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  • Fernand Ancely (1927-2005), maire de Carcassonne

    © Guy Anduze

    Né le 24 mars 1927 à Narbonne, Fernand Ancely avait eu la douleur de perdre son frère aîné dans un camp de concentration pendant la Seconde guerre mondiale. Maurice et son ami André Saura s’étaient fait arrêter par la police allemande à la frontière espagnole, alors qu’ils menaient des actions en lien avec la Résistance audoise. A Carcassonne, Fernand entra très tôt comme employé de banque à la Société Bordelaise et gravit progressivement tous les échelons jusqu’au poste de directeur d’agence en 1976. Après la Libération, il fut des premiers à militer au sein des jeunesses socialistes, nouvellement créées dans l’Aude par Georges Guille et Francis Vals. Peu à peu, la S.F.I.O mit un terme à la domination sans partage du parti Radical-Socialiste qui s’était compromis en 1940 en votant les pleins pouvoirs à Pétain. Seule la capitale audoise conserva un maire radical jusqu’en 1965 où Jules Fil parvint au poste de premier magistrat de la ville. C’est à cette époque que Fernand Ancely devint conseiller municipal. Après la mort de Fil auquel succéda Antoine Gayraud, il occupa successivement le poste d’adjoint chargé du personnel puis celui de Premier adjoint au maire.

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    Pendant la maladie d’Antoine Gayraud, il assura l’intérim et après son décès, fut désigné par sa majorité au conseil municipal pour le remplacer. Il fut élu maire de Carcassonne le 26 mai 1981 par 28 voix sur 33 votants, composés par 17 socialistes et 16 communistes. L’opposition n’ayant pas pris part au vote, on peut légitimement penser que les alliés du Parti communistes français ne se sont pas tous ralliés à sa candidature. Jusqu’aux élections du mois de mars 1983, Fernand Ancely poursuivra l’œuvre de son prédécesseur et mènera à bien le projet d’une salle de congrès sur l’emplacement de l’ancien hôpital général. C’est aujourd’hui la salle du Dôme, inaugurée par son successeur en 1985. On peut également mettre le programme d’amélioration de l’habitat, le Conseil communal de la culture, le C.A.R.T (autobus de la ville) aux crédits de Fernand Ancely.

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    La salle du Dôme

    Au moment de la désignation de la tête de liste socialiste pour les élections municipales de 1983, deux candidats déposèrent leur candidature : le maire sortant et le député Joseph Vidal. Avec deux voix de majorité, Fernand Ancely emporta l’adhésion du vote militant sur son concurrent. C’était sans compter sur l’intervention du bureau national du Parti socialiste qui sous l’égide de Jean Poperen, refusa de reconnaître la victoire d’Ancely en validant la candidature de Vidal. Dès lors, ce déni de démocratie interne favorisa l’émergence de deux clans au sein de la section locale, bientôt rivaux. Les ancelistes, forts de leur légitimité dans les urnes, montèrent une liste dissidente avec le maire sortant. De leur côté, les partisans de Joseph Vidal présentèrent leur candidat sous la bannière de l’union de la gauche avec les alliés communistes. Au soir du premier tour, l’ensemble des voix de gauche réunissait près de 60% des suffrages en comptant la liste "Le Cap" de Peytavi (8,6%) et la liste Faye (2%). Arrivé derrière Joseph Vidal (34,18%), Fernand Ancely (15,51%) ne se maintint pas au second tour mais ne donna pas de consigne de vote. La liste d’union de la droite (RPR et UDF) « Carcassonne avenir » menée par Raymond Chésa qui n’avait aucune chance de remporter l’élection, fut élue à la surprise générale le soir du second tour avec 53% contre 47% à Joseph Vidal. « La gauche la plus bête du monde » comme le titre du livre de Georges Guille, venait de se faire hara-kiri à Carcassonne.  

