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  • Le rugby à XIII interdit et spolié par le gouvernement de Vichy au bénéfice du XV

    On se perd très souvent en conjecture lorsqu’on recherche les raisons de la rivalité entre deux rugby. Il suffit pourtant de regarder l’histoire en face et ce qu’elle nous apprend. Les traces de rancune et de frustration contre la Fédération de rugby à XV sont encore vivace ; cette fédération, dont les dirigeants choisirent de collaborer avec le gouvernement de Vichy en 1940 et les nazis afin de dresser les bûchers contre les hérétiques treizistes. Quel fut leur tort ? Surtout, quel fut leur sort ? Là, encore, une petite chronique historique s’impose.

    Le rugby à XIII naquit en Angleterre en 1895 en raison de l’exclusion de la presque totalité des clubs du Lancashire et du Yorkshire évoluant dans la Rugby Union. Ces régions partisanes du « manque à gagner » et du dédommagement des frais médicaux pour les joueurs se heurtèrent aux défenseurs du plus strict amateurisme. Elles créèrent donc une fédération dissidente appelée la Rugby Football League ; celle-ci décida de modifier les règles (suppression de la touche) et réduisit en 1903 le nombre de joueurs dans l’équipe à 13. Elle adopta également deux réformes majeures qui permirent à l’ouvrier de récupérer le manque à gagner par des primes tout en exigeant qu’il conserve son métier. Le jeu ne devait devenir une profession, mais beaucoup de ceux qui le pratiquaient travaillaient à la mine ou à l’usine. La seconde réforme modifia les règles afin que le jeu soit plus loyal que brutal.

    Dans chaque école, les instituteurs firent office de dirigeant, de moniteur et d’arbitre. Le rugby à XIII se pratiqua de 8 à 14 ans, divisé en trois séries d’équipes. Ce seront les futures recrues des grands clubs. Ainsi, le rugby à XIII s’étendit aux provinces puis au monde entier. D’abord en Australe en 1910, en Nouvelle-Zélande en 1912 puis en France en 1934. C’est celle année-là que fut créée le 6 avril la Fédération Française de Rugby à XIII.

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    L'équipe de France de 1934

    Déjà en 1930, l’équipe de France à XV avait été exclue du Tournoi des 5 nations en raison de son jeu brutal. On observa alors la migration de très nombreux joueurs vers le rugby à XIII, jugé plus loyal et bien plus agréable à regarder. Au fur et mesure, le nouvelle fédération s’enrichit au détriment de sa rivale historique, proposant toujours d’indemniser ses joueurs. La grogne, la jalousie et disons-le, la haine, gagna les rangs du rugby à XV prêt à en découdre pour retrouver sa grandeur perdue et ses finances. Aussi, lorsqu’après la débâcle militaire de 1940 la France appela à sa tête le maréchal Pétain, les dirigeants du XV trouvèrent là l’occasion rêvée de se venger du XIII. De la même manière que Pétain réorganisa d’une manière cynique l’ensemble des associations d’anciens combattants sous une unique bannière, son ministre les sports fit de même avec le rugby. Le basque Jean Borotra, ancien champion de tennis et de l’extrême droitière organisation des Croix-de-feu, se chargea le 19 octobre 1940 d’obliger les deux rugby de fusionner. Et, pour sceller la réconciliation, il fut décidé que le dimanche suivant tous les terrains de France joueraient… A quoi ? Je vous le donne en mille : au rugby à XV ! Bien entendu, l’ensemble des gazettes de collaboration encensèrent cette fusion, trop heureuse de s’être débarrassées d’un rugby hérétique accusé de corrompre la jeunesse française. Les deux clubs Basque de XIII, l’AS Côte Basque et le Celtic, n’eurent pas d’autre choix que de passer à XV.

