boulevard de Rivoli sur l’actuel Tivoli (Bd Omer Sarraut) s’étendant jusqu’à la rue Antoine Marty avec à son extrémité un quai d’embarquement sur l’Aude, à l’endroit de l’actuel Pont de l’Avenir. Tout ceci décoré de beaux et riches immeubles de style hausmannien.

    La rue de la gare élargie autant qu'une avenue, aurait en perspective d’un bout à l’autre, la gare et les Jacobins. Léopold Petit souhaite que la statue de Barbès qui est en cours de réalisation avec son piédestal de granit, soit posée face au Portal des Jacobins ; là, où se trouve actuellement la fontaine. Sur la manutention militaire où l’on érigera l’Hôtel des Postes en 1906, l’architecte municipal a dessiné le projet d’une place de la Bourse avec une galerie s’étendant depuis la place Carnot jusqu’à boulevard Jean Jaurès. Sur l’actuelle école J. Jaurès, un nouveau théâtre municipal. Ainsi, en sortant du spectacle on aurait en perspective la fontaine de Neptune, place Carnot. Hélas ou tant mieux, selon que vous en jugerez, il n’y eut point d’élargissement de la rue des Carmes. La compagnie financière se désintéressa de Carcassonne, échaudée par le manque de volonté à voir ses projets aboutir et l’état d’esprit général.

    Malgré tout, l’initiative privée viendra au secours d’une ville exsangue, mal gérée par des conseils municipaux passant leur temps à se déchirer plutôt qu’à œuvrer. Cet article de 1881 paru dans un journal local et que nous retranscrivons, met en avant les transformations de Carcassonne obtenues grâce l’eldorado viticole. 

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    Immeuble Fabre, réalisé par l'architecte Bertrand

    "Je vois partout des magasins somptueux, d’élégantes vitrines, des trottoirs commodes, l’architecture court les rues. Les masures deviennent des maisons, les maisons des palais et les anciennes demeures aristocratiques, la propriété cardinalesque des tailleurs et des marchands de grains. Les habitants eux-mêmes ont fait peau neuve et ne jouissent plus de cet air piteux et pauvre qui donnait froid dans le dos ; les hommes sont très bien et les femmes encore mieux ; on va se faire coiffer chez Mignot et tailler des vestes par Belloc.

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    Immeuble Bastide, conçu en 1877 par Marius Esparseil

    Sur les boulevards quantité de millionnaires ou à peu près ; autant de promeneuses cherchant à le devenir ; on compte cinquante cafés, un Alhambra, deux casernes, l’Alcazar et Sainte-Cécile, les Folies-Carcassonnaises, un casino et water-closets.

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    Façade avec ses cariatides réalisée par L. Petit, Bd Jean Jaurès

    Dans l’intérieur de la ville, l’affreuse boutique a disparu, vous rencontrez des jalousies, des balcons, des rotondes, des voltes et des archivoltes, le chapiteau grec et la colonne corinthienne ; puis des objets d’art et de consommation inconnus jusqu’alors, des vases, des statues, des tableaux, des lithographies, des médailles et monnaies antiques, la porcelaine de Chine, le santal du Japon, du pain d’épice et des huitres.

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    Immeuble Combéléran (1885) par l'architecte Marius Esparseil

    Les hôtels regorgent, la monnaie ruisselle, les primeurs s’enlèvent, les pâtissiers ne dorment plus et les bouchers sont sur les dents. Ah ! Bourgeois de 1830, toi qui n’avait que le couvert pour tout potage et le gloria chez Polycarpe pour distraction, que dis-tu des bazars, des caravansérails, des maisons éventrées, des remparts démolis, des rues ouvertes, des halles construites, des journaux, des kiosques et de la portion en plein vent ? L’âge d’or n’est plus un mythe, tu l’as, il a pris naissance sous une feuille de vigne et domicile au Comptoir d’Escompte. 

    Les cafés pouvaient -ils rester en arrière du progrès ? Les cafés qui sont aujourd’hui, la Maison, l’Eglise et la Bourse ont dû faire du luxe par raison. Depuis Marsal qui commença la danse et que suivirent avec entrain Delpon et Bec, cinquante café se sont mis à la queue-leu-leu rivalisant de fioritures et d’ornementations. Mais pour construire convenablement ces cafés et créer des espaces, il a fallu souvent faire des tours de forces d’architecture dont seuls étaient capables l’argent et la science.