    Ancely Fernand

    Profession de foi du candidat investi par le PS

    S’il est vrai que des électeurs de Fernand Ancely portèrent leurs voix sur Raymond Chésa ou, dans le meilleur des cas, votèrent blanc, toute la défaite ne peut pas leur être imputée. Si le bureau national ne s’était pas mêlé du vote légitime des militants, la ville de Carcassonne serait restée dans leur giron. Loin de se réconcilier, les socialistes carcassonnais mangèrent leur pain noir jusqu’en 2009, soit vingt-six de purgatoire. L’embellie de la victoire de J-C Pérez fut de courte durée en raison de dissension, d’alliés communistes jouant leur propre partition car maris d’être considérés comme la variable d’ajustement électoral. 

    La vie politique de Fernand Ancely s’acheva avec la défaite de Jacques Arino qui, dans un élan de réconciliation, avait pris l’ancien maire sur sa liste comme possible premier adjoint en 1995. Il s’éloigna définitivement de la vie publique et mourut presque dans l’indifférence générale le 8 février 2005. Il fut inhumé civilement trois jours plus tard au cimetière La conte.

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    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2020

  • La boulangerie et minoterie Maymou au Moulin du roi

    La vente de la filature de draps de l’île, de terrains et des bâtiments du Moulin du roi par les héritiers d’Edouard Vié en 1860 avait dispersé l’ensemble des biens entre de nouvelles mains. En bordure du béal sur le bras droit de l’Aude, des minoteries s’installèrent tirant partie de la force hydraulique afin d’extraire la farine selon les procédés mécaniques les plus modernes. Jean Maymou (1849-1911) y créa une miroiterie-boulangerie dans la seconde moitié du XIXe siècle qui devint progressivement la plus importante de la ville. Elle dut néanmoins affronter à plusieurs reprises les tourments d’un fleuve déchaîné par les désordres de la météo. Ainsi par exemple, lors de la terrible inondation de 1891, toute la minoterie fut emportée sous les eaux avec charrettes et chevaux. Le propriétaire subit des pertes matérielles énormes mais parvint tout de même à se relever du désastre.

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    Jean Maymou en haut des escaliers avec le canotier

    Le succès de l’entreprise de Jean Maymou n’allait pas sans susciter des jalousies et des rancœurs parmi ses concurrents qu’elle accusait de sous peser le pain mis à la vente. Ce proche d’Antoine Durand qui figurera sur la liste républicaine progressiste contre Jules Sauzède, obtint du maire qu’il prît le 6 décembre 1890 un arrêté municipal afin de poursuivre les fraudeurs. La menace n’ayant pas eu les effets coercitifs attendus pour stopper la pratique, Jean Maymou fit publier une lettre dans le Rappel de l’Aude et le Petit méridional le 21 février 1892. Dans celle-ci, il s’en prend à ses concurrents qu’il accuse de vendre du pain sans le peser et ainsi de tirer un bénéfice sur les miches portées à domicile.

    "Vous vous rappelez n'est-ce pas que quelques kilos de pain furent achetés chez certains boulangers, où il manqua 160 grammes par kilos. Sur les 300 kilos de pain qu'ils fabriquent, ils en font avec le poids exact, qu'ils ont bien soin d'étaler sur leurs étagères, ceux-là sont vendus chez eux. Les 280 restants, qui ne font pas le poids, bien entendu, sont portés à domicile et le tour est joué."

    La réponse des 49 boulangers de la ville réunit en syndicat ne se fit pas attendre. Elle envoya Jean Maymou et les journaux devant le tribunal pour dénonciation calomnieuse. Le 8 avril 1892, il fut condamné à payer 50 francs d’amende, plus la moitié des frais de justice.

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    Le Moulin du roi avant l'incendie de 1917

    La même année, l’usine de l’île, propriété des Anglais, fut ravagée par un incendie et les ouvriers se retrouvèrent sans travail. La boulangerie Maymou se porta aux secours des sinistrés sans le sou, en leur octroyant un crédit pour qu’ils puissent se fournir en pain. Une telle sollicitude fut communiquée dans le journal en précisant que la concurrence n’avait pas voulu s’aligner sur la générosité de la boulangerie Maymou. Faut-il donc s’étonner qu’un jour passant devant la caserne, Jean Maymou ait été attaqué physiquement ? Il ne dut son salut qu’à l’appui de cavaliers du 17e dragons volant à son secours.

