Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Jules Sauzède (1844-1913), député-maire de Carcassonne

    Sa famille vient habiter Carcassonne au début du XIXe siècle lorsque Napoléon Sauzède (1806-1863) quitte Quillan pour s’installer comme médecin dans la capitale audoise. Uni à une riche rentière, il dispose du domaine de la Bouriette avec ses hectares de vignes, ses domestiques et ses métayers. C’est dans ce creuset familial, éloigné des préoccupations financières du quotidien, que naît Jules Antoine François Sauzède le 19 juillet 1844. A l’image de la bonne société de cette époque, l’enfant est tiré à quatre épingles. Il poursuit ses études, pratique l’escrime, l’équitation et se passionne avec curiosité pour les inventions de son temps ; le vélocipède, par exemple, pour lequel il fonde la Société Vélocipédique de l’Aude en 1868.

    Jules.jpg

    Jules Sauzède vers 1870

    Cette inclinaison naturelle vers la pratique sportive se fortifie avec un élan patriotique qui, chez Jules Sauzède, apparaît dès son plus jeune âge. Il a eu connaissance des récits familiaux glorifiant la Grande armée de l’illustre empereur à la conquête des cours royales d’Europe. Il fallait alors exporter les idées de la Révolution. Lorsqu’en 1870 la guerre franco-prussienne éclate, Jules Sauzède s’engage comme lieutenant dans le 83e régiment de marche des mobiles de l’Aude (1er bataillon - 2e compagnie). Avec ses troupes à l’Est, il fait preuve d’un grand courage et sera promu au grade de capitaine avant de rentrer à Carcassonne avec le drapeau de son régiment. Il fait alors la rencontre de Marguerite Antoinette Clergue (1851-1926) avec laquelle il se marie le 28 avril 1875. Louis naîtra de cette union l’année suivante et disparaîtra en 1956 sans descendance. 

    Jules Sauzède partage alors son temps entre son hôtel particulier de la rue Victor Hugo et son domaine de la Bouriette, richement garni de mobilier ancien et de tableaux. Les œuvres de Gamelin y côtoient celles d’Emile Roumens, le peintre qui a épousé Rose, la sœur de Jules. Celle-ci uniera sa fille Clémence à un fils Durand, parent du futur maire de Carcassonne. C’est d’ailleurs avec Antoine Durand que Jules Sauzède fait ses premiers pas en politique dès 1890, lorsqu’il figure sur sa liste de l’Alliance Républicaine et Socialiste. Le fondateur de la société de gymnastique l’Avenir, prônant la culture physique comme moyen d’élever les hommes vers l’amour et la défense de la patrie, se présente donc comme socialiste. Il a jeté par-dessus les moulins son éducation catholique, défend la cause ouvrière tout en protégeant les intérêts de la viticulture avec laquelle il possède quelques intérêts. C’est un homme ambitieux qui bientôt va renier son soutien à Durand pour se rapprocher des radicaux, s’allier à Faucilhon et ravir la mairie aux Opportunistes en 1896. L’alliance des républicains contre les réactionnaires après la crise municipale liée au mandat de Jourdanne, a fait long feu. Poussé par Sarraut et sa propagande journalistique, Sauzède parvient à exclure Durand du second tour des municipales. Les radicaux-socialistes possèdent les clés de la ville ; ils ne les rendront que quatorze années plus tard.

    jules 2.jpg

    Au cours de ces trois mandats, la municipalité Sauzède multiplie les réalisations sans trop se soucier des emprunts, ni d’une dette qui obère les comptes de la ville. Elle bâtit son socle électoral sur une politique d’embauches de fonctionnaires communaux et de soutien aux petits propriétaires viticoles. Elle refuse systématiquement toute aide à l’école privée et renâcle à verser les salaires aux chapelains ; ces dispositions préfigurent la loi de séparation de l’église et de l’état portée dès 1896 par Emile Combes, Ministre des cultes. C’est d’ailleurs cette loi de 1905 que Jules Sauzède défendra à la Chambre des députés après son élection au mois d’avril 1902. Menant de front la gestion de la ville, confiées à Faucilhon, et les textes législatifs, Jules Sauzède défend la réduction du service militaire et la création d’un impôt sur les revenus. Lorsque les intérêts viticoles de sa région sont en jeu, il n’hésite pas à prendre partie pour celle-ci tout en prenant soin de ne pas se mettre le gouvernement à dos. L’épisode le plus signifiant reste sans aucun doute celui du mois de juin 1907 au cours duquel son premier adjoint, Gaston Faucilhon, jeta son écharpe tricolore à la foule et engagea la démission des municipalités du midi. Ce coup d’éclat entraîna Sauzède vers une défiance envers le pouvoir à laquelle il ne s’associa que du bout des lèvres. 

