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  • Quand la Terreur blanche frappa Carcassonne.

    La nouvelle du désastre de Waterloo arriva rapidement dans le Midi. Royaliste et catholique fervent, notre pays accueillit avec joie la chute de Napoléon. Partout, les partisans de l’empereur se trouvaient désormais pourchassés, sinon lynchés par la foule des villes qu’ils traversaient. Dans les mémoires de Ladislas Levavasseur que nous avons publiées en 2015, le chirurgien-major de Napoléon raconte l’épopée de son retour à Carcassonne :

    « En passant à Montauban, je faillis être assassiné comme bonapartiste. Notre voiture qui était composée de militaires revenant de Waterloo, elle allait être bloquée par la populace. Heureusement que le maître de poste, fit enlever les chevaux à grands coups de fouet ; nous coupâmes la foule, ce qui nous sauva la vie. Nous lui donnâmes tous une bonne gratification. J’arrivais le 8 juillet 1815, le jour de l’entrée du roi dans Paris. Malade pendant plusieurs mois, je ne pus rien faire. »

    A Carcassonne, la démission de Jean Pech-Palajanel entraîna la nomination par Louis XVIII de Paul Airolles aux fonctions de maire. Dominique Reboulh et David-Barrière obtinrent les postes d’adjoints provisoire. Ce dernier - ancien maire d’Alairac - devait se distinguer bientôt comme l’un des plus tyranniques acteurs de la Terreur blanche.

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    La Terreur blanche contre les Républicains

    La réaction timide avant les Cent-jours, s’organisa, et la justice elle-même oubliant qu’elle punit, mais sans servir la vengeance, frappa sans trève, sans merci. Des cours spéciales, appelées Prévôtales, furent instituées dans chaque département pour juger les délits politiques. Tribunal suprême dont les arrêts s’exécutaient immédiatement, enlevant ainsi aux malheureux un dernier espoir de justice. Dans le Midi, la réaction royaliste trouva dans les Cours prévôtales un aide servile. Un mot, un sourire ironique ou une espièglerie suffisaient aux délateurs pour vous faire arrêter, juger et bien sûr condamner.

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    Alphonse Henri d'Hautpoul

    A partir du mois d’août 1815, la Terreur blanche s’abattit sur les anciens serviteurs de la République et de l’Empire. Alphonse Henri d’Hautpoul (1789-1865), nommé colonel de la légion de l’Aude, commanda le département. Sous sa gouverne plusieurs soldats tricolores furent maltraités. Pierre Jacquot rappelle dans « Opposition et Terreur blanche en Hante-Marne » publié en 1981, que « la Cour prévôtale de Carcassonne faisait exécuter cinq gardes nationaux coupables d’avoir dispersé l’année précédente un rassemblement royaliste.’

    La Cour prévôtale de Carcassonne dont les membres furent choisis par le Préfet Trouvé - serviteur de tous les régimes sans aucune vergogne - parmi Albigès (Président), Colonel de Barthès (Prévôt) et Bouichère, Bausil, Durand et Naucadéry (Juges), envoya trois pauvres malheureux à la guillotine. Ce sont les victimes du complot dit des prisons dont nous avons parlé dans un article précédent. Dans ce département où l’on dresse des autels au baron Trouvé, il est bon de rappeler que celui-ci n’hésita pas à faire jeter au feu les bustes et les portraits de Napoléon devant une foule hurlant Vive le Roi ! Vive les Bourbons ! Rien ne fut oublié : guidons des régiments licenciés, drapeaux tricolores de la Préfecture et de l’Hôtel de ville.