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    Borotra - qui ne sera pas poursuivi après la Libération - obtint même la dissolution de la Ligue de rugby à XIII suivant décret paru au Journal Officiel le 19 décembre 1941 : « La patrimoine de l’association dissoute est transféré sans modification au Comité national des sports, qui en assume toutes les charges et qui sera représenté aux opérations de liquidation par son secrétaire général, M. Charles Denis, Officier de la légion d’honneur. » Frappé d’hérésie, le gouvernement d’extrême droite interdit le XIII et attribua ses fonds, ses terrains et ses joueurs à la Fédération Française de Rugby à XV.

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    Paul Barrière

    Il fallut attendre la Libération pour que le rugby à XIII relevât enfin la tête. Le 26 septembre 1944, sous l’impulsion de MM. Laborde et Galia, la Ligue Française de Rugby à XIII se reconstitua en annonçant l’adhésion de plusieurs clubs, la création de trois divisions ainsi que le retour du championnat et de la Coupe de France. Grâce au Carcassonnais Paul Barrière, vice-président de la Ligue et ancien Résistant, le championnat fut lancé le 5 octobre 1944 avec douze clubs : AS Béziers, AS Carcassonne, AS Côte Basque, Bordeaux XIII, FC Lézignan, RC Albi, Toulouse Olympique, Treize Catalan, USO Montpellier, Villeneuve XIII, Tarbes XIII, Stade Toulousain. Des contacts furent repris avec John Wilson, président de la Rugby Football League. 

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    © Treize mondial

    Puig-Aubert

    Les rancœurs quinzistes demeurèrent, le mois suivant, des procès en moralité furent intenté au XIII accusé de piller les clubs de XV en attirant ses joueurs à coup de billets de banque. A une époque où les français crevaient encore de faim avec le rationnement, l’affaire fit grand bruit. Puig-Aubert, Trescazes et Carrère payés 100 000 francs chacun pour rejoindre l’AS Carcassonne. L’ancien résistant, Paul Barrière, fit observer qu’en terme de moralité le XIII n’avait pas leçon de recevoir du XV… Le 11 avril 1949, la Fédération de Jeu à XIII fut fondée sans pouvoir prétendre à s’appeler rugby à XIII. Il faudra attendre une procédure lancée en 1985 et remportée douze ans plus tard pour retrouver la Fédération Française de Rugby à XIII, malgré l’opposition farouche de Bernard Lapasset, président de la FFR XV. Aujourd'hui, les Dragons Catalans XIII jouent dans le stade Gilbert Brutus, un résistant quinziste perpignanais assassiné par les nazis. Un beau symbole.

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  • Connaissez-vous bien l'histoire du Portail des Jacobins ?

    Contrairement à ce qu’il fut écrit par certains de nos historiens, il ne restait pas seulement l’ancienne Porte Saint-Louis lorsque celle-ci fut démolie afin d’entreprendre la construction de la Porte des Jacobins à sa place. Il existait trois autres portes aux entrées de la Ville basse : La Porte de Toulouse, la Porte des Cordeliers et la Porte des Carmes. Nous n’avons pas recherché ce qu’il advint des deux premières, ni à quel moment elles furent rasées. En revanche, nous affirmons que la destruction de la Porte des Carmes, qui se trouvait en haut de l’actuelle rue Georges Clémenceau, fut décidée postérieurement à celle située à l’entrée de la rue Courtejaire. Le 28 mars 1799, François Blatgier, Président de l’administration municipale, ordonna sa destruction : « Que la porte de ville appelée « Porte de la Liberté » et ci-devant « Porte des Carmes » menaçant d’une chute très prochaine, nombre de citoyens de cette commune demandent la démolition de cette porte pour prévenir le danger. Le citoyen Champagne, ingénieur du département, indique dans son rapport qu’il est dangereux de ne pas prévoir la chute de la voûte par la démolition prochaine, et des piliers de la principale entrée. » L’ensemble des matériaux fut ensuite vendu au plus offrant des enchérisseurs. Il se peut fort bien que certains d’entre-eux ont servi en réemploi à quelques constructions dans la Ville basse.