    Préféra t-il le confort prestigieux de la Chambre des députés à son bureau à l’hôtel de ville ? Le cours de l’histoire nous apprend qu’après avoir retiré sa démission, il perdit la ville l’année suivante mais resta député jusqu’à sa mort. Jules Sauzède s’était accommodé des deux lois votées pour enrayer la crise viticole, avait exprimé ses regrets aux victimes de la révolte, prié les pouvoirs publics de libérer Ferroul et les membres du Comité d’Argeliers. Gaston Faucilhon résolument frondeur aux côtés des ouvriers ne reprit pas sa démission avant la fin du conflit. Il se fit élire maire et le resta jusqu’en 1919.

    Jules Sauzède.jpg

    Jules Sauzède qui devait être élu sénateur en remplacement de Dujardin-Beaumetz, prit froid lors d’une tournée électorale durant l’automne 1913. Les docteurs Gout et Tomey se relayèrent à son chevet, mais une congestion pulmonaire l’emporta le 12 décembre. Il fut ensuite inhumé civilement dans le cimetière Saint-Michel. En son hommage, la municipalité d’Albert Tomey donna son nom à la rue du Mail, le 8 juin 1920.

    Sources

    Les maires de Carcassonne / Martial Andrieu / Ouvrage à paraître

    ______________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2020

  • La Belle Hélène de Carcassonne est Catalane !

    En 1902, le sculpteur catalan Raymond Sudre (1870-1962), auréolé par son Prix de Rome obtenu deux ans plus tôt, réalisa une statue en marbre de carrare intitulée : Hélèna, cité roussillonnaise rêve à son antique splendeur. Cette œuvre primée par l’Académie des Beaux-arts représente l’allégorie de la cité d’Elne dans les Pyrénées-Orientales. Au IIIe siècle, après le séjour de l’empereur Constantin 1er, la ville d’Illibéris prendra le nom de Castrum Helenæ, en hommage à la mère de l’empereur.

    Capture d’écran 2020-07-06 à 16.31.29.png

    © Musée de Perpignan / Fonds Josep Puig

    Raymond Sudre devant sa maquette

    A l’origine, la statue devait orner le nouvel édifice de la salle des fêtes d’Elne, baptisée « Hélèna ». Or, la ville qui s’attendait à une représentation de la sainte canonisée en tant que première impératrice romaine convertie au christianisme, s’aperçut que l’artiste avait au contraire réalisé une Belle Hélène, dans une posture lascive. Les réactions de rejet parmi la population ont contraint la municipalité a refuser cet œuvre. C’est ainsi que quatre années plus tard, elle rejoignit Carcassonne où elle fut déposée grâce à Dujardin-Beaumetz, Ministre des Beaux-arts.

    Chacun d’entre-nous connaît parfaitement l’histoire de notre ville pour tout ce qui concerne l’entretien et la valorisation de son patrimoine culturel, n’est-ce pas ? L’œuvre de l’illustre sculpteur n’était pas en nos murs depuis trois ans à peine, que l’artiste s’émut du sort réservé à sa Belle Hélène. Il rédigea alors un courrier au maire Gaston Faucilhon dont voici la teneur :

    "J’avais pris le soin de modeler en plâtre gratuitement une maquette ; j’ai fait deux voyages à Carcassonne, signalé l’emplacement qui conviendrait le mieux, indiqué le rideau de verdure nécessaire pour mettre l’oeuvre en valeur ; il n’a été tenu aucun compte de mes indications. Vous comprendrez combien il est pénible pour un artiste lorsqu’il a peiné un an ou deux sur une œuvre, lorsqu’il a eu la joie de voir ses efforts couronnées au Salon, de voir la façon avec laquelle vos prédécesseurs (NDLR : Jules Sauzède) ont procédé à sa présentation au public. Si vraiment la ville de Carcassonne ne voulait pas faire autre chose, autoriseriez-vous au moins la municipalité de ma ville natale (Perpignan) à la réclamer pour la promenade des Platanes ; en échange on pourrait peut-être obtenir pour Carcassonne une autre œuvre du ministère ?"

    Capture d’écran 2020-07-06 à 17.54.45.png

    Une copie en bon état se trouve dans l'Hôtel Pams de Perpignan

    Sudre avait imaginé une décoration qui consistait à encadrer Hélèna entre deux colonnes réunies par une architrave et formant portique. Tout autour des plantes auraient grimpé, mais on a placé la statue à cet endroit sur un socle sans esthétique. Il semblerait que la municipalité de l’époque n’ait eu rien à faire de l’œuvre de Sudre, puisqu’elle projeta de l’enlever pour y placer un monument au député-maire socialiste Théophile Marcou. Rien ne se fit et Hélèna demeura au fond de ce Jardin des plantes devenu Square André Chénier pendant des décennies.