    Le clergé qui espérait rattraper ses richesses et son influence d’avant la Révolution, se transforma en une vaste administration de police, d’autant plus puissante et dangereuse qu’elle avait partout ses ramifications. Le plus infime desservant d’une commune rurale envoya, chaque semaine, au curé de son canton, un rapport détaillé sur les faits et gestes, opinions politiques de ses paroissiens. A son tour, le curé résumait ces rapports. Ce résumé passait par l’évêque et arrivait annoté au Comité royal, puissance occulte, pourvoyeuse des Cours prévôtales. Le Comité royal indiquait aux prêtres le sujet des sermons : revendication des privilèges, droits féodaux, etc, abolis pendant la Révolution. Les acquéreurs des biens nationaux furent menacés, anathématisés du haut des chaires. Ainsi la reconstitution des grands domaines, morcelés aujourd’hui, allait ruiner une foule d’individus.

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    Louis XVIII

    Or, dans l’Aude, à Fitou, le desservant M. Jacques Aurussy (1763-1826), prêtre aimé dans sa paroisse bien que soumis à ses supérieurs, essaya de calmer l’inquiétude de ses ouailles qui lui confiaient leurs plus secrètes pensées. Il expliqua dans son prêche du dimanche qu’il était impossible que Louis XVIII soit parjure des dispositions prises à Cambrai en juin 1815. La vente des biens nationaux, solennellement reconnue, rendait sans portée tous les bruits de revendication.

    Trois jours après, ce curé qui avait été dénoncé fut mis en prison et traduit devant la Cours prévôtale, présidée par le colonel de Barthès, chevalier de l’ordre royal de Saint-Louis, de la légion d’honneur et de l’ordre de Saint-Maurice et Lazare. Cet ambitieux répétait à l’envie : « Il faut des exemples. » Et lorsque la victime comparaissait devant lui, avant d’être interrogée, elle entendait cet avertissement : « Dites la vérité, car votre tête m’appartient ! »

    Par arrêt de la Cour royale de Montpellier, du 20 octobre 1815 est accusé de cris et de propos séditieux tenus publiquement, et tenant à exciter la guerre civile, en portant les citoyens à s'armer les uns contre les autres, et à changer ou à détruire le gouvernement royal.

    Lors du procès, Maître Viguier accepta de défendre l’abbé Aurussy et son œuvre se borna à gagner du temps. Il parvint à faire renvoyer l’affaire à la session suivante. A la session fixée, Me Viguier plaida l’incompétence du tribunal en se basant sur les lois canoniques qui veulent qu’un prêtre soit jugé par ses pairs. Par ce subterfuge, l’avocat amena les chanoines présents à demander le renvoi de l’affaire. La Cour se leva pour délibérer ; M. Valette - procureur du roi, soumis à la volonté des chanoines, obtint que le Prévôt se déclarât incompétent. La tête du curé Aurussy ne roulerait pas sous le couperet de la veuve, car le 6 août 1816 le jugement rendu par la cour de Perpignan ne prononça qu’une peine de 15 mois de prison en comptant ceux passés en préventive.

    La Terreur blanche s'arrêta lorsque Louis XVIII renvoya la Chambre introuvable, composée de fanatiques cherchant à rétablir l'Ancien régime et ses privilèges. Elle reste un épisode méconnu de l'histoire de l'Aude.

    Sources

    Bulletin des arrêts : Chambre criminelle, Volume 21

    Abbé Sabarthès, Histoire du clergé de l'Aude, 1939

    Charles Alfred Vidal, La Cour prévôtale de l'Aude, 1872

    Dulaure, Histoire de la Restauration

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  • Claude et Charlotte Julian, deux artistes de grand talent