    Là où la boulangerie Maymou faisait dix à douze fournées par jour, ses concurrents n’en produisaient que deux. Doté d’un personnel et de voitures circulant en ville, elle pouvait se permettre de ne pas augmenter le prix du pain et de faire crédit. La concurrence, aidée d’un apprenti qu’elle ne payait pas ou de la patronne, réussissait à faire des bénéfices grâce à la main d’œuvre malgré seulement deux fournées. Jean Maymou réalisait 23,92 francs par fournée ; les autres boulangers 27,92 francs par fournée avec un seul ouvrier. Ce procédé n’a guère changé de nos jours, où des boulangeries qui ont de gros coûts de fonctionnement et de main d’œuvre sont rentables grâce à la quantité de pain produite.

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    Après le décès de Jean Maymou en septembre 1911, puis de sa veuve Marie Tournier sept ans plus tard, les époux Lavie hériteront de la minoterie. Au Moulin du roi, ils sont encore quatre minotiers à la veille de la Seconde guerre mondiale : Guilho, Cals, Borrel et Lavie. Au Moulin neuf, près du Pont vieux, se trouve Armengaud. Après la Libération et jusque dans les années 1960, il n’y aura plus que Boutteville associé à Blanchard.

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  • L'assassinat et les obsèques de Maurice Sarraut à Carcassonne

    © Gallica.bnf.fr

    Le 2 décembre 1943, le fils de l’ancien maire de Carcassonne Omer SARRAUT était assassiné devant sa villa, route de Saint-Simon à Toulouse. Maurice Sarraut avait expiré dans les bras de son frère Albert, après avoir reçu trois balles en pleine tête et plusieurs au thorax. Le patron de la Dépêche de Toulouse, ancien président du parti radical-socialiste, rentrait chez lui vers 18h accompagné par son chauffeur. Au moment où il véhicule se présentait à la grille du domaine, un tireur embusqué déchargeait sa mitraillette en direction de l’illustre journaliste.

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    L'entrée de la villa où fut assassiné Maurice Sarraut

    Maurice Sarraut qui s’était rangé dès 1940 derrière le maréchal Pétain comme bon nombre de fervents républicains membres du parti radical-socialiste, avait pu conserver la direction de son journal acquis à la cause de la collaboration. Les relations entre Sarraut et le gouvernement de l’Etat-français, bien qu’amicales, s’étaient rafraîchies depuis la création de la Milice au mois de février 1943. Les prises de positions et les critiques du vieux journalistes à l’égard du mouvement de Darnand avaient attiré sur lui les plus sérieux périls.

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    L'ancienne villa en 2020

    Pendant que Sarraut se croyait à l’abri du bras séculier de la doctrine Vichyste, les fanatiques fascistes biberonnés depuis longtemps à l’idéologie de l’Action française, ourdissaient leur terrible complot. Henri Frossard, chef de la Milice régionale et persuadé de servir le Christ en servant Pétain, ordonnait à plusieurs de ses sbires la surveillance des frères Sarraut. Parmi eux, Julien Boulanger (1909-1949) - un ouvrier des usines Latécoere - membre du Parti Populaire Français et de la L.V.F et Henri Lefaucheur (1921). Ces deux hommes travaillant également pour la police secrète allemande (Gestapo) seront reconnus coupables et condamnés le 4 août 1949 par le Tribunal militaire de Bordeaux ; l’un à la peine de mort et l’autre, à cinq ans de prison avec sursis. Yves Dousset, l’auteur des coups de feu mortels, avait été abattu le 14 février 1945 par la police à Courbevoie ; ses deux complices qui l’avaient aidé à s’enfuir à bord d’une voiture garée à proximité furent passés par les armes. Il s’agissait de Marcel Saint-Jean et de Giacomini.