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    Le Café Rieux, actuellement La brasserie 4 temps (Portail des Jacobins)

    Le plus fort des tours est celui que vient d’exécuter à la force du poignet, Rieux successeur de Bec. Ce café, primitivement, possédait deux salles, plus un restaurant séparés par des escaliers immondes et une cour infecte. Aujourd’hui, ces trois salles sont réunies en quelque sorte, réunies par un escalier très élégant et un hardi percement du mur qui fait le plus bonheur à l’ouvrier qui l’a entrepris. C’est admirable comme perspective et comme goût ; aussi les consommateurs abondent-ils chez Rieux, et y trouvent ce qui peut plaire à une clientèle oisive, une terrasse ombragée, des glaces à se sucer les doigts et un billard dirigé par Vignaux n°2. Le restaurant, lui, n’a pas besoin d’éloges, car il a fait ses preuves depuis longtemps.

    Faire un pareil déjeuner à Carcassonne, lire quatre journaux du crû, boire de l’eau à la Cité, compter les maisons et les fortunes nouvelles, rencontrer des gens qui changent la fuchsine en vin de Bordeaux, la vieille bourre en drap de Sedan, l’amidon en lait de vache et les canards en nouvelles ; voir ma ville fringante et animée, assister à la résurrection de mon pauvre Lazare, qui fait la belle jambe, joue au bésigue, reste fidèle à son député, crée des écoles, fonde des hospices, construit des hôpitaux, et enfin s’enrichit avec l’impôt sur les alouettes, me donne le droit de restait stupéfait et de dire que Carcassonne est une ville remplie de miracles."

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    Immeuble Fafeur, square Gambetta

    Durant cette grande période de progrès technique, de prospérité économique à Carcassonne, la ville pouvait envisager de grandes transformations urbaines. Elle ne le fit qu’à la marge grâce essentiellement à l’initiative privée de quelques propriétaires fortunés, disposés à faire bâtir de beaux immeubles. On considéra avec peu de sérieux les projets, jugés grandiloquents, de l’architecte Petit taxé de parisianisme. Les municipalités républicaines qu’il ne faut pas blâmer, préférèrent dépenser l’argent communal à des œuvres sociales jugées comme plus utiles. La sauvegarde du patrimoine et l’urbanisme ne les ont pas beaucoup concernés. Ceci malgré des caisses municipales toujours en déficit, où la politique idéologique prima sur le développement économique. Comme nous l’avons indiqué plus haut, les constructions nouvelles se firent à la marge sans réelle harmonisation urbaine. A la tête du client, la ville permit à l’un ce quelle défendit à l’autre…

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    Maison Olivet, place Carnot (1886)

    Afin d’élargir, il fallait forcer le propriétaire à se mettre à l’alignement et donc céder une partie du terrain à la commune. Les accords sur le prix accordé au m2 se disputèrent devant les tribunaux avec des procédures à long terme. A titre d’exemple, l’obligation de recul et l’alignement des nouvelles constructions sur le côté Est de la place Carnot mettront trente ans. Tracez donc une ligne droite depuis le bord de la Société générale jusqu’à la Rotonde et voyez tout ce qu’il fallait faire reculer pour obtenir l’élargissement de la rue. Faites la même chose à partir de la base de Monoprix.

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    Exemple inharmonieux d'alignement dans la rue Clémenceau

    Entre 1919 et 1939, la municipalité Tomey souhaita faire appliquer cet élargissement dans le cadre de son plan d’embellissement ; elle dut se résoudre à l’abandonner malgré quelques résultats. Ce qui fait qu’aujourd’hui, nous nous trouvons dans cette rue avec des immeubles alignés et d’autres reculés. Qui sait ce que serait aujourd’hui notre ville si l’on avait écouté un certain Léopold Petit…

    Sources

    Le bon sens, Le courrier de l'Aude, la Fraternité, Le rappel de l'Aude

    Délibérations du conseil municipal

    Photos et collection

    Martial Andrieu

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2021

  • L'impressionnant héritage Art-Déco de Jules Reverdy dans le département de l'Aude

    La Sous-Préfecture de Narbonne

    Jules Pierre Reverdy naît à Caunes-Minervois le 20 avril 1873 où son père exerce la profession d’instituteur public. Ses parents sont originaires de Trausse-Minervois, un village situé à une dizaine de kilomètres de là. Après son baccalauréat, le jeune homme devient l’élève à Toulouse de l’architecte Eugène Curiale et bénéficie d’une subvention départementale pour l’École des Beaux-arts de Paris. Il réussit le concours d’entrée et fait son apprentissage dans la classe de Gustave Raulin (1837-1910) à partir de 1894. Il en sort diplômé le 17 novembre 1905 et s’établit à Narbonne l’année suivante, 30 quai Vallière, jusqu’en 1931. Il s’installe ensuite à Carcassonne 14, rive gauche du canal, actuellement rue Pierre Sémard.