    Capture d’écran 2020-07-06 à 16.33.44.png

    En 2007, la statue qui avait subi les ravages du temps et surtout la malveillance des hommes, fut déposée par l’entreprise Audabram et mise à l’abri dans ses ateliers. La ville de Carcassonne décida de la faire restaurer par Monsieur Pontabry, sous l’égide du Ministère de la culture. Une affaire municipale fâcheuse ne permit pas de la réinstaller de suite ; la statue d’Hélèna ne sera sortie de sa retraite qu’en décembre 2010. Le maire J-C Pérez choisit alors le square Gambetta pour son nouvel emplacement, en lieu et place du monument à la Résistance audoise. Cinq ans plus tard, la municipalité Larrat désireuse de refaire ce square tant décrié, fit à nouveau déposer la statue par l’entreprise Del Bano de Limoux. En 2016, Hélèna revint à Carcassonne mais cette fois sur la partie Ouest du square Gambetta, face au Musée des Beaux-arts où elle se trouve de nos jours.

    sudre.jpg

    Sources

    Le courrier de l'Aude / 1906, 1909, 1913

    La dépêche / 2010

    Pays Catalan France 3

    _____________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2020

  • La démocratie municipale à l'épreuve du temps...

    Morgane Larroux remet l'écharpe de maire à G. Larrat, vendredi 3 juillet 2020

    Les élections municipales de 2020 ont mis en évidence dans le programme des listes progressistes, le désir de mener une politique tournée vers la citoyenneté participative. Autrement dit, la promesse d’associer la population aux décisions engageant la responsabilité de la commune. Dans les faits, plusieurs municipalités et depuis longtemps déjà organisent des réunions au sein de comités de quartiers ; ce phénomène existe et n’est pas nouveau. Disons que l’actualité des derniers mois en a peut-être fait un argument de vente électorale qui, dans certains cas, a su attirer les électeurs. La démocratie s’exprime par la représentativité du peuple au sein d’une assemblée élue prenant des décisions en son nom. Avant la Cinquième République, les assemblées étaient élues à la proportionnelle, aucune majorité ne se dégageait et l’on était contraint de trouver des alliances pour gouverner. Lorsque ces alliances de circonstances ayant donné lieu à des marchandages de boutiquiers tombaient, le Président du conseil des ministres démissionnait. 

    Au conseil municipal de Carcassonne et jusqu’en années 1960, le maire radical-socialiste fut obligé de composer avec la S.F.I.O et le M.R.P pour s’assurer une majorité. Entre 1947 et 1953, l’assemblée municipale fut dissoute par deux fois à cause de dissensions sur le budget. Le 26 avril 1953, le scrutin donna 9 sièges au Parti communiste, sept à la S.F.I.O, 9 aux Radicaux-socialistes et 4 au M.R.P. Lors de l’installation du conseil municipal le 11 mai, c’est Jules Fil qui devint maire avec l’apport des voix du M.R.P et du P.C. Ces mêmes chrétiens-démocrates qui jusque-là gouvernaient avec les radicaux. Après avoir entonné l’Internationale dans la salle du conseil, on chanta l’Ave Maria et Jules Fil sortit conspué par la foule. La S.F.I.O réussit ainsi le coup de Jarnac en s’installant aux commandes de la ville sans en avoir reçu totalement le mandat du peuple. Lors du scrutin de 1959, Jules Fil monta sa liste « L’Union des gauches » avec les communistes et parvint à se faire élire sans le M.R.P, ni des radicaux réduits à la portion congrue. Les socialistes s’installèrent à la tête de la commune jusqu’en 1983. Ils gouvernèrent jusqu’en 1983 avec le Parti communiste sans aucune opposition municipale. En effet, la loi électorale qui avait changé, assura à toute liste victorieuse la totalité des sièges au conseil municipal. Nous étions donc passé d’une assemblée ingouvernable sous la IVe République, à une assemblée incontrôlable sous la Ve. 

    Carcassonne fut ainsi gérée pendant vingt-quatre années par un exécutif vantant la concertation démocratique de la population, mais qui dans un même temps ne permit pas à l’opposition de contrôler son action, ni de s’exprimer. Ce pouvoir tout puissant se retrouvait même au sein des comités de quartier, dans lesquels on retrouvait majoritairement des sympathisants du parti dominant. N’oublions pas qu’il détenait également le département de l’Aude.

    Il faudra attendre l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 pour voir enfin la loi électorale évoluer vers davantage de représentativité dans les conseils municipaux. C’est tout le paradoxe pour Carcassonne, puisque la ville basculera à droite en mars 1983. Le 13 juillet 1982, un nouveau mode scrutin, toujours en vigueur pour les élections municipales, changea totalement l’attribution des sièges pour les villes de plus de 30 000 habitants. Le texte stipule que cette réforme permettra de dégager une majorité réelle, conditions indispensable à la gestion de la commune. Les conseillers municipaux seront désormais élus au scrutin de liste à deux tours.

    Au premier tour comme au second tour, la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés obtiendra la moitié des sièges au conseil municipal. Le reste sera réparti suivant le système de la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne entre toutes les listes ayant réuni au moins 5% des suffrages exprimés.

    Loin de l’anarchie de la proportionnelle intégrale, ce système permet d’assurer la représentativité et la diversité des opinions tout en conservant une majorité pour gérer les affaires communales. L’opposition participe à des commissions, contrôle l’exécutif et s’exprime dans les bulletins municipaux. 

    _____________________________

    © Tous droits réservés / Musique et patrimoine / 2020