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    © ADA 11

    Maurice Sarraut sur son lit de mort

    L’annonce de cet assassinat avait sérieusement ébranlé le pays. Le maréchal Pétain s’était ému de la perte d’un « grand français en réserve ». Pendant plusieurs jours, toute la presse collaborationniste - inutile de le préciser car il n’y avait qu’elle - avait recherché les coupables du côté d’Alger. La propagande désignait les gaullo-communistes comme les responsables de cet  odieux attentat contre un serviteur du pays qu’elle avait peine à regretter. On versait des larmes de crocodiles à Vichy avec tant d’hypocrisie qu’elles n’arrivaient à duper personne. René Bousquet, le chef de la police de Vichy de sinistre mémoire, allait mettre un point d’honneur à retrouver les assassins de son ami personnel. Avec une facilité déconcertante, Henri Frossard et cinq de ses compagnons seront arrêtés le 9 décembre 1943 ; soit une semaine après leur forfait. Ils ne resteront pas longtemps en prison… Bousquet ayant démissionné de ses fonctions le 31 décembre, Darnand les fera remettre en liberté provisoire le 20 janvier 1944.

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    © ADA 11

    Installé dans une chapelle ardente à l’entrée du hall du siège de la Dépêche, le corps de Maurice Sarraut est veillé toute la journée du 5 décembre. Près de 10000 personnes lui adressent un dernier adieu en cette journée, parmi lesquels André Haon (maire de Toulouse) et M. Bézago (Préfet de la Haute-Garonne).

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    Albert Sarraut accueille les anonymes dans le hall

    Le lendemain, la levée du corps s’effectue à 7h40 et prend la direction de Carcassonne pour la cérémonie d’obsèques suivie de l’inhumation. Une foule immense d’anonymes venus de tous les villages de l’Aude patiente sous la pluie à proximité de l’église Saint-Vincent. Monsieur le président du conseil Pierre Laval est représenté par Pierre Cathala, ministre-secrétaire d’état aux finances. René Bousquet est présent au titre d’ami personnel du défunt. Parmi les personnalités politiques nommées par Vichy, MM. Jourdanne (Maire), Emile Marchais (préfet de l’Aude), Bénédetti (préfet de l’Hérault) et Albert Tomey (ancien maire, président du conseil départemental). Après l’absoute prononcée par le chanoine Astruc, le cercueil de Maurice Sarraut est acheminé jusqu’au cimetière Saint-Vincent pour y être inhumé. 

    Le Journal ultra-collaborationniste et antisémite « Je suis partout » relate l’évènement en ces termes : "Les obsèques de M. Maurice Sarraut ont donné lieu à une belle manifestation de solidarité maçonnique. Tous les survivants de la pourriture républicaine étaient présents à Carcassonne ou, du moins, avaient envoyé des messages de sympathie."

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    Sur l’imposant caveau au nom de la famille Sarraut se trouve un bas-relief en bronze, œuvre du sculpteur Auguste Maillard réalisée en 1930.

    Dix années plus tard, le 2 décembre 1953 une plaque en hommage à Maurice Sarraut était dévoilée sur la façade du siège historique du journal. Ce bâtiment situé 57 rue Bayard à Toulouse a été rasé en 1974. Nous ne sommes pas en mesure de dire où se trouve la plaque aujourd’hui. Il s’agissait d’un médaillon sculpté par Alain Gourdon (1930-2014) avec ces mots « A la mémoire de Maurice Sarraut ».

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    Il fut inauguré en présence d’Albert Sarraut, Jean Baylet (directeur du journal), Lucien Caujolle (co-directeur), Madame veuve Sarraut, Mlle Lydie Sarraut, M. Isaac, Roger Caujolle et les anciens de la Dépêche. Ce journal existe toujours sous le nom de La dépêche du midi ; il a racheté l’Indépendant et le Midi Libre.

    Sources

    Fonds Sarraut / ADA 11

    Je suis partout

    La dépêche du midi / 1949 et 1953

    Archives du journal Le monde

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