    Dimanche matin, le téléphone sonne… "Allo ! C’est Charlotte Julian. Oh ! Comme c’est aimable à vous de me rappeler, lui dis-je. Cela fait un moment que j’essaie de vous contacter afin que vous me parliez de votre frère, Claude. Certains de mes amis Carcassonnais m’ont souvent parlé de lui, sans qu’il me soit possible de retrouver sa trace." Ainsi s’enchaîne une conversation de près d’une heure avec Charlotte Julian, artiste dans tous les sens du terme : Chanteuse, actrice et depuis plusieurs années, peintre. Celle qui avait quitté Perpignan dans sa jeunesse pour monter à la capitale vit aujourd’hui à Cannes, où elle peint de belles toiles d’art naïf désormais cotées chez Drouot. « La petite fleur de province » n’a rien perdu de sa gentillesse, ni de son humilité et lorsqu’on cherche à parler de son frère, on ressent une grande admiration pour lui. "C’est un pur, affirme t-elle. Ni l’argent, ni la gloire ne le préoccupent ; s’il a de quoi vivre cela lui suffit pourvu qu’un chevalet se dresse avec sujet à peintre. Le soucis du détail, de la couleur et surtout de la perfection. Jamais il ne cèdera une de ses toiles, s’il la juge non achevée, dit-elle."

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    © enchères-occitanes.fr

    Les parasols (1976)

    De quinze ans son aîné, Claude Julian voit le jour le 8 août 1935 à Perpignan dans une famille nombreuse au sein de laquelle il n’y a pas le sou, mais beaucoup d’amour parental. A l’école des Beaux-arts de la capitale catalane où sa sœur Charlotte suivra ses pas, le jeune homme démontre de grandes capacités pour le dessin. "Mon frère, c’est avant tout un extraordinaire portraitiste, proclame Charlotte. A mes débuts dans la chanson, il a réalisé mon portrait que je garde précieusement chez moi."

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    Charlotte Julian par son frère

    En 1964, Claude Julian illustre le célèbre roman d’Alain Fournier Le grand Meaulnes, aux éditions de la Source : In folio en feuilles, illustré de 19 aquarelles originales (dont 2 à pleine page) peintes sur chaque exemplaire. Un exemplaire de ce livre d’art estimé à 500€ s’est récemment vendu aux enchères à Bordeaux.

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    © Charlotte Julian

    Aquarelle de Claude Julian

    A Saint-Paul-de-Vence, à l’époque où le peintre Marc Chagall habite le village et où le couple Montand-Signoret vient s’y détendre, Claude Julian obtient le Premier grand prix de peinture dans la série Compositions. S’ensuit de nombreuses sollicitations afin que l’artiste catalan expose dans de célèbres galeries helvétiques.

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    © Charlotte Julian

    Toile de Claude Julian

    A Carcassonne où il vient s’établir dans les années 1970, il rencontre un vivier d’amateurs d’art investis dans la culture locale. Parmi ses grands admirateurs, nous citerons le docteur Emile Delteil. Le patron de la clinique du Bastion garde en son domaine du Majou près de Montréal d’Aude, une villégiature où Claude Julian est régulièrement invité. Le Dr Delteil comme tout collectionneur avisé sait dénicher les talents de demain ; ceux dont la cote sera promise à un bel avenir. Après la disparition du médecin, de nombreuses toiles de Julian iront garnir le salon de la maison du directeur, héritier de la clinique. Claude Julian avait également trouvé en Georges Glardon, célèbre galériste installé dans la rue Aimé Ramond, un soutien de poids et de nombreux acquéreurs parmi les plus fortunés de la ville. Etaient-ils tous poussés par leur enthousiasme, ou bien par un bon placement ? L’incompris c’est souvent l’artiste… Souvenons-nous d’Alain Clinard.

    Reportage sur Collioure en 2012 où figure Claude Julian à la fin

    Revenu dans son pays catalan, Claude Julian s’installe dans le village des peintres à Collioure, puis à Port-Vendres. C’est là qu’aujourd’hui, on peut le trouver face au port en train d’achever l’une de ses toiles. A 85 ans, l’artiste passionné vit ainsi dans un quasi anonymat. Toutefois, si son nom ne parle à personne là-bas, il n’est pas un touriste amateur d’art qui ne perçoit son extraordinaire talent. Hélas ! Comme le précise avec tristesse sa sœur Charlotte, "les experts ne s’intéressent pas à la peinture de mon frère parce que ses toiles ne sont pas sur internet." Espérons que cet article donnera une visibilité à l’oeuvre de cet extraordinaire coloriste.