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    Lorsque l’administration royale céda à la communauté de la Ville basse, les fossés, les tours et les remparts, ont souhaita embellir et transformer les entrées de la Bastide. Bien qu’il fut projeté de créer une porte monumentale de style néo-classique à la Porte des Carmes rendant hommage à l’archevêque Dillon, elle ne put être réalisée. Seule, la Porte des Jacobins, appelée Porte de la Fraternité à la Révolution, sera construite en 1779 selon les plans de Jean Claude Dolbeau (1713-1781), ingénieur de la ville. Marié à Paule Coste, la fille d’Anne Chénier, l’architecte pouvait se prévaloir d’être le cousin par alliance du père André Chénier. 

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    L'armorial à l'extérieur de la Bastide

    Suivant l’adjudication des travaux accordée à Jean Pagnon (1725-1795), ingénieur des Travaux publics à Saint-Paul de Fenouillet, la nouvelle porte devra être bâtie en pierre extraite de la carrière de Pezens. Pierre et Hugues Bernard, maçons et tailleurs de pierre, s’assureront de la parfaite exécution de l’ouvrage dont la dépense a été évaluée à 8238 livres. 

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    L'armorial à l'intérieur de la Bastide

    La réalisation de l’armorial fut l’objet d’un concours que remporta le sculpteur Carcassonnais Pierre Parent (1715-1788) contre l’italien Ripa. Il s’obligea à l’exécuter le 27 septembre 1779 pour la somme de 400 livres. Nous ne disposons aujourd’hui que d’une description sommaire de son œuvre en raison du vandalisme révolutionnaire dont elle fut l’objet en 1789 : « L’écusson extérieur portant les armes du Roi avait 10 pieds de haut sur 9 de large, les cordons de Saint-Louis et de Saint-Michel y étaient sculptés. L’encadrement était formé par des branches de laurier qui durent être substituées aux palmes qui figuraient dans le projet primitif. Celui de l’intérieur, un peu moins grand, était aux armes de la ville, surmontées d’une couronne de comte entourée de branches de lauriers. »

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    © ADA 11 

    La porte et le corps de garde en 1780

    Un siècle plus tard, c’est l’ensemble de la porte qui aurait pu disparaître quand la ville mit à la vente l’ancien corps de garde. Transformé en logement pour les employés communaux, cette maison, accolée à l’ouvrage, permettait d’accéder à l’entablement du Portail des Jacobins. Un des élus du Conseil municipal fit remarquer qu’en cédant cet immeuble, la ville perdait la possibilité de créer un paysage piéton à côté de la porte. Le maire répliqua qu’à défaut de pouvoir obtenir un droit d’accès, on démolira la porte comme le demande l’acquéreur de la maison. Cette affaire discutée lors du Conseil municipal du 7 janvier 1888 en resta là fort heureusement. Il faut bien reconnaître que les immeubles latéraux cachent une grande partie de la porte lorsqu’on monte vers la caserne Laperrine. Louis Fédié dans « Histoire de Carcassonne » publié en 1886 note : « On n’a pas eu le soin d’isoler ce magnifique portique. Il est fâcheux que des constructions latérales nuisent à son bel effet. Si à la place de ces constructions existaient deux passages pour les piétons, l’accès de la ville serait plus facile, et la porte aurait bien plus d’élégance. » Personne ne sera entendu, pas même l’architecte Léopold Petit qui préconisait un élargissement de la rue de la gare afin d’offrir une belle perspective au Portail des Jacobins.

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    Le monument qui n’était devenu qu’un affichoir public, masqué et détérioré par de très nombreuses publicités, finit par obtenir la grâce du Conseil municipal. En 1908, un arrêté interdit l’affichage et des travaux de réhabilitation sont menés par l’entreprise Roucairos. La dernière restauration du Portail des Jacobins a été réalisée en 1994 sous la municipalité Chésa. Elle a également permis la mise à nu de l’ancien rempart grâce à la destruction du kiosque à journaux qui s’appuyait dessus.

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    Les anciens remparts le long du boulevard Roumens

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