    Nommé architecte départemental le 1er septembre 1925, Jules Reverdy consacre l’essentiel de ses travaux à l’agriculture. On lui doit la construction de près de soixante-dix caves coopératives dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales. L’Ecole d’agriculture Charlemagne de Carcassonne est bâtie selon ses plans en 1928 par l’entreprise Fiorio. En qualité de membre de la commission des bâtiments publics et de la commission de l’hygiène à titre bénévole, on lui confie la création du Dispensaire de l’hygiène sociale du département de l’Aude à Carcassonne, l’Hôpital-hospice de Lézignan, les habitations à bon marché de Narbonne. Il réalise les monuments aux morts de  Rieux-Minervois en 1922 et de Lézignan-Corbières en 1923, de très nombreux groupe-scolaires, sans compter des bâtiments remarquables comme l’Hôtel des postes, la Chambre de commerce, et la succursale de la Banque de France de Narbonne en 1923.

    En qualité d’architecte des monuments historiques nommé le 15 février 1926, il expertise la cathédrale Saint-Just de Narbonne après l’incendie. Le 26 juillet 1933, il est fait chevalier de la légion d’honneur, après avoir reçu le titre d’Officier de l’Instruction publique. Jules Reverdy a laissé un patrimoine architectural impressionnant dans le département de l’Aude, que nous avons essayé de recenser ci-dessous. Si son nom a été injustement oublié, son œuvre de style Art-Déco doit être désormais étudiée avec précision par tous les étudiants en histoire de l’art. Gageons que nous y contribuons à travers cet article dans l’intérêt de notre héritage patrimonial. Jules Reverdy est décédé en 1957 ; il est inhumé au cimetière Saint-Michel de Carcassonne.

    Écoles et Groupe-scolaires

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    Ecole d’agriculture Charlemagne de Carcassonne (1928)

    Colonie scolaire de La Nouvelle (Aude)

    Peyric-Minervois

    Cruscades

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    Rieux-Minervois

    Trèbes (1933)

    Sallèles-Cabardès (1932)

    Lézignan-Corbières (1933)

    Agrandissement de l’école de Limoux (1932)

    Narbonne

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    Hôtel des postes

    Chambre de commerce

    Prison

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    Station œnologique

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    Banque de France (1923)

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    Palais de Justice

    Caserne de gendarmerie (1934)

    Immeubles à bon marché

    Autres bâtiments

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    Groupe scolaire et Foyer de Trèbes

    Station de pompage de Trèbes (1930)

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    Foyer municipal de Tournissan (1936)

    Postes de St-Laurent de la Cabrerisse (1922)

    Salle des fêtes de Latour-de-France (1923)

    Bains douches de Lézignan

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    Dispensaire d'hygiène sociale à Carcassonne (1940)

    Caves coopératives

    Carcassonne, rue Michelet (1933)

    Tuchan (1920)

    Fraisse-des-Corbières (1920)

    Rieux-en-Val (1929)

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    Lézignan-Corbières (1909)

    Saint-Marcel d’Aude

    Monuments artistiques

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    La nymphe à la source (1905) à Lézignan

    Sources

    La journée de l'Industrie 

    Agorah

    ADA 11 / 4N114

    Légion d'honneur

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2020

  • L'école des sorciers d'Harry Potter n'est-elle pas à Carcassonne ?

    On la croirait sortie de l’imagination de la romancière J-K Rowling et aurait pu servir de décor extérieur pour le tournage des films d’Harry Potter, cette maison atypique dans Carcassonne a toujours suscité de nombreux fantasmes. Découpez ses contours et créez à l’arrière-plan une nuit de pleine lune traversée par quelques chauve-souris, vous aurez une ambiance d’Halloween. Quels secrets sont enfermés dans l’histoire de cette maison ?

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    Fils d’un homme d’affaires issu d’une famille de pareurs de draps, Mathieu Camille Laborde (Carcassonne 1865- Montolieu 1955) naît au domaine de la Madeleine près du hameau de Montredon. Après avoir été admis au concours des Ponts-et-chaussées, il épouse en 1888 Marie Alès (1869-1945), la fille d’un tonnelier originaire de Sigean installé derrière le Palais de justice. Le couple aura deux enfants : Emilie Anne (1887) et Marthe (1896). Mathieu Laborde fait alors l’acquisition d’une maison au n°18 (actuel n°20) de la route minervoise dans lequelle il vit avec sa famille. Lorsque survient le décès d’Adolphe Alès (1834-1890), l’employé des Ponts-et-chaussées décide de quitter l’administration pour prendre la succession de son beau-père. Dans la presse locale, on lit : « Maison Alès aîné, Laborde, gendre successeur. Vente et location de futailles. Route minervoise.