    Je remercie vivement Charlotte Julian pour sa disponibilité et sa gentillesse. 

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  • Claude Cals (1928-2005), avocat et homme de lettres Carcassonnais

    Claude Cals naît en 1928 à Couiza. Elève brillant, il obtient son baccalauréat à l’âge 16 ans et part étudier le droit à Toulouse d’où il sort licencié trois ans plus tard. A 21 ans, il prête serment, enfile la robe d’avocat et s’inscrit au barreau de Carcassonne. Le jeune homme qui avait été éveillé à l’histoire régionale par son professeur de français - un certain René Nelli - et encouragé à écrire par le poète Joë Bousquet, nourrit une véritable passion pour les belles lettres. A côté des compte-rendus d’audience, il n’est pas rare que Cals griffonne des vers… A l’âge de 40 ans, il publie ses premiers essais et des pièces de théâtre sur des personnages épiques qui le fascinent, comme « Don Juan d’Albigès ».

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    Illustration de Jean Camberoque

    Dans « Le rêve foudroyé de Pierre II d’Aragon », illustré par son ami le peintre Jean Camberoque, il met en scène l’échec du roi d’Aragon devant Simon de Montfort. En 1198, Pierre II, comte de Toulouse et Bernard IV, comte de Comminges, se réunissent à Perpignan. C’est cette réconciliation diplomatique, cette union des forces qui, d’après Cals, aurait pu fonder un état occitano-catalan et pérenniser la langue occitane.

    Sur la révolte des vignerons de 1907, « Gloire et mort de Marcelin Albert » inscrit dans le marbre de l’histoire, la vérité dramatique d’une pièce interprétée au Festival de Carcassonne par Jean Davy de la Comédie française en 1987. Nous pourrions également citer « A la bonne heure, Joseph ! » sur le poète paysan Joseph Delteil ou encore, « L’étrange invité de l’abbé Saunière ».

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    Cet homme dont la prose, l’intelligence et l’immense culture se sont évanouies dans les culs-de-basse-fosse de Carcassonne où les sectaires enterrent ceux qui ne pensent pas comme eux, présidait après 1970 l’association Action fidélité au général de Gaulle. Contrairement aux autres héritiers de Nelli, Claude Cals avait choisi de s’opposer au socialisme audois. Lors des élections municipales des 14 et 21 mars 1965, il menait la liste U.N.R qui perdit contre Jules Fil au premier tour avec 30% des voix. Quatre ans plus tard, avec quatre de ses colistiers il entra au conseil municipal suite à une élection complémentaire due au décès du maire.

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    Jean Camberoque et Claude Cals

    Ami de Jean Camberoque, de Claude Marti et du jazzman Jean Osmont, Maître Cals fréquentait des artistes audois de sa trempe dont la jeune génération pourrait s’inspirer. Cet inconditionnel de la musique et de l’art en général, présida l’association « Musique et formes » dans les années 1980 aux côtés d’Isabelle Alay, Louis Andrieu et Claude Serrano dit Claude Musique. Le pianiste Alain Mammozer fit même partie du jury de l’un des concours de piano organisé par l’association.

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    Claude Cals s’est éteint brutalement en mars 2005. Sa lumière éclaire toujours sa fille Odile qu’il a contribué à devenir l’une des danseuses et professeure, parmi les plus doués de sa génération. Quant à son héritage livresque, nous avons tenté ci-dessous d’en dresser un état non circonstancié. Espérons que l’on jouera à nouveau les pièces de Claude Cals…

    Don Juan d’Albigès

    Le rêve foudroyé de Pierre II d’Aragon (4 actes)

    L’étrange invité de l’abbé Saunière (3 actes)

    Gloire et mort de Marcelin Albert

    L’enfant plume

    A la bonne heure, Joseph !

    Jean de Belle Aude (1 acte)

    Le berger des Corbières (œuvre posthume)

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