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    Les bureaux de Laborde, n°18 route minervoise

     » Le choix de s’installer dans ce nouveau quartier, à proximité directe du Canal du midi et de la gare de chemin de fer, s’explique d’autant plus que les barriques débarquent directement depuis les quais. La société Vidal frères située à l’angle de l’avenue Foch fabrique des fûts ; Mathieu Laborde propose surtout de louer des wagons-foudres. Adieu le transport par péniches, on achemine le vin par le rail. Laborde a donc parfaitement saisi l’opportunité de transformer l’artisanat de beau-papa en une affaire juteuse. Il fait donc l’acquisition de terrains  derrière la rue Tourtel, appartenant à Pierre Casimir Emile Montpellier, maître de forges à Quillan.

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    © Généanet

    Prosper Montpellier, adjoint au maire de Roullens

    Conseiller général d’Axat et membre du parti orléaniste, Pierre Casimir Emile Montpellier administre également les biens du comte de la Rochefoucauld. Issu d’une famille de propriétaires de Roullens, avec son frère Prosper - marchand de bois - il possède de nombreux terrains à l’arrière de la rue Antoine Marty. Il échange en 1871 avec la ville la couverture de l’aqueduc qui passe dans la future rue Tourtel contre des parcelles pour urbaniser le quartier. C’est ainsi qu’après la mort de Prosper en 1892, en échange des terrains qu’il avait laissés à la ville pour le percement de la nouvelle artère, son nom fut donné à l’actuelle rue Montpellier. En bordure de celle-ci, Mathieu Laborde fait construire les ateliers de sa société de location de futailles. Son développement est tel qu’il créé une succursale à Azille en 1897.

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    Les établissements Laborde vers 1910. Le bâtiment à l'arrière a été détruit au début des années 2000 pour construire la Résidence Montesquieu.

    Trois ans plus tard, Laborde administre la Société méridionale des wagons-foudres, nouvellement fondée au premier étage du Grand café continental. Son siège social s’établit dans ses ateliers jusqu’en 1906, date de leur déménagement au n°40 de la Grand rue (actuel n°38, rue de Verdun).

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    Les tonneliers de chez Laborde

    La fortune aidant, l’entrepreneur ne peut guère se contenter désormais du standing d’une maison sans envergure. Il fait entreprendre au début du XXe siècle la construction d’une maison de maître dans un style Art-nouveau, très inspiré du nord de la France. Elle est très probablement achevée au cours de l’année 1905, au moment où la famille vient y habiter.

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    Le portail a conservé les initiales de Mathieu Laborde

    Nous attribuons l’exécution de cette demeure à l’architecte Léon Vassas, inspecteur des travaux du Grand Palais à l’Exposition Universelle de 1900. Les plans ont pu être dessinés par Charles-Emille Saulnier (1828-1900) et achevés par Vassas, mais en comparant ce que fera plus tard l’architecte montpelliérain à Carcassonne c’est peu probable. Le 25 août 1900, Saulnier annonce qu’il vient de s’assurer pour l’exécution de sa nombreuse clientèle, la collaboration de Léon Vassas. Saulnier se sait malade ; il mourra au mois de décembre 1900. Alors pourquoi Vassas ? Il suffit de regarder l’architecture des Bains douches (1909) et de la maison Lamourelle (1911) pour observer des similitudes dans le dessin.

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    Le n°11 de la rue Montpellier est sans doute le plus beau témoin de l’architecture du début du siècle à Carcassonne. Il s’agit d’une maison meulière à pan coupé, construite avec des matériaux typiques de l’architecture Art-nouveau comme la brique, la céramique, le verre peint.

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    Tout nous renvoie aux habitations observées dans la vieille ville d’Arcachon ou de Nogent-sur-Marne, par exemple. Sur les deux côtés de la façade, on retrouve les Initiales ML entrelacées dans un élégant fer forgé. Son maître d’oeuvre nous a laissé une véritable œuvre d’art !

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    La Société méridionale des wagons-foudres

    Avait-il dissimulé une partie de son argent dans la construction cette maison pour échapper au fisc ? En 1923, Mathieu Laborde est condamné pour dissimulation sur les bénéfices de guerre. La loi du 1er juillet 1916 taxait les bénéfices réalisés pendant le conflit grâce aux commandes militaires, mais l’entrepreneur ne s’était pas départi de la somme de 1 007 924 francs. Condamné par le tribunal correctionnel de Carcassonne à quatre mois de prison et 10 000 francs d’amende, il sera  seulement relaxé en appel de la prison. Les wagons-foudres de Laborde continueront à rouler sous la direction de sa fille, Madame Fabre-Laborde, à la gare de Madame près de Villalbe. Ils disparaitront avec la mort de leur fondateur le 15 juin 1955.

    Sources

    Toujours selon le même travail de recherche que les articles précédents.

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